Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[1] L’appelant, V. B. (le prestataire), a été engagé par un district scolaire pour exercer les fonctions de X. Après un différend au sujet de ses fonctions et de la façon dont il s’acquittait de ses fonctions, le prestataire a estimé qu’il n’avait d’autre choix que de démissionner. Il a fait une demande de prestations d’assurance‑emploi, mais l’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission), a refusé sa demande. La Commission a maintenu cette décision lorsqu’on lui a demandé de la réviser.

[2] La prestataire a interjeté appel à la division générale, qui a rejeté son appel. Il interjette maintenant appel à la division d’appel.

[3] L’appel est rejeté. Le prestataire n’a pas établi que la division générale a commis une erreur visée par l’un des moyens énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Questions préliminaires

[4] Le prestataire a présenté une liasse de plusieurs documents à la division d’appel le 3 octobre 2019, à savoir notamment :

  1. une description des fonctions de X;
  2. certains renseignements concernant l’attribution des sièges pour ce qui semble être une cérémonie de remise des diplômes;
  3. la correspondance par courriel adressée ou transmise au prestataire concernant l’attribution des sièges des diplômés, les billets des diplômés et les remboursements;
  4. une fiche de renseignements concernant les consignes relatives à la vente des billets pour la cérémonie de remise des diplômes;
  5. un échange de courriels entre le prestataire et le directeur de l’école et d’autres personnes au sujet d’une date limite pour la vente de billets.

[5] Le prestataire m’a confié lors de l’audience de la division d’appel qu’il avait présenté le document de description des fonctions, ainsi que tous les autres renseignements, pour appuyer son affirmation selon laquelle il y avait eu modification de ses fonctions liées au poste et qu’il avait été assujetti à de nouvelles attentes en matière d’emploi. À l’appui de sa demande voulant que j’étudie ces nouveaux éléments de preuve en tant que renseignements contextuels généraux, le prestataire a invoqué les décisions suivantes de la Cour fédérale : Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 1 et Chopra c Canada (Treasury Board)Note de bas de page 2.

[6] La jurisprudence citée par le prestataire confirme que les éléments de preuve, dont le but consiste à fournir des renseignements contextuels généraux, peuvent parfois être pris en considération dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Toutefois, les tribunaux n’autorisent la présentation d’éléments de preuve contextuels dans les contrôles judiciaires que lorsqu’il s’agit d’éléments de preuve pouvant aider le tribunal à comprendre les questions pertinentes. Les éléments de preuve contextuels ne comprennent pas les éléments de preuve pertinents visant à établir le bien‑fondé du contrôle ou de l’appel.

[7] En outre, l’espèce ne n’est pas un contrôle judiciaire. Il n’est pas certain que les tribunaux approuveraient l’admission d’éléments de preuve dans le cadre de l’exception des renseignements généraux dans un appel à la division d’appel. Aucune jurisprudence n’autorise expressément la division d’appel à étudier de nouveaux éléments de preuve, même s’il s’agit de renseignements contextuels généraux. Toutefois, de nombreuses décisions ont confirmé que la division d’appel peut uniquement trancher la question de savoir si la division générale a commis une ou plusieurs des erreurs visées par l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS et qu’elle ne peut pas prendre en considération des éléments de preuve qui ne faisaient pas partie du dossier de la division générale.Note de bas de page 3

[8] Enfin, il n’existe pas de motif impérieux d’envisager l’exception des renseignements généraux. Les nouveaux éléments de preuve ne m’aident pas à mieux comprendre les questions en litige ni à trancher la question de savoir si la division générale a mal interprété la preuve dont elle disposait. Il semble plutôt que le prestataire tente d’étoffer la preuve dont était saisie la division générale afin d’établir le bien‑fondé de son appel à la division générale. Les documents présentés par le prestataire ne répondent pas à la définition de « renseignements généraux ».

[9] Je n’étudierai aucun des nouveaux éléments de preuve présentés par le prestataire dans la liasse du 3 octobre 2019.

