Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La demanderesse, M. J. (la prestataire), a fait une demande de prestations d’assurance-emploi et a touché ces prestations en même temps qu’elle touchait un salaire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a par la suite enquêté sur les circonstances de sa demande et a découvert que le salaire que la prestataire a déclaré toucher ne correspondait pas à celui que l’employeur a déclaré payer à la prestataire. Par conséquent, la Commission a inclus un salaire supplémentaire à titre de gains à la demande de la prestataire. Il en a découlé un versement excédentaire de prestations. La Commission a également imposé une pénalité et a transmis un avis de violation grave à la prestataire parce qu’elle a reconnu que celle-ci a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans sa déclaration. Ces décisions ont toutes été maintenues par la Commission lorsque la prestataire lui a demandé de les réviser.

[3] La prestataire a interjeté appel de la décision de révision de la Commission à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a fait droit au retrait de l’avis de violation, mais non pas aux autres questions de l’appel. La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[4] Malheureusement, l’appel de la prestataire est tardif et elle ne m’a pas convaincu que le fait d’accorder la prorogation du délai et de faire droit à l’appel serait dans l’intérêt de la justice. La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait l’intention persistante de poursuivre l’appel ni ne m’a-t-elle convaincu qu’elle avait raisonnablement expliqué son retard à interjeter appel. En outre, la prestataire n’a pas établi une cause défendable qui pourrait être accueillie en appel. La demande de prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Questions préliminaires

[5] Lorsque j’ai reçu pour la première fois l’appel de la prestataire, j’ai remarqué qu’elle espérait que j’étudie de nouveaux éléments de preuve dont n’était pas saisie la division générale. Comme je ne pouvais pas prendre en considération ces éléments de preuve, j’ai écrit à la prestataire le 29 juillet 2019 pour lui expliquer le processus d’annulation ou de modification d’une décision et lui demander si elle souhaitait que la division d’appel attende avant de prendre une décision pendant qu’elle tenterait de demander à la division générale de revoir sa décision antérieure en fonction de ses nouveaux éléments de preuve. La prestataire a effectivement demandé à la division générale d’annuler ou de modifier sa décision, mais sans succès (GE‑19‑2923).

[6] Après le rejet de cette demande, la division d’appel a réactivé l’appel de la prestataire. Le 20 septembre 2019, j’ai écrit à la prestataire pour lui demander d’expliquer pourquoi sa demande de permission d’en appeler était tardive et également de clarifier sa thèse quant à la façon dont la division générale aurait pu commettre une erreur aux termes des moyens d’appel.

La demande de permission d’en appeler de la prestataire a-t-elle été déposée tardivement?

[7] Selon l’article 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), la demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 30 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision de la division générale.

[8] Rien au dossier ne permet de confirmer la date exacte à laquelle la décision a été communiquée à la prestataire. Lorsque la prestataire a téléphoné au Tribunal le 4 juillet 2019 pour demander un formulaire d’appel, le Tribunal l’a informée qu’elle aurait dû présenter une demande dans les 30 jours suivant le 30 janvier 2019. Elle a seulement répondu qu’elle avait [traduction] « perdu son emploi à cette époque en plus d’avoir des problèmes de vie privée ». Cependant, elle n’a pas précisé à quel moment la décision de la division générale lui a été transmise la première fois.

[9] En l’absence de preuve quant à la date effective à laquelle la décision a été communiquée à la prestataire, l’article 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le règlement) prévoit que la décision est présumée avoir été communiquée à la partie, si elle est transmise par la poste ordinaire, le 10e jour suivant celui de sa mise à la poste. Étant donné que la décision date du 28 janvier 2019 et qu’elle a été transmise par la poste ordinaire avec une lettre du 30 janvier 2019, je conviens que la décision a été communiquée à la prestataire le 9 février 2019, conformément à l’article 19(1) du règlement.

[10] La division d’appel n’a reçu la demande de permission d’en appeler de la prestataire que le 13 juillet 2019. Étant donné que la décision a été communiquée le 9 février 2019, la demande de permission d’en appeler est en retard de plus de cinq mois.

[11] La demande de permission d’en appeler est tardive.

Question en litige

[12] La division d’appel devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation du délai de dépôt de la demande de permission d’en appeler?

Analyse

[13] L’article 57(2) de la LMEDS confère à la division d’appel le pouvoir discrétionnaire d’accorder plus de temps au demandeur pour présenter une demande de permission d’en appeler. Bien que cette décision relève du pouvoir discrétionnaire de la division d’appel, la Cour d’appel fédérale a exigé que la division d’appel tienne compte de certains facteurs dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.Note de bas de page 1 Ces facteurs (appelés facteurs Gattellaro) sont les suivants :

  1. le demandeur démontre l’intention persistante de poursuivre l'appel;
  2. le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l'autre partie;
  4. la cause est défendable.

