Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Les prestations versées en trop doivent être remboursées. Les raisons qui suivent expliquent pourquoi.  

Aperçu

[2] L’appelant a présenté une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi le 4 novembre 2012. Alors qu’il était au chômage et recevait des prestations, l’appelant menait parallèlement un recours contre un ancien employeur. Ce recours a été réglé quelques années plus tard par une entente entre les parties devant le Tribunal administratif du travail et l’appelant a reçu des montants d’argent de son ex-employeur.

[3] La Commission a déterminé qu’une partie de ces montants d’argent constituait une rémunération. Elle a procédé à la répartition de cette rémunération, ce qui a généré un trop payé d’un montant considérable.

[4] L’appelant a porté la décision de la Commission en appel devant la Division générale du Tribunal (DG). La DG a rejeté l’appel de l’appelant. L’appelant a ensuite présenté une demande de modification ou d’annulation de la décision initiale rendue par la DG. Cette demande a aussi été rejetée.

[5] L’appelant s’est alors tourné vers la Division d’appel (DA) du Tribunal. Il y a logé deux appels distincts, l’un portant sur la décision initiale rendue par la DG, et l’autre portant sur le refus de la DG de modifier ou d’annuler sa décision initiale.

[6] La DA a rejeté les appels de l’appelant sur toutes les questions en litige, sauf une. La DA a déterminé que la DG, dans sa décision initiale, avait omis de se pencher sur un argument soulevé par l’appelant portant sur l’applicabilité de l’article 46.01 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) à son cas. Cet article de loi prévoit que des prestations versées en trop n’ont pas à être remboursées si certains critères sont rencontrés.

[7] La DA a donc renvoyé le dossier devant la DG afin que celle-ci examine cet argument soulevé par l’appelant.

Question en litige

[8] Compte tenu du temps écoulé et des montants en jeu, les dispositions de l’article 46.01 de la Loi sont-elles applicables au dossier de l’appelant? Autrement dit, les prestations d’assurance-emploi versées en trop à l’appelant doivent-elles être remboursées?

Analyse

[9] D’abord, il est important de préciser que je suis tenu de me conformer aux directives émises par la Division d’appel dans sa décision du 9 août 2019. Ainsi, la présente décision porte uniquement sur l’applicabilité de l’article 46.01 de la Loi au dossier de l’appelant. Les autres questions en litiges ont déjà été réglées, et je ne peux pas me pencher à nouveau sur celles-ci. De plus, je ne peux pas accepter de me pencher sur de nouveaux motifs d’appels qui n’ont jamais été soulevés lors du premier appel devant la DG ou devant la DA.

Concernant l’article 46.01 de la Loi

[10] Lorsqu’il y a fin d’un litige entre un prestataire et son ex-employeur suite à une cessation d’emploi, le prestataire reçoit parfois plusieurs années après les faits des montants d’argents de son ex-employeur en application d’une sentence arbitrale, du jugement d’un tribunal ou d’une autre forme de règlement. Ces montants constituent normalement une rémunération. Lorsque c’est le cas, le prestataire ou l’employeur sont tenus de rembourser à la Commission les prestations d’assurance-emploi reçues en trop.Note de bas de page 1

[11] Toutefois, l’article 46.01 de la Loi prévoit que les prestations excédentaires n’ont pas à être remboursées si les deux conditions suivantes sont réunies :

  1. Il s’est écoulé plus de trente-six mois depuis le licenciement ou la cessation d’emploi du prestataire pour lequel la rémunération est payée ou à payer.
  2. Selon la Commission, le coût administratif pour la détermination du remboursement est vraisemblablement égal ou supérieur à sa valeur.

[12] Suite au règlement d’un litige contre son ex-employeur, l’appelant a reçu plusieurs dizaines de milliers de dollars. De ce montant, il a été déterminé qu’une portion de 59 908,95$ constituait une rémunération. Ce montant a été réparti sur les prestations de l’appelant, ce qui a généré un trop payé de 11 522$.

[13] L’appelant soutient essentiellement qu’il rencontre ces deux critères, et que la valeur des efforts déployés par la Commission pour examiner son dossier et récupérer les montants en jeu ont probablement dépassé la valeur des montants eux-mêmes. Pour arriver à cette conclusion, l’appelant fait valoir que le litige traine déjà depuis plusieurs années, et que plusieurs employés de la Commission sont intervenus dans son dossier, ce qui a dû entrainer des coûts considérables. L’appelant souligne aussi que la Commission n’a pas beaucoup collaboré dans son dossier d’appel. Elle n’a pas fourni d’estimé de ses coûts administratifs et n’a pas expliqué sa démarche pour conclure que l’appelant devait bel et bien rembourser les montants.

[14] La Commission, de son côté, soutient que la valeur du montant réclamé à l’appelant était suffisamment élevée pour lui permettre de procéder avec la demande de remboursement.

[15] En ce qui concerne le premier critère, tout le monde est d’accord pour dire qu’il s’est écoulé plus de 36 mois entre la cessation d’emploi et l’avis de dette émis par la Commission. En effet, l’emploi de l’appelant a pris fin en mai 2012 et la Commission a fait parvenir le premier avis de dette à l’appelant en avril 2017. L’appelant rencontre donc le premier critère de l’article 46.01.

