Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, R. H. (prestataire), a trouvé un emploi à court terme chez X au cours d’une fermeture d’usine. Elle s’attendait à conserver cet emploi pendant environ trois semaines. Après plusieurs semaines, elle a appris que l’employeur commençait à licencier le personnel. Elle a demandé à son supérieur de la compter dans la première ronde de licenciements afin de pouvoir rentrer à la maison pour aider sa mère qui était aux prises avec une inondation chez elle. Sa mère avait également besoin de soins. Le 12 mai 2018, le supérieur a dit à la prestataire de [traduction] « rentrer chez elle ». La prestataire a donc compris que l’entreprise l’avait licenciée dans le cadre d’une ronde de licenciements. Même si l’entreprise avait mis fin à son emploi, cette dernière avait d’autres postes à pourvoir à d’autres endroits. Toutefois, la prestataire n’en savait rien, car l’entreprise ne lui en a pas fait part et ne lui a pas offert un autre poste. La prestataire n’est pas retournée travailler pour cet employeur par la suite.

[3] La prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande de prestations après avoir déterminé que la prestataire avait entrepris les démarches de son licenciement, qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification et que le départ volontaire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. La Commission a également déterminé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle n’était pas disponible à cette fin pendant l’été. La Commission n’a pas changé d’avis après avoir révisé les questions relatives à la justification et à la disponibilitéNote de bas de page 1. La prestataire a interjeté appel des décisions découlant de la révision de la Commission devant la division générale, mais celle-ci a rejeté les deux appels.

[4] La prestataire interjette maintenant appel des décisions de la division générale relativement aux deux questions, principalement parce qu’elle soutient que la membre de la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. La prestataire prétend que la membre était impétueuse et partiale à son égard au cours de l’audience par vidéoconférence, au point tel qu’elle s’est sentie mal à l’aise et qu’elle a été incapable de plaider sa cause de manière appropriée. Elle affirme ne pas avoir eu droit à une audience équitable. Elle soutient qu’elle n’a pas volontairement quitté son emploi, mais que l’employeur lui a remis un avis de licenciement. Elle affirme également qu’elle est demeurée disponible pour travailler, mais qu’elle n’était pas au courant que son employeur avait d’autres postes à pourvoir.

[5] Je dois déterminer si la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle. Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que la membre de la division générale était partiale ou qu’elle n’a pas offert à la prestataire une audience équitable. Je rejette donc cet appel.

Questions en litige

[6] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Question en litige no 1 : La membre de la division générale a-t-elle offert à la prestataire une audience équitable?
  2. Question en litige no 2 : La membre de la division générale a-t-elle fait preuve de partialité?

Moyens d’appel

[7] Les trois seuls moyens d’appels prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] La prestataire soutient que la division générale a commis les erreurs prévues aux articles 58(1)(a) et 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[9] Dans mes décisions relatives à la permission d’en appeler que j’ai rendues le 29 mai 2019, je n’ai pas conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La prestataire n’a pas soulevé d’arguments supplémentaires qui m’amèneraient à revenir sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS. Cet appel porte sur toute erreur prétendument commise au titre de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS.

Analyse

[10] La prestataire soutient que la membre de la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[11] La justice naturelle exige qu’un décideur agisse équitablement, c’est-à-dire en informant une partie des arguments avancés contre elle et en lui accordant le droit d’être entendue. Cela signifie également que le décideur rendra des décisions de façon impartiale et sans parti pris. La prestataire fait valoir que la membre de la division générale était partiale et qu’elle ne lui a pas offert une audience équitable.

Question en litige no 1 : La membre de la division générale a-t-elle offert à la prestataire une audience équitable?

a) Fait de commencer avant qu’elle ne soit prête

[12] La prestataire prétend que la membre ne lui a laissé que deux ou trois minutes pour se préparer au début de l’audience, même si elle lui avait dit qu’elle lui accorderait quelques minutes. La prestataire affirme qu’elle avait besoin de plus de temps pour se préparer parce qu’elle avait de nombreux documents.

