Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel de la prestataire sur la question du réexamen mais rejette l’appel sur la question de la pénalité (avertissement).

Aperçu

[2] L’appelante, L. G. (prestataire), a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi.  Elle a déclaré avoir travaillé pour X  et à X. La Commission a établi une période de prestations. La prestataire a reçu 48 semaines de prestations durant la période du 9 mai 2010 au 23 avril 2011, pour un total brut de 21 851 $.

[3] La Commission a procédé par la suite à une enquête quant à l’assurabilité de l’emploi chez X. En février 2015, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a déterminé que la prestataire n’avait pas de contrat de travail avec X. La prestataire a déposé un avis d’appel à l’ARC concernant l’assurabilité de son emploi chez X mais celle-ci a conclu que l’emploi n’était pas assurable. La Commission a informé la prestataire que la demande de prestations était réexaminée, car elle estimait que les informations fournies par la prestataire étaient fausses. Elle a annulé la période de prestations et établit un trop-payé au montant de 21 851 $.

[4] La prestataire a demandé à la Commission de réviser la décision initiale.  Selon la prestataire, elle n’était pas responsable de la situation puisqu’elle avait suivi les conseils de son père. La Commission a modifié la décision concernant sa réclamation. La Commission a considéré que la prestataire avait un emploi assurable au moment de sa demande de prestations, soit celui chez X. Par conséquent, le trop-payé a été réduit à environ 18,251 $, sous réserve d’un nouveau calcul. La Commission a cependant maintenu la décision concernant le réexamen et a décidé d’imposer un avertissement. La prestataire a porté en appel devant la division générale la décision en révision de la Commission.

[5] La division générale a conclu que la Commission pouvait procéder au réexamen de la réclamation de la prestataire suite à la décision de l’ARC et à l’admission de la prestataire à l’effet qu’elle n’avait jamais travaillé pour X. Elle a conclu qu’en l’absence d’emploi assurable, il y avait lieu d’annuler la demande de prestations.  La division générale a conclu que la pénalité était justifiée puisque la prestataire avait fait une demande d’assurance-emploi sachant qu’elle n’avait pas travaillé pour X.

[6] La permission d’en appeler a été accordée par le Tribunal.  La prestataire fait valoir que la division générale a erré dans son interprétation de l’article 52 de la Loi sur l’AE et qu’elle a erré dans son interprétation de la jurisprudence relative à l’imposition d’une pénalité.

[7] Le Tribunal accueille l’appel de la prestataire sur la question du réexamen mais rejette l’appel sur la question de la pénalité (averstissement).

Questions en litige

[8] Est-ce qu’il y a lieu d’annuler la réclamation de la Commission parce que le processus décisionnel prévu à l’article 52 de la Loi sur l’AE n’a pas été complété dans le délai imparti?

[9] Est-ce que la division générale a erré en droit en ne respectant pas les enseignements de la Cour d’appel fédérale lorsqu’il s’agit d’un dossier impliquant une pénalité?

Remarques préliminaires

[10] Le Tribunal a procédé à l’audience en l’absence de la Commission puisqu’il était convaincu qu’elle avait été avisée de sa tenue, conformément à l’article 12 (1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Analyse

Mandat de la division d’appel

[11] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas de page 1

[12] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[13] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Question en litige no 1 : Est-ce qu’il y a lieu d’annuler la réclamation de la Commission parce que le processus décisionnel prévu à l’article 52 de la Loi sur l’AE n’a pas été complété dans le délai imparti?

[14] Le Tribunal accueille l’appel de la prestataire sur la question du réexamen.

[15] La prestataire fait valoir que la Commission reconnait que le montant du trop-payé résultant du processus de révision n’est toujours pas connu à ce jour par la prestataire. Elle soutient que cela démontre clairement que le processus décisionnel prévu à l’article 52 de la Loi sur l’AE n’a pas été complété et que la réclamation doit être annulée.

