Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que la prestataire n’est pas une enseignante au sens du Règlement sur l’assurance-emploi et qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi conformément à l’article 33(2) du Règlement sur l’assurance-emploi.

Aperçu

[2] La prestataire était employée comme éducatrice de la petite enfance (EPE) par une commission scolaire de la Nouvelle-Écosse. Elle a été licenciée en mars 2019, et elle est licenciée sans solde pour toutes les périodes de vacances. Le motif de cessation d’emploi indiqué sur le relevé d’emploi est « pénurie de travail ». La prestataire a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (AE) le 10 mars 2019. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a déclaré que la prestataire était inadmissible aux heures d’emploi assurable qu’elle avait accumulées à titre d’EPE pour calculer la période et le taux de prestations parce qu’elle a déterminé que la prestataire était employée dans l’enseignement et n’était pas admissible au bénéfice des prestations pendant une période de congé. La Commission a maintenu sa décision après réexamen. La prestataire interjette appel de la décision au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

Question en litige

[3] La prestataire exerçait-elle un emploi dans l’enseignement?

Analyse

[4] Un enseignant est quelqu’un qui exerce un emploi dans l’enseignement dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelleNote de bas de page 1.

[5] Les enseignants ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’AE, autres que des prestations spéciales, durant les périodes de congé d’été, d’hiver et de printemps, sauf s’ils remplissent certaines conditionsNote de bas de page 2. Le but du régime d’AE est de verser des prestations d’assurance-emploi aux personnes qui se retrouvent « véritablement en chômage » et qui cherchent un emploi. Les enseignants ne sont pas « véritablement en chômage » durant les congés scolaires et ils ne sont donc pas admissibles aux prestationsNote de bas de page 3.

[6] Dans les cas de chômage véritable durant les périodes de congé, les enseignants peuvent recevoir des prestations d’AE s’ils remplissent l’une des conditions suivantes : leur contrat de travail dans l’enseignement a pris fin; leur emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance; ils remplissent les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignementNote de bas de page 4.

[7] C’est à la prestataire qu’il incombe de démontrer qu’elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il n’existe aucune circonstance ayant pour effet de la rendre inadmissible au bénéfice des prestations ou de l’exclure de celui-ciNote de bas de page 5.

[8] Je conclus que la prestataire n’exerçait pas un emploi dans l’enseignement au sens du Règlement sur l’assurance-emploi.

[9] La prestataire travaillait comme éducatrice de la petite enfance (EPE) en Nouvelle-Écosse. Elle a été licenciée le 15 mars 2019 pour le congé scolaire de mars. Dans sa demande initiale de prestations, elle a indiqué qu’au cours des deux années précédentes, elle avait enseigné une partie d’un programme scolaire, mais elle a affirmé à l’audience qu’elle n’est pas une enseignante et sa reconnaissance professionnelle et ses fonctions d’EPE sont séparées et distinctes de celles des enseignants. Elle a ajouté dans son témoignage que l’inscription dans sa demande initiale était une erreur qui s’est produite parce que l’agent de Service Canada qui l’a accompagnée dans la préparation de sa demande croyait que c’était le bon choix pour sa situation.

[10] La prestataire a parlé à un agent de la Commission le 8 mai 2019 et elle a affirmé qu’elle travaillait à temps plein comme EPE dans le programme pré-primaire pour une commission scolaire de la Nouvelle-Écosse. Elle a affirmé que son travail s’effectue dans un bâtiment scolaire et qu’elle est la principale EPE dans la salle de classe. À l’audience, la prestataire a expliqué que le rapport enfants-EPE est de 10 pour 1. Comme elle n’avait que huit enfants inscrits, elle était la seule EPE à l’exception d’une courte période où un autre EPE a été affecté à sa classe pour s’occuper d’un enfant ayant des besoins spéciaux. Elle a également affirmé qu’elle n’était pas syndiquée, qu’elle avait accumulé des crédits de pension et de congés de maladie qui sont reportés, et qu’elle est inscrite au régime de soins dentaires de l’employeur.

