Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, C. T. (prestataire), a effectué deux périodes d’emploi grâce auxquelles deux périodes de prestations ont été établies et des prestations d’assurance-emploi maladie et régulière lui ont été versées. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a rendu des décisions selon lesquelles le prestataire n’était pas en semaine de chômage, pendant les deux périodes de prestations, en raison de son implication pour mettre sur pied un studio de yoga. Elle a établi un trop payé. De plus, la Commission lui a imposé une pénalité non monétaire, soit un avertissement, pour ne pas avoir déclaré son travail autonome.

[3] La division générale a conclu que le prestataire n’était pas en semaine de chômage pour les périodes du 23 août au 18 décembre 2015 et du 29 mai au 17 septembre 2016. Elle a également conclu que le prestataire avait fait sciemment de fausses déclarations à la Commission.

[4] Le prestataire a obtenu la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a erré en droit et qu’elle a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le Tribunal doit décider si la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit et si elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le Tribunal rejette l’appel.

Questions en litige

Question en litige no 1: Est-ce que la division générale a erré en droit dans son interprétation des six facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) et en concluant que le prestataire n’avait pas démontré que son niveau d’implication dans son entreprise était dans une mesure si limitée qu’elle ne pouvait constituer son principal moyen de subsistance?

Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a erré dans son interprétation de l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) en concluant qu’il y avait lieu d’imposer une pénalité au prestataire?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[7] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[8] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.Note de bas de page 2

[9] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Question en litige no 1: Est-ce que la division générale a erré en droit dans son interprétation des six facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement sur l’AE et en concluant que le prestataire n’avait pas démontré que son niveau d’implication dans son entreprise était dans une mesure si limitée qu’elle ne pouvait constituer son principal moyen de subsistance?

[10] Les périodes en litige sont du 23 août au 18 décembre 2015 et du 29 mai au 17 septembre 2016.

[11] Le prestataire fait valoir que la division générale a erré dans son analyse des six facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement sur l’AE. Il fait valoir qu’il consacrait peu de temps à l’entreprise et que sa conjointe était vraiment la personne qui procédait à la gestion de l’entreprise. Il soutient que la division générale a exagéré sa participation dans l’entreprise car il n’agissait qu’à titre de prête-nom. Le prestataire fait valoir qu’il ne recevait aucune rémunération et que la division générale a erré en concluant que l’entreprise pouvait constituer son principal moyen de subsistance. Il soutient finalement qu’il a toujours eu l’intention et la volonté de travailler malgré sa période de réflexion d’après-carrière.

[12] La division générale a conclu que peu importe le niveau d’implication du prestataire dans l’entreprise, il exploitait une entreprise au sens de l’article 30 du Règlement sur L’AE. La preuve devant la division générale démontre sans équivoque que le prestataire était plus qu’un simple investisseur, c’est-à-dire quelqu’un qui a investi une somme d’argent dans une entreprise et qui n’est pas impliqué dans la gestion de l’entreprise. Il suffit de souligner que le prestataire a reçu une formation de plusieurs mois pendant ses périodes de prestations dans le but de connaitre le fonctionnement de l’entreprise.

[13] La division générale a jugé de la preuve, et en tenant compte des six facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement sur l’AE, que le prestataire n’avait pas démontré pour chacune des périodes en litige que son niveau d’implication dans son entreprise était dans une mesure si limitée qu’elle ne pouvait constituer son principal moyen de subsistance.

[14] Une jurisprudence plus récente que celle sur laquelle se fonde la division générale a établie qu’il y a lieu de procéder à une analyse globale des six critères, sans accorder de prépondérance à l'un ou plusieurs d'entre eux, et que chaque dossier doit être évalué au mérite.Note de bas de page 3 Consacrer une plus grande importance à l’un ou l’autre des facteurs constitue une erreur de droit.

[15] Le texte du Règlement sur l’AE doit être considéré dans sa totalité considérant qu’une personne pourrait consacrer peu de temps à son entreprise et néanmoins en faire son principal moyen de subsistance. De plus, le fait de ne pas générer un revenu suffisant ne veut pas nécessairement dire que le prestataire est sans emploi.

[16] Le Tribunal est d’avis que même si la division générale a accordé plus d’importance aux facteurs du temps consacré et à celui de la recherche d’emploi, il n’y a pas lieu d’intervenir afin de modifier la conclusion de la division générale sur l’état de chômage du prestataire.

[17] En date du 10 septembre 2015, le prestataire a enregistré une entreprise sous le nom X. Il est inscrit au registre des entreprises comme seul actionnaire de l’entreprise qui exerce ses activités dans le domaine du yoga. Cependant, dans divers documents datés du 10 septembre 2015, le prestataire reconnait qu’il détient 50% des actions au nom de sa conjointe et que celle-ci est fondée de recevoir les dividendes en sa qualité de détentrice desdites actions.Note de bas de page 4

[18] La division générale, qui n’a pas accordé foi au témoignage du prestataire pendant l’audience, a conclu de la preuve que pendant chacune de ses périodes de prestations, le prestataire s’était consacré assidûment aux activités de l’entreprise. Elle a tenu compte que le prestataire avait initialement déclaré à la Commission que pendant qu’il recevait des prestations, il donnait des cours et apprenait l’administration d’un studio de yoga dans le but d’en faire l’acquisition. Il ne cherchait pas un emploi car il travaillait sur un projet qui le passionnait, soit d’ouvrir un studio de yoga. Le temps ainsi consacré lui permettait de se faire connaitre par des clients potentiels de son studio.Note de bas de page 5

[19] Cette version initiale du prestataire est collaborée par la propriétaire-vendeuse du studio de yoga.Note de bas de page 6 Elle a déclaré à la Commission que depuis le mois de septembre ou octobre 2015, elle était en démarches afin de vendre son studio au prestataire et à sa conjointe. Le prestataire avait enregistré son entreprise X pour cette raison. Elle a déclaré que le prestataire, malgré qu’il était en congé de maladie, y consacrait en termes de temps l’équivalent d’un emploi à temps plein.

