Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire n’a pas montré qu’il a subi un arrêt de rémunération le 30 juin 2018, car il a continué à travailler même s’il n’était pas payé. Ainsi, le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi le 30 juin 2018. Sa demande d’antidatation de sa demande à cette date doit donc être rejetée.

Aperçu

[2] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 18 juin 2019. Il demande maintenant à ce que sa demande soit traitée comme s’il l’avait présentée plus tôt, à savoir le 30 juin 2018. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[3] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était admissible aux prestations d’assurance-emploi le 30 juin 2018, et déterminer s’il avait un motif valable de retarder sa demande de prestations d’assurance-emploi du 30 juin 2018 au 18 juin 2019. Selon la Commission, le prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’il n’a pas communiqué avec la Commission pour obtenir des renseignements sur ses droits et obligations au titre de la loi, ce qui indique qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans ces circonstances. 

[4] Le prestataire est en désaccord et affirme qu’il a agi comme une personne raisonnable, car il croyait toujours occuper un emploi et espérait qu’il serait payé pour la période entière du retard. Il affirme avoir présenté une demande de prestations d’assurance-emploi aussitôt qu’il a appris qu’il ne serait pas payé par son employeur.

[5] Je conclus que le prestataire ne peut recevoir de prestations d’assurance-emploi pour la période commençant le 30 juin 2018. Bien que le prestataire n’ait pas été payé après le 30 juin 2018, il a continué à travailler et s’attendait à l’être. Il n’a donc pas subi d’arrêt de rémunération. Un arrêt de rémunération implique qu’une ou un prestataire ait cessé de travailler. Sans arrêt de rémunération, le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Questions préliminaires

[6] Dans ses observations, la Commission n’a pas indiqué si elle croyait que le prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi à partir de la date antérieure. Le 10 octobre 2019, j’ai demandé à la Commission de fournir de nouvelles observations indiquant sa position quant à l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi le 30 juin 2019. En réponse à ma demande, la Commission a déposé des observations supplémentaires au dossier le 17 octobre 2019.

[7] Le prestataire a présenté un document le 10 octobre 2019, après l’audience, fournissant un élément de preuve indiquant que son employeur lui avait promis une carte de crédit prépayée Mastercard et des revenus de placement en mars 2019. Le prestataire a également fourni un courriel du président de la société mère de l’employeur, daté du 16 juin 2019, qui indiquait que le prestataire contrevenait à l’entente de placement et que ses placements seraient annulés. J’ai accepté ces documents, car j’estimais qu’ils pouvaient être pertinents pour l’appel. De plus, j’estime qu’accepter et tenir compte de ces documents ne cause aucun préjudice à la Commission.

Question en litige

[8] Je dois décider si la demande de prestations d’assurance-emploi du prestataire peut être traitée comme si elle avait été présentée le 30 juin 2018 (ce qu’on appelle une antidatation de la demande). 

Analyse

[9] La partie prestataire doit prouver deux choses pour que sa demande de prestations puisse être antidatée :

  1. Elle avait un motif valable pour justifier l’entièreté de la période de retard.
  2. Elle était admissible à des prestations à une date antérieureNote de bas de page 1.

[10] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, une partie prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente aurait agi dans des circonstances semblablesNote de bas de page 2. Le prestataire doit démontrer ceci pour l’entièreté de la période de retardNote de bas de page 3, soit du 30 juin 2018 au 18 juin 2019. Il doit également démontrer qu’il a pris des mesures raisonnablement rapides pour évaluer son admissibilité aux prestations et pour comprendre ses obligations au titre de la loiNote de bas de page 4. Dans le cas où le prestataire n’aurait pas pris ces mesures, il doit montrer l’existence de circonstances exceptionnelles justificativesNote de bas de page 5.  

[11] Pour prouver qu’il était admissible aux prestations à une date antérieure, en l’occurrence le 30 juin 2018, le prestataire doit montrer qu’il remplit les conditions énoncées dans la loi, à savoir, qu’il y a eu arrêt de la rémunération et qu’il avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour pouvoir établir une période de prestationsNote de bas de page 6.

