Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] G. J. est le prestataire en l’espèce. Il travaillait pour X (employeur). Il est incontesté que le prestataire a été impliqué dans une confrontation violente au travail le 22 juin 2018. Quelques jours plus tard, l’employeur a écrit au prestataire pour l’informer qu’il était congédié en raison de ses manifestations d’agressivité et de son comportement hostileNote de bas de page 1.

[3] Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi (AE). La Commission de l’assurance-emploi du Canada a initialement approuvé la demande du prestataire. La Commission a décidé que les versions données à propos de ce qui s’était passé le 22 juin 2018 étaient contradictoires et qu’elle devait accorder le bénéfice du doute au prestataire.

[4] Toutefois, l’employeur a demandé à la Commission de réviser sa décision. En se fondant sur de nouveaux éléments de preuve, la Commission a alors conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, la Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations d’AE et lui a demandé de rembourser les prestations qu’il avait déjà reçues.

[5] Le prestataire a ensuite porté la décision de la Commission en appel devant la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté l’appel. En résumé, la division générale a conclu que l’employeur a congédié le prestataire en raison de son comportement le 22 juin 2018. Elle a également conclu que les gestes du prestataire correspondaient à une inconduite. Autrement dit, le prestataire aurait dû savoir que ses gestes étaient susceptibles d’entraîner son congédiement.

[6] Le prestataire souhaite maintenant interjeter appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal, mais il doit obtenir la permission d’interjeter appel pour que le dossier puisse aller de l’avant. Malheureusement pour le prestataire, j’ai conclu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je dois rejeter la demande de permission d’en appeler. Voici les motifs de ma décision.

Questions en litige

[7] J’ai mis l’accent sur les questions suivantes pour rendre la présente décision :

  1. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère juridique?
  2. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de déterminer le moment précis où le prestataire a été congédié?
  3. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en l’espèce?

Analyse

Cadre juridique de la division d’appel

[8] Le Tribunal respecte les règles de droit et les procédures énoncées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Par conséquent, cet appel suit un processus en deux étapes : la permission d’en appeler et l’examen sur le fond. L’appel passera à l’étape de l’examen sur le fond, à moins qu’il n’ait aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2.

[9] Le critère juridique que le prestataire doit remplir à l’étape de la permission d’en appeler est peu rigoureux : existe-t-il un motif défendable qui conférerait à l’appel une chance de succèsNote de bas de page 3? Pour trancher cette question, je mettrai l’accent sur la question de savoir si la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit ou de fait, qui sont deux des trois erreurs (ou motifs d’appels) prévues par la Loi sur le MEDSNote de bas de page 4.

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère juridique?

[10] Non, la division générale a clairement appliqué le bon critère juridique en l’espèce.

[11] Selon le prestataire, la Cour d’appel fédérale a établi le critère juridique que la division générale aurait dû appliquer en l’espèce, qu’elle a formulé en ces termesNote de bas de page 5 :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est‑à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[12] Cependant, le prestataire fait valoir que la division générale a appliqué un critère juridique différent moins rigoureux. Plus précisément, la division générale a écrit ce qui suit [traduction] : « Je conclus que les gestes du prestataire étaient si agressifs et dépassaient tellement les normes du milieu de travail que n’importe qui aurait su que de tels gestes étaient susceptibles d’entraîner un congédiementNote de bas de page 6 ».

[13] Selon le prestataire, la division générale a donc conclu qu’il pouvait être déclaré coupable d’inconduite du moment qu’une seule personne aurait su que de tels gestes étaient susceptibles d’entraîner un congédiement.

[14] J’interprète la décision de la division générale de façon très différente. Selon ma lecture, la division générale affirme dans sa décision que les gestes du prestataire étaient si agressifs et dépassaient tellement les limites d’un comportement acceptable que n’importe qui — y compris le prestataire — aurait su que ces gestes étaient susceptibles d’entraîner un congédiement. Au contraire, la division générale a donc appliqué un critère plus rigoureux que ce que la loi exige.

[15] Par conséquent, j’ai conclu que cet argument ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de déterminer le moment précis où le prestataire a été congédié?

