Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que le prestataire était à l’étranger et qu’il a prouvé que sa situation bénéficie de l’exception prévue à l’article 55(6)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi s’appliquant à un prestataire qui réside dans un État qui est contigu au Canada et qui est disponible pour travailler au Canada et peut se présenter à un bureau de la Commission à sa demande.

Aperçu

[2] Le prestataire vivait à l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.). Il a été licencié le 31 décembre 2018 et il a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE) en janvier 2019. Le prestataire a déménagé à Washington aux États-Unis d’Amérique en avril 2019 pour vivre avec sa conjointe tout en cherchant un emploi tant au Canada qu’aux États-Unis.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déterminé que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’AE à partir du 29 avril 2019 parce qu’il n’était pas au Canada. La Commission a maintenu sa décision après révision. Le prestataire en appelle de la décision au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), soutenant que la Commission n’a pas appliqué la disposition pertinente de la Loi à son appel.

Questions préliminaires

[4] À l’audience, le prestataire a énuméré quelques recherches d’emploi qu’il avait effectuées au cours de la période visée. J’ai demandé au prestataire s’il pouvait fournir son historique de recherche d’emploi portant sur la période allant du 29 avril 2019 au 1er octobre 2019. Le 7 octobre 2019, après l’audience, le prestataire a déposé un document de deux pages énumérant son historique de recherche d’emploi portant sur la période allant de la fin avril 2019 au 1er octobre 2019. J’ai accepté ce document puisque l’information qu’il contient est pertinente à l’appel et bien que je ne croie pas que cette information porte préjudice à la position de la Commission, tout préjudice potentiel quelconque à la Commission serait minime par rapport à l’importance de l’information.

[5] À l’audience, le prestataire a soutenu que le dossier de la Commission ne comportait pas un compte rendu exact de l’ensemble des conversations qu’il a eues avec les agents de la Commission. Le prestataire a soutenu qu’une partie de la correspondance manquante pourrait se révéler pertinente à son appel. Le 3 octobre 2019, j’ai demandé à la Commission d’examiner son dossier et de fournir tous les documents additionnels relatifs aux conversations que le prestataire a eues avec des agents de la Commission ou toute preuve démontrant qu’il a communiqué avec la Commission. La Commission a répondu le 9 octobre 2019 acheminant un document de 38 pages comprenant des observations et des comptes rendus additionnels. Ces documents ont été transmis au prestataire.

Question en litige

[6] Le prestataire était-il admissible au bénéfice des prestations d’ AE alors qu’il était à l’étranger?

Analyse

[7] Pour être admissible aux prestations régulières d’AE, un prestataire doit prouver qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 1.

[8] La Loi sur l’assurance-emploi est conçue de telle sorte que seuls ceux qui sont véritablement sans emploi et activement à la recherche d’un travail toucheront des prestationsNote de bas de page 2. À cette fin, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l’étrangerNote de bas de page 3.

[9] Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit quelques exceptions à cette règle, notamment qu’un prestataire qui n’est pas un travailleur indépendant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger pour « assister à une véritable entrevue d’emploi pour une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs » ou pour « faire une recherche d’emploi sérieuse pour une période ne dépassant pas 14 jours consécutifs Note de bas de page 4».

[10] Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit également qu’un prestataire qui réside à l’étranger n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du seul fait qu’il réside à l’étranger s’il est disponible pour travailler au Canada, s’il peut se présenter en personne à un bureau de la Commission au Canada et il s’y présente à la demande de la Commission, et s’il réside dans un État des États-Unis qui est contigu au CanadaNote de bas de page 5.

[11] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’AE le 19 janvier 2019. Il a déclaré sur son formulaire de demande initiale qu’il résidait à l’Î.-P.-É., indiquant une adresse à l’Î.-P.-É. et affirmant que son adresse domiciliaire était la même que son adresse postale. La demande de prestations a été établie et le prestataire a commencé à remplir des rapports bimensuels d’AE.

