Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le prestataire n’a pas été victime d’une fraude d’identité. La Commission a annulé à juste titre les deux périodes de prestations.

[3] La Commission a prouvéNote de bas de page 1 que le prestataire a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs.

[4] La Commission a déterminé à juste titre d’imposer une lettre d’avertissement, une sanction de 5 000,00 $ et un avis de violation.

Aperçu

[5] Le service de déontologie de Service Canada a ouvert une enquête qui a révélé que de nombreux relevés d’emploi produits sous neuf noms d’entreprises différentes étaient frauduleux. Il n’y avait aucune preuve d’entreprises authentiques ni de travail exercé pour l’ensemble de ces entreprises.

[6] La Commission soutient que le prestataire a soumis des relevés d’emploi frauduleux pour présenter deux demandes de prestations en 2009 et 2010 (GD3‑108 à GD3‑121). Par conséquent, la Commission a annulé les périodes de prestations antérieures débutant le 11 octobre 2009 et le 10 novembre 2012.

[7] La Commission a imposé des sanctions pécuniaires de 5 000,00 $ et de 447,00 $ pour avoir fait 23 fausses déclarations et elle a émis un avis de violation classé comme étant [traduction] « grave » (GD3‑87 à GD3‑89). Un avis de dette a été émis au prestataire (GD3‑90). Toutefois, après révision, la Commission a annulé la sanction de 447,00 $ imposée pour fausse déclaration et l’a remplacée par une [traduction] « lettre d’avertissement » sans sanction pécuniaire, car elle a été imposée par erreur et ne respectait pas le délai de 36 mois (GD3‑285 et GD3‑286).

[8] Le prestataire affirme que la Commission avait tort puisqu’il n’a jamais demandé ni touché de prestations d’assurance-emploi étant donné qu’il travaille pour son compte depuis 30 ans. Le prestataire a soutenu que son nom de famille avait été mal écrit dans la documentation. Il prétend qu’une femme dénommée I. C. est à l’origine de la fraude, a rempli ses déclarations de revenus en 2010 et a volé ses renseignements personnels pour présenter deux demandes de prestations d’assurance-emploi.

Questions préliminaires

[9] L’affaire a été instruite aux deux dates suivantes : le 29 juillet 2019 et le 19 août 2019. La première audience a été ajournée après environ deux heures de témoignage, car le représentant du prestataire a constaté qu’il n’avait pas reçu tous les documents que le Tribunal avait envoyés. Le dossier indique que les documents ont été envoyés au représentant par courriel. Cependant, à cause d’un problème lié au serveur informatique, le représentant ne les a pas reçus avant l’audience. Pour cette raison, le prestataire et son représentant n’étaient pas prêts à procéder à l’audience parce qu’ils n’avaient pas examiné tous les documents. Le Tribunal a ensuite envoyé une deuxième copie des documents à une autre adresse courriel du représentant, et une copie papier des documents manquants a été envoyée par la poste.

[10] Une interprète a assisté à l’audience en personne aux deux dates.

[11] À la fin de l’audience du 19 août 2019, le représentant du prestataire a commencé à présenter ses observations orales finales, mais en raison de contraintes de temps liées à l’endroit où se tenait l’audience, il n’a pas pu présenter l’ensemble de ses observations. Par conséquent, le prestataire et son représentant ont consenti à présenter leurs observations finales par écrit après la date de l’audience.

[12] Le Tribunal a reçu les observations finales par écrit du prestataire le 26 août 2019, et une copie a été envoyée à la Commission le 27 août 2019 (GD7‑1 à GD7‑3). La Commission a envoyé ses observations en guise de réponse le 30 août 2019, et une copie a été transmise au prestataire et à son représentant le jour même (GD8‑1 à GD8‑4).

Questions en litige

[13] Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il été victime d’une fraude d’identité?

[14] Question en litige no 2 : L’intimée a-t-elle annulé à juste titre les périodes de prestations débutant le 11 octobre 2009 et le 28 novembre 2010?

[15] Question en litige no 3 : Le prestataire a-t-il sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans ses demandes de prestations, ses relevés d’emploi et ses déclarations?