[13] À 1 min 25 s de l’enregistrement audio de l’audience, la membre a offert quelques minutes à la prestataire. Puis, à 1 min 36 s, la prestataire a dit [traduction] « D’accord ». Selon l’enregistrement audio, environ 11 minutes se sont écoulées. Il est évident qu’après avoir entendu la prestataire dire [traduction] « D’accord », la membre a cru qu’elle était prête à entamer l’audience. La membre a dit qu’elle ferait quelques déclarations préliminaires et qu’elle expliquerait son rôle, le processus d’appel ainsi que les questions en litige, puis qu’elle donnerait la parole à la prestataire pour que celle-ci puisse expliquer son appel. La prestataire ne s’est pas opposée et n’a pas déclaré avoir besoin de temps supplémentaire.

[14] La prestataire soutient que les références temporelles de l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale sont erronées. Elle nie le fait que la membre lui a accordé entre 8 et 10 minutes et insiste pour dire que la membre lui a laissé [traduction] « probablement moins de quelques minutesNote de bas de page 2 » pour se préparer. Elle a également expliqué qu’elle se parlait à elle-même et qu’elle a dit [traduction] « D’accord » alors qu’elle passait ses documents en revue et qu’elle se préparaitNote de bas de page 3. Elle affirme que lorsqu’elle a dit [traduction] « D’accord », elle ne voulait pas laisser entendre à la membre qu’elle était prête à entamer l’audience. La prestataire soutient que lorsque la membre de la division générale a commencé à faire ses déclarations préliminaires, elle n’est pas intervenue et n’a pas demandé plus de temps pour se préparer parce qu’elle se sentait intimidée par ce qu’elle pensait être un processus formel. De plus, elle ne voulait pas interrompre la membre, car elle essayait d’être respectueuse et aussi conciliante que possible. Je note cependant que, bien que la prestataire laisse entendre qu’elle essayait d’être respectueuse et qu’elle avait peur d’intervenir, il y a eu d’autres occasions au cours de l’audience où elle a parlé librement et a demandé du temps supplémentaireNote de bas de page 4. D’ailleurs, lorsqu’elle a demandé plus de temps (p. ex. [traduction] « Attendez un instant »), la membre de la division générale a répondu [traduction] « Bien sûr ».

[15] Lorsque la prestataire a dit [traduction] « D’accord », il est évident que la membre a compris que la prestataire était prête à entamer l’audience. L’interprétation qu’a faite la membre de [traduction] « D’accord » semble raisonnable. Après tout, selon l’enregistrement audio, plusieurs minutes s’étaient déjà écoulées. Toutefois, si la prestataire n’était pas prête et qu’elle avait besoin de temps supplémentaire, elle aurait dû s’opposer immédiatement et demander plus de temps, surtout parce qu’elle avait donné l’impression d’être prête. Cela aurait été le bon moment pour s’opposer.

b) Document manquant

[16] La prestataire a mentionné qu’il lui manquait une lettre, mais la membre lui a répondu ceci : [traduction] « Laissez cela de côté pour le momentNote de bas de page 5 ». La prestataire laisse entendre qu’elle n’a pas bénéficié d’une audience équitable parce qu’étant donné qu’elle ne possédait pas tous les documents, elle ne connaissait pas tous les arguments avancés contre elle.

[17] Plus précisément, la prestataire prétend qu’il lui manquait une lettre datée du 15 septembre 2018. La décision découlant de la révision de la Commission, datée du 5 octobre 2018, faisait référence à une [traduction] « décision qui lui avait été communiquée le 15 septembre 2018Note de bas de page 6 ». La prestataire soutient qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait communiquer avec la Commission au sujet de la décision qui lui avait été communiquée le 15 septembre 2018.

[18] La membre de la division générale a supposé que la Commission avait pu communiquer verbalement sa décision à la prestataire le 15 septembre 2018. Bien que ce soit possible, la référence à une décision du 15 septembre 2018 est probablement une erreur typographique. Généralement, la Commission rend une décision initiale. Si une partie prestataire demande à la Commission de réviser sa décision initiale, la Commission rend alors une décision découlant de la révision. En l’espèce, la Commission a rendu sa décision initiale dans une lettre datée du 15 août 2018Note de bas de page 7. La Commission a probablement écrit [traduction] « 15 septembre » au lieu de [traduction] « 15 août » dans sa décision découlant de la révision.

[19] Dans sa décision initiale du 15 août 2018, la Commission a précisé qu’elle ne pouvait pas verser des prestations à compter du 13 mai 2018, car la prestataire a affirmé qu’elle n’était pas disponible pour travailler. La Commission a révisé sa décision dans une lettre datée du 5 octobre 2018. Elle a déclaré qu’elle modifiait sa décision initiale concernant la question relative à la disponibilité et qu’elle ne pouvait pas verser des prestations à la prestataire entre le 14 mai 2018 et le 7 septembre 2018, parce que celle-ci n’avait pas démontré sa disponibilité à travailler.