Questions en litige

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en imposant au prestataire une norme de preuve plus rigoureuse que la « prépondérance des probabilités »?

[11] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en écartant la question de savoir si l’employeur avait incité indument le prestataire à quitter son emploi?

[12] La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a quitté volontairement son emploi a‑t‑elle été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[13] Les conclusions de la division générale en ce qui a trait à la situation du prestataire ont‑elles été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[14] La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire disposait de solutions de rechange raisonnables au départ a‑t‑elle été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

[15] La division d’appel ne peut modifier une décision de la division générale que si elle peut conclure que cette dernière a commis l’un des types d’erreurs visés par les « moyens d’appel » énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[16] Les moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige 1: La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en imposant au prestataire une norme de preuve plus rigoureuse que la « prépondérance des probabilités »?

[17] L’article 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) stipule que le prestataire n’est fondé à quitter son emploi que s’il ne dispose pas de solution de rechange raisonnable au départ, compte tenu de toutes les circonstances. Il incombe à la Commission de prouver que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Lorsque ce fait est établi, il y a renversement du fardeau de la preuve, et c’est au prestataire de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi. Cela signifie qu’il appartient au prestataire de démontrer que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.Note de bas de page 4

[18] J’ai accordé l’autorisation d’en appeler parce qu’il y avait une cause défendable selon laquelle la division générale ait pu exiger du prestataire qu’il établisse qu’il ne disposait pas de solution de rechange raisonnable selon une norme de preuve plus élevée que la prépondérance des probabilités.

[19] En examinant la jurisprudence présentée par le prestataire, la division générale a déclaré :

[traduction]
[la jurisprudence] ne démontre pas de façon concluante, après examen de toutes les circonstances particulières de son cas, qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.Note de bas de page 5

[20] Il est possible de voir dans cet énoncé particulier l’application d’une norme trop stricte pour trancher la question de savoir si le prestataire disposait d’une justification. Toutefois, lorsque je mets en contexte l’énoncé de la division générale ci-dessus, je ne peux conclure que la division générale a appliqué une norme incorrecte.

[21] Comme je l’ai indiqué dans la décision relative à la permission d’en appeler, la prépondérance des probabilités est la norme selon laquelle la division générale doit établir les faits. L’interprétation de la jurisprudence ne représente pas la constatation d’un fait. L’utilisation par la division générale de l’expression [traduction] « démontre de façon concluante » fait référence à l’évaluation par la division générale de l’incidence des nombreuses décisions de la CUB et d’autres affaires judiciaires fournies par le prestataire. La division générale a déclaré que les affaires qui semblent similaires sur le plan des faits peuvent tout de même donner lieu à des décisions différentes parce qu’elles comportent des faits différents et uniques.

[22] De plus, la division générale a déclaré explicitement que le prestataire disposait de solutions de rechange raisonnables au départ, selon la prépondérance des probabilités.Note de bas de page 6

[23] Je crois qu’il est davantage vraisemblable d’interpréter l’utilisation du terme « concluante » par la division générale comme le fait que celle-ci a estimé que la jurisprudence présentée par le prestataire n’était pas concluante quant à ce que prévoit le droit au sujet de sa situation particulière ou quant à l’issue que le droit exigerait.

[24] Le prestataire a également fait valoir qu’on aurait dû lui donner le bénéfice du doute.

[25] Le prestataire a fait référence au paragraphe 49(2) de la Loi sur l’AE et à certains renseignements explicatifs tirés du Guide de la détermination de l'admissibilité, et a fait observer que cela signifiait qu’il n’aurait dû satisfaire qu’à un [traduction] « seuil de probabilité de 50 % pour avoir gain de cause ». Je conviens que lorsque la preuve est pondérée de façon égale pour toute constatation à l’égard d’une circonstance ou d’une condition qui pourrait avoir pour effet de rendre inadmissible aux prestations le prestataire, la Commission doit trancher en faveur du prestataire. Dans l’arrêt Chaoui c Canada (Procureur général)Note de bas de page 7, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’article 49(2) ne vise que les décisions de la Commission et non les décisions d’appel.