[11] La prestataire a aussi déclaré à la Commission qu’elle applique le cadre du programme d’éducation préscolaire du ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse. À l’audience, la prestataire a précisé que ce cadre n’est pas un programme d’enseignement, mais plutôt des lignes directrices pour un apprentissage axé sur le jeu, pas un document énumérant des sujets précis à couvrir et des résultats à obtenir.

[12] Le 8 mai 2019, la prestataire a affirmé à la Commission qu’une date précise de retour au travail lui avait été indiquée lorsqu’elle a été licenciée. À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle sait habituellement quand ou si elle sera rappelée, mais que s’il y n’a pas suffisamment d’enfants qui sont inscrits, elle ne sera pas rappelée. Je constate que la prestataire a déclaré sur sa demande initiale qu’elle bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée. À l’audience, la prestataire a aussi affirmé qu’il s’agissait là encore d’un choix effectué par l’employé de Service Canada qui l’a aidée à remplir le formulaire de demande de prestations d’AE et qu’il ne reflétait pas le fait qu’elle avait conclu un contrat de travail verbal de 10 mois avec son employeur et qu’il ne garantissait aucunement qu’elle serait rappelée.

[13] Le 8 mai 2019, la Commission a conclu que des prestations d’AE ne pouvaient pas être versées à la prestataire parce que des prestations ne peuvent pas être versées à des enseignants durant des périodes de congé. La prestataire a demandé que cette décision soit réexaminée, affirmant qu’elle applique des lignes directrices d’un cadre et non un programme d’études, qu’elle ne fait pas partie d’un syndicat d’enseignants, qu’elle n’a pas de diplôme d’enseignement et qu’elle travaille dans environnement semblable à une garderie sans pupitres, sans attribution de notes, sans résultats scolaires et sans plans de cours.

[14] La Commission a parlé à la prestataire le 29 août 2019. La prestataire a confirmé qu’elle est une EPE principale, qu’elle occupe un poste à temps plein, qu’elle travaille 40 heures par semaine, mais qu’elle n’est pas rémunérée pour les périodes de congé. La prestataire a aussi affirmé qu’elle n’a pas de diplôme en enseignement et qu’elle ne reçoit pas le salaire d’un enseignant. Elle a aussi affirmé qu’on lui donne une date de rappel précise après chaque période de congé et qu’elle occupe un poste permanent. La prestataire a également affirmé qu’elle n’attribue pas de notes aux élèves puisqu’il s’agit d’un programme axé sur le jeu, en ajoutant qu’elle applique un programme gouvernemental.

[15] La Commission a rendu une décision découlant d’une révision le 29 août 2019, confirmant sa décision antérieure, à savoir que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’AE durant une période de congé.

[16] La prestataire a présenté un avis d’appel auprès de ce Tribunal le 25 septembre 2019. La prestataire a affirmé qu’elle n’était pas d’accord avec le fait qu’elle ait été classée comme une enseignante parce qu’elle est une éducatrice d’enfants de maternelle chargée d’organiser des activités axées le jeu qui ne visent pas des résultats d’apprentissage, qu’elle n’attribue pas de notes et qu’elle n’évalue pas le rendement des enfants. Le 7 octobre 2019, la prestataire a ajouté à son dossier d’appel des lettres provenant de la directrice administrative du programme de développement de la petite enfance, madame Janet Lynn Huntington, et du superviseur du programme pré-primaire de son district scolaire.