[20] Lorsque la Commission a résumé l’historique de l’instance, elle a fait référence à la décision initiale et à la décision découlant de la révision. Elle n’a fait référence à aucune autre décision. Cela donne également à penser qu’il n’y avait aucune lettre manquante datée du 15 septembre 2018.

[21] Même s’il y avait un document daté du 15 septembre 2018, la prestataire n’a pas tenté d’en obtenir une copie. Qui plus est, elle n’a pas demandé à la division générale d’ajourner l’audience pour tenter d’obtenir une copie de ce document.

[22] Mis à part ces facteurs, je ne crois pas que cela change quoi que ce soit à toute décision antérieure à la décision découlant de la révision, car c’est la décision découlant de la révision que la prestataire a portée en appel. Étant donné que la décision découlant de la révision exposait les questions en litige, la prestataire aurait su quelles étaient les questions à trancher. D’ailleurs, dans son avis d’appel à la division générale, elle a soutenu qu’elle n’avait pas quitté son emploi et qu’elle était disponible pour travailler. Elle connaissait donc les questions en litige ainsi que la cause pour laquelle elle devait présenter sa défense.

c) Fait de démontrer qu’elle était à la recherche d’un emploi

[23] La prestataire soutient que la division générale a été injuste lorsqu’elle lui a demandé de prouver qu’elle était à la recherche d’un emploi [traduction] « depuis le tout débutNote de bas de page 8 ». La prestataire affirme que cela était injuste [traduction] « parce que la vie suit son cours malgré la recherche d’emploi et qu’étant donné qu’[elle] a passé du temps chez [sa] mère le long du fleuve X et qu’il s’agit d’une région hors réseau, [elle] n’a pas pu chercher un emploi à ce moment‑làNote de bas de page 9 ».

[24] Comme je l’ai noté précédemment, la justice naturelle concerne les questions d’équité procédurale et vise à assurer que toute partie prestataire bénéficie d’une audience équitable où elle a pleinement l’occasion de présenter sa cause, et que l’instance soit exempte de partialité ou de crainte raisonnable de partialité. Les arguments de la prestataire à cet égard ne concernent pas les questions d’équité procédurale.

[25] S’il ne fait aucun doute que la prestataire n’a pas été en mesure de chercher un emploi alors qu’elle était chez sa mère, dans une région hors réseau, il n’était pas injuste d’exiger que la prestataire démontre sa disponibilité pour travailler. Après tout, une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable pour lequel elle ne peut prouver qu’elle était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 10. Les tribunaux ont toujours soutenu que pour être disponible pour travailler, une partie prestataire doit satisfaire aux exigences suivantes :

  1. avoir le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. exprimer ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. ne pas fixer de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travailNote de bas de page 11.

[26] Malgré les circonstances personnelles de la prestataire, la division générale devait déterminer si la prestataire était disponible pour travailler. Je ne constate pas que la membre de la division générale a manqué à un principe de justice naturelle en demandant à la prestataire de démontrer qu’elle était disponible pour travailler.

d) Fait de poser la même question deux fois

[27] La prestataire laisse entendre qu’elle n’aurait pas pu bénéficier d’une audience équitable, car la membre de la division générale l’a [traduction] « intimidée » en lui posant la même question deux fois, lorsqu’elle lui a demandé pourquoi la prestataire était incapable de travailler pour son employeur pendant l’étéNote de bas de page 12. Plus précisément, elle prétend que la membre lui a posé la question suivante à deux reprises : [traduction] « Pour quelles raisons ne pouviez-vous pas travailler pour l’employeur pendant l’été? »

[28] Les questions peuvent avoir semblé similaires et avoir suscité la même réponse, mais elles étaient en fait différentes. Les deux concernaient la disponibilité de la prestataire.

