Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Depuis 1988, A. S., l’appelant, travaille pour le réseau de la santé de la région de X. Le 31 octobre 2017, il est congédié.

[3] L’appelant présente une demande à la Commission pour recevoir des prestations d’assurance emploi. La Commission refuse de verser des prestations à l’appelant, parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[4] Selon la Commission, l’employeur a congédié l’appelant parce qu’il n’a pas respecté la politique sur les conflits d’intérêts. L’appelant avait déjà été avisé par son employeur de ne pas entretenir de liens avec les usagers.

[5] Selon l’appelant, il a agi pour aider un usager. Il ne s’attendait pas à être congédié pour son geste, puisqu’il ne connaissait pas la politique de l’employeur.

Question préliminaire

[6] La partie mise en cause a informé le Tribunal qu’elle ne fera aucune représentation.

Question en litige

Est-ce que les gestes commis par l’appelant constituent de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance emploi (Loi) ?

Analyse

[7] Je dois décider si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et s’il doit donc être exclu du bénéfice des prestations aux termes des articles 29 et 30 de Loi.

[8] Mon rôle n’est pas de déterminer si le congédiement était justifié ou s’il représentait la mesure appropriéeNote de bas de page 1.

[9] En fait, je dois déterminer quels sont les gestes reprochés à l’appelant. Est-ce que l’appelant a commis ces gestes ? Et est-ce qu’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi ?

[10] La Commission à l’obligation de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduiteNote de bas de page 2. L’expression la « prépondérance des probabilités » signifie que la Commission doit démontrer qu’il a plus de chance que l’appelant a été congédié en raison de son inconduite que le contraire.

[11] Pour ce faire, je dois donc être convaincue que l’inconduite était le motif et non l’excuse du congédiement, et pour satisfaire à cette exigence, je dois arriver à une conclusion après avoir examiné attentivement tous les éléments de preuveNote de bas de page 3.

[12] Il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée et la perte d’emploi. Il faut que l’inconduite cause la perte d’emploi et qu’elle en soit une cause opérante. Il faut également, en plus de la relation causale, que l’inconduite soit commise par l’appelant alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 4.

[13] Il est admis que l’employeur reproche à l’appelant d’avoir donné son numéro de téléphone à un usager et de l’avoir hébergé à son domicile. L’appelant reconnait qu’il a donné son numéro de téléphone à un usager et qu’il a hébergé ce dernier.

Est-ce que les gestes commis par l’appelant constituent de l’inconduite au sens de la Loi ?

[14] La Commission doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant savait qu’il pouvait être congédié en posant ces gestesNote de bas de page 5. Pour conclure que les gestes commis constituent de l’inconduite, il suffit que le geste reproché à l’appelant soit « volontaire », c’est-à - dire conscient, délibéré ou intentionnelNote de bas de page 6.En fait, la notion d’inconduite n’est pas définie par la Loi et s’analyse en fonction des principes tirés de la jurisprudence. La Loi « exige, pour qu’il y ait exclusion [du bénéfice des prestations], la présence d’un élément psychologique, soit un caractère délibéré soit une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré ».Note de bas de page 7

[15] Je retiens que l’appelant travaille depuis 1988 pour le réseau de la santé. Il a terminé ses études en 3e secondaires. Il a travaillé pendant plusieurs années à l’entretien ménager pour le réseau de la santé. Depuis deux ans, il est agent d’intervention en santé mentale à l’hôpital psychiatrique. Il doit, entre autres, intervenir lorsque les usagers sont agressifs, distribuer les repas et faire des rondes de surveillance.

[16] Au mois d’août 2017, alors qu’il avait la responsabilité d’un usager, il lui a offert de l’héberger temporairement.  L’usager a refusé l’offre. L’appelant lui a remis son numéro de téléphone. Le 30 août 2017, l’appelant est rencontré par son supérieur pour une mise au point concernant cet événement.

[17] À la fin du mois de septembre 2017, l’usager contacte l’appelant et lui demande de l’héberger. L’appelant accepte de l’héberger pour le dépanner. L’usager a des problèmes personnels.

[18] Lors de son témoignage, l’appelant a expliqué qu’il craignait que les choses s’enveniment, il a demandé, par texto, à l’usager s’il voulait « se coller ». En fait, il voulait lui faire peur. Ce dernier a quitté les lieux pour revenir accompagné de son ami. Ils ont demandé à l’appelant la somme de 5000 $ pour ne pas divulguer la situation à son employeur. L’appelant a refusé et il a fait une déclaration aux policiers.

[19] Dans sa déclaration, l’appelant mentionne que le 28 septembre 2017, l’usager a emménagé dans son logement. Il devait demeurer 15 jours chez l’appelant. Le 9 octobre 2017, il a texté à l’usager, vers 3 h qu’il pouvait venir « le coller ». Il a quitté le logement et il est revenu avec son ami. Ils ont menacé l’appelant de le dénoncer à son employeur, s’il ne versait pas la somme de 5000 $ pour acheter leur silence. L’usager a déposé une plainte à l’employeur.