[16] Question en litige no 4 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé une lettre d’avertissement, une sanction pécuniaire de 5 000,00 $ et un avis de violation classé comme étant [traduction] « très grave »?

Analyse

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il été victime d’une fraude d’identité?

[17] Non, le prestataire n’a pas été victime d’une fraude d’identité, car j’estime qu’il était plus probable qu’improbable qu’il était impliqué dans la fraude liée aux prestations d’assurance‑emploi.

[18] Le prestataire nie toute implication et prétend que c’est une femme dénommée I. C. qui est à l’origine de la fraude et qui a rempli sa déclaration de revenus de 2010. Il a précisé que son comptable habituel n’était pas disponible pour remplir sa déclaration de revenus cette année-là et qu’un ami l’avait dirigé vers I. C. Le prestataire a rémunéré celle-ci pour ses services, mais il n’a obtenu aucun reçu. Il a déclaré que son comptable habituel remplit ses déclarations de revenus depuis 15 à 20 ans, sauf en 2010 où elles ont été remplies par I. C.

[19] Le prestataire a affirmé qu’I. C. avait volé ses renseignements personnels sur sa déclaration de revenus et qu’elle avait dû présenter deux demandes de prestations d’assurance‑emploi en son nom. Toutefois, il a souligné qu’il y avait des erreurs : son nom de famille n’était pas écrit correctement sur différents documents (lettre « e » au lieu de « a »), il n’était pas en union de fait avec I. C. comme le précisait sa déclaration de revenus de 2010 et la signature sur celle‑ci était fausse.

[20] Le prestataire soutient que la Commission n’a pas prouvé que les prestations d’assurance‑emploi avaient été déposées dans son compte bancaire.

[21] La Commission a appelé l’enquête [traduction] « projet sans plomb ». Celle-ci a révélé que de nombreux relevés d’emploi produits sous neuf noms d’entreprises différentes étaient frauduleux et qu’il n’y avait aucune preuve d’entreprises authentiques ni de travail exercé pour l’ensemble de ces entreprises.

[22] La Commission soutient que le prestataire a participé de son plein gré à la fraude liée à l’assurance-emploi avec I. C. Le prestataire a utilisé les relevés d’emploi frauduleux pour présenter deux demandes de prestations d’assurance-emploi en 2009 et 2010. Les deux périodes de prestations en 2009 et 2010 ont été annulées par la Commission, ce qui a entraîné le versement de trop-payés substantiels au prestataire.

[23] La Commission s’est fondée sur ses notes d’enquête, ainsi que sur les déclarations des propriétaires de deux entreprises identifiées dans les relevés d’emploi utilisés pour présenter les demandes en 2009 et 2010. Les deux propriétaires ont nié avoir produit des relevés d’emploi pour le prestataire, ainsi que d’autres documents découverts dans le cadre de l’enquête.

[24] Voici certains éléments de preuve documentaire sur lesquels la Commission s’est fondée pour appuyer ses allégations :

  1. Une déclaration de la part de la propriétaire de l’entreprise figurant sur le relevé d’emploi selon laquelle elle a été interrogée. La propriétaire a attesté qu’elle n’avait ni produit ni autorisé les relevés d’emploi, y compris celui utilisé pour présenter une demande de prestations (GD3‑61 à GD3‑78).
  2. Une déclaration de la part du propriétaire de l’entreprise figurant sur le relevé d’emploi selon laquelle il a été interrogé. Le propriétaire a attesté qu’il était le seul propriétaire de l’entreprise depuis 26 ans, que l’entreprise avait fermé ses portes quatre ans auparavant, que personne n’avait travaillé pour lui et qu’il n’avait produit aucun relevé d’emploi, y compris celui utilisé pour présenter une demande de prestations (GD3‑118 à GD3‑121).
  3. Des notes détaillées de l’enquête sur fraude concernant les neuf entreprises (GD3‑45 à GD3‑51).