[29] En amont des deux questions, la membre de la division générale a demandé à la prestataire de lui en dire davantage à propos d’un courriel qu’elle avait envoyé à son employeur. La prestataire a déclaré que c’était à peu près au même moment où elle avait reçu un appel téléphonique de sa mère lui disant qu’elle avait besoin d’aide à la maison à cause de l’inondation. La prestataire a affirmé avoir discuté avec son supérieur immédiat à propos de sa situation. La prestataire savait que des licenciements étaient déjà en cours et elle a cru que c’était le bon moment pour demander à l’employeur de l’inclure dans la première ronde de licenciementsNote de bas de page 13. La membre a ensuite demandé des précisions pour savoir si son emploi avait une date de fin précise. La prestataire a répondu que l’employeur n’a tout simplement pas fourni de détails concernant son emploi. Elle a de nouveau fait référence à l’appel de sa mère et à la façon dont cela s’inscrivait dans sa demande que son employeur l’inclue dans la première ronde de licenciements en raison de problèmes à la maison.

[30] Pour la première question, la membre de la division générale a demandé à la prestataire d’expliquer sa situation à la maisonNote de bas de page 14. Quelques minutes plus tard, la membre a demandé à la prestataire de lui parler de ses obligations. La membre a fait remarquer que lorsque la prestataire a posé sa candidature pour la première fois, elle a dit ce qui suit : [traduction] « Je ne peux pas travailler [...] pendant l’étéNote de bas de page 15 ».

[31] Pour la deuxième question, la membre a demandé à la prestataire les raisons pour lesquelles elle était incapable de travailler pour son employeur pendant l’étéNote de bas de page 16. La prestataire a répondu ce qui suit : [traduction] « Comme je l’ai déjà mentionné, si maman a besoin d’aide pendant l’été, elle n’a aucune amie ni aucun ami à proximité, et personne d’autre ne peut lui venir en aide [...]Note de bas de page 17 ».

[32] Bien que les deux questions se chevauchaient un peu, il n’y a rien d’intrinsèquement injuste à ce qu’un décideur répète une question ou pose la même question deux fois, même si celle-ci est légèrement modifiée. En l’espèce, même s’il s’agissait de la même question, la membre avait peut-être besoin de précisions ou avait peut-être pensé que la réponse était incomplète.

[33] De plus, après avoir écouté les questions de la membre de la division générale, je n’estime pas qu’elles sont [traduction] « intimidantes » ni que la membre les a posées de façon intimidante.

e) Dépôt de documents après l’audience devant la division générale

[34] La prestataire soutient que la membre a agi de façon menaçante parce qu’elle a déclaré qu’elle ne voulait pas attendre que la prestataire fournisse des documents supplémentaires après l’audience. L’audience a eu lieu le jeudi, et la membre a déclaré que si la prestataire ne déposait pas les documents avant lundi, elle rendrait sa décision. La prestataire a jugé que ces propos étaient indûment menaçants et déraisonnables, et elle s’est sentie mal à l’aise.

[35] Selon l’enregistrement audio, la membre a demandé à la prestataire ce qu’elle considérait comme étant un délai raisonnable pour lui envoyer un dossier de ses recherches d’emploi. La prestataire a offert de lui fournir le dossier une fois l’audience terminée. La membre a fait la déclaration suivante : [traduction] « Je ne veux pas attendre longtemps avant de l’obtenir, alors disons que si je ne l’ai pas reçu d’ici lundi, je rendrai ma décision comme si je ne l’avais pas reçu, d’accord? Lundi sera donc la date limite pour le déposerNote de bas de page 18. » La membre a toutefois ajouté ceci : [traduction] « Si pour une raison quelconque, vous ne pouvez pas le déposer, communiquez avec le Tribunal [de la sécurité sociale] et expliquez ce qui se passe pour que [je sache] que je doive continuer d’attendre. Sinon, [je m’] attend[s] à le recevoir d’ici lundiNote de bas de page 19. » La prestataire a confirmé qu’elle enverrait le document au Tribunal ce jour-là.

[36] Étant donné que la prestataire avait déjà offert de fournir des documents supplémentaires immédiatement après l’audience, il était tout à fait injustifié que la membre réponde ce qui suit : [traduction] « Je ne veux pas attendre longtemps [...] ». Aussi inutile que soit le commentaire, toutefois, je n’estime pas qu’il était menaçant.

[37] Bien que la prestataire se soit sentie mal à l’aise lorsque la membre a fixé une date limite pour lui envoyer un dossier de ses recherches d’emploi, rien ne donnait à penser autrement que la membre ne lui avait pas donné la possibilité de fournir cet élément de preuve. En effet, la membre a clairement fait savoir qu’elle était prête à prolonger le délai pour fournir cet élément de preuve en cas de besoin. La membre a donné à la prestataire l’occasion de déposer des documents supplémentaires après l’audience. Je n’estime pas que la membre a privé la prestataire d’une occasion de défendre sa cause lorsqu’elle a imposé un délai pour déposer le dossier.

