Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant n’était pas justifié de quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). L’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi, à compter du 24 mars 2019, date du début de sa demande de prestations, est donc justifiée.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé à titre de conducteur de minibus pour l’employeur X (« l’employeur »), du 13 août 2018 au 20 mars 2019 inclusivement, et a cessé de travailler pour celui-ci après avoir effectué un départ volontaire.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a déterminé que l’appelant n’était pas justifié d’avoir quitté volontairement l’emploi qu’il occupait chez l’employeur X.

[4] L’appelant a demandé à l’employeur de lui accorder un congé, mais cette demande a été refusée. L’appelant a expliqué que sa charge de travail était trop lourde, car il effectuait trop d’heures de travail et son horaire de travail n’était pas stable puisqu’il devait effectuer des quarts de travail, de nuit, de jour ou de soir. Il a affirmé que l’employeur n’a pas respecté l’entente qu’il avait conclue avec lui selon laquelle il allait pouvoir choisir son horaire de travail. Selon l’appelant, ses conditions de travail étaient dangereuses. Elles compromettaient sa sécurité, de même que celles des passagers qu’il transportait et des autres usagers de la route. L’appelant a indiqué qu’il n’était plus capable d’accomplir son travail. Le 23 juillet 2019, l’appelant a contesté la décision rendue à son endroit après que celle-ci ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent appel devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[6] Pour établir cette conclusion, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?
  2. Si tel est le cas, est-ce que les conditions de travail de l’appelant pouvaient justifier son départ volontaire?
  3. Est-ce que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat avant d’effectuer son départ volontaire?
  4. Est-ce que le départ volontaire était la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant?

Analyse

[7] Le critère visant à déterminer si le prestataire est fondé de quitter son emploi aux termes de l’article 29 de la Loi consiste à se demander si, eu égard à toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploiNote de bas de page 1.

Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?

[8] Oui. J’estime que dans le cas présent, la fin de l’emploi de l’appelant représente bien un départ volontaire au sens de la Loi.

[9] Je considère que l’appelant a eu le choix de continuer de travailler pour l’employeur, mais qu’il a choisi de quitter volontairement son emploi.

[10] La jurisprudence nous informe que dans un cas de départ volontaire, il faut d’abord déterminer si la personne avait le choix de conserver son emploiNote de bas de page 2.

[11] Dans son avis d’appel présenté le 23 juillet 2019 et dans les déclarations qu’il a faites à la Commission les 16 avril, 3 juin, 18 juin et 2 juillet 2019, de même que dans sa demande de prestations, l’appelant a indiqué qu’il avait quitté son emploiNote de bas de page 3.

[12] La preuve au dossier indique que l’appelant a remis une lettre de démission à l’employeur, en date du 7 mars 2019, pour lui indiquer qu’il allait cesser de travailler le 21 mars 2019Note de bas de page 4. L’employeur a confirmé avoir reçu cette lettreNote de bas de page 5.

[13] L’appelant n’a pas contesté le fait qu’il avait quitté volontairement son emploi.

[14] Je considère que l’appelant avait la possibilité de poursuivre l’emploi qu’il avait chez l’employeur X., mais qu’il a décidé de mettre fin à son lien d’emploi en indiquant à l’employeur qu’il n’allait pas continuer de l’occuperNote de bas de page 6.

[15] Je dois maintenant déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi et s’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

Est-ce que les conditions de travail de l’appelant pouvaient justifier son départ volontaire?

[16] Non. J’estime que les conditions de travail de l’appelant ne représentent pas des circonstances justifiant son départ volontaire.

[17] Il ressort de la preuve au dossier, du témoignage et des déclarations de l’appelant, les éléments suivants :