[14] Le poids accordé à chacun des facteurs susmentionnés peut varier d’un cas à l’autre tandis que dans certains cas, différents facteurs seront pertinents. Selon la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Larkman,Note de bas de page 2 la considération primordiale est celle de savoir si l'octroi d'une prorogation de délai serait dans l'intérêt de la justice.

Intention persistante

[15] Je conclus que la prestataire n’a pas démontré l’intention persistante de poursuivre l’appel. La prestataire a déposé sa demande de permission d’en appeler environ cinq mois après la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée. La prestataire déclare dans sa demande de permission d’en appeler qu’elle a communiqué plusieurs fois avec le Tribunal avant et après avoir déposé son avis d’appel à la division générale (reçu par le Tribunal le 6 janvier 2019). Toutefois, elle n’a pas communiqué avec le Tribunal entre la publication de la décision de la division générale et son appel téléphonique au Tribunal le 4 juillet 2019. Au cours de cette période, elle n’a pas tenté de déposer une demande ni n’a‑t‑elle communiqué par écrit, téléphone ou courriel pour obtenir des renseignements ou des conseils ou informer le Tribunal de son intention d’interjeter appel.

[16] Je ne suis pas convaincu que la prestataire ait eu l’intention persistante de poursuivre son appel à la division d’appel. Mes conclusions quant à ce facteur militent contre l’acceptation de la demande de permission d’en appeler.

Retard raisonnablement expliqué

[17] La prestataire n’a pas non plus expliqué raisonnablement le retard. L’explication donnée par la prestataire est qu’elle était très stressée à la suite de la perte de son emploi et qu’elle devait composer avec un avis de dette et des problèmes familiaux. Elle a déclaré qu’elle avait peu de temps pour répondre aux avis que le Tribunal lui transmettait. Elle a fait référence à une hospitalisation en mars 2018 et en mars 2019, et a inclus une lettre de son médecin confirmant qu’elle a été hospitalisée du 27 mars 2019 au 17 avril 2019.

[18] Toutefois, selon sa demande de permission d’en appeler, elle a pu communiquer soit avec Emploi et Développement social Canada (probablement la Commission) et l’Agence du revenu du Canada, ou les deux, les 5 et 27 novembre 2018, et le 4 janvier, le 11 janvier et le 5 février 2019. Bien que la prestataire n’ait pas assisté à l’audience du 24 janvier 2019, elle était au courant de la date de l’audience. Elle a de nouveau communiqué avec le Tribunal le 11 janvier 2019 pour confirmer qu’elle avait reçu l’avis d’audience.

[19] Je crois comprendre que la prestataire a été hospitalisée pendant trois semaines en mars et avril 2019. Toutefois, son hospitalisation n’explique pas pourquoi elle n’a pas interjeté appel de la décision de la division générale à quelque moment que ce soit en février ou pendant la plus grande partie du mois de mars, ou à quelque moment que ce soit entre la mi‑avril et juillet 2019. La prestataire a également expliqué qu’elle avait vécu une perte d’emploi, des difficultés financières et une certaine forme de crise familiale; toutefois, elle n’a pas expliqué comment cela l’avait empêchée d’interjeter appel et elle n’a pas décrit sa situation de façon suffisamment détaillée pour me permettre d’en inférer une explication raisonnable. Dans la lettre que j’ai transmise à la prestataire le 20 septembre 2019, je lui ai demandé de fournir des observations ou des éléments de preuve qui pourraient expliquer pourquoi son appel était tardif et d’aborder les autres facteurs dont je dois tenir compte avant de décider d’accorder ou non une prorogation du délai. La prestataire n’a fourni aucun renseignement supplémentaire.

[20] Je ne suis pas convaincu que la prestataire avait une explication raisonnable quant au fait qu’elle n’a pas déposé son appel à temps. Bien qu’elle ait peut-être connu un certain nombre de facteurs de stress graves dans sa vie entre la date de la décision de la division générale et le moment où elle a déposé sa demande d’autorisation d’appel, il me faudrait davantage que le récit de la prestataire pour conclure que ces circonstances l’ont complètement empêchée de communiquer avec le Tribunal au cours d’une période de cinq mois.

[21] Ce facteur ne joue pas en faveur de l’acceptation de la demande de permission d’en appeler.