[25] La Commission conteste que le prestataire a été victime d’une fraude d’identité, car celui‑ci n’a pas agi comme une personne qui prétend avoir été victime d’un vol d’identité. La Commission souligne que le prestataire n’a pas fourni tous les documents requis lorsqu’elle l’a demandé, qu’il n’a pris aucune mesure préalable pour signaler le vol d’identité et qu’on a dû lui rappeler à maintes reprises de déposer un rapport de police et de demander une trousse en cas de fraude liée à l’assurance sociale pour ouvrir une enquête.

[26] La Commission soutient qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve d’activités de la part du prestataire. Plus précisément, le prestataire a exercé ses droits et responsabilités en rapportant qu’il était allé à l’extérieur du pays. Il a participé à une séance d’information où son identité avait été vérifiée et il a changé son adresse résidentielle à plusieurs reprises alors qu’il touchait des prestations.

[27] La Commission soutient que le prestataire a signé et rempli sa déclaration de revenus de 2011, qui comprenait sa déclaration de revenus d’assurance-emploi de 2010. Le prestataire n’a pas demandé à l’Agence du revenu du Canada (ARC) de réévaluer ou de recalculer ses déclarations de revenus de 2010 ou 2011 même s’il conteste le fait qu’il a reçu des prestations de l’assurance‑emploi, comme le précisent ses déclarations de revenus.

[28] La Commission soutient que pour présenter une demande de prestations, toute personne a besoin du nom de jeune fille de sa mère, soit une information qu’I. C. n’a pas pu trouver dans la déclaration de revenus de 2010 du prestataire.

[29] La Commission est d’accord avec le prestataire que les prestations d’assurance-emploi n’ont pas été directement déposées dans ses comptes bancaires personnels. Elle soutient qu’elles ont été déposées dans le compte bancaire d’I. C., qui était désignée comme la conjointe de fait du prestataire sur ses déclarations de revenus et qui a signé les déclarations de revenus.

[30] Le témoignage du prestataire à ce sujet ne m’a pas convaincue, car je ne l’ai pas trouvé convaincant ou crédible pour les motifs suivants.

[31] J’ai demandé au prestataire pourquoi il était urgent de remplir sa déclaration de revenus de 2010 et pourquoi une femme inconnue dénommée I. C. aurait rempli ses déclarations de revenus. J’ai noté qu’il semblait faire affaire avec son comptable habituel depuis près de deux décennies. Le prestataire n’a fourni aucune réponse ou explication claire à ma question, mis à part le fait qu’il devait remplir sa déclaration de revenus en 2010. Il n’a pas pu expliquer pourquoi son comptable habituel n’avait pas rempli sa déclaration de revenus et il n’a fourni aucune preuve pour appuyer le fait que son comptable ne pouvait pas le faire à ce moment-là.

[32] J’ai demandé au prestataire pourquoi I. C. était désignée comme sa conjointe de fait sur sa déclaration de revenus de 2010 et qu’un feuillet T4E, soit l’ [traduction] « État des prestations d’assurance-emploi et autres prestations » (T4E) accompagnait sa déclaration. Selon ce feuillet, le prestataire a reçu des prestations d’assurance-emploi totalisant 17 183,00 $ en 2009 (GD3‑235 à GD3‑250). Le prestataire a affirmé qu’il n’avait pas remarqué qu’I. C. était désignée comme sa conjointe de fait ni qu’un feuillet T4E avait été soumis avec sa déclaration de revenus. Toutefois, je n’étais pas convaincue, car la première page de la déclaration de revenus précisait qu’I. C. était la conjointe de fait du prestataire, une information clairement visible étant donné qu’elle n’était pas cachée dans sa déclaration de revenus. De plus, le feuillet T4E a été ajouté à sa déclaration de revenus, ce qui signifie que le prestataire doit en avoir eu une copie afin de le soumettre avec sa déclaration de revenus de 2011.

[33] J’ai demandé au prestataire s’il avait demandé à l’ARC de réévaluer ses déclarations de revenus puisqu’il prétend qu’I. C. est à l’origine d’une fraude d’identité et que les renseignements figurant sur ses déclarations de revenus ne sont pas exacts. Il m’a répondu que non et n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pris aucune de ces mesures. Je note que la Commission lui a demandé de soumettre ses déclarations de revenus de 2009 à 2011, ainsi que ses avis de cotisation et de nouvelle cotisation, mais le prestataire a seulement présenté ses déclarations de revenus (GD3‑282). Il n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas obtenu ni soumis les documents qu’il avait en sa possession ou qu’il aurait pu facilement obtenir auprès de l’ARC.