[17] Une copie de la description de travail de la prestataire est également consignée au dossier. Cette description affirme que la prestataire, à titre d’EPE principale, est responsable de créer et de maintenir un environnement d’apprentissage stimulant en se basant sur les connaissances et les intérêts des enfants. Elle affirme également que l’environnement d’apprentissage doit encourager les enfants à explorer et à enrichir leurs connaissances grâce à leurs expériences et à leurs interactions sociales avec les autres. Les responsabilités du poste sont aussi énumérées et décrivent une fonction qui vise à promouvoir le développement d’un enfant au moyen d’activités et de jeux peu structurés, basés sur son évolution.

[18] La lettre provenant de madame Huntington peut se résumer comme un appui à la prestataire. Madame Huntington confirme que la prestataire est une EPE et pas une enseignante. Elle écrit que le programme pré-primaire de la Nouvelle-Écosse est un programme d’éducation préscolaire sans frais, destiné aux enfants de quatre ans et axé le jeu. Le programme n’est pas obligatoire et emploie des EPE. Madame Huntington affirme que tous les EPE, qu’ils soient employés dans des garderies ou par le programme pré-primaire, appliquent le programme d’éducation préscolaire de la Nouvelle-Écosse qui contient des lignes directrices sur le comportement et les actions des EPE dans la mise en œuvre d’un programme axé sur le jeu. Elle affirme que, même si le mot « programme » figure dans le titre, il n’est pas axé sur des sujets ni des résultats comme les programmes scolaires traditionnels et que les EPE n’enseignent pas aux enfants. Elle a affirmé que les EPE ne sont pas embauchés par les commissions scolaires pour faire de l’enseignement, ajoutant que le programme pré-primaire est offert dans des établissements scolaires parce que l’infrastructure existe déjà et que c’est plus économique. De plus, madame Huntington affirme que le fait que le programme soit offert dans un bâtiment scolaire aide les familles à effectuer la transition lorsque vient le temps pour les enfants de fréquenter l’école publique, mais qu’il n’y pas de lien officiel entre le programme pré-primaire et le système d’éducation publique. Elle souligne que les enfants qui fréquentent le programme pré-primaire n’ont pas accès aux ressources scolaires comme des conseillers et des orthophonistes.

[19] Madame Huntington a joint à sa lettre la loi provinciale pour montrer que le mot « enseignant » ne comprend pas les EPE dans ce contexte. Je n’ai pas inclus ces références parce que je suis chargée d’appliquer la Loi sur l’assurance-emploi et les règlements connexes, et bien que je constate que la prestataire n’est manifestement pas une enseignante au sens de la loi provinciale, je ne suis pas habilitée à la prendre en compte.

[20] La lettre du superviseur de la prestataire en matière d’éducation pré-primaire affirme que l’emploi de la prestataire est [traduction] « extrêmement différent » de celui d’un enseignant, en commençant par la différence dans les compétences professionnelles. Le superviseur affirme que les enseignants offrent un programme d’enseignement et évaluent les résultats d’apprentissage, et effectuent aussi des évaluations, alors que les EPE créent des environnements d’apprentissage qui encouragent les enfants à jouer et à explorer et à créer de nouvelles connaissances grâce à leurs expériences et à leurs interactions sociales. Elle a ajouté que les EPE entretiennent des relations avec les enfants en se basant sur un cadre provincial, mais qu’il n’y a pas de résultats d’apprentissage prescrits.

[21] À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle travaille dans un environnement d’apprentissage, pas une salle de classe, et elle a réaffirmé qu’elle est une éducatrice qui travaille dans un contexte axé sur le jeu et qu’elle n’enseigne rien. Elle a affirmé que son superviseur dépend de la commission scolaire, qu’elle ne relève de personne à l’école et qu’elle n’a aucun lien avec l’école. Elle a aussi ajouté qu’elle dispose d’une toilette dans son environnement d’apprentissage et qu’elle aide les enfants avec des soins personnels comme l’apprentissage de la propreté, ce que les enseignants n’ont pas le droit de faire. La prestataire a mentionné que son relevé d’emploi indique expressément qu’elle est employée par une commission scolaire et qu’elle fait partie de la catégorie de salariés désignés comme des [traduction] « NON ENSEIGNANTS » dans la case 4 du document.