[12] Dans le rapport bimensuel portant sur les semaines s’étendant du 28 avril au 11 mai 2019, le prestataire a déclaré qu’il était à l’extérieur du Canada. Dans un questionnaire relatif à sa disponibilité déposé le 12 mai 2019, le prestataire a déclaré qu’il était à l’extérieur du Canada pour une période de plus de 24 heures pour faire une recherche d’emploi et qu’il était prêt à [traduction] « revenir chez lui dans les 48 heures si on lui offrait un emploi ». Il a déclaré qu’il a quitté le Canada le 28 avril 2019 et qu’il ne connaissait pas la date éventuelle de son retour.

[13] Dans les rapports bimensuels pour les semaines s’étendant du 12 mai au 25 mai 2010 et du 26 mai au 8 juin 2019, le prestataire a déclaré qu’il n’était pas retourné au Canada pendant la période visée par le rapport. Le prestataire a parlé à un agent de la Commission le 4 juin 2019, affirmant qu’il était toujours aux États-Unis à la recherche d’un emploi et qu’il ne savait pas quand il retournerait au Canada.

[14] Le 24 juin 2019, le prestataire a dit à la Commission qu’il [traduction] « demeurait avec des parents pendant qu’il recherchait un emploi » et il a réaffirmé qu’il avait quitté le Canada le 28 avril 2019 et qu’il n’avait pas fixé une date de retour. Les notes de la Commission montrent que le prestataire a déclaré qu’il résiderait à Seattle jusqu’à ce qu’il trouve un emploi et qu’il cherchait un emploi dans les deux pays. La Commission a demandé au prestataire de fournir un historique de recherche d’emploi indiquant les employeurs auxquels il a présenté une demande d’emploi ou qui l’avaient convoqué à une entrevue. La Commission a consigné dans le dossier que le prestataire [traduction] « a refusé de fournir de plus amples détails concernant sa disponibilité ».

[15] Le 25 juin 2019, la Commission a rendu une décision dans laquelle elle concluait que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’AE à partir du 29 avril 2019 parce qu’il était à l’étranger. Le jour même, le prestataire a présenté un questionnaire en ligne, affirmant qu’il était rentré au Canada et qu’il était disponible pour travailler. Les notes de la Commission mentionnent qu’elle n’a pas cru que le prestataire était retourné légitimement au Canada parce qu’il a soumis le questionnaire et changé son statut [traduction] « en moins de quelques heures après avoir été informé de la décision ». La Commission a également soutenu que le prestataire a fait une déclaration claire selon laquelle il n’avait aucunement l’intention de retourner au Canada avant d’avoir trouvé un emploi, et elle a donc estimé que ses nouvelles déclarations étaient moins crédibles parce qu’elles ne concordaient pas avec ses déclarations antérieures voulant qu’il n’ait pas fixé de date de retour.

[16] La Commission a soutenu que, tout au long de sa période de prestations, le prestataire a fourni des dates contradictoires lorsqu’on lui a demandé à quelle date il retournerait au Canada. La Commission a fait remarquer que lorsque le prestataire a parlé avec un agent le 24 juin 2019, il a affirmé qu’il n’avait fixé aucune date de retour, mais le 25 juin 2019, il a soutenu qu’il était retourné au Canada. Plus tard, il a déclaré à un agent qu’il était retourné le 10 juin 2019, mais il a indiqué dans un questionnaire sur sa disponibilité qu’il était retourné le 25 juin 2019. Le prestataire a dit à la Commission le 7 août 2019 qu’il était retourné au Canada pendant deux ou trois jours le 9 juin 2019 pour une entrevue d’emploi et qu’il y était encore retourné le 25 juin 2019, et il a déclaré les retours. Il a ajouté qu’il a fait des aller-retour entre les États-Unis et le Canada pendant toute la période depuis son déménagement à Washington aux États-Unis.

