Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut, après avoir examiné l’ensemble des circonstances, que l’appelante n’a pas quitté son emploi sans justification, car elle a réussi à démontrer que son départ était dû à une modification substantielle de ses conditions de travail.

Aperçu

[2] L’appelante a quitté son emploi lorsque l’employeur lui a présenté un nouvel horaire comprenant un travail à temps complet sur un quart de soir. L’appelante affirme qu’elle avait une entente avec l’employeur pour ne travailler qu’à temps partiel à partir du mois de septembre. Elle affirme également que l’employeur lui avait promis qu’il l’affecterait au quart du matin, comme il l’avait fait depuis le début de son emploi. N’étant pas disponible pour travailler sur le quart de soir, notamment à cause d’un retour à l’école, l’appelante a quitté son emploi. Le Tribunal doit maintenant déterminer si elle était fondée à le faire.

Questions en litige

[3] Question 1 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi ?

[4] Question 2 : Si tel est le cas, était-elle fondée à quitter volontairement son emploi ?

Analyse

[5] L’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) énonce qu’une personne sera exclue du bénéfice des prestations si elle quitte son emploi sans justification. Il revient à la Commission de démontrer tout d’abord que le départ était volontaire. Il revient ensuite à l’appelante de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi, et ce, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaireNote de bas de page 1. La preuve de chacun de ces deux éléments doit être faite selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il faut démontrer qu’il est plus probable que non que chaque situation ou événement se soit produit tel que décrit.

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi ?

[6] Dans sa demande de prestation, l’appelante allègue avoir été congédiée alors que le relevé d’emploi fourni par l’employeur indique le motif « E » soit « Départ volontaire / Retour aux études ». L’appelante allègue que l’employeur aurait dû indiquer comme motif de départ « congédiement pour conflit d’horaire », conformément à ce qui lui avait été promis par la représentante de l’employeur lors des discussions tenues peu avant son départ.

[7] Le réel litige dans ce dossier ne porte pas tant sur la question du départ volontaire, mais bien sur la justification du départ. Il est admis par l’appelante qu’elle aurait pu conserver son emploiNote de bas de page 2  si elle avait accepté l’horaire offert par l’employeur, mais qu’elle a refusé de se présenter au travail selon cet horaire. Le Tribunal conclut donc que le départ était volontaire.

Question en litige no 2 : Si tel est le cas, était-elle fondée à quitter volontairement son emploi ?

[8] Il y a effectivement deux façons de comprendre cette situation, qui dépend essentiellement des éléments de preuve qui seront retenus. La première, soit celle retenue par la Commission, consiste à mettre l’accent sur le retour aux études comme motif justifiant la qualification de départ volontaire. La jurisprudence fortement majoritaire reconnait que le fait, pour une employée, d’offrir une disponibilité réduite qui ne correspond plus aux besoins de l’employeur à cause d’un retour aux études équivaut à un départ volontaireNote de bas de page 3.

[9] C’est d’ailleurs de cette façon que la Commission a abordé le dossier, décidant que le fait pour l’appelante de ne pas offrir une disponibilité adaptée aux besoins de l’employeur constituait le réel motif de départ. L’appelante est en désaccord avec cette décision, soutenant plutôt que le réel motif de départ est le fait pour l’employeur de ne pas avoir respecté l’horaire qu’il lui avait promis.

[10] La deuxième façon de comprendre la situation s’attarde plutôt aux conditions de travail qui avaient été convenues entre les parties lors de l’embauche. Cet aspect est important puisque l’article 29c) de la Loi prévoit une liste non limitative de circonstances qui peuvent permettre de justifier un départ volontaire. Deux des éléments mentionnés à l’article 29c) de la Loi sont une modification importante des conditions de rémunération et une modification importante des fonctions. Si l’employeur n’a pas respecté l’une ou l’autre des conditions essentielles du contrat de travail, il sera possible de conclure que l’appelante n’avait d’autre choix que de quitter son emploiNote de bas de page 4.

[11] Cet article prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable. Il ne s’agit pas de savoir si le prestataire avait un motif ou une raison valable pour quitter son emploi. Le fardeau est plus lourd : il faut déterminer si le fait de quitter son emploi constituait la seule option possible compte tenu de toutes les circonstances.

[12] L’appelante soutient qu’elle n’avait pas d’autres options que de quitter son emploi puisqu’elle avait répété à plusieurs reprises à l’employeur qu’elle ne serait disponible qu’à temps partiel de jour à compter de septembre, ce qu’il avait toujours accepté après discussions. L’appelante soumet que le fait pour l’employeur de renier cette promesse au début de l’année scolaire ne lui laissait d’autre choix que de démissionner. La Commission soutien plutôt que l’appelante aurait pu discuter plus longuement avec l’employeur avant de quitter et donc que son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable.   

i) Les faits essentiels à la compréhension du dossier

[13] L’appelante a toujours maintenu que son départ n’était pas volontaire. La situation factuelle de l’entreprise est importante pour bien comprendre le dossier. L’appelante fut embauchée lors de l’ouverture de l’entreprise, en juin 2019. À ce moment, elle a indiqué sur son formulaire d’embauche être disponible pour travailler « 25 heures + » puisqu’elle voulait travailler à temps partiel, mais qu’elle était aussi disponible pour faire des remplacements au besoin. Lors de son embauche, elle a clairement indiqué qu’elle retournait aux études et que c’est pour cette raison qu’elle avait besoin d’un horaire à temps partiel.

