Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] La Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEEO) est l’agent de négociation de toutes les enseignantes et de tous les enseignants de l’élémentaire du secteur public de l’Ontario. La FEEEO négocie les conventions collectives avec le ministère public et l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACEPO).

[3] La dernière convention collective complète visait la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2017. En 2017, la FEEEO a négocié une prolongation de ces conventions (l’« entente de prolongation »). L’entente de prolongation prévoyait un remboursement des dépenses professionnelles à toutes les enseignantes et à tous les enseignants qui étaient employés ou en congé payé approuvé, en congé de maladie payé ou en congé légal au 1er septembre 2017. Plus précisément, le remboursement était un paiement forfaitaire correspondant à 0,5 pour cent du salaire touché pendant l’année scolaire 2016 à 2017.

[4] Les parties appelantes étaient en congé et touchaient des prestations de maternité ou parentales de l’assurance‑emploi (AE) en date du 1er septembre 2017. À l’automne 2017, pendant qu’elles touchaient des prestations de l’AE, les parties appelantes ont reçu le paiement forfaitaire de leur conseil scolaire. L’intimée a déterminé que le paiement forfaitaire touché par les parties appelantes était une rémunération devant être répartie à la semaine du 1er septembre 2017. La répartition a occasionné des trop-payés pour les parties appelantes. Les parties appelantes ont demandé une révision de la décision et l’intimée a maintenu sa décision. Les parties appelantes ont ensuite interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Affaires préliminaires

Décision initiale de joindre les appels

[5] L’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit la jonction d’appels lorsqu’une question de droit ou de fait leur est commune et qu’une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux parties aux appels. J’estime qu’il y avait une question de droit et de fait commune dans les appels individuels des parties appelantes et qu’aucune injustice ne serait causée à l’une ou l’autre des parties en joignant les appels.

[6] Les parties ont eu l’occasion de présenter des observations écrites quant à la façon dont elles souhaitaient que les appels soient instruits. Le 24 juillet 2018, les parties appelantes ont dit qu’elles voulaient procéder selon un appel représentatif, en utilisant le dossier principal de L. H. Elles ont soutenu que la question en litige faisant l’objet de l’appel, à savoir l’interprétation du montant forfaitaire de 0,5 pour cent, était commune à toutes les parties appelantes. Elles ont aussi fait savoir qu’en plus de la preuve documentaire du dossier d’appel de L. H., elles avaient l’intention d’appeler L. H. comme témoin pour témoigner au sujet de la nature et de l’objectif des dépenses professionnelles engagées par les enseignantes et les enseignants, notamment les montants, le moment et la fréquence des dépenses et le remboursement. Les représentants des parties appelantes ont mentionné qu’ils souhaitaient présenter cette preuve pour montrer les dépenses que les enseignantes et les enseignants des écoles élémentaires publiques engagent pendant leur emploi.

[7] L’intimée a répondu le 27 juillet 2018 en disant que les parties convenaient de procéder selon un appel représentatif. Le dossier de L. H. allait être l’appel représentatif d’un groupe d’appels joints. Chacune des parties appelantes du groupe était une partie à l’appel, mais seulement la preuve et les observations de l’appel représentatif étaient portées à la connaissance du Tribunal. L’intimée a précisé qu’elle ne s’opposait pas à ce que L. H. fasse un témoignage oral sur ce qui suit :

[traduction]
…l’interprétation des dispositions contractuelles en litige, la nature et l’objectif des dépenses professionnelles engagées par les enseignantes et enseignants des écoles élémentaires; le moment et la fréquence de ces dépenses pour l’ensemble des enseignantes et des enseignants de la FEEEO en général; le remboursement de telles dépenses pour l’ensemble des enseignantes et des enseignants de la FEEEO en général; et le contexte factuel des dépenses engagées par les enseignantes et enseignants des écoles élémentaires publiques dans le cadre de leur emploi. (Les caractères italiques proviennent du texte original)

[8] Au cours d’une conférence préparatoire avec l’intimée et les représentants des parties appelantes le 15 août 2018, le Tribunal a décidé, avec l’accord des parties, que les appels seraient joints et instruits en tant qu’appel représentatif. Les parties ont confirmé que L. H. serait l’appelante représentative et qu’à l’audience les observations orales et le témoignage de L. H. seraient présentés. Les parties ont aussi convenu qu’une décision, pour l’appel représentatif, serait rendue par le Tribunal et qu’elle s’appliquerait à toutes les parties appelantes du groupeNote de bas de page 1.