[17] À l’audience, le prestataire a affirmé qu’au départ il avait mal compris ce que voulait dire la Commission lorsqu’elle lui a demandé la date prévue de son retour au Canada. Il a déclaré que la Commission lui avait d’abord demandé quand il prévoyait retourner à l’Î.-P.-É. Il n’avait pas fixé de date et il a déclaré qu’il n’avait pas de date de retour prévue parce qu’il croyait que la Commission voulait dire retourner à l’Î.-P.-É. Il a affirmé plus tard avoir compris que retourner au Canada voulait dire simplement traverser la frontière pour entrer au Canada et il a affirmé qu’il le faisait pendant toute la période où il vivait aux États-Unis. Il a affirmé qu’il traversait la frontière presque tous les jours pour faire des choses simples comme aller chercher du lait, en plus des recherches et des entrevues d’emploi. Il a expliqué que les divergences entre ses déclarations s’expliquaient par ce malentendu. Il a ajouté qu’il traversait la frontière tellement souvent qu’il ne pouvait pas indiquer à la Commission les dates exactes de ses séjours au Canada parce que c’était tellement fréquent et faisait partie de son quotidien. Le prestataire a également affirmé que sa conjointe travaille au Canada, mais qu’ils choisissent de vivre aux États-Unis parce que le loyer est moins cher.

[18] Je conclus que les explications fournies par le prestataire pour expliquer les contradictions apparaissant dans les dates auxquelles il était à l’extérieur du Canada sont raisonnables et justifiées par la preuve selon laquelle il vit dans une ville à la frontière du Canada.

[19] Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, avançant qu’il résidait temporairement dans un État qui est contigu au Canada et qu’il était disponible pour travailler au Canada et se présenter en personne à un bureau de la Commission à sa demande.

[20] La Commission a soutenu que le prestataire a fourni des renseignements contradictoires quant à son adresse domiciliaire, affirmant à différents moments qu’il était à Seattle, Washington, au nord de Seattle à X, Washington, et au nord de Vancouver en Colombie-Britannique. La Commission a également noté que le prestataire a fourni une copie d’un contrat de location dans ses documents d’appel, indiquant son adresse comme étant X, Washington, bien que tout au long de la période de prestation, il ait réaffirmé que sa résidence était à l’Î.-P.-É.

[21] Le prestataire semble avoir affirmé à la Commission qu’il vivait dans tous les endroits indiqués ci-dessus. Il a aussi déclaré, dans un appel en date du 2 août 2019, qu’il cherchait un emploi à Vancouver et à Victoria et qu’il avait des parents et des amis dans les deux villes où il pouvait demeurer s’il trouvait un emploi. Le 7 août 2019, il a réaffirmé à la Commission que son adresse était à l’Î.-P.-É., mais qu’il considérait les États-Unis comme sa résidence principale parce qu’il demeurait invariablement à la même adresse lorsqu’il s’y trouvait, au lieu de multiples adresses lorsqu’il se trouvait au Canada. Le 22 août 2019, il a dit à la Commission qu’il vivait dans le nord de Vancouver et plus tard au cours du même appel il a affirmé qu’il vivait à cinq minutes de l’autre côté de la frontière aux États-Unis et qu’il pouvait se présenter à la Commission en tout temps.

[22] Avec l’Avis d’appel, le prestataire a soumis une copie de son contrat de location d’une propriété à X, Washington, États-Unis. Il semble que le contrat ait été signé par le prestataire le 1er décembre 2018 pour une location prenant effet du 1er février 2019 au 1er février 2020. Le prestataire a déclaré qu’au moment de présenter une demande de prestations d’AE, il vivait à l’Î.-P.-É., mais qu’il a déménagé plus tard à X, Washington, pour suivre sa conjointe qui avait déjà déménagé et travaillait en Colombie-Britannique. Il a déclaré qu’il n’avait pas dit à la Commission qu’il vivait à X ou à Seattle, Washington, mais plutôt qu’il vivait au nord de Seattle et dans une collectivité près de X, Washington. L’information s’est retrouvée dans une note rédigée et déposée à son dossier indiquant qu’il vivait à X, Washington. Le prestataire a déclaré que depuis son déménagement aux États-Unis en avril 2019, il vivait à la même adresse à X, Washington, qui se trouve à environ cinq minutes de route de la frontière avec le Canada. Le prestataire a ajouté qu’il disposait toujours d’un appartement à l’Î.-P.-É., mais que son adresse domiciliaire devrait être celle de X parce c’est là qu’il habite en permanence avec sa famille. Il a ajouté que lorsqu’il se rend à Vancouver pour chercher un emploi, il loge chez des amis ou se loue une chambre, mais qu’il n’y a pas établi de résidence.

