Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant travaillait à l’emballage pour X depuis près d’un an lorsqu’il a demandé deux semaines de vacances à son employeur. Il affirme que sa demande a été accordée verbalement et qu’il a donc pris ses congés à partir du 1er avril 2019. Le lundi suivant, l’employeur a convoqué l’appelant au bureau pour lui demander de signer un formulaire concernant ses vacances et l’informer que seulement une semaine sur deux était accordée.

[3] L’employeur soutient que les deux semaines de l’appelant n’avaient pas été officiellement accordées et qu’il l’a avisé qu’il devait travailler à partir du 8 avril 2019 sans quoi il serait considéré comme démissionnaire.

[4] L’appelant n’est pas entré au travail dans la semaine du 8 avril 2019. La Commission de l’assurance-emploi a déterminé que l’appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi). Pour cette raison, aucune prestation n’a été versée.

[5] De son côté, l’appelant soutient qu’il n’a pas quitté son emploi, mais qu’il a simplement pris ses vacances qui étaient bel et bien approuvées par l’employeur.

[6] Je conclus que les vacances de l’appelant n’étaient pas approuvées et qu’il a fait le choix de ne pas se présenter au travail tel que demandé par son employeur. J’estime que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui et a choisi de ne pas se présenter au travail, causant ainsi sa fin d’emploi.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider les questions suivantes :

  1. L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?
  2. Si oui, son départ constituait-il la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[8] Je dois décider si l’appelant a droit au bénéfice des prestations d’assurance-emploi selon l’article 30 de la Loi. À cette fin, je dois d’abord déterminer si l’appelant a quitté volontairement son emploi. Devant une réponse affirmative, je devrai ensuite déterminer s’il était fondé à quitter son emploi. 

Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

[9] Dans le présent dossier, il y a divergence entre les parties à propos de l’instigateur de la fin d’emploi. L’appelant soutient qu’il n’a jamais démissionné ou quitté son emploi, mais qu’il a été congédié alors que l’employeur affirme que l’appelant a quitté son emploi en prenant un congé non autorisé. La Commission a préféré la version de l’employeur. Je dois trancher. Le fardeau était d’abord à la Commission de prouver que l’appelant avait quitté son emploiNote de bas de page 1.

[10] Pour les raisons ci-dessous, je conclus que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[11] Il est admis que le 28 mars 2019, l’appelant a demandé à sa superviseure C. s’il pouvait prendre deux semaines de vacances débutant le lundi suivant. Il s’agissait d’une demande de vacances anticipée puisque la convention collective prévoit que la période de vacances se tient du 1er mai au 30 avril. L’appelant devait donc théoriquement «emprunter» des vacances puisqu’il avait moins d’un an d’ancienneté à son actif.

[12] Il est de plus admis par les deux parties que l’appelant a pris sa première semaine de vacances du 1er au 5 avril 2019. Il a été convoqué par l’employeur le lundi matin le 8 avril. Lors de la rencontre, l’appelant a alors été avisé que sa deuxième semaine de vacances n’était pas approuvée pour des besoins opérationnels et qu’il devait entrer travailler le jour même à son quart régulier de travail débutant à 14hNote de bas de page 2. Une discussion s’en est suivie entre l’appelant, C., L. et F. à propos des vacances de l’appelant, ce dernier affirmant que ses deux semaines avaient été approuvées et qu’il était donc en vacances pour le reste de la semaine. L’employeur a maintenu que la deuxième semaine de vacances n’était pas approuvée et que s’il ne se présentait pas au travail, il allait être considéré comme démissionnaire.

[13] L’appelant a quitté la rencontre et ne s’est pas présenté au travail pour le restant de la semaine. L’employeur a mis fin à l’emploi de l’appelant le 11 avril 2019 en application de la convention collectiveNote de bas de page 3.

[14] Je retiens de la preuve que l’appelant a pris la décision unilatérale de ne pas se présenter au travail durant la semaine du 8 au 12 avril 2019 alors qu’il était avisé par son employeur qu’il était attendu à son quart normal.