  1. À titre de conducteur de minibus, l’appelant effectuait un service de navette de passagers entre la région de Sherbrooke et l’aéroport international Montréal-Trudeau selon un horaire déterminéNote de bas de page 7 ;
  2. Avant qu’il ne quitte volontairement son emploi, l’appelant a demandé deux jours consécutifs de congé à l’employeur afin de pouvoir se reposer ou pour aller faire de la motoneige. Cette demande a été refusée. L’appelant a alors remis un préavis de départ de deux semaines à l’employeur (lettre de démission de l’appelant, en date du 7 mars 2019)Note de bas de page 8 ;
  3. Dans la déclaration qu’il a faite à la Commission, en date du 2 juillet 2019, l’appelant a précisé qu’il avait quitté son emploi par choix personnel parce que l’employeur avait refusé qu’il prenne deux jours de congé pour faire de la motoneige au cours de la semaine ayant commencé le 10 mars 2019Note de bas de page 9 ;
  4. Dans sa demande de révision, l’appelant a expliqué avoir quitté son emploi, car il effectuait jusqu’à 55 heures de travail par semaine, et ce, en tout temps et à n’importe quelle heureNote de bas de page 10 ;
  5. L’appelant a été embauché dans le cadre d’un poste permanent à temps plein. Il a signé un contrat de travail avec l’employeur, en date du 13 août 2018, prévoyant entre autres qu’il allait travailler sur appel, que son horaire allait varier en fonction des voyages qui allaient lui être attribués, que ceux-ci allaient pouvoir être faits à toute heure de la journée, étant donné que le service de navette fonctionne 24 heures sur 24Note de bas de page 11. Lors de son embauche, l’appelant a expliqué à l’employeur que cela n’allait pas le déranger de faire 40 heures et plus par semaine au commencement, mais qu’au cours de l’hiver, il préférerait travailler à temps partiel, soit de 30 à 40 heures par semaine. Au moment de la signature de son contrat, l’appelant a alors conclu une entente verbale avec l’employeur selon laquelle il aurait un horaire de travail allégé au cours de l’hiver et qu’il allait pouvoir le choisir (statut d’employé à temps partiel permanent), et ce, même s’il y aurait plus de travail à cette période de l’année. L’employeur lui a dit qu’il n’y aurait pas de problème à cet effet et a accepté cette condition. Toutefois, cela n’a pas été écrit dans le contrat. L’appelant s’est dit qu’il allait commencer son travail à temps plein pour apprendre à bien le faire, soit jusqu’ à la période des fêtes et que par la suite, son travail serait à temps partiel pour effectuer de 30 à 40 heures par semaine. L’appelant ne voulait pas faire de 50 à 60 heures de travail par semaine. L’appelant s’est fié à la parole de l’employeur et croyait que celui-ci allait être honnête. Après avoir signé son contrat, l’appelant a constaté que ça ne fonctionnait plus de cette façon, soit selon l’entente verbale qui avait été conclue avec l’employeur. C’était ce qu’il avait signé qui comptait et il avait dû oublier le reste. Malgré le fait que l’employeur ait déclaré qu’il avait signé un contrat de travail indiquant qu’il allait travaillait sur appel à raison de plus de 30 heures par semaine et qu’il avait accepté en toute connaissance de cause de faire du temps supplémentaire, ou encore, de travailler plus de 50 heures par semaine, ce n’est pas ce que celui-ci lui avait ditNote de bas de page 12. L’employeur n’a pas respecté son engagement. L’appelant était pris avec le contrat qu’il avait signé et n’avait plus de vie. Avant de commencer à travailler chez l’employeur X., l’appelant avait entendu dire que s’il allait travailler à cet endroit, il allait pouvoir choisir l’horaire de travail qu’il voulait. Toutefois, lorsqu’une personne est embauchée et que son contrat est signé, ce n’était plus le cas. L’appelant a souligné que c’était encore de cette manière, il y a environ deux mois, que l’employeur décrivait dans les offres d’emploi, les conditions relatives au poste de conducteur de minibus qu’il a occupéNote de bas de page 13 ;
  6. Dans la déclaration qu’il a faite à la Commission, en date du 18 juin 2019, l’appelant a indiqué qu’il savait, dès son embauche, qu’il allait devoir travailler selon différents quarts de travail et faire de grosses journéesNote de bas de page 14 ;
  7. L’appelant travaillait surtout de nuit. En plus de ses quarts de travail de nuit, il devait aussi effectuer des quarts de travail de jour et de soir, et ce, au cours d’une même semaine. Cela ne le dérangeait pas de travailler de nuit, mais il trouvait difficile l’alternance des quarts de nuit, de jour ou de soir. L’appelant a déjà travaillé dans le passé selon des quarts de travail de nuit. Il a aussi déjà travaillé selon des quarts de jour ou de soir. Toutefois, il n’y avait alors pas de variation ou de changement dans ses quarts de travail d’une semaine à l’autreNote de bas de page 15 ;