[34] Le prestataire n’était pas en mesure d’expliquer comment I. C. avait obtenu le nom de jeune fille de sa mère. Celui-ci n’apparaît pas dans sa déclaration de revenus de 2010. Cette information est nécessaire pour présenter une demande de prestations d’assurance-emploi. Une demande de prestations a été présentée en 2009 et en 2010, et la Commission affirme que le nom de jeune fille de la mère du prestataire a été utilisé dans le cadre de ces deux demandes. La réponse initiale du prestataire était qu’I. C. avait volé ses renseignements personnels figurant sur sa déclaration de revenus pour présenter la demande frauduleuse. Toutefois, il a modifié sa réponse lorsque je lui ai dit que la Commission avait affirmé que le nom de jeune fille de sa mère était nécessaire pour présenter une demande de prestations. Le prestataire a alors dit qu’I. C. lui avait peut-être demandé le nom de jeune fille de sa mère et qu’il lui avait donné. La réponse du prestataire ne m’a pas convaincue parce qu’il n’avait aucun souvenir précis de ce qu’il avançait et qu’il semblait avoir modifié sa réponse seulement après avoir su que le nom de jeune fille de sa mère n’était pas un renseignement figurant sur sa déclaration de revenus.

[35] Je note que le prestataire n’a pas rapidement signalé la fraude d’identité après s’en être rendu compte. La Commission lui a dit à maintes reprises de le signaler à la police, mais le prestataire a tardé à le faire (GD3‑138 et GD3‑140). Le rapport de police sur l’incident, daté du 22 juin 2017, énonce ce qui suit : [traduction] « Le plaignant a reçu une lettre de l’Agence du revenu du Canada précisant qu’il doit rembourser 35 000,00 $ à l’assurance-emploi. Le plaignant a affirmé que sa déclaration de revenus avait été remplie en 2010 et qu’il avait des problèmes liés au vol de son identité depuis » (GD2‑8 à GD2‑12). Le prestataire a expliqué qu’il avait tardé à signaler la fraude à la police parce qu’il avait dû se rendre à divers postes de police. Lorsqu’il a finalement signalé l’incident à la police, il a donné des détails précis, tels que des renseignements liés à l’assurance‑emploi et à l’ARC, ainsi qu’un remboursement de 35 000,00 $ et un revenu. Il n’a toutefois pas mentionné le nom d’I. C. comme étant la personne ayant prétendument volé son identité. Il n’a fourni aucune explication raisonnable pour cette omission lorsque je l’ai interrogé sur le sujet. Je lui ai demandé s’il avait fait un suivi auprès de la police ou de la personne responsable de l’enquête dont le nom figurait sur le rapport d’incident pour connaître l’état et l’issue de l’enquête sur fraude. Il m’a répondu que non, ce que je juge étrange compte tenu de la gravité de son allégation et du fait qu’un ami l’avait dirigé vers I. C. Le prestataire aurait pu donner le nom d’I. C. à la police, ce qui aurait pu être un élément de preuve important pour l’enquête. Cette grave omission peut donner à penser qu’il n’a peut-être pas voulu dénoncer I. C. à la police compte tenu de leur relation.

[36] Le prestataire a soutenu qu’I. C. était une fraudeuse connue qui avait déjà été incarcérée, mais il n’a fourni aucune preuve pour appuyer cette déclaration. Même si elle était une fraudeuse connue, le prestataire n’a jamais expliqué pourquoi il n’avait pas donné ces renseignements à la police.