[23] Il est évident que la confusion entourant le lieu de résidence du prestataire était raisonnable étant donné qu’il réside toujours à l’Î.-P.-É. parce qu’il y loue toujours un appartement. Toutefois, le prestataire habite à X avec sa conjointe et il a un contrat de location. Le prestataire a déclaré invariablement que son lieu de résidence est X, Washington. Bien qu’il ait affirmé qu’il habite parfois au Canada, il a déclaré qu’il loge à l’hôtel ou dans un logement loué par l’intermédiaire d’Airbnb et qu’il n’a pas établi de résidence en Colombie-Britannique.

[24] Je conclus que le prestataire était à l’extérieur du Canada parce qu’il a déclaré qu’il a déménagé de l’Î.-P.-É. à Washington aux États-Unis le 28 avril 2019. Je conclus également que le prestataire a résidé à Washington aux États-Unis depuis le 28 avril 2019. La règle générale veut qu’un prestataire ne soit pas admissible au bénéfice des prestations d’AE pour toute période pendant laquelle il est à l’étrangerNote de bas de page 6.

[25] La Commission a soutenu que le prestataire n’avait pas rempli les conditions requises pour recevoir des prestations d’AE. Elle a affirmé que le prestataire aurait pu remplir les conditions requises pour recevoir des prestations pendant une période de 7 à 14 jours parce qu’il était à l’extérieur du Canada pour trouver un emploi ou passer une entrevue d’emploi, mais qu’il n’a pas rempli les conditions requises parce qu’il ne pouvait pas établir les dates auxquelles il était ou non au Canada. Le prestataire a soutenu qu’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations d’AE parce qu’il vivait dans un État qui est contigu au Canada, qu’il était disponible pour travailler au Canada et qu’il pouvait se présenter en personne à un bureau de la Commission à sa demande.

[26] La Commission a ajouté dans ses observations que le prestataire avait été informé de la possibilité d’être admissible aux prestations en présentant une demande de prestations inter-États, mais qu’il a refusé de présenter une telle demande. Je constate que la Commission en a parlé au prestataire le 26 juin 2019 et qu’il a affirmé, selon les notes au dossier, qu’il ne voulait pas présenter une demande de prestations inter-États.

[27] La Commission a déterminé que le prestataire ne bénéficiait pas de l’exception à la règle voulant qu’il ne soit pas admissible au bénéfice des prestations d’AE alors qu’il était à l’extérieur du Canada parce qu’il n’a pas pu montrer quand il était et n’était pas au Canada, et il n’a pas fourni d’historique de recherche d’emploi ni de dossiers d’entrevues pour appuyer le fait qu’il était à l’extérieur du pays à la recherche d’un emploi. Bien que la Commission ait ajouté que le prestataire pourrait être admissible au bénéfice des prestations en vertu de l’article 55(6)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi, elle a affirmé qu’il n’y était pas admissible parce qu’il n’avait pas présenté une demande de prestations inter-États. La Commission a informé le prestataire le 7 août 2019 que l’exception prévue à l’article 55(6)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi [traduction] « s’applique uniquement aux clients inter-États ». Le prestataire s’est dit en désaccord, affirmant qu’il [traduction] « ne savait pas ce qu’était une demande inter-États », mais qu’il supposait que c’était quelque chose à voir avec le navettage.