  8. L’employeur lui envoyait son horaire 48 heures à l’avance et il devait le respecter, peu importe le nombre d’heures à effectuer. L’appelant n’avait pas le choix. Il devait toujours être disponible (24 heures sur 24). L’appelant était obligé de rentrer ou de faire du temps supplémentaire. Il ne pouvait pas dire à l’employeur qu’il n’allait faire que huit heures dans une journée. L’appelant savait à quelle heure il partait, mais ne savait pas à quelle heure il allait revenir (ex. : retard dans les vols). L’appelant a souvent effectué des périodes de six ou sept jours consécutifs de travail. Toutefois, il ne croit pas avoir fait des périodes de 10 jours consécutifs de travail. L’employeur respectait la période de repos d’une durée de huit heures à laquelle il avait droit après avoir effectué un voyage. Il s’agissait d’une période de huit heures entre deux voyages. La durée de cette pause de huit heures était toutefois calculée à partir du bureau et non à partir de chez lui (ex. : partir de Montréal à 22 h et revenir travailler le lendemain matin à 6 . Il est arrivé à l’appelant qu’une fois presque rendu sur les lieux du travail, l’employeur lui ait dit qu’il n’avait plus besoin de se présenter et qu’il allait avoir sa journée de congé puisque le transport de passagers qu’il devait faire avait été annulé. Dans un tel cas, l’appelant perdait une partie de sa journée de congé. Aussi, si l’appelant terminait son quart de travail à 6 h le matin et qu’il recommençait à travailler à 22 h, il ne bénéficiait pas d’une période de 24 heures de congé dans cet intervalle, même s’il n’était pas à l’horaire cette journée-là. C’était rare que l’appelant eût congé le samedi ou les fins de semaine. L’appelant a dit ne pas avoir bénéficié de périodes de repos de 36 heures consécutives après avoir travaillé une période de sept jours ou que cela ne s’était pas produit souvent (36 heures consécutives de repos après sept jours consécutifs de travail selon les règles énoncées par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) concernant les heures de conduite et de repos)Note de bas de page 16 ;
  9. Dans les déclarations qu’il a faites à la Commission, le 16 avril et le 18 juin 2019, l’appelant a indiqué que ses conditions d’emploi n’étaient pas illégales. Il faisait facilement 50-60 heures de conduite par semaine. L’appelant ne dépassait jamais 13 heures de conduite dans une journée et n’excédait jamais 70 heures de conduite dans une semaine. L’appelant a affirmé qu’il prenait au moins 10 heures de repos entre chaque quart de travailNote de bas de page 17 ;
  10. L’appelant ne voulait plus travailler des périodes de six ou sept jours et être toujours disponible. Étant donné son âge, il ne voulait plus travailler de nuit ni faire du temps supplémentaire chaque semaine. L’appelant voulait travailler trois ou quatre jours par semaine et ne pas faire plus de 30 heures. Il était prêt à dépanner l’employeur, mais voulait avoir des périodes de congé de deux jours consécutifs chaque semaine ou le plus souvent possibleNote de bas de page 18. Selon l’appelant, si l’employeur lui avait dit qu’après 40 heures de travail, il n’était pas obligé d’en faire davantage, il n’aurait pas eu besoin de demander des périodes de congé de deux jours consécutifs. L’appelant pouvait effectuer 40 heures de travail sur une période de trois jours. Il effectuait les tâches qui lui étaient assignées au lieu de refuser un quart de travailNote de bas de page 19 ;
  11. Selon l’appelant, ses conditions de travail étaient devenues dangereuses parce qu’il avait de la difficulté à gérer son sommeil, étant donné les quarts de travail qu’il effectuait (ex. : de nuit, de jour et de soir). Il ne pouvait plus dormir comme il le voulait. Cette situation représentait un problème sur le plan de la sécurité. L’appelant n’était plus capable de faire ses quarts de travail et s’endormait sur la route. S’il avait toujours travaillé selon des quarts de nuit, cela ne l’aurait pas dérangé puisqu’il était habitué à cette situation. Il lui est arrivé de s’arrêter sur le bord de la route pendant ses quarts de travail, pour dormir ou prendre une pause de 15 à 30 minutes, et ce, à deux ou trois reprises, ou encore, de se rendre dans un restaurant. L’appelant consommait également des boissons énergisantes comme du « Red Bull » et prenait aussi des « Wake up » (capsules de caféine) pour se tenir éveillé, tout en soulignant que ce n’était pas une bonne idée. Même en prenant ces produits, il s’endormait en conduisant. L’appelant ne savait pas qu’il lui était interdit de prendre ce type de produits. L’employeur ne lui avait jamais parlé de cela, même si celui-ci a déclaré à la Commission qu’il n’avait pas le droit de le faireNote de bas de page 20 ;
  12. L’appelant a discuté avec l’employeur de la fatigue qu’il ressentait. Il en a parlé une fois avec son superviseur, monsieur P. D., mais celui-ci ne voulait pas l’accommoder. L’appelant a demandé à l’employeur de faire moins d’heures, d’avoir un horaire de travail plus stable et d’avoir des périodes de congé de deux jours consécutifs. Toutes ces demandes ont été refusées. L’employeur lui a dit que s’il n’était pas satisfait, il n’avait qu’à partir ou à démissionnerNote de bas de page 21 ;
  13. Le travail était devenu trop difficile pour l’appelant. Il n’était plus capable de le faire. Selon l’appelant, il y avait urgence pour lui de quitter son emploi. Plusieurs autres employés ayant travaillé chez l’employeur X. ont quitté leur emploi parce qu’ils travaillaient tropNote de bas de page 22 ;
  14. L’appelant n’a pas consulté de médecin avant de quitter son emploi, car selon lui, son problème n’était pas d’ordre médical. Il ne savait pas qu’il pouvait consulter un médecin afin d’obtenir une recommandation lui indiquant une période d’arrêt de travail en raison de sa fatigue ou pour éviter le travail de nuit ou encore, pour quitter son emploi. L’employeur ne lui a jamais dit qu’il pouvait demander un changement temporaire de quart de travail en présentant un certificat médical sans quoi, il serait allé voir son médecin pour cette raisonNote de bas de page 23.

