Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, A. B. (le prestataire) a perdu son emploi et a fait une demande de prestations d’assurance‑emploi. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a approuvé la demande du prestataire, qui a touché des prestations. Par la suite, la Commission a découvert que le prestataire avait touché la somme de 50 000 $ de son ancien employeur. L’employeur a déclaré que la somme a été versée au prestataire à titre d’indemnité de départ.

[3] La Commission a informé le prestataire que la somme de 50 000 $ constituait une rémunération et devait être attribuée sur le fondement du Règlement sur l’assurance‑emploi (le règlement). Le prestataire a demandé une révision de cette décision, mais la Commission a maintenu sa décision. Le prestataire a interjeté appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait touché une rémunération visée à l’article 35(2) du règlement et que cette rémunération a été correctement attribuée sur le fondement de l’article 36(9) du règlement parce que celle‑ci a été versée en raison d’une cessation d’emploi.

[5] Le prestataire a obtenu la permission d’en appeler. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la date de versement de la rémunération par l’employeur et des raisons pour lesquelles le prestataire a touché celle-ci.

[6] Le Tribunal doit trancher la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 35 et 36 du règlement.

[7] Le Tribunal accueille l’appel du prestataire.

Question en litige

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait touché une rémunération visée à l’article 35(2) du règlement?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que lorsqu’elle entend des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social,la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.Note de bas de page 1

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.Note de bas de page 2

[10] Dès lors, sauf dans le cas où la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a rendu une décision entachée d’une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige :  La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait touché une rémunération visée par l’article 35(2) du règlement?

[11] Le prestataire fait valoir que la somme de 50 000 $ qu’il a touchée était conditionnelle à la renonciation à son droit d’être réintégré et tenait lieu d’indemnisation pour harcèlement psychologique. Il soutient que la somme touchée ne constitue pas une rémunération au sens de l’article 35 du règlement et que, pour cette raison, il n’est pas nécessaire qu’elle soit attribuée sur le fondement de l’article 36 du règlement.

[12] Il existe une abondante jurisprudence concernant le fait que lorsqu’un prestataire allègue que les sommes que lui a versées son employeur ou son ancien employeur l’ont été pour des raisons autres que la perte de revenus d’emploi, dans le cas d’un règlement ou d’une entente fondé sur une poursuite, une plainte ou une demande consécutive à un congédiement, il revient au prestataire d’établir qu’en raison de « circonstances particulières », une partie de ces sommes doit être considérée comme une indemnisation pour d’autres dépenses ou pertes.

[13] Une somme touchée en contrepartie de la renonciation au droit d’être réintégré n’est pas considérée comme une rémunération aux fins de l’assurance‑emploi et n’est pas attribuée. Toutefois, trois conditions doivent être remplies, à savoir que le droit à la réintégration existe, qu’on a demandé à être réintégré et que la somme est versée en guise d’indemnisation en contrepartie de la renonciation à ce droit.

[14] La division générale a conclu que les faits appuyaient la conclusion selon laquelle la somme de 50 000 $ devait servir à indemniser le prestataire pour la perte de salaire découlant de son chômage. La division générale a conclu que :

  • Le préambule de la convention de règlement précisait que les parties souhaitaient régler le grief que le prestataire avait déposé contre son employeur;
  • L’employeur a consenti à remplacer la lettre de cessation d’emploi par une lettre de démission et de fournir une lettre de recommandation au prestataire;
  • L’employeur a consenti à verser au prestataire la somme de 50 000 $ dont ont été défalquées les retenues obligatoires;
  • Le relevé d’emploi fait état d’une indemnité de départ de 50 000 $;
  • L’employeur a confirmé que la somme versée visait à indemniser le prestataire pour la perte de son emploi.

[15] Le Tribunal est d’avis que la division générale a fondé sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La preuve orale et documentaire appuie la thèse du prestataire selon laquelle il a touché la somme en guise de rémunération autre que pour la perte de salaire ou d’autres avantages sociaux. Le Tribunal rendra donc la décision que la division générale aurait dû rendre en vertu de l’article 59(1) de la LMEDS.