[20] La propriétaire-vendeuse a également déclaré que puisque le prestataire devait acheter le studio et que le processus de vente était entamé, elle avait engagé le prestataire pour le former et travailler à l'accueil. Le but de cela était de lui montrer les rouages de l'entreprise et lui apprendre tout ce qu'il avait besoin de savoir afin d’assurer la transition. Toutes les heures de travail ont été facturées à la propriétaire-vendeuse à travers la compagnie du prestataire. La facturation déposée par la propriétaire-vendeuse du studio s’échelonne du mois de septembre 2015 au mois de novembre 2016.Note de bas de page 7

[21] La propriétaire-vendeuse du studio a souligné que, même après l’échec de l’offre d’achat, le prestataire avait continué ses démarches jusqu’en octobre 2016, afin d’acquérir son studio. En plus des heures travaillées en formation et à l'accueil, le prestataire avait aussi donné des cours de yoga assez régulièrement. Tous les cours ont aussi été facturés à la propriétaire-vendeuse par le prestataire au nom de son entreprise.

[22] La division générale a également conclu de la preuve que le prestataire avait fait une offre de 145,000$ pour acheter le studio de yoga. Le prestataire a également versé un dépôt de 15,000$ au soutien de l’offre. Elle a jugé que la preuve ne lui permettait pas de conclure que l’entreprise était une réussite. La division générale a conclu que même si les démarches du prestataire pour faire l’acquisition du studio n’avaient pas fonctionné, l’entreprise avait été en mesure d’offrir des services et de les facturer, ce qui témoignait du maintien de l’emploi ou de l’entreprise. Elle a également conclu que le prestataire occupait un emploi au sein de l’entreprise de même nature que celui qu’il avait occupé auparavant.

[23] La division générale a constaté que le prestataire avait déclaré initialement à la Commission qu’il n’avait pas effectué de recherches d’emploi et qu’il n’avait pas vraiment l’intention d’en faire puisque l’argent qu’il avait reçu de la succession lui permettait de réaliser son projet d’ouvrir un studio de yoga, projet qu’il a éventuellement réalisé.

[24] La division générale a jugé que le prestataire avait tenté lors de l’audience de minimiser son implication dans l’entreprise, alors que durant l’enquête de la Commission, il avait admis, entre autres, avoir travaillé pour le studio de yoga et avoir travaillé dans le but d’en faire l’acquisition.

[25] L’application par la division générale du test objectif prévu au paragraphe 30(2) du Règlement sur l’AE à la situation du prestataire nous révèle que cinq des facteurs pertinents nous dirigent vers la conclusion que l’engagement du prestataire dans l’entreprise pendant sa période de prestations n’était pas dans une mesure si limitée. La division générale a conclu de la preuve que l'implication du prestataire était suffisamment importante pour en faire son principal moyen de subsistance.

[26] Le Tribunal en vient à la conclusion que la décision de la division générale sur l’état de chômage du prestataire repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[27] Ce moyen d’appel du prestataire ne peut donc être retenu par le Tribunal.

Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a erré dans son interprétation de l’article 38 de la Loi sur l’AE en concluant qu’il y avait lieu d’imposer une pénalité au prestataire?

[28] Le prestataire soutient qu’il ne devrait pas y avoir de pénalité étant donné qu’il n’y a pas eu de mauvaise intention de sa part et qu’il n’a pas voulu faire des déclarations frauduleuses ou erronées. Il ne se voyait tout simplement pas comme un entrepreneur pendant les périodes de prestations.

[29] La seule exigence posée par le législateur afin d’imposer une pénalité est celle d’avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse sciemment, c’est-à-dire en toute connaissance de cause. L’absence d’intention de frauder n’est donc d’aucune pertinence.Note de bas de page 8

[30] La division générale a conclu que le prestataire savait que ses déclarations étaient fausses ou trompeuses lorsqu’il a rempli ses déclarations. La division générale a déterminé que le prestataire avait agi en toute connaissance de cause puisqu’il savait qu’il était actionnaire d’une entreprise, qu’il avait donné des cours de yoga et que l’entreprise facturait ses services.

[31] Le prestataire a également déclaré à la Commission qu’il avait omis de déclarer son travail autonome parce qu’il pensait que ses prestations allaient s’arrêter complètement.Note de bas de page 9

[32] Ce moyen d’appel est donc sans fondement.

Conclusion

[33] Pour les motifs précédemment mentionnés, le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 6 juin 2019

Téléconférence

Me Bruno-Pierre Allard, représentant de l’appelant

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