[18] Le représentant de l’appelant a fait valoir les éléments suivants :

  1. L’appelant a soulevé plusieurs éléments qui démontrent qu’il était devenu de plus en plus difficile pour lui d’occuper son emploi. Dans sa demande de prestations, il a indiqué avoir quitté son emploi en raison des conditions de travail dangereusesNote de bas de page 24. Il a expliqué qu’il faisait beaucoup d’heures (semaine de 50 à 55 heures), que son horaire n’était pas stable et qu’il ne dormait pas beaucoup. L’appelant a indiqué qu’il sommeillait au volant et qu’il n’était plus capable d’occuper son emploiNote de bas de page 25. L’appelant a indiqué avoir parlé à son supérieur immédiat, P.D., pour avoir deux jours consécutifs de congé et de faire moins d’heures, mais que ces demandes avaient été refuséesNote de bas de page 26. Sans dire qu’elles étaient inhumaines ou intolérables, les conditions de travail de l’appelant étaient assez difficiles. L’appelant a occupé un emploi où il devait être disponible sept jours sur sept et 24 heures sur 24, à moins de bénéficier d’un congé fixe donné par l’employeur et selon un horaire donné 48 heures à l’avance. Il avait des quarts de travail de nuit, de jour ou de soir qui pouvaient changer dans une même semaine. La situation personnelle de l’appelant ne lui permettait pas de continuer d’occuper son emploi dans de telles conditions ; 
  2. Selon le représentant, la Commission semble avoir mis l’accent sur la demande de journées de congé faite par l’appelant pour conclure qu’il s’agissait du motif de son départ volontaire. Le représentant a souligné que ce motif faisait partie du décor ou de l’environnement dans lequel l’appelant a pris la décision de quitter son emploi. Il a expliqué qu’il fallait examiner l’histoire de l’appelant et le contexte dans lequel il a accepté cet emploi, dont les échanges qu’il a eus avec l’employeur au moment de son embauche. L’appelant a expliqué avoir signé un contrat, mais qu’il avait aussi conclu une entente verbale avec l’employeur. Toutefois, cette entente n’a pas été respectée par l’employeur. L’appelant avait demandé à l’employeur, au moment de son embauche, d’avoir un horaire allégé en termes d’heures, au cours de l’hiver. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas le choix de faire les quarts de travail qui lui étaient donnés et qu’il ne pouvait pas refuser de travailler après avoir effectué 40 heures dans une semaine. Si l’appelant avait pu le faire, il aurait pu bénéficier de deux jours de congé, étant donné que sa période de 40 heures aurait été réalisée. L’appelant a aussi indiqué qu’il y avait un roulement de personnel assez important chez l’employeur ;
  3. Les renseignements fournis par l’employeur concernant les heures de travail effectuées par l’appelant au cours de sa période d’emploi et les journées de congé dont il a bénéficié indiquent que celui-ci n’a pas eu de congé formel d’une durée de 36 heures consécutives (36 heures consécutives de repos après sept jours consécutifs de travail), en vertu des règles énoncées par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) concernant les heures de conduite et de repos, ou d’une période de repos d’au moins 32 heures consécutives chaque semaine, selon les règles énoncées par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), en vertu de la Loi sur les normes du travailNote de bas de page 27 ;
  4. Au sujet des problèmes de santé de l’appelant ou de ses problèmes de sommeil, celui-ci a expliqué qu’il n’était plus capable de réaliser des quarts de travail en rotation (ex. : de nuit, de jour ou de soir) durant une longue période. Cela était trop au plan physique. L’appelant avait de la difficulté avec son sommeil. Il n’invoquait pas une maladie, mais a expliqué que physiquement, il n’était pas capable de jumeler son cycle de sommeil ou de le coordonner correctement avec l’horaire de travail variable qu’il avait et le nombre d’heures qu’il effectuait (ex. : 50 à 55 heures par semaine). L’appelant n’aurait pas eu ce type de difficulté ou lui aurait créé moins de problèmes s’il avait toujours travaillé selon un quart de travail de nuit. Dans ses déclarations, l’appelant a indiqué qu’il était obligé de consommer des boissons comme du « Red Bull » ou de prendre des « Wake up » afin d’éviter sa somnolence. Cette situation était devenue dangereuse pour sa sécurité et pour celle des gens qu’il transportait, de même que pour les autres usagers de la route. Concernant les conditions dangereuses évoquées par l’appelant, celui ne pouvait apporter autre chose que son propre témoignage sur sa situation au travail ;
  5. Selon le représentant, il y a un problème dans l’argumentation de la Commission dans l’explication suivante : « Une personne doit fournir une lettre venant d’un médecin si elle désire plaider qu’elle a quitté son emploi pour des raisons de santé. Cette lettre doit mentionner que le médecin conseille à cette personne de quitter son emploi pour des raisons de santé. Dans ce dossier, aucune démarche n’a été entreprise auprès d’un médecin pour obtenir un arrêt de travail temporaire ou une recommandation à l’effet qu’il n’était pas raisonnable de continuer dans cet état. »Note de bas de page 28 ;
  6. Puisque l’appelant n’invoquait pas une maladie, un certificat médical n’aurait rien donné. L’arrêt BriseboisNote de bas de page 29 et plusieurs décisions rendues par des juges-arbitresNote de bas de page 30 indiquent qu’une preuve médicale n’est pas exigée dans un cas de départ volontaire. Si ce document est fourni, cela est un « plus », mais qu’en l’absence de certificat médical, une personne peut quand même justifier son départ pour des raisons de santéNote de bas de page 31. La Commission a publié dans le Guide de la détermination de l’admissibilité une liste des 40 principales circonstances pouvant justifier un départ volontaire (chapitre 6, section 6.8.1). Parmi cette liste, trois circonstances se rapportent à l’état de santé d’un prestataire (situation préjudiciable à l’état de santé). Une de ces trois circonstances réfère aux affirmations crédibles d’un prestataire comme justification à un départ volontaire, sans que celui-ci n’ait à fournir une recommandation médicaleNote de bas de page 32 ;
  7. Ce qu’on attend d’une personne avant qu’elle ne quitte son emploi, c’est qu’elle examine les solutions raisonnables devant elle. L’appelant a tenté de régler les problèmes qu’il avait dans l’accomplissement de son travail. Il en a parlé avec l’employeur et lui a dit qu’il voulait faire moins d’heures, mais que celui-ci lui a dit qu’il n’y avait rien à faire. L’employeur ne voulait pas réduire les heures de travail de l’appelant ni lui accorder deux journées consécutives de congé. L’employeur ne voulait pas l’accommoder, malgré qu’il ait déclaré qu’il était prêt à le faire. Bien que l’employeur ait affirmé qu’il n’y avait pas de temps supplémentaire obligatoire, l’appelant a expliqué qu’après avoir effectué 40 heures de travail, il ne pouvait pas refuser d’en faire davantage si une demande lui était faite en ce sens et que ce n’était pas une option s’il voulait conserver son emploi. Si, comme l’appelant l’a indiqué, il a parlé avec l’employeur du fait qu’il devait consommer des boissons comme du « Red Bull » ou prendre des « Wake up » pour réussir à faire ses quarts de travail parce qu’il avait un problème de somnolence et que ce dernier n’a rien fait par rapport à cette situation, cela est un peu problématique. La version donnée par l’appelant contredit celle de l’employeur et il faut donc regarder l’ensemble des éléments ;
  8. Selon le représentant, il n’y avait pas d’ouverture de la part de l’employeur pour régler ou pour tenter d’amoindrir les problèmes vécus par l’appelant au travail, et ce, même s’il s’était fait dire au moment de son embauche qu’il pourrait avoir un horaire plus allégé au cours de l’hiver. Lorsqu’il n’y a pas d’ouverture de la part de l’employeur ou très peu, ou si celui-ci n’est pas prêt à écouter, ou encore, à prendre en compte les doléances qui lui sont rapportées par un travailleur, cela est difficile pour ce dernier d’avoir des solutions raisonnables. Un employé doit discuter des problèmes avec l’employeur, mais si celui-ci ne souhaite pas le faire, cet employé est alors justifié de quitter son emploiNote de bas de page 33. Puisqu’il n’y avait pas moyen de négocier quoi que ce soit avec l’employeur pour éviter les problèmes que l’appelant vivait et les dangers qu’il pouvait causer pour lui et les autres sur la route, il était justifié de quitter son emploi. Après avoir parlé à l’employeur, il n’y avait pas d’autres solutions pour l’appelant que de quitter son emploi. Le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable dans son cas. Dans l’arrêt BellNote de bas de page 34, la Cour a établi que la question de l’urgence ou celle des conditions critiques et intolérables représentent des critères plus stricts que le libellé de la Loi et que ce n’est pas sur ces critères qu’il faut se baser pour déterminer si un départ volontaire est justifié. Il faut plutôt examiner l’ensemble des circonstances ayant mené à ce départ volontaire pour déterminer s’il s’agissait de la seule solution raisonnableNote de bas de page 35.