[26] Quoi qu’il en soit, la décision ne laisse pas entendre que la division générale a estimé que la preuve avait une pondération égale dans de telles circonstances ou conditions. En outre, le rôle de la division d’appel ne consiste pas à intervenir sur l’évaluation de la preuve par la division générale ou à la réexaminer.Note de bas de page 8 Le « bénéfice du doute » n’entre pas en jeu.

[27] Je conclus que la division générale n’a commis aucune erreur de droit en application de la norme de preuve prévue à l’article 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige 2: La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en écartant la question de savoir si l’employeur avait incité indument le prestataire à quitter son emploi?

[28] Selon l’article 29c) de la Loi sur l’AE, il faut tenir compte de « toutes les circonstances » pour déterminer si le prestataire est fondé à quitter son emploi. Cet article, qui ne restreint pas les circonstances pertinentes pour déterminer si le prestataire est fondé à quitter son emploi, prévoit une liste de circonstances particulières qui doivent être prises en compte lorsqu’elles sont étayées par la preuve. L’une de ces circonstances figure à l’article 29c)(xiii), à savoir l’« incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi ».

[29] Le prestataire a fait valoir que la division générale a eu tort de conclure qu’il disposait des solutions de rechange raisonnables au départ parce que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il avait subi une incitation indue à quitter son emploi. Il a fait valoir à la division générale qu’il existait des éléments de preuve d’incitation indue et m’a indiqué une capture d’écran d’un échange de messages texte entre lui et son ancien adjoint après sa démission. Dans cet échange, son adjoint a déclaré :

[traduction]
Je sais que ce choix était le vôtre […] [le directeur] m’a dit que ce choix était le vôtre, mais on vous a forcé la main […] Je suis d’accord, je crois que l’on souhaitait que vous demeuriez en poste plus longtemps. Vous désiriez vous venger de lui, et nos départs respectifs le mettent certainement dans une situation difficile […].Note de bas de page 9

[30] Je souligne que le texte ci-dessus était une réponse au message texte que le prestataire a fait parvenir à son supérieur (élément de preuve dont la division générale était également saisie) dans lequel il déclare ce qui suit au sujet de sa démission :

[traduction]
[soit dit en passant] c’est moi qui ai pris la décision de quitter aujourd’hui, on n’a fait que suivre le protocole. On a probablement été surpris de ma réaction […] On désirait probablement que je demeure encore six mois en poste le temps de trouver une personne pour me remplacer, et cela s’est retourné contre eux.Note de bas de page 10

[31] Le prestataire a raison de dire que la division générale n’a pas fait référence à cet échange de messages texte et qu’elle a écarté la question de savoir si on l’a indument incité à quitter son emploi. Toutefois, l’échange de messages texte n’est pas probant quant au motif de l’employeur de prolonger la période d’essai du prestataire. Il s’agit au mieux d’un élément de preuve démontrant que l’adjoint du prestataire est d’avis que les gestes de l’employeur ont amené le prestataire à prendre une décision.

[32] Il m’apparaît évident que le prestataire ne se sentait pas apprécié pour son travail et qu’il ressentait de la pression, mais selon son propre témoignage, il n’a pas fait état d’une situation où il se sentait incité à quitter son emploi. D’ailleurs, sa réponse au message texte de son adjoint laisse entendre qu’il ne croyait pas que l’employeur souhaitait son départ avant au moins six mois.

[33] Je souligne que la division générale s’est penchée sur un certain nombre de préoccupations du demandeur quant à la façon dont il a été supervisé et évalué (notamment en ce qui concerne la prolongation de sa période d’essai), lorsqu’elle a évalué si ces circonstances équivalaient à du harcèlement ou à des relations conflictuelles avec un supérieur.Note de bas de page 11

[34] À mon avis, les éléments de preuve dont disposait la division générale ne l’obligeaient pas à se pencher spécifiquement sur la question de savoir si la situation du prestataire relevait d’une incitation indue à quitter son emploi ni à examiner dans quelle mesure cette incitation indue a eu une incidence sur les solutions de rechange raisonnables au départ dont il disposait lorsqu’il a quitté.