Préjudice à l’autre partie

[22] Le troisième facteur dont je dois tenir compte est le préjudice causé à la Commission. La demande d’autorisation d’appel de la prestataire a été déposée avec cinq mois de retard, ce qui représente un retard important. Il est possible qu’un tel retard ait pu porter préjudice à la capacité de la Commission d’enquêter sur la demande de permission d’en appeler ou d’y répondre. Toutefois, la Commission n’a pas fait valoir de préjudice effectif ou présenté de preuve en ce sens, ni même laissé entendre comment sa position a pu faire l’objet d’un préjudice.

[23] Je considère que ce facteur ne joue pas en faveur de l’octroi d’une prorogation du délai ni ne milite contre celui‑ci.

Cause défendable

[24] Le dernier facteur Gattellaro consiste à déterminer si la cause de la prestataire est défendable. Une cause défendable a été assimilée à une cause ayant une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 3 C’est essentiellement la même question que celle que je devrais trancher au sujet de la demande de permission d’en appeler si j’accordais la prorogation du délai.

[25] Je ne suis autorisé qu’à tenir compte des moyens d’appel énoncés à l’article 58(1) de la LMEDS. Je ne peux intervenir dans une décision de la division générale que si je conclus que la division générale a commis une erreur aux termes d’un ou plusieurs de ces moyens.Note de bas de page 4 Pour conclure que l’appel de la prestataire a une chance raisonnable de succès, je dois conclure qu’il y avait une chance raisonnable qu’elle réussisse à établir que la division générale a commis l’une des erreurs décrites à l’article 58(1) de la LMEDS.

[26] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[27] La prestataire n’a sélectionné que le troisième moyen d’appel, celui qui concerne une conclusion de fait erronée. Toutefois, elle n’a pas clairement indiqué ce qui lui fait croire que la division générale a commis une telle erreur. La prestataire soutient seulement que les gains déclarés à la Commission ne correspondent pas au bulletin de paie de l’Université du Manitoba du 12 janvier 2018.

[28] La prestataire n’a pas répondu à la question visant à savoir si elle a fait sciemment une fausse déclaration, sinon pour déclarer qu’elle vivait du stress à l’époque. La division générale a admis le témoignage de la prestataire selon lequel elle subissait un stress intense et qu’elle avait mal compris les questions figurant dans les relevés des demandes de prestations; toutefois, elle n’a pas trouvé son explication plausible à la lumière des déclarations particulières qu’elle a faites dans les relevés des demandes de prestations.

[29] En ce qui concerne le montant du versement excédentaire de prestations, la prestataire n’a pas tenté de faire valoir que la division générale avait tort de considérer le salaire comme des gains qui devraient être imputés. Sa préoccupation portait sur le montant du versement excédentaire de prestations.

[30] Dans la décision relative à l’annulation ou la modification qu’elle a rendue le 17 septembre 2019, la division générale a rejeté l’argument de la prestataire selon lequel le bulletin de paie de janvier 2018 représentait des faits nouveaux. Elle a plutôt constaté que les montants de paye indiqués dans le bulletin de paie étaient des montants qui auraient été inclus dans le total des chiffres fournis dans le relevé d’emploi (RE) d’avril 2018. Elle a souligné que ces chiffres correspondaient également aux renseignements fournis en juin 2018 par l’employeur, en réponse à la demande de renseignements sur la paie de la Commission.

[31] J’ai confirmé que le RE et les renseignements sur la paie concordent quant au montant brut du salaire versé à la prestataire dans la preuve dont était saisie à la division générale. Les mêmes chiffres de salaire brut ont été utilisés pour calculer le versement excédentaire de prestations.

[32] La prestataire n’a pas précisé les éléments de preuve que la division générale a laissés de côté dans sa décision initiale, comment elle a mal interprété la preuve ni comment ses décisions étaient abusives ou arbitraires.

[33] Conformément aux directives de la Cour d’appel fédérale dans la décision Karadeolian c Canada (Procureur général), Note de bas de page 5j’ai examiné le dossier pour y relever tout autre élément de preuve important qui aurait été laissé de côté ou possiblement mal interprété et qui pourrait, par conséquent, donner lieu à une cause défendable. Toutefois, je n’ai pas été en mesure d’y trouver des éléments de preuve importants et pertinents que la division générale a laissés de côté ou mal interprétés et qui pourraient donner lieu à une cause défendable.

[34] Il n’y a pas de cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en vertu de l’article 58(1)c) de la LMEDS en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Par conséquent, ce facteur milite contre l’acceptation de la demande d’autorisation d’interjeter appel.

[35] Trois des quatre facteurs Gattellaro militent contre la prorogation du délai et l’incapacité de la prestataire à faire valoir une cause défendable figure parmi ces facteurs. À mon avis, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation.

Conclusion

[36] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Observations :

M. J., non représentée

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