[19] De son côté, l’employeur a donné les explications suivantes :

  1. L’appelant a quitté son emploi parce que le congé qu’il avait demandé pour faire de la motoneige lui avait été refusé. Après s’être prévalu d’une période de congé du 31 janvier 2019 au 17 février 2019, l’appelant avait demandé verbalement à son superviseur (P.D.), entre le 1er mars 2019 et le 5 mars 2019, d’avoir deux semaines de congé supplémentaires à partir des jours qui allaient suivre. Cette demande a été refusée et l’appelant a présenté une autre demande pour avoir deux jours de congé, qui a également été refusée. À la suite de ce refus, l’appelant a voulu démissionner sur-le-champ, le 6 mars 2019. L’employeur a demandé à l’appelant de lui donner un préavis de départ de deux semaines, le temps de lui trouver un remplaçant. Le 7 mars 2019, l’appelant lui a remis une lettre de démission dans laquelle il lui a donné un préavis de départ de deux semainesNote de bas de page 36 ;
  2. Les conditions de travail ont été communiquées à l’appelant au moment de son embauche. L’appelant avait un statut d’employé sur appel à raison de plus de 30 heures par semaine. Selon son horaire de travail régulier, il travaillait selon tous les genres de quarts de travail et effectuait entre 40 et 50 heures de travail par semaine. L’appelant a accepté l’emploi en toute connaissance de cause et les conditions s’y rattachant, ce qui incluait de faire du temps supplémentaire et de travailler plus de 50 heures par semaine. Parmi les 35-40 chauffeurs à son emploi, aucun d’eux n’a un horaire fixe, de jour. Tous les chauffeurs travaillent selon des horaires variables. Dans la mesure du possible, l’employeur essaie de donner deux jours consécutifs de repos à ses employés, sinon deux journées durant la semaine. L’employeur a affirmé que les employés doivent avoir un jour de congé par semaine et ne peuvent travailler 14 jours consécutifs. L’appelant n’a jamais soulevé d’objections au sujet de ses conditions de travail. L’appelant savait qu’il serait appelé pour assurer le service de nuit et s’il avait un problème à cet effet, il aurait pu en parler avec son superviseur. Si des chauffeurs sont fatigués, ils doivent aviser leur superviseur afin que celui-ci envoie quelqu’un d’autre faire le transport. L’appelant n’a jamais informé personne qu’il pouvait être fatigué et n’a jamais discuté du travail de nuit ou de ses conditions de travail. L’employeur aurait pu l’accommoder s’il avait manifesté sa fatigue au sujet du travail de nuit. L’employeur aurait pris des mesures temporaires, comme planifier le travail de l’appelant selon des horaires d’après-midi ou tôt en soirée. L’appelant aurait pu changer de quarts de travail avec un collègue, mais n’a jamais fait de demande à l’employeur à cet effet. L’appelant n’a pas remis de certificat médical recommandant un arrêt temporaire du travail de nuit. L’appelant a toujours fait le travail qui lui était assigné. L’employeur a précisé qu’en aucun temps un chauffeur n’est autorisé à dormir dans son véhicule sur le bord de la route. Il a aussi affirmé qu’il était formellement interdit de consommer des boissons comme du « Red Bull » ou de prendre des « Wake up » pour se tenir éveillé. C’est indiqué dans le contrat de travail. Un employé qui est surpris à consommer ce genre de produits aurait été suspenduNote de bas de page 37.

[20] Je considère que la décision de l’appelant de quitter volontairement l’emploi qu’il avait chez X. relève essentiellement d’un choix personnel.

[21] Il ressort des déclarations que l’appelant a faites à la Commission que sa décision de quitter volontairement son emploi est essentiellement liée au refus de l’employeur de lui accorder deux journées de congé pour faire de la motoneigeNote de bas de page 38. Je souligne que dans l’une de ses déclarations, l’appelant a lui-même spécifié qu’il avait quitté son emploi par choix personnelNote de bas de page 39.

[22] L’appelant n’a pas démontré que les conditions dans lesquelles il a accompli son travail de conducteur de minibus pouvaient justifier qu’il quitte volontairement son emploi.