[16] Non, cet argument ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

[17] Le prestataire soutient que le moment de son congédiement est essentiel à l’application du critère relatif à l’inconduite en l’espèce. Il affirme que la division générale a omis de trancher cette question.

[18] Pour appuyer sa décision, la division générale s’est fondée sur un enregistrement vidéo montrant une partie du conflit survenu le 22 juin 2018. Toutefois, le prestataire soutient que l’enregistrement vidéo est très peu pertinent parce qu’il avait déjà été congédié avant le début de l’enregistrement. Selon le prestataire, son employeur l’avait effectivement congédié juste un peu plus tôt, lorsque son superviseur l’avait frappé ou bousculé.

[19] À mon avis, la division générale était au courant de cette question et a tiré les conclusions qu’elle devait tirer pour en arriver à sa conclusionNote de bas de page 7. La division générale a préféré la preuve de l’employeur à celle du prestataire. En effet, la division générale a conclu que le prestataire avait déclenché le conflit le 22 juin 2018, et n’a pas admis que le superviseur du prestataire l’avait frappé avant le début de l’enregistrement vidéoNote de bas de page 8.

[20] De même, la division générale a noté à plusieurs reprises que l’employeur a congédié le prestataire en raison du comportement agressif dont il a fait preuve et du langage grossier qu’il a utilisé envers plusieurs employés le 22 juin 2018Note de bas de page 9. Il s’ensuit donc que l’employeur n’aurait pas pu congédier le prestataire avant que ces événements ne se produisent.

[21] Par conséquent, j’ai conclu que cet argument ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige no 3 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en l’espèce?

[22] Non, le prestataire n’a pas démontré qu’il existe une cause défendable selon laquelle une erreur de fait a été commise en l’espèce.

[23] Premièrement, le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait en écrivant ce qui suit au paragraphe 13 de sa décision : [traduction] « Le prestataire reconnaît que l’employeur l’a congédié après le désaccord au sujet des lunettes de sécurité ». Selon le prestataire, cela démontre que la division générale a mal compris l’un de ses principaux arguments, à savoir que l’employeur l’avait effectivement congédié avant le début de l’enregistrement vidéo.

[24] Je ne peux souscrire aux arguments du prestataire sur ce point. Il est clair qu’une série d’événements se sont produits le 22 juin 2018 et qu’ils ont tous commencé par un différend au sujet des lunettes de sécurité. Bien que les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le prestataire a été congédié au milieu ou à la fin de ce différend, il ne fait aucun doute qu’il a été congédié après que le différend soit survenuNote de bas de page 10. Bien que la division générale aurait pu choisir plus soigneusement ses mots, cela ne constitue pas une erreur tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[25] Deuxièmement, le prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de fait en rejetant sa preuve selon laquelle son superviseur l’avait frappé avant le début de l’enregistrement vidéoNote de bas de page 11. Plus précisément, le prestataire soutient que la division générale a tiré cette conclusion quant à la crédibilité sans tenir compte de ses déclarations antérieures cohérentes et des déclarations antérieures incohérentes de l’employeur.

[26] Je ne suis pas d’accord. La division générale a pris en considération les déclarations antérieures de l’employeur et ne les a pas jugées aussi incohérentes que le prestataire l’avait laissé entendre. La division générale a plutôt remis en question la crédibilité du prestataire.

[27] La division générale devait choisir entre deux versions différentes des événements : celle donnée par le prestataire et celle donnée par l’employeur. Le prestataire n’a pas vraiment soulevé d’erreur dans la façon dont la division générale a résolu ce conflit.

[28] Par conséquent, dans l’ensemble, j’ai conclu qu’aucun des arguments du prestataire n’a une chance raisonnable de succès.

[29] En plus des arguments du prestataire, j’ai aussi examiné le dossier documentaire et la décision portée en appel, et je suis persuadé que la division générale n’a pas mal interprété ou omis de tenir compte adéquatement des éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 12.

Conclusion

[30] J’ai conclu que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’ai d’autre choix que de rejeter la demande de permission d’en appeler.

 

Représentant :

Steven Barker, au nom du demandeur

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