[37] Le rapport de police sur l’incident que le prestataire a déposé est également partiellement caviardé. Il y a des informations que je ne peux pas lire parce qu’elles ont été rayées en noir. J’ai interrogé le prestataire à ce sujet lors de la première audience et il a répondu qu’il ne connaissait pas le contenu du rapport et qu’il ne s’était pas informé sur le sujet. À la deuxième audience, le prestataire a déclaré qu’il était retourné au poste de police pour se renseigner au sujet des passages caviardés et qu’on lui avait dit qu’il pouvait présenter une demande d’accès à l’information pour connaître le contenu du rapport. Je lui ai demandé s’il avait présenté une demande d’accès à l’information. Il m’a répondu que non, mais que le Tribunal ou la Commission pouvait en faire la demande.

[38] Le prestataire a soutenu que la Commission n’a pas prouvé que les comptes bancaires dans lesquels les prestations de l’assurance-emploi avaient été déposées n’étaient pas à son nom. La Commission ne conteste pas le fait que les prestations d’assurance-emploi n’ont peut-être pas été déposées dans le compte bancaire personnel du prestataire. Toutefois, elle a soutenu que son enquête avait révélé une tendance semblable selon laquelle les prestations n’étaient pas déposées dans les comptes des parties demanderesses. Plus précisément, elle a noté que trois ou quatre versements avaient été dirigés vers le compte d’I. C., mais qu’après quatre ou huit semaines, la personne avait obtenu les codes d’accès, ce qui lui avait permis de mettre le système à jour pour refléter les informations relatives à son propre compte et à son adresse résidentielle (GD4‑5 et GD4‑6).

[39] La preuve documentaire révèle que les informations relatives aux comptes bancaires et aux adresses résidentielles ont été mises à jour à de nombreuses reprises, dont une fois par téléphone lorsqu’I. C. a appelé l’intimée. J’estime que la théorie de l’intimée est plus convaincante parce qu’il a déjà été établi que les prestations avaient été déposées dans le compte d’I. C. De plus, étant donné qu’il semble que le prestataire et I. C. soient en union de fait, il était plus probable qu’improbable que le prestataire ait été au courant de la situation et en ait profité directement ou indirectement.

[40] Le prestataire a soutenu qu’il n’avait résidé à aucune des adresses énumérées entre 2009 et 2011. Je note que dans au moins un cas, il a vécu dans le même immeuble, mais à un numéro d’appartement différent de celui indiqué. Le témoignage du prestataire ne m’a pas convaincue, car à mon avis, il est improbable que son identité ait été volée et qu’I. C. ait utilisé une adresse dans le même immeuble ou toujours près de son lieu de résidence. De plus, le prestataire n’a pas fourni les adresses qu’il a occupées à partir de 2009, et il n’y avait aucune preuve à l’appui de ses adresses, mis à part les informations figurant sur ses déclarations de revenus. Je note que la Commission a également demandé ces renseignements au prestataire, mais en vain.

[41] L’identité du prestataire a également été vérifiée lors d’une séance d’information en janvier 2010. Cette pratique de la Commission vise à valider l’identité de la personne avant de lui permettre de participer à la séance.

[42] Le prestataire n’a pas agi comme une personne pourrait raisonnablement agir si elle était victime d’un vol d’identité et si elle apprenait qu’elle avait une dette d’environ 35 000,00 $. Le prestataire n’a pas coopéré avec la Commission et n’a pas encore fourni les renseignements concernant ses déclarations de revenus, comme les avis de cotisation et de nouvelle cotisation de 2009 à 2011. À son avis, il ne juge pas nécessaire de faire réévaluer ses déclarations de revenus, même s’il prétend qu’elles contiennent des renseignements inexacts et qu’il déclare avoir reçu des prestations d’assurance-emploi qui, selon lui, n’ont pas été reçues.

[43] Le prestataire n’a pas raisonnablement expliqué la raison pour laquelle il n’avait pas agi rapidement. Bon nombre de ses réponses étaient que [traduction] « personne ne lui avait dit qu’il devait prendre de telles mesures ». Cela est faux, car la Commission lui a dit à plusieurs reprises verbalement et par écrit ce qu’il devait faire. Lors de la première audience, j’ai également demandé au prestataire pourquoi le rapport de police était caviardé et pourquoi il ne s’était pas renseigné sur son contenu. Le prestataire aurait pu présenter une demande d’accès à l’information, mais il ne l’a pas fait. Cette conduite n’est pas représentative d’une personne victime d’une fraude d’identité, mais plutôt d’une personne qui limite son implication et sa divulgation.