[23] Je considère que l’appelant ne peut pas alléguer des conditions de travail qu’il savait être difficiles pour justifier son départ volontaire.

[24] La jurisprudence nous informe qu’un prestataire n’est pas justifié de quitter volontairement son emploi en raison des tâches qu’il devait accomplir si elles faisaient partie de l’emploi qu’il avait accepté d’occuperNote de bas de page 40.

[25] Dans le cas présent, l’appelant connaissait les conditions à partir desquelles il devait effectuer son travail.

[26] Même si l’appelant a fait valoir qu’il avait conclu une entente verbale avec l’employeur, au moment de son embauche, selon laquelle il allait pouvoir travailler moins d’heures au cours de l’hiver (ex. : 30 heures par semaine ou trois à quatre jours sur une base hebdomadaire), il demeure qu’il a signé un contrat prévoyant entre autres les conditions suivantes :

  1. [...] L’Employé travaille sur appel. Son horaire peut varier en fonction du voyage qui lui est attribué. L’Employé peut faire des voyages à toute heure de la journée, le service de navette fonctionnant 24 heures sur 24. [...] La durée des voyages assignés à l’Employé varie selon le voyage assigné, mais est d’un maximum de seize (16) heures. L’Employé dispose d’une période de repos d’une durée minimum de huit (8) heures entre les voyages qui lui sont assignés. Si un voyage est attribué à moins de huit (8) heures du voyage précédent, l’Employé doit en informer l’Employeur pour que ce dernier attribue le voyage à un autre chauffeur. [...] Si l’Employé doit s’absenter pour deux (2) jours ou moins, il doit en faire la demande à l’employeur, par écrit, au moins une semaine à l’avance. [...] Toute absence est sujette à l’approbation de l’EmployeurNote de bas de page 41.

[27] Je considère que les dispositions prévues au contrat de travail de l’appelant viennent corroborer, pour l’essentiel, les déclarations que l’employeur a faites à cet effet. J’accorde donc une valeur prépondérante aux déclarations de l’employeur quant aux conditions d’emploi établies pour l’appelant dans le cadre de son poste de conducteur de minibus.

[28] Je considère comme non plausibles les affirmations de l’appelant selon lesquelles il avait conclu une entente verbale avec l’employeur afin de travailler moins d’heures ou moins de jours par semaine au cours de l’hiver et que son horaire de travail allait être allégé en conséquence.

[29] Rien dans les déclarations de l’employeur n’indique qu’il avait conclu une telle entente avec l’appelant. Les déclarations de l’employeur démontrent qu’il a présenté les conditions de travail à l’appelant lors de son embauche, que ces conditions sont décrites à son contrat de travail et qu’il les a acceptées en toute connaissance de cause.

[30] L’appelant connaissait les conditions d’emploi auxquelles il allait être assujetti après avoir signé son contrat d’embauche, qu’il s’agisse du nombre d’heures à accomplir (ex. : travail sur appel, horaire variable) des quarts de travail, de la durée des voyages assignés, des périodes de repos auxquelles il avait droit ou encore, concernant ses absences.

[31] Je souligne que dans la déclaration que l’appelant a faite à la Commission, en date du 18 juin 2019, il a indiqué qu’il savait, dès son embauche, qu’il allait devoir travailler selon différents quarts de travail ou qu’il allait devoir faire de grosses journéesNote de bas de page 42.

[32] Je trouve contradictoire l’explication donnée par l’appelant selon laquelle il trouvait difficile d’effectuer ses quarts de travail parce qu’il devait alterner entre des quarts de nuit, de jour ou de soir, et ce, dans une même semaine. En effet, dans la déclaration qu’il a faite à la Commission, en date du 16 avril 2019, l’appelant a précisé qu’il travaillait surtout de nuitNote de bas de page 43. Lors de l’audience, il a indiqué que cela ne le dérangeait pas de travailler de nuit parce que dans le passé, il avait déjà travaillé selon des quarts de travail de nuit.

[33] Je souligne également que l’appelant a précisé que ses conditions d’emploi n’étaient pas illégales, mais qu’il trouvait sa charge de travail trop grande et ne voulait plus travailler de nuit ni faire de temps supplémentaire chaque semaineNote de bas de page 44.

[34] Je ne retiens pas l’argument du représentant selon lequel l’appelant aurait dû bénéficier d’une période de repos de 36 heures consécutives en vertu des règles énoncées par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) concernant les heures de conduite et de repos). Cette règle prévoit qu’un conducteur doit prendre 36 heures consécutives de repos après avoir accumulé 70 heures de travail pendant une période de sept jours consécutifsNote de bas de page 45. Sur ce point, je souligne que l’appelant a déclaré ne jamais avoir excédé 70 heures de conduite dans une semaineNote de bas de page 46.

[35] Je ne retiens pas non plus l’argument du représentant voulant que l’appelant n’ait pas bénéficié d’une période de repos hebdomadaire d’une durée minimale de 32 heures consécutives en vertu des dispositions prévues à la Loi sur les normes du travail, étant donné les conditions que ce dernier avait acceptées dans son contrat de travailNote de bas de page 47.

[36] Bien que le représentant ait fait valoir qu’il y avait eu un manque d’ouverture de la part de l’employeur au sujet des demandes de l’appelant pour obtenir des journées de congé ou pour travailler moins d’heures, il demeure que ce dernier connaissait ses conditions d’emploi et les avait acceptées en signant son contrat d’embauche.