[35] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en vertu de l’article 58(1)b) de la Loi sur le MEDS en écartant la question de savoir si l’employeur avait incité indument le prestataire à quitter son emploi.

Question en litige 3 : La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a quitté volontairement son emploi a‑t‑elle été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[36] Le prestataire a présenté des observations détaillées par lesquelles il exprime son désaccord avec l’évaluation de la preuve par la division générale et avec bon nombre des conclusions de fait de la division générale. Comme je l’ai souligné, il ne me revient pas de réexaminer ou d’évaluer de nouveau la preuve. Pour que j’intervienne, il faudrait que j’estime que la division générale a tiré une conclusion de fait importante de façon abusive ou arbitraire, ou qu’elle a écarté la preuve dont elle était saisie ou a mal interprété celle-ci. L’expression juridique « abusive ou arbitraire » est tirée du critère juridique de l’article 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Une conclusion tirée de façon abusive ou arbitraire est une conclusion qui va à l’encontre du poids de la preuve ou qui est illogique ou incohérente. Il y a plusieurs conclusions de fait importantes avec lesquelles le prestataire n’est pas d’accord. Je vais les aborder à tour de rôle.

Départ volontaire

[37] La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a volontairement quitté son emploi était fondée en partie sur le témoignage du prestataire selon lequel il avait démissionné plutôt que d’accepter une prolongation de sa période d’essai. Cela est également corroboré par les éléments de preuve mentionnés ci-dessus.

[38] Le prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage selon lequel il n’avait d’autre choix que de démissionner et que sa démission n’était pas volontaire. Lorsqu’il a déclaré avoir été incité à démissionner, le prestataire s’est appuyé sur un certain nombre de circonstances qu’il a jugées intolérables et qui l’ont finalement amené à démissionner.

[39] Dans l’arrêt Canada (Procureur Général) c Peace,Note de bas de page 12 la Cour d’appel fédérale a rejeté les arguments selon lesquels elle devrait appliquer le concept de common law de « congédiement déguisé » pour permettre à un employé le droit de considérer que la relation d’emploi a pris fin aux fins de l’assurance-emploi. Dans l’arrêt Peace, la Cour d’appel fédérale a énoncé qu’il faut simplement se poser la question suivante : « l'employé avait-il le choix de rester ou de quitter? »

[40] Des éléments de preuve présentés à la division générale ont démontré que le prestataire avait le choix de rester au moment où il a quitté. Les circonstances qui ont amené le prestataire à se sentir incité à démissionner étaient pertinentes pour l’évaluation par la division générale des solutions de rechange raisonnables au départ dont il disposait. Toutefois, la division générale n’était pas tenue de trancher la question de savoir si la situation du prestataire lui donnait le droit de considérer qu’il avait été congédié pour décider s’il avait volontairement quitté son emploi.

[41] La division générale n’a pas commis d’erreur en vertu de l’article 58(1)c) de la Loi sur le MEDS en concluant que le prestataire avait volontairement quitté son emploi.

Question en litige 4 : Les conclusions de la division générale en ce qui a trait à la situation du prestataire ont‑elles été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[42] Le prestataire a affirmé qu’un certain nombre de circonstances étaient en cause dans sa décision de démissionner, lesquelles étaient pertinentes à la question de savoir s’il disposait de solutions de rechange raisonnables au départ. J’examinerai ci-après les conclusions de la division générale sur ces circonstances.

Harcèlement et relations conflictuelles avec un supérieur

[43] Le harcèlement est la circonstance mentionnée à l’article 29c)(i) de la Loi sur l’AE. Le prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels il a été harcelé par son employeur.