[16] Le 23 septembre 2017, le prestataire a déposé un grief (17‑E‑00907) contre son employeur. Par ce grief, le prestataire a expressément demandé d’être réintégré dans son poste, que les dossiers et les documents relatifs à l’affaire soient détruits, que toutes les mesures disciplinaires soient annulées et que son salaire et ses avantages sociaux soient rétablis.Note de bas de page 3

[17] Il est pertinent de citer un extrait de la convention de règlement conclue entre les parties :

[traduction]

ATTENDU QUE l’employeur et le syndicat sont parties à une convention collective;

ATTENDU QUE le plaignant a déposé le grief 17‑E‑00907;

ATTENDU QUE les parties souhaitent régler les griefs susmentionnés selon les modalités ci-après;

À CES CAUSES, LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

  1. 1. Les attendus font partie du présent procès-verbal de transaction.
  2. 2. L’employeur versera au prestataire la somme de 50 000 $, sous réserve des retenues légales fédérales et territoriales habituelles et nécessaires. Le paiement sera effectué dans les 30 jours suivant l’exécution du présent procès-verbal de transaction.
  3. (…)
  4. 5. Par les présentes, le syndicat et le plaignant retireront irrévocablement le grief 17‑E‑00907 susmentionné dans les 14 jours du versement de la somme par l’employeur au plaignant.
  5. 6. Le plaignant convient de retirer irrévocablement toute plainte en instance qu’il est légalement autorisé à retirer contre l’employeur et tout employé de l’employeur, à savoir notamment les plaintes adressées :
  6. a. à X , au ministère des Finances, Division des relations avec les employés – Plaintes de harcèlement;
  7. (…)
  8. 18. Sauf disposition expresse aux présentes, le plaignant reconnaît et convient qu’à compter de la date d’exécution du présent procès-verbal de transaction, il renonce à tous les droits accordés par la convention collective, notamment le droit à la réintégration.

[18] Il est exact que la convention de règlement ne mentionne pas précisément pourquoi la somme de 50 000 $ a été versée au prestataire. Cependant, elle mentionne clairement que :

  • Les parties souhaitent régler le grief 17‑E‑00907 qui fait expressément référence à la demande de réintégration du plaignant;
  • Le plaignant retire le grief 17‑E‑00907;
  • Le plaignant renonce à son droit de réintégration;
  • Le plaignant retire sa plainte de harcèlement.

[19] Le prestataire a déclaré à la Commission qu’il a demandé une somme plus élevée parce qu’il voulait réintégrer son poste, alors que l’employeur contestait sa demande.Note de bas de page 4 Le représentant du prestataire a déclaré à la Commission qu’il avait accepté la somme en contrepartie de l’abandon de son grief. La Commission a ensuite demandé une copie du grief du prestataire. Le grief du prestataire mentionne clairement qu’il demande à réintégrer son poste. De plus, le prestataire a fourni à la Commission une copie de sa plainte de harcèlement détaillée contre l’employeur.

[20] Le Tribunal a écouté attentivement l’audience de la division générale, en particulier le témoignage du prestataire. La division générale n’a jamais remis en question la crédibilité de celui-ci.

[21] Le prestataire a déclaré que le règlement représentait une indemnisation pour le harcèlement qu’il a subi en révélant les manquements à la sécurité de l’employeur et en contrepartie du retrait de son grief. Le prestataire a déclaré que la somme qu’il a touchée n’avait rien à voir avec des salaires impayés.

[22] La description par le prestataire des événements ayant mené à la convention appuie sa thèse selon laquelle la somme lui a été versée pour l’indemniser de préjudices non liés à son emploi et en contrepartie du retrait du grief demandant sa réintégration.

[23] Il incombait au prestataire de prouver devant la division générale, selon la prépondérance des probabilités et non hors de tout doute raisonnable, que le montant du règlement constituait autre chose qu’une indemnisation pour la perte de salaire ou d’autres avantages liés à l’emploi.

[24] Après application des instructions de la Cour d’appel fédérale aux faits de l’espèce, le Tribunal conclut que le prestataire s’est acquitté du fardeau d’établir qu’en raison de « circonstances spéciales », la somme de 50 000 $ doit être considérée comme une indemnisation pour d’autres dépenses ou pertes et non comme une indemnisation pour la perte de salaire ou d’autres avantages liés à l’emploi.

Conclusion

[25] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 10 octobre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

A. B., appelant

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