[37] Je souligne que les déclarations de l’employeur indiquent que l’appelant ne lui a jamais parlé de ses conditions de travail, dont le fait qu’il pouvait se sentir fatigué en raison du travail de nuit, et que si tel avait été le cas, des mesures d’accommodement auraient été prises pour lui (ex. : planifier le travail de l’appelant selon des horaires d’après-midi ou tôt en soirée, changer ses quarts de travail avec un collègue). L’employeur a précisé que l’appelant ne lui a jamais fait de demande à cet effet. L’employeur a souligné qu’en aucun temps un chauffeur n’est autorisé à dormir dans son véhicule, sur le bord de la route. Il a aussi spécifié qu’il était formellement interdit de consommer des boissons comme du « Red Bull » ou de prendre des « Wake up » pour se tenir éveillé et qu’un employé qui était surpris à consommer ce genre de produits aurait été suspenduNote de bas de page 48.

[38] Je crois que l’appelant a essentiellement discuté avec l’employeur des congés qu’il voulait obtenir. Je souligne que c’est à la suite du refus de l’employeur de lui accorder les deux journées de congé demandées qu’il a quitté son emploi. Étant donné les conditions d’emploi que l’appelant avait acceptées lors de son embauche, je ne considère pas plausible que l’appelant ait discuté avec l’employeur pour lui signifier que ces conditions étaient dangereuses et qu’elles posaient un risque sur le plan de la sécurité. Je ne considère pas vraisemblable non plus que l’appelant ait abordé avec l’employeur des aspects se rapportant au fait qu’il pouvait consommer des boissons comme du « Red Bull » ou prendre des « Wake up » pour se tenir éveillé ou encore, qu’il avait pu se reposer ou dormir dans son véhicule sur le bord de la route. Je ne peux prêter foi à l’affirmation de l’appelant selon laquelle l’employeur lui a dit que s’il n’était pas satisfait, il n’avait qu’à partir ou à démissionner.

[39] La jurisprudence nous dit qu’un prestataire qui quitte son emploi parce qu’il craignait que ses conditions de travail soient dangereuses, et ce, sans même discuter avec son employeur des mesures qui auraient pu être prises pour atténuer ses craintes, n’a pas démontré que son départ volontaire pouvait être justifiéNote de bas de page 49.

[40] Je considère que l’appelant n’a pas démontré que ses conditions de travail pouvaient être dangereuses et qu’elles posaient un risque sur le plan de la sécurité.

[41] Je considère que les problèmes évoqués par l’appelant concernant le fait qu’il éprouvait des difficultés pour gérer son sommeil, qu’il lui arrivait de s’endormir au volant et qu’il consommait des boissons énergisantes comme du « Red Bull » ou qu’il prenait des « Wake up » pour se tenir éveillé lorsqu’il effectuait ses quarts de travail, ne permettent pas de justifier son départ volontaire.

[42] Le représentant a fait valoir que l’appelant n’invoquait pas une maladie pour justifier son départ volontaire, mais qu’il avait des problèmes à coordonner son sommeil, étant donné ses horaires de travail variables, et que pour cette raison un certificat médical n’aurait rien changé à sa situation.

[43] Le représentant a souligné que le Guide de la détermination de l’admissibilité (chapitre 6, section 6.8.1 – situation préjudiciable à l’état de santé) précise que des circonstances se rapportant à l’état de santé d’un prestataire peuvent justifier un départ volontaire. Il a précisé qu’une de ces circonstances réfère aux affirmations crédibles d’un prestataire comme justification à un départ volontaire, sans que celui-ci n’ait besoin de présenter une recommandation médicaleNote de bas de page 50.

[44] Sur ce point, je suis d’avis que même s’il n’est pas obligatoire d’avoir un certificat médical pour conclure que l’état de santé d’un prestataire peut justifier son départ volontaire, dans la mesure où la crédibilité de celui-ci n’est pas remise en question, la situation est différente dans le cas de l’appelant.

[45] L’appelant a évoqué des problèmes démontrant qu’ils pouvaient être préjudiciables à son état de santé (ex. : problèmes de somnolence ou à se tenir éveillé pour accomplir ses quarts de travail, problèmes de gestion de son sommeil), en raison de la situation qu’il vivait dans l’accomplissement de son travail, de même que d’autres motifs, pour tenter de justifier son départ volontaire (ex. : journées de congé refusées par l’employeur, nombre d’heures de travail).

[46] La jurisprudence nous informe qu’un prestataire qui prétend avoir quitté son emploi pour des raisons de santé doit fournir une preuve médicale objective qui non seulement atteste le problème de santé, mais aussi démontre que le prestataire a été forcé de quitter son emploi pour cette raison. Il doit démontrer qu’il a tenté d’en arriver à une entente avec l’employeur pour répondre à ses besoins de santé particuliers et prouver qu’il a cherché un autre emploi avant de quitter celui qu’il occupaitNote de bas de page 51.

[47] Je considère qu’après avoir évoqué des problèmes de santé, la preuve présentée par l’appelant est insuffisante pour démontrer d’une manière concluante et probante que sa situation était préjudiciable à son état de santé et que les problèmes qu’il a éprouvés à cet égard pouvaient justifier son départ volontaire ou qu’il était dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales, avant qu’il ne quitte son emploiNote de bas de page 52.

[48] Je suis d’avis que l’appelant n’a pas démontré qu’en continuant de travailler pour l’employeur, sa santé pouvait être compromise ou que son départ volontaire pouvait s’expliquer par l’existence de « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité », comme prévu à l’alinéa 29c)(iv) de la Loi.

[49] Malgré le fait que l’appelant n’ait pu se prévaloir des journées de congé qu’il avait demandées et qu’il ait évalué qu’il n’était plus capable d’accomplir son travail, étant donné le nombre d’heures et les quarts de travail qu’il devait effectuer, ses conditions d’emploi n’étaient pas devenues telles qu’elles pouvaient justifier qu’il quitte son emploi au moment où il l’a fait.