[44] Le prestataire a été engagé par son district scolaire et relève de celui-ci. Cependant, il travaillait d’un X dans une école où son supérieur était le directeur de l’école. La division générale a déclaré que le prestataire avait déclaré que son superviseur avait agi comme suit :

  1. Il a injustement critiqué les demandes du prestataire;
  2. Il a porté des accusations vagues et non fondées contre le prestataire ou a refusé au prestataire la possibilité de se défendre contre ces accusations;
  3. Il a effectué des évaluations malhonnêtes et inéquitables du travail du prestataire;
  4. Il a prolongé la période d’essai du prestataire.

[45] Dans les arguments qu’il a présentés à la division d’appel, le prestataire a déclaré que la division générale n’a pas tenu compte des agissements susmentionnés, ni d’un certain nombre d’autres agissements que la division générale n’a pas mentionnés. Le prestataire a déclaré que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle le supérieur/employeur a également :

  1. présenté des exigences contraires à la politique ou qui obligeaient le prestataire à ne pas tenir compte de la politique, contrairement à ce que prévoyaient les instructions préalables, ou qui ne relevaient pas de sa description de poste;
  2. établi des normes de rendement subjectives déraisonnables et fluctuantes;
  3. refusé d’appuyer le prestataire et entravé son travail;
  4. porté atteinte à l’autonomie du prestataire.

[46] Le prestataire a également déclaré que la division générale a écarté d’autres éléments de preuve, notamment les politiques et procédures du district scolaire, le manuel des études secondaires, les consignes du directeur d’école, les messages texte de son adjoint et les courriels du personnel.

[47] La division générale a déclaré qu’elle s’était penchée sur les renseignements transmis par le prestataire faisant état des communications entre lui-même, son superviseur et son adjoint, ainsi que ses appréciations du rendement et le témoignage et les déclarations du prestataire concernant leurs interactions. La division générale a fait observer que le ton des appréciations du rendement et des courriels était professionnel et respectueux et que l’employeur avait le droit de formuler des commentaires sur les aspects qu’il estimait susceptibles d’amélioration par le prestataire. En fin de compte, la division générale a estimé que le prestataire n’avait pas démontré qu’il avait été victime de harcèlement.

[48] Les motifs de la division générale ne font pas état de chaque déclaration ou document présenté par le prestataire et peuvent ne pas traiter de toutes les affirmations du prestataire avec autant de détails qu’il le souhaite. Toutefois, je reconnais que la division générale a saisi la nature et l’étendue des gestes de l’employeur assimilées à du harcèlement par le prestataire. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Simpson c Canada (Procureur général),Note de bas de page 13

un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits.

[49] Je ne suis pas convaincu que la décision de la division générale écarte tout élément de preuve pertinent de harcèlement qui pourrait avoir une incidence importante sur cette décision. Le prestataire n’a relevé aucune omission importante de laquelle je pourrais déduire que la division générale a écarté les éléments de preuve de harcèlement.

[50] Une autre des circonstances énumérées à l’article 29c) de la Loi sur l’AE se trouve à l’article 29c)x) : relations conflictuelles avec un superviseur si le prestataire n’est pas principalement responsable de l’antagonisme. Bon nombre des gestes posés par l’employeur que le prestataire a qualifiés de harcèlement ont également été posés par le directeur de l’école. Le directeur était le supérieur du prestataire. Par conséquent, le prestataire s’est appuyé sur bon nombre des mêmes allégations et des mêmes éléments de preuve pour appuyer sa thèse selon laquelle il avait vécu des relations conflictuelles. Par exemple, le prestataire a déclaré qu’il avait été injustement accusé et qu’on ne lui a pas donné le droit de présenter une défense. Cela concernait un incident au cours duquel le directeur lui a dit qu’une personne avait formulé une plainte contre lui avant même de vérifier le bien‑fondé de la plainte. Le prestataire a estimé que cet incident relevait du harcèlement et également d’une relation conflictuelle avec son supérieur. C’est également le directeur qui a procédé à l’appréciation du rendement du prestataire et qui a discuté des résultats de celui-ci avec le prestataire. Le directeur était à l’origine d’une grande partie des critiques formulées envers le prestataire.