[15] Pour déterminer si l’appelant a quitté volontairement son emploi, je me suis posé la question fondamentale à savoir si l’appelant avait le choix ou non de rester à l’emploi. Sur la balance des probabilités, je conclus que oui, il aurait très bien pu rester à l’emploi s’il avait voulu. Personne ne l’a forcé de quitter. Il a fait le choix d’ignorer la décision de son employeur de ne pas lui accorder sa deuxième semaine de vacances anticipée demandée. La preuve révèle qu’il l’a de plus fait délibérément puisque son employeur lui avait clairement fait comprendre que s’il ne se présentait pas au travail, il perdrait son emploi. L’appelant l’a d’ailleurs admis et confirmé le fait qu’il a ignoré la demande de son employeur.

[16] L’appelant conteste l’idée qu’il aurait quitté son emploi parce que selon lui, il n’a fait que poursuivre ses vacances qui lui étaient déjà approuvées. Je ne peux accepter la position de l’appelant. Premièrement, je suis d’avis que ses vacances n’étaient pas approuvées comme il le prétend. La preuve de l’employeur est plus convaincante que celle de l’appelant. Bien que l’employeur peut parfois donner des autorisations de vacances verbalement, je ne suis pas satisfaite que l’appelant ait obtenu l’approbation verbale pour ses vacances.

[17] Alors que la politique de l’employeur et la convention collectiveNote de bas de page 4 prévoient qu’un employé doit soumettre sa demande de vacances deux semaines à l’avance, l’appelant a fait sa demande seulement deux jours d’avance. Ce dernier affirme que sa superviseure lui a dit qu’elle n’avait pas de problème à accorder la demande si L. et F. n’y voyaient pas d’inconvénientsNote de bas de page 5. Il a ensuite croisé L. et F. dans le corridor, leur a demandé et ils ont répondu que si C. était d’accord, ils l’étaient aussi. Selon lui, ses vacances étaient donc approuvées. Il a terminé sa semaine et le lundi suivant (le 1er avril), il s’est considéré en vacances et ne s’est pas présenté au travail.

[18] Je suis d’accord avec la Commission à l’effet que l’appelant n’a jamais reçu de réponse officielle à sa demande de vacances. Il a eu de très brefs échanges informels avec sa superviseure et par la suite avec le directeur des ressources humaines et directeur de l’usine. Si les réactions lui ont semblé positives, il ressort de la preuve que personne ne lui a confirmé ses vacances en bonne et due forme. La preuve révèle que la superviseure a contacté l’appelant le jeudi 4 avril 2019 pour lui préciser sa réponse quant à la demande de vacances.  Elle lui a de plus demandé de passer au bureau le lundi matin suivant. J’estime que si l’employeur avait accordé sans équivoque deux semaines de vacances à l’appelant, la superviseure n’aurait pas contacté l’appelant en plein milieu de ses vacances. Comme tout s’est fait rapidement et que l’appelant a décidé unilatéralement de prendre ses vacances à partir du lundi 1er avril 2019, j’estime plausible que la superviseure ait voulu communiquer avec l’appelant pour remettre les pendules à l’heure et s’assurer que tous étaient sur la même longueur d’onde. Elle a d’ailleurs déclaré avoir annoncé à l’appelant dès le 4 avril 2019 que seulement une semaine était accordée. L’appelant ne se souvient plus de ce bout de conversation.

[19] Deuxièmement, que les vacances de l’appelant aient été approuvées ou non, il n’en demeure pas moins qu’il a été formellement avisé qu’il allait briser le lien d’emploi s’il ne se présentait pas au travail le 8 avril 2019. Ainsi, il a choisi d’ignorer les directives de l’employeur et a lui-même mis fin à son emploi puisqu’il connaissait les conséquences étant associées à sa décision de ne pas se présenter au travail durant plus de trois jours.

[20] Basé sur la totalité de la preuve et sur la balance des probabilités, je conclus que l’appelant a quitté son emploi volontairement et a causé la certitude de chômage qu’il a vécu, ce qui est contraire à ses obligations de prestataires.