[28] La Commission s’est entretenue avec le prestataire le 22 août 2019 et affirmé que [traduction] « puisque [le prestataire] était à l’extérieur de son lieu de résidence pendant plus de quatre semaines, il devait transférer sa demande ». Le prestataire a déclaré qu’il ne connaissait pas grand-chose aux demandes inter-États, mais que s’il allait travailler aux États-Unis, il s’agirait d’une demande inter-États. Le prestataire a déclaré que cela ne correspondait pas à sa situation parce qu’il n’habitait pas au Canada et qu’il ne travaillait pas aux États-Unis, mais habitait aux États-Unis et cherchait un emploi aussi bien au Canada qu’aux États-Unis.

[29] Il n’est pas clair à mes yeux sur quoi se fonde la Commission pour déclarer que l’article 55(6)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi s’applique uniquement aux clients inter-États. Il s’agit peut-être d’une politique interne de la Commission, mais je conclus que cela ne reflète pas la Loi sur l’assurance-emploi ni le Règlement sur l’assurance-emploi. Je ne suis donc pas obligée d’appliquer ce raisonnement, parce que je ne suis pas liée par les politiques de la CommissionNote de bas de page 7.

[30] Le prestataire a déclaré que la Commission ne lui a pas demandé de fournir un historique de recherche d’emploi auprès d’entreprises canadiennes, mais qu’elle voulait savoir où il présentait des demandes d’emploi aux États-Unis, où il habitait et quand il retournait à l’Î.-P.-É. Il a soutenu que la Commission se concentrait sur la question à savoir s’il était admissible à une semaine ou deux de prestations parce qu’il était à l’extérieur du Canada pour trouver un emploi ou passer des entrevues et qu’elle ne s’est pas penchée sur la question à savoir s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations d’AE puisqu’il habitait dans un État qui est contigu au Canada.

[31] Je conclus que le prestataire a prouvé qu’il remplit les critères pour bénéficier d’une exception à la règle générale voulant qu’un prestataire ne soit pas admissible au bénéfice des prestations s’il est à l’extérieur du Canada. Le prestataire a déclaré, et la preuve le démontre, qu’il habite à X à Washington depuis le 28 avril 2019. Il s’agit d’un État qui est contigu au Canada parce que Washington aux États-Unis partage une frontière avec la Colombie-Britannique au Canada. Je conclus également que le prestataire était disponible pour se présenter à un bureau de la Commission à sa demande parce qu’il a déclaré qu’il habitait à cinq minutes de route du Canada et à deux heures de route de Vancouver au Canada. Il a également déclaré qu’il était disponible pour se présenter en personne à un bureau de la Commission à sa demande. Je tiens pour avéré que le prestataire habitait assez proche du Canada pour être disponible si la Commission lui demandait de se présenter.

Disponibilité aux États-Unis

[32] Le prestataire a soutenu que la Commission l’a interrogé seulement au sujet des entrevues et des recherches d’emploi aux États-Unis et qu’elle n’était pas intéressée à sa recherche d’emploi au Canada. C’est peut-être parce que la Commission s’est penchée sur les exceptions prévues aux articles 55(1)(e) et 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi plutôt que sur l’article 55(6)(a). Toutefois, la Commission s’est peut-être aussi penchée sur une série de décisions qui ne sont plus, à mon avis, un reflet fidèle de la loi.

[33] Il y a peu de cas précédents portant sur des faits similaires. La seule affaire entendue par la Cour d’appel fédérale que j’ai pu trouver portait uniquement sur la signification du mot « contigu »Note de bas de page 8. Dans le cas qui nous occupe, l’État de Washington aux États-Unis est contigu au Canada parce qu’il partage une frontière géographique avec le Canada. Je constate qu’il y a des décisions antérieures du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB) portant sur des circonstances analogues et, bien que ces décisions soient convaincantes, elles ne font pas jurisprudence et je ne suis pas tenue d’en appliquer les principes.