Demande de l’intimée visant à trancher les appels différemment

[9] Une audience en personne s’est déroulée le 14 novembre 2018 selon la procédure habituelle, jusqu’à ce que l’intimée fasse ses observations finales. Après avoir entendu le témoignage de l’appelante représentative et sur le fondement des reçus qu’elle a présentés à l’audience, l’intimée a fait valoir que l’appel de l’appelante représentative devrait être accueilli, mais que cette décision ne pouvait pas s’appliquer aux 42 autres parties appelantes. L’intimée a soutenu que la preuve de l’appelante représentative n’était pas une preuve des dépenses des enseignantes et enseignants de la FEEEO en général, et qu’elle appuyait uniquement les dépenses qui avaient été engagées par elle‑même. L’intimée a expliqué que des éléments de preuve additionnels devaient être présentés par les autres parties appelantes pour que leurs appels soient accueillis. Les représentants des parties appelantes ont répondu en affirmant que la preuve de l’appelante représentative était sensiblement similaire à celle des 42 autres parties appelantes et que l’appel devrait être instruit sur une base représentative. L’audience a ensuite été ajournée et j’ai demandé aux parties de présenter d’autres observations écrites sur la façon de procéder.

[10] Les représentants des parties appelantes ont soutenu que la preuve de l’appelante représentative n’était pas subjective ni propre à elle, mais que c’était une preuve qui appuyait des conclusions factuelles d’application générale et équivalente à tous les appels des enseignantes et enseignants. Les représentants des parties appelantes ont soutenu que la preuve fournie par L. H. concernait ses dépenses réelles et ils ont demandé au Tribunal de considérer sa preuve comme représentative et générale, conformément aux décisions qui avaient été prises au sujet de la façon d’instruire l’appel représentatif.

[11] L’intimée a soutenu que le Tribunal devrait conclure que le paiement forfaitaire était une rémunération, à moins que les parties appelantes soient en mesure de fournir une preuve que les dépenses avaient été effectivement faites. L’intimée a soutenu que bien que la preuve et le témoignage oral avaient établi que l’achat de matériel par les enseignantes et les enseignants pour leur salle de classe était une pratique, cette preuve ne faisait que démontrer que L. H. avait effectivement engagé des dépenses. L’intimée a fait valoir que les reçus de L. H. ne faisaient pas double emploi puisqu’ils étaient propres à L. H. et n’étaient pas représentatifs de l’ensemble des enseignantes et des enseignants de la FEEEO en général. L’intimée a aussi soutenu que la preuve précise des dépenses engagées par les autres enseignantes et enseignants était nécessaire pour que les autres appels du groupe soient accueillis. En conséquence, l’intimée a soutenu que l’appel de l’appelante devait être accueilli, mais que les autres appels devaient être rejetés. L’intimée a précisé qu’elle ne s’opposerait pas à un ajournement pour permettre que des éléments de preuve additionnels soient fournis par les autres parties appelantes du groupe pour montrer qu’elles ont effectivement engagé ces dépenses.

[12] Comme il a été précisé ci-dessus, les parties ont convenu d’un appel représentatif où un seul dossier représentatif serait choisi dans un groupe de parties appelantes jointes et où chaque partie appelante serait considérée comme une partie appelante. Les parties ont aussi convenu qu’une décision serait rendue par le Tribunal, laquelle serait ensuite appliquée à toutes les parties appelantes. En aucun moment jusqu’à l’audience, lorsque ces questions procédurales ont fait l’objet de discussions et de décisions, une partie ou une autre ne s’est opposée à la façon convenue de procéder.

[13] J’ai examiné toutes les observations orales et écrites des parties sur la façon d’instruire l’appel. J’estime que les parties ont convenu de joindre les appels, et que l’appel de l’appelante représentative serait instruit, qu’une décision serait rendue en lien avec cet appel, et que la décision s’appliquerait aux 43 parties appelantes. Plus précisément, l’intimée ne s’est pas opposée au témoignage oral de l’appelante représentative qui aiderait le Tribunal à mieux comprendre le contexte factuel des dépenses engagées par les enseignantes et les enseignants des écoles élémentaires publiques dans le cours de leur développement. De plus, l’intimée ne s’est pas opposée au témoignage oral de l’appelante représentative quant à la nature et à l’objectif des dépenses professionnelles engagées par les enseignantes et les enseignants des écoles élémentaires.