[51] Néanmoins, la division générale n’a pas estimé que les interactions du prestataire avec le directeur manquaient de professionnalisme et elle n’a pas souscrit au fait que le prestataire ait établi la présence d’une relation conflictuelle.

[52] Je suis conscient du fait que le prestataire est d’avis que la division générale aurait dû accorder davantage d’importance à sa perception des gestes de l’employeur en tant que harcèlement et des gestes du directeur en tant que relation conflictuelle. Toutefois, je ne peux pas réexaminer les éléments de preuve pour en arriver à une conclusion différente. Je ne suis pas convaincu que la division générale a écarté ou mal interprété des éléments de preuve importants et pertinents ou qu’elle a tiré une conclusion abusive ou arbitraire quant au fait que le prestataire n’avait pas fait l’objet de harcèlement. Comme la Cour fédérale l’a souligné dans la décision Rouleau c Canada (Procureur Général),Note de bas de page 14 « Démontrer […] que les conclusions de fait sont discutables n’atteint pas la barre élevée de la décision tirée de façon “abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments” portés à la connaissance de la division générale. ».

Modification importante des fonctions

[53] L’article 29c)(ix) de la Loi sur l’AE fait état de la « modification importante des fonctions » en tant que circonstance pertinente. Le prestataire a été engagé en tant que X. À son avis, l’exigence de l’employeur voulant qu’il soit plus positif ou qu’il s’acquitte de ses fonctions avec davantage de compassion ou d’empathie a constitué une modification importante. Il a également décrit d’autres fonctions qui, selon lui, ne faisaient pas partie de sa description de poste, dont la gestion d’un fonds des alcools pour les employés ainsi que, notamment, la vente de cartes d'abonnement d'autobus et la commande de livres, tâches qui, selon le prestataire, figuraient dans la description de poste de son adjoint. De plus, le prestataire a déclaré que le directeur l’a obligé à prioriser le service au personnel et aux étudiants plutôt que ses principales attributions professionnelles. Le prestataire considérait que ces exigences représentaient une modification importante de ses fonctions.

[54] La division générale a conclu que l’employeur n’avait pas modifié de façon importante les fonctions du prestataire. Elle a constaté que le directeur s’était borné à demander au prestataire d’aborder ses tâches habituelles d’une façon différente et que les tâches supplémentaires comme les tâches [sic] la vente de cartes d'abonnement d'autobus et la commande de livres pour les enseignants n’étaient pas importantes.

[55] Du point de vue du prestataire, la division générale a porté à faux. Le principe [sic] de l’école ne se bornait pas à demander au prestataire d’aborder ses fonctions d’une nouvelle façon ou d’assumer à l’occasion des tâches mineures supplémentaires qui ne faisaient pas strictement partie de sa description de poste. Le prestataire a déclaré que ses tâches principales nécessitaient de la concentration et que l’insistance du directeur pour qu’il priorise le service aux personnes qui se rendaient au bureau nuisait à sa capacité d’accomplir les tâches pour lesquelles il avait été embauché. Comme la division générale l’a fait remarquer, le demandeur a déclaré que le fait de [traduction] « donner priorité aux personnes » signifierait qu’il accuserait du retard dans son travail et qu’il ne pourrait pas respecter les échéances.Note de bas de page 15

[56] Le prestataire a déclaré avoir été embauché pour gérer les activités financières du district conformément aux principes comptables généralement reconnus et aux exigences du district. Il a donné des exemples de tâches tirées de sa description de poste, notamment la gestion des contrôles financiers, l’aide à la budgétisation et la mise en œuvre de politiques financières. Il a également fourni l’offre d’emploi pour le poste X à l’école où il travaillait, confirmant que ses principales fonctions et responsabilités étaient liées à la comptabilité, à la vérification et aux finances.Note de bas de page 16 Il était un employé du district, et non pas de l’école, et il était redevable envers le siège social de l’exécution de ses fonctions de X dans les délais impartis.