[34] Dans un examen des commentaires et de la jurisprudence dans The 2019 Annotated Employment Insurance ActNote de bas de page 9, j’ai remarqué que les dispositions de l’article 55(6) du Règlement sur l’assurance-emploi s’appliquent seulement si le prestataire est disponible pour travailler aux États-Unis, qu’il possède un permis de travail valide et qu’il réside temporairement aux États-Unis. Le fondement juridique réside dans plusieurs décisions CUB datant d’avant 1995. Dans la décision CUB 12206, rendue le 4 juin 1986, le décideur a énuméré trois critères exigés pour que l’exception s’applique, notamment que le prestataire soit disponible pour travailler aux États-Unis et qu’il possède un permis de travail valideNote de bas de page 10. Cette décision a trouvé écho dans la décision CUB 12946Note de bas de page 11, rendue le 28 novembre 1986 et dans laquelle le décideur a adopté les mêmes critères pour un cas où le prestataire n’était pas disponible pour travailler aux États-Unis.

[35] Bien que peu de causes récentes soulèvent l’application de l’article 55(6)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi, j’ai examiné les cas précédents dans ce domaine et la dernière version du texte de la Loi. Je conclus que le paragraphe en question exige seulement qu’un prestataire réside, temporairement ou en permanence, dans un État des États-Unis qui est contigu au Canada, qu’il satisfait aux exigences relatives à la disponibilité au Canada et qu’il peut se présenter en personne à un bureau de la Commission à sa demande et qu’il le fait. Il n’y a aucune exigence voulant que le prestataire satisfasse à un critère d’admissibilité aux États-Unis ou qu’il possède un permis de travail valide pour bénéficier de l’exception.

Disponibilité au Canada

[36] Le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler au Canada. Deux articles différents de la Loi exigent que les prestataires démontrent qu’ils sont disponibles pour travaillerNote de bas de page 12. J’examinerai d’abord si le prestataire a prouvé qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 13 et j’examinerai ensuite si le prestataire a prouvé qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 14.

[37] La Loi définit des critères que je dois prendre en compte pour décider si les démarches du prestataire étaient raisonnables et habituellesNote de bas de page 15. Je dois examiner si ses démarches ont été soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Je dois également examiner les démarches qu’a fait le prestataire dans les activités de recherche d’emploi suivantes : l’évaluation des possibilités d’emploi, la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation, l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement, la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi, le réseautage, la communication avec des employeurs éventuels, la présentation de demandes d’emploi, la participation à des entrevues, la participation à des évaluations de compétences.

[38] Le 2 août 2019, le prestataire a dit à la Commission qu’il cherchait un emploi en ligne, par l’intermédiaire de sites Web comme Indeed et LinkedIn, qu’il avait rédigé un curriculum vitæ et une lettre de présentation et qu’il s’était inscrit à des banques d’emplois en ligne. Il a aussi affirmé qu’il avait communiqué avec des employeurs éventuels par l’intermédiaire de sites Web et qu’il avait présenté trois ou quatre demandes d’emploi par semaine à des employeurs canadiens et environ une dizaine par semaine à des employeurs américains. Il a aussi affirmé qu’il avait participé à deux entrevues avec des entreprises canadiennes et à plusieurs entrevues avec des entreprises américaines, mais qu’il n’avait toujours pas trouvé d’emploi.

[39] Après l’audience, le prestataire a déposé une copie de son historique de recherche d’emploi datant de la période qui s’étend d’avril 2019 au 1er octobre 2019. Il y a inscrit le nom de l’entreprise, le titre du poste et la date à laquelle il a posé sa candidature. Le prestataire a énuméré 23 emplois en tout et il a affirmé que quelques éléments de sa recherche d’emploi avaient été perdus après qu’il eut cru que les prestations d’AE lui avaient été refusées. Je constate dans les documents supplémentaires fournis par la Commission, qui n’avaient pas été inclus auparavant dans le dossier remis au Tribunal, que le prestataire avait discuté de sa disponibilité avec un agent de la Commission le 30 avril 2019. À ce moment-là, il a affirmé qu’il avait présenté sa candidature à bon nombre d’emplois et qu’il participait à de nombreux bassins d’emploi gouvernementaux canadiens. Il a aussi affirmé qu’il avait un différend avec son ancien employeur et qu’il espérait être réembauché au même poste. Il a ajouté qu’il était membre de l’association professionnelle X qui lui fournissait des occasions de réseautage et il a énuméré quelques-uns des employeurs auxquels il avait présenté sa candidature.