Question en litige no 2 : La membre de la division générale a-t-elle fait preuve de partialité?

[38] La prestataire soutient que la membre de la division générale a agi de façon [traduction] « très impétueuse et ne s’est pas comportée de manière impartialeNote de bas de page 20 ». La prestataire fait valoir que le ton et le comportement de la membre ont montré qu’elle ne pouvait pas être indépendante et impartiale. La prestataire prétend que la membre [traduction] « s’est rangée du côté de l’employeur et [de la Commission] et [...] qu’elle [l’a] mise mal à l’aiseNote de bas de page 21 ».

[39] La prestataire soutient que la membre de la division générale a fait preuve de partialité lorsqu’elle n’a pas reconnu la frustration de la prestataire. La prestataire a cité de nombreux exemples au cours de l’audience devant la division générale où elle prétend que la membre a fait preuve de partialité. Ces exemples peuvent être regroupés en trois catégories générales :

  1. lorsque la membre a levé le ton de sa voix ou lorsque son ton semblait subjectif;
  2. lorsque la membre a fait certaines déclarations (p. ex. [traduction] « permettez‑moi de vous dire ce que la législation en matière d’assurance-emploi prévoit en ce qui a trait à ces questions afin que vous sachiez par où je dois commencer [...]Note de bas de page 22 »);
  3. lorsque la membre a répété à maintes reprises [traduction] « hmm », [traduction] « hum » ou [traduction] « d’accord », au lieu d’accepter sa réponse ou de reconnaître sa frustration.

[40] La Cour suprême du Canada a décrit le critère à appliquer pour déterminer s’il y a crainte raisonnable de partialité. Elle a fait référence à l’opinion dissidente du juge Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergieNote de bas de page 23 :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] [c]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[41] Après avoir écouté attentivement l’enregistrement audio, j’estime qu’il n’y a rien de répréhensible dans le ton ou le comportement de la membre de la division générale, ni dans ses déclarations, ni dans la manière dont elle a posé ses questions, ni dans les questions elles-mêmes qui répondraient au critère. De plus, je n’estime pas que la membre a fait preuve de partialité ni qu’elle a suscité une crainte raisonnable de partialité lorsqu’elle a omis de [traduction] « reconnaître » les réponses ou la frustration de la prestataire de la manière dont celle-ci le prévoyait.

[42] La prestataire soutient que la membre a fait preuve de partialité lorsqu’elle a fixé une date limite pour déposer un dossier de ses recherches d’emploi, même si elle avait déjà informé la membre qu’elle le lui fournirait tout de suite après l’audience. Je n’estime pas que cela fait preuve de partialité. Bien que sa remarque [traduction] « Je ne veux pas attendre longtemps […] » n’était pas nécessaire à la lumière de l’offre de la prestataire de déposer les documents après l’audience, la membre a agi correctement en fixant un délai pour veiller à ce que le processus puisse aller de l’avant.

Conclusion

[43] Dans la décision Ayub c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)Note de bas de page 24, la demanderesse a déclaré que le tribunal l’avait mal traitée, au point tel qu’il y avait eu un manquement à la justice naturelle. Après « une lecture approfondie des transcriptions de l’audienceNote de bas de page 25 », la Cour fédérale a déclaré qu’elle ne croyait pas qu’un manquement à la justice naturelle avait eu lieu. Elle a conclu que la demanderesse avait eu toutes les occasions d’expliquer sa version des faits et de répondre aux questions du tribunal. J’estime que tel était le cas de la prestataire dans le cadre de l’instance devant la division générale et, par conséquent, je conclus que la division générale a offert une audience équitable à la prestataire. Malgré la perception de la prestataire à l’égard de la membre de la division générale, et malgré une remarque discutable, je conclus que la membre a fait preuve d’équité et d’impartialité.

[44] Étant donné que j’ai conclu que la membre de la division générale a offert une audience équitable à la prestataire et qu’elle n’a pas fait preuve de partialité, je rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 6 août 2019

Téléconférence

R. H., appelante

S. Prud’Homme, représentante de l’intimée (observations écrites seulement)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.