[22] La Commission a fait valoir au Tribunal que la prestataire est considérée comme une enseignante en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi. Bien que la Commission soutienne ce fait, je ne suis pas d’accord.

[23] La Commission a prétendu que la prestataire correspond à la définition d’une enseignante puisqu’elle enseigne au niveau pré-primaire dans une école financée par un gouvernement provincial et relevant d’une commission scolaire. Elle a soutenu que la prestataire a un contrat permanent et qu’elle dirige la classe. La Commission a ajouté que la prestataire enseigne la classe et qu’elle applique le programme d’éducation préscolaire du ministère de l’Éducation au même titre qu’un centre préscolaire autorisé et qu’elle est entièrement responsable de la classe. La prestataire a déclaré que, bien que le programme soit basé sur un cadre provincial, il est axé sur le jeu et il n’y a aucun programme d’enseignement ou des matières à enseigner.

[24] Je conclus que le rôle de la prestataire consiste à faciliter le jeu et le soin des enfants dans les limites d’un programme de garde d’enfants axé sur le jeu. Il est incorrect de décrire le programme comme incluant un programme d’études ou un plan de cours. La Commission a affirmé que, bien que la prestataire ne possède pas un permis d’enseignement, la loi n’exige pas qu’elle détienne un permis pour être considérée comme pratiquant l’enseignement. Bien que je sois d’accord avec cette déclaration, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire n’est pas une enseignante. Je conclus également qu’il n’y a pas de garantie que la prestataire soit rappelée à son emploi puisque cela dépend de l’inscription d’enfants au programme.

[25] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a prouvé qu’elle n’exerce pas un emploi dans l’enseignement à titre d’EPE. Bien que le rôle soit exercé dans un environnement scolaire, le travail n’est pas sensiblement le même que celui d’un enseignant et ressemble beaucoup plus au travail d’un assistant en éducation dans le système d’écoles publiques.

[26] Comme j’ai déjà déterminé que la prestataire n’exerce pas un emploi dans l’enseignement et que, par conséquent, les modalités du Règlement sur l’assurance-emploi relatives aux enseignantsNote de bas de page 6 ne s’appliquent pas à elle, je ne prendrai pas en considération les observations de la Commission basées sur l’article 33(2) de ce Règlement. Comme la prestataire n’est pas une enseignante, ce Règlement ne peut, par définition, s’appliquer.

[27] Madame Huntington a souligné dans sa lettre que la Commission a décidé récemment que certains EPE ne sont pas admissibles aux prestations d’AE parce que ce sont des enseignants. Le Règlement sur l’assurance-emploi définit l’enseignement comme la « profession d’enseignant ». Il est malheureux que la définition contienne le mot qu’il cherche à définir [sic], mais je conclus que le Règlement sur l’assurance-emploi veut exiger que les enseignants enseignent quelque chose. Le travail d’un EPE est incontestablement différent de celui d’un enseignant. Outre les différences au niveau des compétences professionnelles et des salaires, le travail d’un EPE est de favoriser le développement des enfants, que ce soit sur le plan social, émotionnel, cognitif ou physique. Les EPE préparent des activités et des jeux non structurés, sans résultats prescrits ou évaluation des enfants. Ils n’enseignent pas aux enfants, mais éveillent leur intérêt et favorisent leur développement. Pour ces raisons et celles susmentionnées, je conclus que la prestataire n’enseignait pas lorsqu’elle était employée comme EPE et ne devrait pas être inadmissible au bénéfice des prestations d’AE pour cette raison.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli. Je conclus que la prestataire n’est pas une enseignante au sens du Règlement sur l’assurance-emploi et qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi conformément à l’article 33(2) du Règlement sur l’assurance-emploi.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions:

Le 9 octobre 2019

Téléconférence

L. H., appelant

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