[40] Le prestataire a soutenu qu’en raison de la durée de l’attente d’une décision de l’AE, quelques-uns des documents attestant de sa recherche d’emploi d’avril à août 2019 avaient été « perdus ». Le prestataire a fourni une liste de 15 entreprises auxquelles il a présenté sa candidature, mais il n’a pas fourni les dates ni les postes pour lesquels il a présenté une demande.

[41] Je conclus que le prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’AE parce qu’il n’a pas pu prouver qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 16. Le prestataire a démontré qu’il a fait un effort de recherche d’emploi soutenu et qu’il a entrepris bon nombre des démarches raisonnables et habituelles prévues au Règlement sur l’assurance-emploi.

[42] En ce qui concerne la capacité de travailler et d’être disponible à cette fin, le prestataire doit prouver trois choses pour démontrer sa disponibilité en vertu de cet article :

  1. le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;
  2. l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. aucune condition personnelle pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 17.

[43] Je dois prendre en compte chacun de ces facteurs pour décider de la question de disponibilitéNote de bas de page 18, en examinant l’attitude et le comportement du prestataireNote de bas de page 19.

Le prestataire avait-il le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert?

[44] Je conclus que le prestataire a exprimé le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Le prestataire a fourni un historique de recherche d’emploi énumérant 23 demandes d’emploi qu’il a présentées entre la fin avril et le 1er octobre 2019. Le prestataire a aussi déclaré qu’il cherche à travailler à X où il y a des emplois spécialisés de haut niveau. Il a affirmé qu’il n’y a pas beaucoup d’emplois disponibles dans son domaine et qu’il présente aussi sa candidature pour d’autres emplois de gestion de projet. Étant donné l’expérience du prestataire et le genre d’emploi qu’il cherche, je conclus que 23 emplois représentent un nombre raisonnable de demandes d’emploi présentées entre la fin avril et le 1er octobre 2019.

Le prestataire a-t-il fait des efforts pour trouver un emploi convenable?

[45] Je conclus que le prestataire a fait des efforts pour trouver un emploi convenable. Bien qu’elles ne soient pas obligatoires pour rendre une décision relative à cette exigence particulière, j’ai pris en considération la liste des activités de recherche d’emploi décrites ci-dessus pour orienter ma décision relative à ce deuxième facteur. Comme consigné en preuve ci-dessus, les efforts du prestataire pour trouver un nouvel emploi ont inclus la rédaction d’un curriculum vitæ et d’une lettre de présentation, la recherche d’emploi sur Internet, l’inscription à des sites d’emplois, la communication avec des employeurs éventuels, des activités de réseautage avec son association professionnelle X, la présentation de demandes d’emploi, la participation à des évaluations de compétences et la participation à des entrevues. Ces efforts sont suffisants pour satisfaire à l’exigence de ce deuxième facteur parce que le prestataire a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que ses efforts étaient nombreux et axés sur la recherche d’un emploi convenable.

Le prestataire a-t-il établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail?

[46] Je conclus que le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail. Le prestataire a affirmé qu’il n’a pas limité ses chances de retourner sur le marché du travail parce qu’il a posé sa candidature pour des emplois partout dans le sud de la Colombie-Britannique et dans sa région locale à Washington aux États-Unis. Il a aussi déclaré que, bien qu’il préfère travailler comme X, il a fait des demandes d’emploi dans de nombreux domaines, comme X, parce qu’il savait qu’il possédait les compétences nécessaires pour occuper ces postes.