[20] C’est dans ce contexte que l’employeur a rencontré l’appelant le 25 octobre 2017. Il a congédié l’appelant le 1er novembre 2017.

[21] Selon la Commission, la preuve démontre que l’employeur a une politique sur les conflits d’intérêts et qu’il a demandé à l’appelant de s’y conformer, et d’éviter de se placer dans une situation interdite par la politique de l’entreprise. L’appelant a choisi de persévérer dans son projet, malgré l’avertissement de l’employeur et la politique, en plus de volontairement commettre des sollicitations à caractère sexuel à l’endroit de l’usager. Bien que l’appelant avait des raisons personnelles d’agir de cette façon, il reste toutefois que ses gestes étaient délibérés, et après avoir reçu un avertissement sur son comportement en lien avec les conflits d’intérêts, il devait raisonnablement savoir qu’il risquait une sanction pouvant aller jusqu’au congédiement.

[22] Selon l’appelant, ses gestes ne constituent pas de l’inconduite, parce qu’il ne savait qu’il serait congédié en hébergeant l’usager. L’appelant a témoigné que l’employeur ne lui a pas remis les règles sur les conflits d’intérêts. Il n’a pas discuté de la situation concernant l’usager avec l’employeur. Même si l’appelante connaissait les règles sur les conflits d’intérêts, elles sont trop vagues pour s’appliquer dans le cas de l’appelant.

[23] Je retiens que l’employeur a été informé que l’appelant sollicitait des usagers et qu’il voulait obtenir des renseignements auprès d’une infirmière. Il a rencontré l’appelant à ce sujet et il lui a remis les règles sur les conflits d’intérêts.

[24] J’accorde peu de poids aux explications de l’appelant lors de l’audience concernant cette rencontre avec son employeur. L’appelant a sollicité l’usager au mois d’août 2017 et il a été rencontré par l’employeur le 30 août 2017. Je suis d’avis qu’il est peu probable que l’employeur n’ait pas averti l’appelant de ne pas solliciter des usagers et des conséquences possibles. Le témoignage de l’appelant est peu crédible quant à la discussion avec son supérieur. L’appelant n’a pas été rencontré par son supérieur pour discuter vaguement sans lui remettre la politique sur les conflits d’intérêts. Il devait comprendre après cette rencontre qu’il ne pouvait pas solliciter des usagers. D’ailleurs, selon les renseignements obtenus par la Commission, l’appelant a admis que l’employeur l’avait averti qu’il n’était pas autorisé à solliciter les usagers et il lui a remis la politique sur les conflits d’intérêts (GD3-48).

[25] Or, l’appelant a accepté d’héberger l’usager et il lui a fait des propositions à caractère sexuel. Pour justifier ses propositions, l’appelant mentionne qu’il avait peur de l’usager. Il voulait qu’il quitte son appartement. J’estime peu crédibles les explications de l’appelant. En effet, lorsque l’usager a menacé de lui faire perdre son travail, l’appelant n’a pas craint de déposer une plainte à la police.

[26] J’estime que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il serait congédié par son employeur, s’il hébergeait un usager à son domicile. En effet, l’appelant a été avisé qu’il ne pouvait pas solliciter les usagers. Il a tout de même accueilli l’usager en septembre 2017, soit peu de temps après sa rencontre avec son supérieur. Il a agi avec une insouciance sans se préoccuper des conséquences.

[27] Je suis d’avis que l’appelant savait ou devait savoir qu’il pourrait être congédié en acceptant d’héberger un usager et en lui transmettant des invitations à caractère sexuel. Les explications de l’appelant ne sont pas crédibles quant à sa discussion avec son supérieur et ses justifications pour les messages à caractère sexuel.

[28] En agissant de la sorte, l’appelant n’a pas respecté ses obligations implicites et explicites en vertu de son contrat de travail. Il occupe un poste auprès de personnes vulnérables, il ne peut pas les solliciter pour qu’elles résident chez lui, même après la fin de leur séjour au centre hospitalier. Et il ne peut pas leur faire des propositions à caractère sexuel, et ce, peu importe le contexte.

[29] L’appelant a soumis la lettre de recommandation de son employeur. Je retiens que l’appelant est un employé jovial et ponctuel. Mais cela ne me convainc pas que l’appelant ne savait pas qu’il serait congédié pour ces gestes.

[30] Après avoir examiné tous les éléments de preuve, j’estime que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission a donc démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les gestes commis par l’appelant constituent de l’inconduite et qu’il a été congédié pour ce motif.

Conclusion

[31] Le Tribunal conclut que l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations, car il a perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[32] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 10 octobre 2019

En personne

A. S., appelant

X, représentant de l’appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.