Le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi le 30 juin 2018

[12] Je conclus que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi le 30 juin 2018. Bien que le prestataire avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir sa période de prestations, il n’est pas admissible aux prestations, car il n’a pas subi d’arrêt de rémunération avant le 18 juin 2019. À ce titre, sa demande ne peut être antidatée au 30 juin 2018.

[13] Pour faire antidater sa demande, le prestataire devait être admissible aux prestations d’assurance-emploi à la date antérieure demandée. Les prestations ne sont payables qu’aux personnes admissiblesNote de bas de page 7. Pour démontrer qu’il était admissible, le prestataire doit notamment prouver qu’il y a eu arrêt de rémunération provenant de l’emploiNote de bas de page 8.

[14] Dans ce contexte, un arrêt de rémunération ne signifie pas exclusivement que le prestataire a cessé d’être payé, mais aussi qu’il a été licencié ou qu’il a cessé d’être au service de son employeur et qu’il n’a pas travaillé pour cet employeur pendant au moins sept jours consécutifsNote de bas de page 9.

[15] Le prestataire a témoigné qu’il avait continué à travailler pour son employeur tout au long de la période de retard, soit du 30 juin 2018 au 18 juin 2019, car il croyait qu’il serait payé. Il a ajouté que ce n’était pas avant d’avoir reçu un courriel de la société mère de son employeur, en juin 2019, qu’il a réalisé qu’il n’allait pas être payé. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi aussitôt, ce qu’il considérait comme étant la date de son licenciement.

[16] Je dois tenir compte du fait que le prestataire n’a pas été payé pour son travail entre le 30 juin 2018 et le 18 juin 2019. L’une des questions clés sur lesquelles je dois me pencher est de savoir si le travail effectué pendant cette période était véritablement non payé. Je dois ainsi évaluer si le prestataire s’attendait à recevoir une rémunération pour son travailNote de bas de page 10. La récente jurisprudence de la Cour d’appel fédérale explique plus précisément que je dois me demander si le prestataire « s’attendait à […] tirer un avantage financierNote de bas de page 11 » pendant la période de travail non payé.

[17] Les éléments de preuve du prestataire établissent qu’il a continué à travailler pour l’employeur après qu’il eut cessé d’être payé en juin 2018 et qu’il n’a pas subi un arrêt de rémunération avant juin 2019, lorsqu’il a cessé de travailler. Bien que le prestataire n’était pas payé à partir du 30 juin 2018, il a témoigné qu’il avait continué à travailler et qu’il s’attendait à recevoir une paye. Je conclus que le prestataire s’attendait à tirer un avantage financier pendant sa période de travail non payé. Étant donné que le prestataire a continué à travailler pendant environ un an après que son employeur eut cessé de le payer et du fait qu’il s’attendait à recevoir de l’argent pour son travail non payé, je conclus qu’il occupait un emploi du 30 juin 2018 au 18 juin 2019.

[18] La continuité de l’emploi, même s’il était non payé, indique que le prestataire n’a pas subi un arrêt de rémunération au sens du Règlement sur l’assurance-emploi. Pour ces motifs, le prestataire n’est pas admissible à une antidatation de sa demande au 18 juin 2018.

Le prestataire a démontré qu’il avait un motif valable pour toute la période de retard

[19] Bien que la demande de prestations d’assurance-emploi du prestataire ne peut être antidatée au 30 juin 2018, car il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi à cette date, je conclus que le prestataire a démontré qu’il avait un motif valable pour toute la période de retard. Le prestataire était visé par une ordonnance de saisie et a suivi les conseils de son employeur pour résoudre la situation. En mars 2019, on lui a promis qu’une partie de sa rémunération lui serait versée dans les six à huit semaines suivantes.

[20] Je conclus que le prestataire ne savait pas, avant juin 2019, qu’il ne serait pas payé par son employeur pour les heures et commissions accumulées du 30 juin 2018 au 18 juin 2019. Ainsi, il a démontré avoir un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi, car il a continué à travailler et pensait toujours être employé jusqu’au 18 juin 2019. Puisqu’il ne croyait pas être sans emploi, il n’avait aucune raison de se renseigner sur ses droits et obligations relativement à une demande de prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[21] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 10 octobre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

R. B., appelant

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