[44] J’estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était victime d’une fraude d’identité. J’ai jugé que son témoignage n’était pas crédible et il n’a fourni aucun élément de preuve fiable ni aucun autre élément de preuve à l’appui sous forme de documents ni à l’aide de témoins pour étayer sa version des faits.

[45] Il était plus probable qu’improbable qu’il avait participé de son plein gré au stratagème avec I. C., même s’il n’avait pas reçu les prestations dans son compte bancaire personnel et que son adresse résidentielle n’avait pas été utilisée. Le prestataire a autorisé I. C. à commettre la fraude en lui donnant accès à ses renseignements personnels, plus précisément le nom de jeune fille de sa mère et d’autres informations pertinentes, permettant ainsi à I. C. de présenter des demandes de prestations d’assurance-emploi en son nom en 2009 et 2010.

[46] De façon générale, j’ai préféré la preuve de la Commission parce qu’elle était détaillée, fiable et exhaustive. La Commission a fourni plusieurs déclarations de témoins, des notes d’enquête, une théorie d’enquête fondée sur des tendances, ainsi que d’autres documents pertinents pour prouver sa cause.

Question en litige n2 : L’intimée a-t-elle annulé à juste titre les périodes de prestations débutant le 11 octobre 2009 et le 28 novembre 2010?

[47] Oui, j’estime que l’intimée a annulé à juste titre les périodes de prestations débutant le 11 octobre 2009 et le 28 novembre 2010, parce que la preuve révélait que le prestataire était à l’origine d’une fraude.

[48] Pour présenter une « demande initiale de prestations », toute partie prestataire doit remplir un formulaire de demande et fournir un relevé d’emploi pour prouver qu’elle est admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. Avant que les prestations ne soient payables, la partie prestataire doit avoir accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable minimal et avoir eu un arrêt de la rémunération provenant de son emploiNote de bas de page 3. Le prestataire en l’espèce doit démontrer qu’il est admissible aux prestations pour les deux périodes de prestations.

[49] La Commission peut examiner de nouveau toute demande de prestations dans les 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payablesNote de bas de page 4. Il existe toutefois une exception : lorsque la Commission estime que des renseignements sont faux ou trompeurs, elle dispose de 72 mois pour réexaminer une demande après que des prestations ont été payées ou sont devenues payablesNote de bas de page 5.

[50] J’estime que la Commission a annulé à juste titre les périodes de prestations, car les relevés d’emploi que le prestataire a soumis pour présenter les demandes étaient faux. La preuve de la Commission et l’enquête révèlent clairement qu’il n’y avait pas d’entreprises authentiques ni de travail exercé par le prestataire. Par conséquent, le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis au cours des périodes de référence.

[51] Les tribunaux ont confirmé la décision dans laquelle un demandeur n’occupait pas d’emploi assurable au cours de sa période de référence en fonction de faux relevés d’emploi et de la décision d’assurabilité de l’ARCNote de bas de page 6.

Question en litige n3 : Le prestataire a-t-il sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans sa demande de prestations, ses relevés d’emploi et ses déclarations?

[52] Oui, j’estime que le prestataire a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans ses demandes de prestations, ses relevés d’emploi et ses déclarations, parce qu’il savait très bien qu’il n’avait travaillé pour aucune des deux entreprises et que les relevés étaient faux.

[53] Le fait que les renseignements sont faux ou trompeurs ne suffit pas. Pour que le prestataire soit passible d’une sanction, la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a sciemment fourni ces renseignements, tout en sachant qu’ils étaient faux ou trompeursNote de bas de page 7. Pour imposer une sanction, la Commission doit prouver que le prestataire a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeursNote de bas de page 8.

[54] Toute partie prestataire doit savoir, subjectivement, que les déclarations qu’elle a faites ou qui ont été faites en son nom étaient faussesNote de bas de page 9.