[14] Je comprends que l’intimée était prête à permettre que des éléments de preuve additionnels soient déposés pour appuyer le fait que chaque partie appelante du groupe avait effectivement engagé des dépenses similaires à celles de l’appelante représentative. Cependant, le fait de soutenir à l’étape finale de l’audience que chaque partie appelante individuelle doit fournir une preuve précise de ses ou ses dépenses équivalait effectivement à soutenir que l’appel ne pouvait plus être tranché en tant qu’appel représentatif. Comme il a été mentionné ci-dessus, il a été décidé, et convenu, que L. H. serait l’appelante représentative, et qu’à l’audience seul l’appel de L. H. serait instruit. Une décision, pour l’appel de l’appelante représentative, serait rendue par le Tribunal et elle s’appliquerait à toutes les parties appelantes du groupe.

[15] En résumé, les arguments de l’intimée ne sont pas suffisants pour me convaincre que les appels devraient être tranchés différemment de ce qui en avait été convenu et décidé avant le début de l’audience. Les arguments des représentants des parties appelantes sont fondés sur la preuve orale qui a été fournie à l’audience, ce que l’intimée a reconnu à l’audience comme étant clair et convaincant. J’estime que la preuve de la partie appelante peut être considérée comme une preuve des dépenses des enseignantes et enseignants de la FEEEO en général, et que chaque partie appelante du groupe n’est pas tenue de fournir une preuve des dépenses réelles qu’elle a engagées. La preuve de l’appelante représentative sera examinée et appréciée ci-dessous, pour tirer les conclusions de fait nécessaires pour trancher les questions en litige faisant l’objet de l’appel. Cette décision s’appliquera à toutes les parties appelantes du groupe.

Types d’audience

[16] L’audience du 14 novembre 2018 a eu lieu en personne. Comme il en a été discuté ci‑dessus, l’audience a été ajournée à la lumière de l’observation inattendue formulée pendant les arguments finaux de l’intimée, pour permettre aux parties de présenter des observations écrites. Il était prévu que l’audience soit convoquée de nouveau le 7 mars 2019. Cependant, les parties ont demandé un ajournement administratif en raison de la difficulté de planifier l’horaire. Étant donné que le 25 avril 2019 était la première date où les parties étaient disponibles, j’ai décidé de modifier le mode d’audience et d’utiliser le format [traduction] « Question et réponse »Note de bas de page 2. Bien que je n’aie pas eu d’autres questions, les parties ont eu la permission de présenter des observations écrites finales jusqu’à la date d’échéance du 19 mars 2019. Bien que les représentants de la partie appelante aient répondu pour clarifier les attentes découlant du changement de mode d’audience, aucune partie ne s’est opposée au changement ni n’a présenté d’observations finales.

Questions en litige

[17] Le Tribunal doit trancher les questions en litige suivantes :

Le paiement forfaitaire qu’ont reçu les parties appelantes de la part de l’employeur était-il une rémunération? Dans l’affirmative, a-t-il été réparti adéquatement?

Analyse

[18] Le Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement sur l’AE) définit le revenu comme étant tout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, notamment un syndic de faillite [article 35(1)]. Le terme « emploi » est aussi défini dans cet article comme étant tout emploi faisant l’objet d’un contrat de louage de services exprès ou tacite. La rémunération est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi [article 35(2) du Règlement sur l’AE].

[19] Les sommes reçues par une partie prestataire de la part de l’employeur sont réputées être une rémunération et doivent être réparties sauf si le montant correspond à une exception énoncée à l’article 35(7) du Règlement sur l’AE ou si les sommes ne proviennent pas de l’emploi.

Le paiement forfaitaire que les parties appelantes ont reçu de l’employeur était-il une rémunération?

[20] La disposition de l’entente de prolongation en litige énonce : [traduction] « En reconnaissance d’éventuelles dépenses professionnelles pour le perfectionnement professionnel, des fournitures ou de l’équipement ou pour d’autres dépenses professionnelles, toutes les employées et tous les employés protégés par cette entente recevraient un montant forfaitaire correspondant à 0,5 pour cent des salaires gagnés pendant l’année scolaire 2016‑2017 ».

[21] Les représentants des parties appelantes soutiennent que le paiement forfaitaire n’est pas une rémunération, et qu’il s’agit plutôt d’un remboursement pour des dépenses engagées par les enseignantes et les enseignants de la FEEEO. Pendant l’audience, l’appelante représentative a livré un témoignage oral au sujet des frais remboursables qu’elle a engagés pendant qu’elle enseignait. Les représentants des parties appelantes ont soutenu que les dépenses de l’appelante représentative étaient communes aux 42 autres parties appelantes. Les représentants des parties appelantes ont aussi soutenu que le paiement forfaitaire n’était pas une rémunération, car ce paiement n’était pas une prime à la signature ni un paiement pour du travail accompli.