[16] Dans son argumentation à l’intention de la Division d’appel, la Commission reconnait qu’elle aurait dû présenter à la division générale le taux et les semaines d’admissibilité comme questions en litige au lieu de la question de l’annulation de la demande de prestations, puisque la décision initiale avait été modifiée lors de la révision.

[17] La Commission s’est en effet rendu compte, au stade la demande en révision, que la prestataire avait suffisamment d’heure pour établir une demande de prestataire avec son emploi chez X où elle avait accumulé 1028 heures d’emploi assurable du 9 juillet 2009 au 11 juin 2010, ce qui a eu pour conséquence de réduire le trop-payé de 21 851 $ à environ 18 251 $.

[18] Lors de la préparation de l’appel devant la division d’appel, la Commission a également constaté qu’elle n’avait pas considéré un autre relevé d’emploi de X, du 15 septembre 2009 au 10 mai 2010.  Un deuxième nouveau calcul devra être effectué car ce relevé d’emploi à un impact sur le taux et les semaines d’admissibilité ce qui pourrait une nouvelle fois affecté à la baisse le montant du trop-payé. 

[19] La Commission demande à la Division d’appel de retourner le dossier à la division générale afin qu’une nouvelle décision soit rendue en fonction du nouveau calcul avec les deux relevés d’emploi.

[20] Le Tribunal est d’avis que la division générale a erré en se prononçant sur la décision initiale de la Commission annulant la période de prestation de la prestataire.  En effet, cette décision avait été remplacée lors du processus de révision par une nouvelle décision concernant le taux et la durée des prestations. Il faut souligner que les représentations de la Commission devant la division générale portaient à confusion. Le Tribunal est donc justifié d’intervenir et de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la division générale conformément à l’article 59 (1) de la Loi sur le MEDS.

[21] Le 11 mars 2015, la Commission rendait une décision concernant le réexamen de la demande de prestations de la prestataire.  Il importe de reproduire l'essentiel de la décision de la Commission :

Vous n’avez pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi.

De plus, les prestations d’assurance-emploi établies pour votre demande ne peuvent pas commencer à partir du 25 avril 2010, comme vous l’aviez demandé, parce que vous n’aviez pas droit aux prestations à cette date.

Nous avons annulé votre demande de prestations d’assurance-emploi, qui commençait le 25 avril 2010, parce que l’Agence du revenu du Canada a décidé que votre emploi n’était pas assurable.

(…)

Nous vous enverrons un avis de dette et des instructions concernant le remboursement. Si vous avez des questions sur l’établissement du trop-payé, veuillez communiquer avec le centre d’appels de l’assurance-emploi en composant le 1-800-808-6352.

[22] Le 21 mars 2015, la Commission a effectivement procédé à expédier à la prestataire un avis de dette qui indique un trop-payé au montant de 21 851 $.  Suite à la demande en révision de la prestataire, le trop-payé fût réduit à environ 18 251 $

[23] La Cour d'appel fédérale a eu l'occasion d'analyser le mécanisme de recouvrement des prestations d'assurance-chômage instauré par le Parlement. La Cour a d'abord énoncé qu'il s'agissait d'un régime d'exception, exorbitant du droit commun, et que les articles en question devaient être interprétés restrictivement. Quant au fonctionnement de ce mécanisme, la Cour a énoncé que la notification au prestataire, tout comme les autres opérations mentionnées à l’article 52 de la Loi sur l’AE, devait être effectuée à l'intérieur du délai imparti pour conférer à la Commission le droit d'action et de recouvrement contre un prestataire.Note de bas de page 2

[24] La Cour d’appel fédérale a précisé que la Commission a trente-six mois à compter de la date du paiement pour réexaminer une demande, prendre sa décision, faire le calcul nécessaire et notifier. Si la Commission décide qu'une erreur a été commise dans un sens ou dans l'autre lors du paiement des prestations, elle doit aviser le prestataire et du fait qu'une erreur a été commise et du montant dont il s'agit.