[57] Le demandeur a déclaré qu’il savait que son adjoint démissionnerait lorsque cela s’est réalisé. De plus, le directeur lui a remis une lettre dans laquelle on demande au prestataire de garder la porte du bureau X ouverte en tout temps pendant les heures de bureau. Ces modifications ont fait en sorte qu’il aurait à composer avec davantage d’interruptions et qu’une partie encore plus importante de ses fonctions consisterait à servir les gens qui se présentent à son bureau.

[58] Je suis conscient du fait que les attentes du directeur de l’école ont compliqué l’ambiance de travail du prestataire. Toutefois, la question de savoir si l’importance accrue accordée au service à la clientèle représentait [traduction] « une modification importante de la situation de travail du prestataire » est une question factuelle. La division générale a conclu que ce n’était pas le cas. Pour en arriver à cette conclusion, la division générale a fait référence aux éléments de preuve du prestataire selon lesquels on lui avait demandé d’accomplir certaines tâches qui ne figuraient pas dans sa description de poste.Note de bas de page 17 La division générale a également tenu compte de la thèse du prestataire selon laquelle le fait de donner la priorité aux gens et d’effectuer ces tâches supplémentaires nuisait à ses fonctions et à sa capacité de respecter ses délais et d’exécuter ses fonctions principales.Note de bas de page 18

[59] La division générale n’a pas écarté ou mal interprété les éléments de preuve liés à la modification des fonctions du prestataire, et elle n’a pas tiré de conclusions abusives ou arbitraires.

Conditions de travail dangereuses pour la santé du prestataire

[60] Dans les observations qu’il a présentées à la division d’appel, le prestataire a fait référence à certains renseignements généraux liés à la définition du stress en milieu de travail et à certaines sources communes. La division générale n’en ayant pas été saisie, elle n’a pas commis d’erreur en ne prenant pas connaissance d’office du fait que les exigences du travail peuvent causer du stress chez les employés.

[61] Le demandeur n’a présenté à la division générale aucun élément de preuve médicale établissant un lien entre ses symptômes et les fonctions liées à son poste, recommandant qu’il s’abstienne de travailler ou d’exécuter des tâches pour éviter d’autres blessures ou invalidités, ou comportant un diagnostic de stress ou de toute autre affection ou problème médical. Par conséquent, la division générale n’a pas estimé que la situation de travail du prestataire l’affectait au point où il devait quitter. Étant donné l’absence de diagnostic ou de recommandation d’ordre médical, les renseignements généraux sur le stress fournis par le prestataire n’auraient pas été pertinents.

[62] La division générale n’a pas écarté ou mal interprété les éléments de preuve relatifs à la question de savoir si les conditions de travail du prestataire étaient dangereuses pour sa santé, et la conclusion qu’elle a tirée sur cette question n’est ni abusive, ni arbitraire.

[63] Tout compte fait, le prestataire n’a pas relevé d’importants éléments de preuve pertinents que la division générale aurait écartés ou mal interprétés lorsqu’elle a tiré des conclusions relatives à l’existence de circonstances pouvant être pertinentes aux solutions de rechange raisonnables au départ du prestataire. Ces conclusions ne sont pas entachées d’erreur au sens de l’article 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige 5 : La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire disposait de solutions de rechange raisonnables au départ a‑t‑elle été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[64] La division générale a déclaré qu’elle avait tenu compte de toutes les circonstances lorsqu’elle a conclu que le prestataire disposait de la solution de rechange raisonnable de rechercher et obtenir un autre emploi avant de démissionner et de discuter de ses préoccupations avec le service des ressources humaines. Elle a également déclaré que le prestataire aurait pu consulter un professionnel de la santé.