Question en litige no 2 : Le départ de l’appelant constituait-il la seule solution raisonnable dans son cas?

[21] La deuxième question qui doit alors être analysée est si l’appelant était fondé à quitter son emploi. En principe, une personne qui quitte volontairement son emploi n’est pas admissible à des prestations d’assurance-emploi. La Cour d’appel fédérale a réitéré à de nombreuses occasions que pour qu’un départ soit fondé au sens de la Loi, il faut démontrer que compte tenu de toutes les circonstances, le départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 6. En effet, le juge Létourneau dans la décision Hernandez rappelle qu’en conjonction avec les exceptions citées à l’article 29 de la Loi, il est impératif de considérer si le fait de quitter volontairement son emploi constituait la seule solution raisonnable et que de ne pas le faire constituerait une erreur de droitNote de bas de page 7.

[22] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’appelant n’a pas réussi à démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[23] En l’espèce, l’appelant n’a pas tenté de justifier son départ volontaire puisqu’il a argumenté uniquement le fait qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploi.

[24] J’estime que lorsque l’appelant s’est fait aviser par l’employeur que sa deuxième semaine de vacances était refusée, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Bien que je puisse comprendre la frustration de l’appelant s’il était sous l’impression que ses deux semaines étaient approuvées, j’estime tout de même qu’une solution raisonnable aurait été de se présenter à son quart de travail à 14h le 8 avril tel que demandé par son employeur. Une solution raisonnable aurait aussi été de demander l’aide de son syndicat afin de contester le refus de l’employeur. Il ne l’a pas fait. Dans un milieu syndiqué comme celui de l’employeur, l’appelant avait accès à une représentation syndicale afin de contester diverses décisions de l’employeur. Cela doit cependant s’inscrire dans un processus défini et qui n’est pas nécessairement instantané. Or, l’appelant semble avoir décidé de se faire justice lui-même, ce qui n’était pas une solution raisonnable selon moi.

[25] L’appelant fait référence à sa mère qui souffrait d’une condition médicale requérant sa présence. Je n’ai aucun doute de la véracité de ses propos. Cependant, cela ne fait pas en sorte que l’appelant n’avait aucune autre solution raisonnable. Il aurait pu faire part de cette situation à son employeur en lui demandant un congé sans solde, un congé de soins d’un proche parent et/ou en fournissant un billet médical à l’employeur pour motiver son absence.  D’autant plus que si la réelle raison de l’impossibilité à se présenter au travail était la mère de l’appelant, ce n’est pas de vacances dont il avait besoin, mais bien d’un congé autorisé par la Loi à cet effet.

[26] J’estime qu’en ignorant ces solutions raisonnables qui s’offraient à lui, l’appelant a agi sur un coup de tête et sans se soucier des répercussions que son absence pourrait avoir sur son emploi. Cela ne constitue certainement pas une solution raisonnable à mon avis.

[27] L’appelant soutient que l’appelant aurait été en mesure de fournir un billet médical attestant de la condition de sa mère si l’employeur lui avait demandé. J’estime que l’appelant fait preuve de mauvais jugement. Dans le cas où un employé nécessite un congé quelconque, c’est à lui à motiver sa demande et fournir les preuves nécessaires. En l’espèce, l’employeur indique ne pas avoir reçu de demande en ce sens et donc n’a pu traiter une telle demande.

[28] J’estime que non seulement l’employeur a exigé à l’appelant de se présenter à son quart de travail le 8 avril 2019, il l’a aussi informé des conséquences d’une absence de plus de trois jours conformément à la convention collective. L'insubordination de l'appelant en s’accordant lui-même une semaine de vacances alors que l’employeur l’attendait clairement au travail n’était pas raisonnable. Il s’en suit par le fait même que son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté. Cela signifie que l’appelant n’a pas droit au bénéfice des prestations.

 

Date de l’audience :

Le 26 septembre 2019

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

M. G., appelant

Yvan Bousquet, représentant de l’appelant

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