Est-ce que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat avant d’effectuer son départ volontaire?

[50] Non. L’appelant n’a pas démontré qu’il avait obtenu l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat avant qu’il ne quitte l’emploi qu’il avait.

[51] Je trouve contradictoires les affirmations de l’appelant sur cet aspect.

[52] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. Il a affirmé qu’il avait l’assurance d’un autre emploi avant de quitter celui qu’il avait chez X. Lorsqu’il a quitté cet emploi, il savait qu’il allait pouvoir recommencer à travailler chez X, une entreprise œuvrant dans le domaine de la distribution de pneus, et savait à peu près à quelle période il allait pouvoir le faire. Toutefois X ne pouvait pas lui dire exactement à quelle date il allait pouvoir commencer cet emploi. L’appelant avait auparavant travaillé dans ce domaine après avoir pris sa retraite en juillet 2017. Après avoir quitté son emploi chez X., l’appelant a travaillé un peu au printemps 2019 chez X parce qu’il n’y avait alors pas beaucoup de travail. L’appelant a repris le travail chez cet employeur en septembre 2019Note de bas de page 53 ;
  2. Dans sa demande de prestations, l’appelant indiqué qu’il n’avait pas cherché un autre emploi avant de démissionner parce qu’il n’avait pas eu le temps de le faire, étant donné le nombre d’heures de travail qu’il effectuaitNote de bas de page 54.

[53] De son côté, le représentant a fait valoir les éléments suivants :

  1. L’appelant a indiqué qu’il savait en quittant son emploi qu’il aurait un autre emploi, mais qu’il ne savait pas exactement à quel moment il débuterait. Ce n’était pas un emploi permanent. Cet emploi lui procure du travail 16-17 semaines par année lors de la période de changement des pneus, soit 8 à 10 semaines à l’automne et six ou sept semaines au printemps. La période d’emploi chez cet employeur ne commence pas toujours à la même date, car cela dépend de la température. L’appelant a commencé à travailler peu de temps après son départ volontaire. Il a recommencé à travailler chez cet employeur à l’automne 2019.

[54] Je suis d’avis qu’avant d’effectuer son départ volontaire, l’appelant ne s’est pas assuré d’obtenir un autre emploi. Je souligne que dans sa demande de prestations, l’appelant a indiqué ne pas avoir eu le temps de chercher un autre emploi avant de démissionner, étant donné le nombre d’heures de travail qu’il effectuaitNote de bas de page 55. Je ne peux prêter foi à son affirmation qu’il savait qu’il allait pouvoir commencer un autre emploi avant de quitter X.

[55] Il ressort de la preuve au dossier et du témoignage de l’appelant que l’emploi qu’il a occupé chez son nouvel employeur, X, n’allait durer que quelques semaines. L’appelant a d’ailleurs précisé qu’il avait peu travaillé chez cet employeur au printemps 2019, soit après avoir effectué son départ volontaire.

[56] L’appelant a quitté un emploi permanent, à temps plein, pour un autre emploi, de nature saisonnière et de très courte durée.

[57] Je considère que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait obtenu l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat comme le précise l’alinéa 29c)(vi) de la Loi.

Est-ce que le départ volontaire était la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant?

[58] Non. Je considère que la décision de l’appelant de quitter volontairement l’emploi qu’il occupait ne peut être considérée, compte tenu de toutes les circonstances, comme la seule solution raisonnable dans cette situationNote de bas de page 56.

[59] Je considère qu’une solution raisonnable au sens de la Loi par exemple, aurait été avant d’annoncer qu’il quittait son emploi, que l’appelant consulte un médecin et qu’il présente, au besoin, une preuve médicale à l’employeur indiquant qu’il n’était pas en mesure de travailler pour des raisons de santé ou lui recommandant une période de congé.

[60] Je suis également d’avis que si l’appelant considérait que ses conditions de travail étaient dangereuses et que sa sécurité, de même que celle des passagers qu’il transportait et des autres usagers de la route, pouvait être compromise en continuant de travailler chez l’employeur, il aurait pu aviser formellement ce dernier à cet effet et au besoin, faire une démarche auprès d’un organisme externe comme la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

[61] Une autre solution raisonnable aurait été que l’appelant s’assure d’obtenir un autre emploi pouvant mieux correspondre à ses intérêts et à ses attentes. L’appelant aurait pu continuer d’occuper son emploi malgré ses conditions de travail.

[62] J’estime que l’appelant n’a pas démontré qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploiNote de bas de page 57.

Conclusion

[63] Je conclus que compte tenu de toutes les circonstances, l’appelant n’était pas justifié de quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

[64] L’appelant n’a pas démontré que son départ volontaire pouvait être justifié en raison de ses conditions de travail et du refus de l’employeur de lui accorder les journées de congé qu’il lui avait demandées. L’appelant connaissait les conditions dans lesquelles il allait devoir accomplir son travail. Il n’a pas démontré que ses conditions de travail étaient dangereuses sur le plan de la sécurité ou que sa santé pouvait être compromise.

[65] L’appelant n’avait pas l’assurance raisonnable d’avoir un autre emploi avant de quitter celui qu’il occupait.

[66] L’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi, à compter du 24 mars 2019, est justifiée en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[67] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

24 septembre 2019

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution :

Monsieur S. F., appelant

Monsieur Denis Poudrier, Mouvement des chômeurs et des chômeuses de l’Estrie (MCCE), représentant de l’appelant

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