Recherche d’un autre emploi en tant que solution de rechange raisonnable

[65] Le prestataire a vérifié s’il pouvait être muté à l’une des nombreuses autres écoles de sa division scolaire. Cependant, il n’a pas contesté le fait qu’il n’a pas recherché un autre emploi ailleurs. La division générale a déclaré qu’il aurait dû rechercher un emploi à l’extérieur de son organisation (le district scolaire) lorsqu’il a constaté qu’il ne pouvait être muté dans l’immédiat.

[66] Le prestataire était en désaccord avec le fait qu’il devait rechercher et obtenir un autre emploi à l’extérieur de son district scolaire; toutefois, il n’a pas relevé d’éléments de preuve qui auraient été écartés ou mal interprétés. La conclusion qu’a tirée la division générale sur cette question n’était pas non plus abusive ou arbitraire.

Discussion de ses préoccupations avec le service des ressources humaines en tant que solution de rechange raisonnable

[67] La division générale a également conclu que le fait que le prestataire discute de ses préoccupations avec le district ou avec le service des ressources humaines aurait constitué une solution de rechange raisonnable au départ. Le prestataire a déclaré à la division générale qu’il croyait que le service des ressources humaines avait pris part à la décision du directeur de l’école de prolonger sa période d’essai. Il a déclaré qu’il n’aurait pas été utile de faire part de ses préoccupations au service des ressources humaines, parce qu’il avait pris le parti du principe [sic].

[68] La division générale a déclaré que le prestataire ne pouvait pas présumer de ce fait avec certitude ni ne pouvait-il pas savoir si le service des ressources humaines aurait pu ou non lui présenter d’autres options. La décision de la division générale est appuyée par le témoignage du prestataire lui-même selon lequel le service des ressources humaines n’avait pas pris connaissance de sa version des faits.

[69] Aucun élément de preuve n’est venu appuyer le fait que le prestataire aurait tenté de résoudre ses préoccupations avec le district ou avec le service des ressources humaines, ou que le service des ressources humaines ne l’aurait pas appuyé s’il avait pris connaissance de sa version des faits. La division générale n’a pas écarté ou mal interprété les éléments de preuve lorsqu’elle a conclu qu’une telle discussion aurait été une solution de rechange raisonnable, ni n’a-t-elle tiré une conclusion abusive ou arbitraire.

Obtention de soutien médical en tant que solution de rechange raisonnable

[70] La division générale a déclaré que le prestataire disposait de la solution de rechange raisonnable d’obtention de soutien médical au départ. Indépendamment du fait que le prestataire estimait que ses conditions de travail étaient stressantes et qu’il croyait avoir éprouvé des symptômes physiques pour cette raison, il n’a présenté aucun élément de preuve appuyant le fait que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé.

[71] Le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas consulté de médecin au sujet de ses symptômes ou de ses conditions de travail. La division générale était consciente du fait que le prestataire ne faisait pas tellement confiance aux médecins ou à d’autres professionnels et que c’était la raison pour laquelle il n’avait pas cherché à obtenir de l’aide de ce côté. Toutefois, comme l’a fait remarquer la division générale, si le prestataire avait tenté d’obtenir des soins médicaux (et qu’un médecin avait confirmé que ses conditions de travail constituaient un danger pour sa santé), le médecin aurait peut-être recommandé quand même des mesures d’adaptation pour atténuer le préjudice. La division générale n’a pas écarté ou mal interprété la preuve du prestataire lorsqu’elle a rendu sa décision, ni n’a‑t‑elle tirée celle‑ci de façon abusive ou arbitraire.

[72] La division générale n’a commis aucune erreur au sens de l’article 58(1)c) lorsqu’elle a conclu que le prestataire disposait de solutions de rechange raisonnables.

Conclusion

[73] Je n’ai pas constaté que la division générale avait commis d’erreur visée par les moyens d’appel énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[74] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 22 octobre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

V. B., appelant

S. Prud’homme, représentant de l’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada

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