[22] Les observations écrites de l’intimée avant l’audience étaient que le paiement forfaitaire était une rémunération, car le paiement découlait d’une entente de prolongation entre l’appelante représentative et son employeur qui lui a procuré un bénéfice au terme du lien d’emploi. Après avoir entendu le témoignage de l’appelante représentative et avoir examiné la preuve documentaire qu’elle avait fournie (y compris les reçus des dépenses qu’elle avait engagées et des photographies de sa salle de classe), l’intimée a convenu que l’appelante représentative avait prouvé que, dans son appel seulement, le montant n’était pas une rémunération. L’intimée a accepté sa preuve en tant que preuve démontrant qu’elle avait bel et bien engagé le type de dépenses que le montant forfaitaire visait à rembourser; l’intimée a soutenu que, d’après son témoignage oral et sa preuve, le paiement forfaitaire n’était pas une rémunération pour elle.

[23] Cependant, l’intimée n’a pas admis la preuve de l’appelante représentative comme étant une preuve que les enseignantes et les enseignants engagent généralement ces dépenses et que le montant était un remboursement pour des dépenses pour toutes les parties appelantes du groupe. Dans ses observations écrites du 9 janvier 2019, l’intimée a fait valoir que le Tribunal devrait conclure que le montant forfaitaire devrait être considéré comme une rémunération, à moins que les parties appelantes individuelles du groupe puissent fournir la preuve que les dépenses ont effectivement été engagées par chacune d’elles. L’intimée a soutenu que, compte tenu du témoignage oral et de la preuve de l’appelante représentative, le montant forfaitaire ne pouvait pas être considéré comme une rémunération pour elle.

[24] J’estime que la preuve de l’appelante représentative au sujet des dépenses qu’elle a engagées est aussi une preuve à l’appui des dépenses que les 42 autres parties appelantes engagent généralement en tant que membres du corps enseignant, car il n’y avait aucune raison de croire que la preuve orale de L. H. qui concernait la nature des dépenses engagées par les enseignantes et enseignants différerait de beaucoup de la preuve orale qui pourrait être fournie par les 42 autres parties appelantes si chacune était appelée à fournir une preuve. De plus, j’adhère à l’argument des représentants des parties appelantes, selon lequel il était nécessaire que le Tribunal ait de l’information contextuelle sur les dépenses professionnelles des enseignantes et enseignants pour apprécier le fait que l’entente de prolongation prévoyait le remboursement des dépenses professionnelles qui étaient régulières, légitimes, prévues et universelles.

[25] J’estime que le paiement forfaitaire que les parties appelantes ont reçu de leur employeur n’était pas une rémunération pour les raisons qui suivent. Premièrement : le montant forfaitaire reçu par les parties appelantes n’a pas été versé en échange de travail accompli ou de services rendus. Les parties appelantes ont plutôt touché à l’avance un montant fixe relativement à des dépenses engagées liées à leur emploi ou qui allaient être engagées pendant la durée de l’entente de prolongation. À ce sujet, je me fonde sur la Cour d’appel fédérale (Vernon et al c Procureur général, A‑597‑94). Dans cette décision, le juge Linden a expliqué qu’[traduction] un gain ne vaut « rémunération » que s’il correspond à la somme payée pour prix du travail accompli par le bénéficiaire. En l’espèce, le paiement forfaitaire a été remis à titre de remboursement pour des dépenses que les enseignantes et les enseignants de la FEEEO ont engagées ou devaient engager pour la salle de classe et non pour du travail accompli.

[26] Deuxièmement : l’appelante représentative (L. H.) a livré un témoignage oral crédible au sujet des dépenses directes qu’elle a engagées pour la salle de classe, comme des livres, des tablettes d’activités, de la peinture, de la papeterie, des surligneurs, des carnets, des craies et des affiches. L’intimée a convenu que L. H. était un témoin crédible, et a noté que c’était l’une des raisons pour lesquelles elle avait soutenu que son appel en particulier devrait être accueilli. L. H. a appuyé son témoignage oral de reçus détaillés pour la période 2016 à 2017 et 2018 à 2019. L. H. a aussi montré des exemples de fournitures qu’elles avaient achetées sur des photographies de sa salle de classe (pièce GAGD9‑3 à GAGD‑21).