[55] Je suis convaincue que la Commission s’est acquittée du fardeau de prouver que le prestataire a fait 25 déclarations fausses ou trompeuses. La Commission a présenté des copies de deux faux relevés d’emploi et de deux fausses demandes de prestations (GD3‑16, GD3‑70, GD3‑79, GD3‑4 à GD3‑15, et GD3‑92 à GD3‑105). La Commission a également prouvé que le prestataire avait reçu des prestations du 21 décembre 2010 au 17 septembre 2011 par dépôt direct. Le prestataire a donc dû remplir 21 rapports pour demander le versement des prestations. Une copie du versement à l’écran a été soumise (GD3‑41 à GD3‑43).

Question en litige no 4 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé une lettre d’avertissement, une sanction pécuniaire de 5 000,00 $ et un avis de violation classé comme étant [traduction] « très grave »?

[56] Oui, j’estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire parce qu’elle a tenu compte de tous les facteurs pertinents.

[57] La décision de la Commission concernant le montant de la sanction est discrétionnaireNote de bas de page 10. Cela signifie qu’il revient à la Commission d’établir le montant qu’elle juge approprié. Je dois examiner la façon dont la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire. Je peux seulement modifier le montant de la sanction si j’estime d’abord que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a établi le montant de la sanctionNote de bas de page 11.

[58] En plus de la sanction, la Commission a également le pouvoir discrétionnaire d’imposer une violationNote de bas de page 12. Celle-ci augmente le nombre d’heures d’emploi assurable nécessaires pour présenter une demande de prestations. La décision d’imposer une violation est discrétionnaire, tout comme le fait d’établir le montant de la sanction. Je dois examiner la façon dont la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé d’imposer une violation.

[59] En ce qui concerne la période de prestations débutant le 11 octobre 2009, la Commission avait imposé au départ une sanction pécuniaire de 447,00 $, mais après révision, la sanction a été annulée, car elle ne respectait pas le délai de 36 mois (GD3‑292 et GD3‑293). Elle a été remplacée par une lettre d’avertissement.

[60] En ce qui concerne la période de prestations débutant le 28 novembre 2010, la Commission a maintenu la sanction pécuniaire de 5 000,00 $ et l’avis de violation classé comme étant [traduction] « très grave » (GD3‑290 et GD3‑291).

[61] Je suis convaincue que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a annulé la sanction pécuniaire de 447,00 $. La Commission a jugé que la sanction avait été imposée par erreur. Elle a corrigé l’erreur et a pu émettre une lettre d’avertissement dans un délai de 72 mois. Une copie des motifs de la décision a été soumise (GD3‑128)Note de bas de page 13.

[62] Je suis convaincue que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé une sanction de 5 000,00 $, parce qu’il s’agissait du montant maximal pouvant être imposé pour fausse déclaration de premier niveau et qu’il s’agissait du montant le plus bas parmi les trois proposés. Une copie des motifs de la décision a été soumise (GD3‑82, GD3‑83, et GD3‑285 à GD3‑289).

[63] Je suis convaincue que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a émis l’avis de violation classé comme étant [traduction] « très grave ».

[64] La Commission a examiné l’incidence générale sur le prestataire, notamment le fait qu’il soit un travailleur indépendant, ses circonstances atténuantes, ses infractions antérieures et l’incidence sur sa capacité d’admissibilité pour toute demande future. La Commission a déterminé qu’une violation s’appliquait (GD3‑289). Une copie des motifs de sa décision a été soumise (GD3‑83).

[65] Le prestataire n’a présenté aucune autre information ni circonstance exceptionnelle lors de l’audience, mis à part le fait qu’il soit retraité, qu’il travaille pour son compte et qu’il ait été victime d’une fraude. Je n’ai décelé aucune erreur ni omission, et la Commission a tenu compte de tous ces facteurs ainsi que des autres renseignements pertinents au moment de rendre ses décisions. Par conséquent, la lettre d’avertissement, la sanction pécuniaire de 5 000,00 $ et l’avis de violation demeurent.

Conclusion

[66] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 29 juillet 2019 et le 19 août 2019

Mode d’instruction :

En personne

Comparutions :

Z. T., appelant (prestataire)

David Ciobataru, représentant de l’appelant

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