[47] La Commission a affirmé que le prestataire a établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail en affirmant qu’il n’accepterait pas un salaire inférieur à 100 000 $ par an. La Commission a examiné le Rapport sur les salaires de Statistique Canada pour un X et a constaté que le salaire horaire moyen dans la région de l’île de Vancouver se situait entre 38 $ et 72 $ l’heure, et entre 40 $ et 80 $ l’heure dans la vallée du bas Fraser et la région du sud-ouest. La Commission a dit au prestataire le 7 août 2019 que le salaire minimum exigé mettait une restriction à sa recherche d’emploi parce que le salaire moyen d’un X dans la construction s’élevait à environ 80 000 $ par an. Le prestataire a affirmé à la Commission qu’il cherchait un emploi comme un X dans la construction, pas seulement comme un X, dont le salaire moyen s’élève à près de 120 000 $ par an.

[48] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il cherchait des emplois de X et qu’il était disposé à occuper des postes en construction. Il a affirmé qu’il possède une maîtrise en X, ainsi que de nombreuses attestations en plus du diplôme, et il a confirmé qu’il n’accepterait pas un salaire inférieur à 100 000 $ par an. Il a ajouté qu’il ne savait pas comment la Commission en était arrivée à déterminer que le salaire moyen dans son domaine s’élevait à 80 000 $, mais il a réaffirmé que selon sa connaissance et son expérience dans le secteur, c’était trop bas.

[49] Je conclus que les attentes salariales du prestataire ne constituent pas une condition personnelle qui pourrait limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail. La Commission a cité les renseignements du Rapport sur les salaires pour un X, ce qui ne correspond pas à un X en construction ni à un X, et elle a constaté que le salaire horaire moyen dans la région de l’île de Vancouver se situait entre 38 $ et 72 $ l’heure, et entre 40 $ et 80 $ l’heure dans la vallée du bas Fraser et la région du sud-ouest. Si je prends en compte le bas de l’échelle salariale sur l’île de Vancouver, un salaire horaire de 38 $ pour une semaine moyenne de 40 heures et 52 semaines par année totalise environ 79 000 $ par an. Mais cela représente le bas de l’échelle salariale. Dans le haut de l’échelle salariale, le taux horaire s’élève à 72 $ sur l’île de Vancouver ce qui correspond à près de 150 000 $ par année aux mêmes conditions. Le salaire moyen entre ces deux sommes est de 115 000 $ par année.

[50] Le Commission n’a pas calculé correctement le salaire moyen et elle a invoqué des renseignements qui ne reflètent peut-être pas les types de postes que brigue le prestataire. Je conclus que les attentes salariales du prestataire ne sont donc pas déraisonnables ni une condition limitant sa recherche d’emploi.

Le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable?

[51] Compte tenu des conclusions auxquelles je suis arrivée au sujet des trois facteurs, je conclus que le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 20. Cela signifie qu’il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’AE à partir du 29 avril 2019.

Autres questions

[52] Le prestataire a demandé réparation, outre le versement des prestations d’AE. Il demande que lui soient versés des intérêts sur les sommes dues, des excuses, une indemnité pour le stress, et une promesse que la Commission établira des programmes visant à éduquer les employés à la Loi sur l’assurance-emploi et faire en sorte que la Commission fasse des enregistrements des conversations qu’elle a avec les prestataires ou que les prestataires puissent enregistrer ces conversations pour éviter les divergences et les échecs de communication. J’ai informé le prestataire que je n’ai pas compétence pour accorder aucune de ces réparations additionnelles.

Conclusion

[53] L’appel est accueilli. Bien que je conclus que le prestataire était à l’extérieur du Canada, il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’AE pour cette raison puisqu’il bénéficie de l’exception prévue à l’article 55(6)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 3 octobre 2019

Téléconférence

F. A., appelant

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