[27] L’intimée a soutenu que la preuve de L. H. montrait que le paiement forfaitaire qu’elle avait reçu ne pouvait pas être considéré comme une rémunération, parce qu’elle avait prouvé qu’elle avait effectivement engagé les dépenses que le montant visait à rembourser. Cependant, l’intimée a soutenu que bien que la preuve et le témoignage oral de L. H. établissaient qu’il était courant que les enseignantes et les enseignants achètent des fournitures pour leurs salles de classe, la preuve prouvait seulement que L. H. avait effectivement engagé ces dépenses. Selon l’intimée, il n’était pas suffisant de montrer qu'il était pratique courante que les enseignantes et les enseignants achètent des fournitures pour leurs salles de classe; chacune des parties appelantes doit montrer que les dépenses ont effectivement été engagées. Je n’accepte pas l’argument de l’intimée. J’estime que la preuve présentée par l’appelante représentative quant aux dépenses qu’elle a engagées dans la salle de classe n’était pas seulement propre à elle en tant qu’enseignante, mais représentait de façon générale ce que les 42 autres parties appelantes engageaient en tant que membres du corps enseignant parce que (comme mentionné ci-dessus), il n’y avait aucune raison de penser que la preuve orale de L. H. qui concernait la nature des dépenses engagées par les enseignantes et enseignants différerait de façon importante de la preuve orale qui pourrait être fournie par les 42 autres parties appelantes si chacune d’entre elles était appelée à fournir une preuve.

[28] Troisièmement : les parties appelantes n’ont rien gagné avec le paiement forfaitaire qu’elles ont touché. Plus précisément, les parties appelantes ont été payées à l’avance pour des dépenses directes qu’elles devraient engager pour la salle de classe pendant leur enseignement. Bien que je n’y sois pas lié, je note que, sur le sujet, le Guide de la détermination de l'admissibilité (5.3.3.1) donne quelques conseils en expliquant ce qui suit : « Afin de déterminer si l’indemnisation versée par un employeur constitue un revenu, il faut d’abord vérifier si cette indemnisation représente un gain ou un avantage. Si le prestataire doit engager une dépense ou fournir un élément pour s’acquitter de sa tâche, l’indemnisation qui serait versée à ce titre ne peut constituer un gain ni un avantage, puisque le prestataire n’en a pas tiré profit ».

[29] Je reconnais que l’intimée a soutenu dans ses observations écrites que le montant forfaitaire a été calculé sur la base des salaires des parties appelantes de 2016 à 2017 comme attribution unique (prime) et non pour couvrir des dépenses précises. Cependant, je constate que rien dans l’entente de prolongation ne laisse entendre que le paiement forfaitaire était une prime à la signature ou une attribution unique. Les parties appelantes ont plutôt été payées à l’avance pour des dépenses liées à l’emploi ou qui devaient être engagées pendant la durée de l’entente de prolongation. En résumé, les parties appelantes n’ont pas tiré profit du montant forfaitaire et les sommes n’ont pas été fournies en échange d’un travail accompli ou à accomplir dans l’avenir.

Sommaire

[30] J’estime que le paiement forfaitaire touché par les appelantes n’était pas une rémunération. Puisque seule la [traduction] « rémunération » peut être répartie, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la question de la répartition. La décision s’applique à l’appelante représentative et aux 42 autres appelantes dont les numéros de dossier figurent à l’Annexe ci‑dessous.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 14 novembre 2018

Mode d’instruction :

En personne

Comparutions :

L. H., appelante représentative

Howard Goldblatt et Christine Davis (de « Goldblatt Partners »), représentants des parties appelantes

Commission de l’assurance‑emploi du Canada, intimée

Sylvie Doire, représentante de l’intimée

Annexe

Cette décision (GE‑18‑398) s’applique aux 42 dossiers suivants :

GE-18-539   GE-18-449
GE-18-243
GE-18-486
GE-18-214
GE-18-1299
GE-18-535
GE-18-187
GE-18-470
GE-18-450
GE-18-866
GE-18-1585
GE-18-1662
GE-18-475
GE-18-406
GE-18-434
GE-18-436
GE-18-344
GE-18-684
GE-18-1773
GE-18-1186
GE-18-256
GE-18-332
GE-18-809
GE-18-476
GE-18-371
GE-18-442
GE-18-477
GE-18-242
GE-18-334
GE-18-1428
GE-18-263
GE-18-322
GE-18-869
GE-18-471
GE-18-524
GE-18-1456
GE-18-772
GE-18-228
GE-18-776
GE-18-536
GE-18-365

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