[25] L’article 52 (5) porte à 72 mois le délai pour réexaminer la demande, si la Commission estime qu'une déclaration ou représentation fausse ou trompeurs a été faite relativement à cette demande.

[26] Le Tribunal constate que le 11 mars 2015, la Commission a réexaminé les prestations versées à la prestataire à compter du 9 mai 2010.  Le montant du trop-payé résultant du processus de révision n’est toujours pas connu à ce jour par la prestataire. 

[27] La Commission n’a pas encore calculé en date de ce jour, soit 113 mois après le début du versement des prestations, un montant définitif du trop-payé et souligne simplement en appel qu’un deuxième nouveau calcul doit être effectué sur la base d’information qu’elle détient pourtant depuis le début du processus décisionnel.

[28] En effet, la Commission avait en sa possession les relevés d’emploi de X et de X depuis le début du processus de révision, soit les relevés d'emploi émis les 9 juin 2010 et 16 juillet 2010.

[29] Pour les raisons ci-dessus mentionnées, le Tribunal est d’avis que la Commission n'a pas satisfait aux exigences de l’article 52 de la Loi sur l’AE, à savoir, calculer la somme indûment payée et en notifier la prestataire dans le délai imparti. Permettre à la Commission de continuellement refaire ses calculs du trop-payé contreviendrait aux exigences de l’article 52 de la Loi sur l’AE qui prévoit que les opérations y mentionnées doivent être effectuées à l'intérieur d’un strict délai.

[30] Puisque la Commission a fait défaut de notifier la prestataire de la somme erronément payée dans le délai imparti de 72 mois, alors qu’elle aurait pu aisément le faire, le Tribunal estime que le réexamen auquel s'est livré la Commission a été fait de façon irrégulière et illégale.

[31] L'appel de la prestataire doit donc être accueilli sur la question du réexamen.

Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a erré en droit en ne respectant pas les enseignements de la Cour d’appel fédérale lorsqu’il s’agit d’un dossier impliquant une pénalité?

[32] Le Tribunal constate à la lecture du dossier que la Commission ne semble pas avoir rendu de décision initiale sur la question de l’avertissement mais qu’elle mentionne l’avoir maintenue suite à la demande en révision de la prestataire.  Il apparaît de l’avis d’appel de la prestataire à la division générale que cette dernière était au courant de la décision en révision eu égard à l’avertissement avant son audience devant la division générale qui est le véritable tribunal d’appel.

[33] La prestataire fait valoir que la décision de la division générale repose sur un simple scepticisme et ne rencontre pas le fardeau de preuve en matière d’imposition de pénalité ou d’avertissement.

[34] La seule exigence posée par le législateur afin d’imposer une pénalité est celle d’avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse sciemment, c’est-à-dire en toute connaissance de cause. L’absence d’intention de frauder n’est donc d’aucune pertinence.

[35] La division générale a déterminé que, bien que la prestataire ait été influencée par son père, elle avait tout de même fait sa déclaration à la Commission en sachant qu’elle n’avait pas travaillé pour X.  Elle a conclu que la prestataire avait la connaissance subjective de la fausseté de sa déclaration puisqu’elle s’est présentée dans un bureau de Service Canada afin de recevoir des prestations avec le relevé d’emploi émis par X alors que savait qu’elle n’avait en aucunement travaillé pour cette entreprise.

[36] Le Tribunal est d’avis que la division générale n’a pas erré en réfutant l’explication de la prestataire compte tenu de l’ensemble de la preuve.  Il est manifeste pour le Tribunal que la prestataire a agi en connaissance de cause puisqu’elle savait qu’elle n’avait jamais travaillé pour l’entreprise X.

[37] Il n’y a pas lieu pour le Tribunal d’intervenir sur la question de la pénalité.

Conclusion

[38] Pour les motifs ci-dessus mentionnés, le Tribunal accueille l’appel sur la question du réexamen mais rejette l’appel sur la question de la pénalité.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 26 septembre 2019

Téléconférence

Me Jean-Guy Ouellet, représentant de l’appelante

L. G., appelante

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