[16] Je reconnais que les soumissions de la Commission en ce qui concerne l’applicabilité du deuxième critère énoncé à l’article 46.01 sont pour le moins laconiquesNote de bas de page 2.

[17] Toutefois, malgré ceci, je ne peux pas retenir les arguments de l’appelant pour les raisons suivantes:

[18] D’abord, l’article 46.01 mentionne « le coût administratif pour la détermination du remboursement » et non le coût administratif associé au traitement subséquent du dossier et au recouvrement des montants en jeu. Ainsi, en vertu de cet article, la valeur des efforts déployés par la Commission pour recouvrer les montants ou pour présenter sa décision aux différentes étapes d’un processus de recours n’est pas pertinente. La seule chose qui importe est le coût administratif pour établir ce qui doit être remboursé. Or, il va de soi que ces coûts administratifs sont assurément beaucoup plus bas que les coûts associés à l’ensemble des autres interventions de la Commission dans le dossier de l’appelant.

[19] Ensuite, c’est à la Commission et non au Tribunal de faire cette détermination. En effet, la Loi mentionne explicitement «…et que, de l’avis de la Commission, le coût administratif pour la détermination du remboursement…». Il s’agit donc d’un pouvoir discrétionnaire de la Commission. Il est bien établi en jurisprudence que je n’ai pas le pouvoir d’intervenir dans une décision discrétionnaire, sauf lorsque la Commission n’a pas utilisé son pouvoir de façon judiciaire (par exemple, si elle était de mauvaise foi ou si elle a omis de tenir compte de tous les éléments pertinents).Note de bas de page 3

[20] Or, il n’y a rien qui me porte à penser que la Commission n’a pas correctement utilisé son pouvoir discrétionnaire dans ce dossier. En effet, la Commission utilise une règle assez simple pour déterminer si un montant doit être réclamé : elle a fixé un montant seuil de 346$Note de bas de page 4, qui correspond présumément aux coûts administratifs généralement associés à la détermination d’un remboursement. Si le montant à récupérer est supérieur à ceci, elle procède à la demande de remboursement. Sinon, le montant n’est pas réclamé au prestataire.

[21] À mon avis, l’utilisation d’une telle règle est justifiable. En effet, il est raisonnable de penser que les coûts administratifs pour la détermination d’un remboursement sont à peu près les mêmes entre chaque dossier de ce genre, puisque le processus est généralement similaire d’un cas à l’autre : 1- Le prestataire reçoit des prestations d’assurance-emploi. 2- Quelques années plus tard, le prestataire reçoit des montants d’argents de son ex-employeur en vertu d’un règlement. 3-Les détails du règlement sont présentés à la Commission. 4- Le montant des prestations à rembourser est calculé à partir des montants de rémunération versés au prestataire.

[22] Le dossier de l’appelant a suivi ces étapes. De plus, le montant des prestations versées en trop à l’appelant est relativement élevé. Ainsi, il faudrait que les coûts administratifs payés par la Commission pour déterminer du remboursement dans ce dossier s’éloignent beaucoup de la règle générale pour conclure que ces coûts dépassent les montants à rembourser. Or, il n’y a rien qui me porte à penser que c’est le cas.  

[23] J’estime donc que la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a déterminé que le coût administratif pour la détermination du remboursement était inférieur à la valeur du remboursement. L’appelant ne rencontre donc pas le deuxième critère de l’article 46.01. Puisque l’appelant ne rencontre pas les deux critères prévus par la Loi, cet article ne s’applique pas et les prestations reçues en trop doivent être remboursées.

Commentaire concernant le réexamen de la demande

[24] Lors de l’audience, l’appelant a mis beaucoup d’emphase sur le fait que plus de 36 mois se sont écoulés entre le moment où il a reçu des prestations et le moment où la Commission l’a avisé des montants à rembourser. Il a fait valoir que la Commission a excédé la période maximale de 36 mois dont elle bénéficie pour procéder au réexamen d’une demande de prestations au titre de l’article 52 de la Loi. Ainsi, pour cette raison, il soutient que l’obligation de rembourser les sommes dues ne s’applique pas dans son cas.   

[25] Mon mandat dans le cadre du présent dossier était de trancher sur l’applicabilité de l’article 46.01 de la Loi. C’est ce que j’ai fait à la section précédente. Toutefois, à titre de commentaire, je pense qu’il est important de répondre à cet argument de l’appelant, afin de boucler la boucle sur ce dossier.

[26] Le délai de 36 mois prévu à l’article 52 de la Loi ne s’applique pas dans ce cas, tout simplement parce que la Commission n’a pas procédé au réexamen de la demande au terme de cette disposition. Elle a plutôt calculé le montant des prestations à rembourser aux termes des articles 45 et 46 de la Loi. Or, la jurisprudence a clairement établi que le délai de prescription prévu à l’article 52 de la Loi ne s’applique pas aux créances issues de l’application des articles 45 et 46. Sur cet aspect, j’invite l’appelant à consulter la décision ChartierNote de bas de page 5 de la Cour d’appel fédérale qui explique très bien les raisons de cette distinction.

Conclusion

[27] Les dispositions de l’article 46.01 de la Loi ne sont pas applicables au dossier de l’appelant. Par conséquent, les prestations versées en trop doivent être remboursées. L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

9 octobre 2019

Téléconférence

V. B., appelant

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