[14] Pourtant, dès juin, on lui a proposé un horaire à temps complet en lui soulignant que l’entreprise avait besoin d’employés, étant en démarrage. L’appelante a toujours maintenu avoir accepté de travailler à temps complet pendant l’été « pour dépanner ». Elle a toujours insisté sur le fait qu’elle retournait aux études en septembre et qu’à ce moment, elle ne serait plus disponible qu’à temps partiel. L’appelante soutient de façon constante que l’employeur lui a alors fait la promesse qu’un horaire à temps partiel compatible avec ses études lui serait alors donné.

[15] L’appelante fut formée pour faire les ouvertures, soit l’horaire se situant entre 5 :15 et 14 :00. C’est d’ailleurs cet horaire que l’appelante a fait tout l’été, ce qui est confirmé par une copie des horaires que l’on retrouve au dossier. Le litige est survenu à la fin de l’été, soit vers la mi-août, alors que l’employeur a demandé aux employés d’indiquer leurs disponibilités pour les semaines à venir.

[16] L’appelante indique alors qu’elle ne serait disponible que pour 25 heures par semaines, du mercredi au vendredi, pour faire les ouvertures et ce, tel qu’annoncé lors de son embauche et affirmé de façon constante tout au long de l’été. Cet horaire lui permettrait de suivre ses cours les lundis et mardis. L’appelante affirme alors que l’employeur lui a alors indiqué qu’il lui donnerait cet horaire sans problème.

[17] Or, non seulement cet horaire n’est-il pas respecté, mais en plus, l’employeur indique à la Commission qu’il n’a jamais fait cette promesse puisque le « poste » de jour en semaine est un poste réservé uniquement aux employés à temps complet et que les employés à temps partiel « sont là » pour combler les soirs et les fins de semaine.

ii) Analyse

[18] Une lecture attentive du dossier, combiné au témoignage de l’appelante lors de l’audience, permet de dégager certains éléments qui amènent le Tribunal à préférer le témoignage de l’appelante à la version offerte par l’employeur à la Commission.

[19] Premièrement, l’employeur ne nie d’aucune façon avoir été au courant du fait que l’appelante retournerait aux études à l’automne et qu’elle ne pourrait alors que travailler à temps partiel. Bien que l’employeur indique que les employés à temps partiel ne font que les soirs et les fins de semaine, le manuel de l’employé déposé par l’appelante au dossier indique plutôt qu’un employé à temps partiel « est celui qui travaille habituellement un nombre d’heures moins élevé que l'employé à temps complet ». Le statut d’emploi n’est donc pas relié au quart de travail, mais bien au nombre d’heures travaillées par semaine, et ce, contrairement à la prétention de l’employeur.

[20] Deuxièmement, le terme « employeur », utilisé de façon générique, est trompeur. En effet, différents acteurs ont joué un rôle d’employeur dans cette affaire, ce qui permet probablement d’expliquer les incohérences entre les versions données. Il y a tout d’abord le directeur de la succursale, qui a embauché l’appelante et avec qui la plupart des conversations relatives à l’horaire et au retour aux études ont eu lieu. C’est d’ailleurs lui qui signe le relevé d’emploi. Il y a ensuite la directrice des opérations auprès de qui la Commission a recueilli la version de l’employeur et avec qui l’appelante a eu les échanges par texto ayant mené à la fin d’emploi. Il est important de noter que dans cet échange de texto, la directrice des opérations indique à l’appelante, lorsque celle-ci souligne qu’elle ne peut travailler selon l’horaire proposé : « … au retour de vacances de « R. », vous en jaserez de vive voix… Il revient lundi prochain. » Ceci corrobore le fait que le directeur de la succursale est la personne détenant l’autorité décisionnelle en pareille matière et que c’est avec lui que ces problèmes devaient être réglés.

[21] Rien dans le dossier n’indique que la directrice des opérations avait une connaissance personnelle des discussions ayant eu lieu à différentes reprises entre le directeur de la succursale et l’appelante. Comment peut-elle alors affirmer qu’aucune promesse n’a jamais été faite ? Son témoignage ne constitue tout au plus que du ouï-dire, auquel il faut nécessairement préférer le témoignage direct et constant de l’appelante. 

[22] Finalement, le témoignage de l’appelante, quant à l’importance pour elle de l’horaire demandé, est corroboré par le fait que moins d’un mois après la fin de son emploi, elle trouvait un nouvel emploi à raison de trois jours par semaine selon un horaire de 6h ou 7h du matin à 16 :00. Cet horaire lui permettait d’aller à ses cours et de respecter ses autres engagements. Il correspond en tout point à ce qu’elle insiste était nécessaire pour qu’elle puisse à la fois poursuivre ses études et respecter ses autres engagements.

[23] Compte tenu de tous ces éléments, le Tribunal retient donc que l’employeur, dans ce cas-ci le directeur de la succursale, avait fait une promesse à l’appelante quant au nombre d’heures et à l’horaire qui lui serait offert lors de son retour aux études en septembre et que ces éléments constituaient pour l’appelante des éléments essentiels de son contrat de travail.

[24] L’employeur, en offrant à l’appelante en septembre le choix entre un horaire à temps complet ou un horaire à temps partiel de soir, a modifié une des conditions essentielles du contrat de travail qui le lie à l’appelante. Ceci constitue une modification importante des fonctionsNote de bas de page 5 de l’appelante.

[25] L’analyse des circonstances du présent dossier permet également au tribunal de déterminer que le départ de l’appelante constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 6. En effet, l’appelante avait discuté de la situation à de nombreuses reprises avec l’employeur. Lui imposer une autre discussion alors que la promesse faite n’avait pas été respectée serait excessif et ne peut constituer une autre solution raisonnable. Finalement, demeurer à l’emploi le temps de trouver un nouveau travail ne constitue pas non plus une autre solution raisonnable puisque les horaires offerts par l’employeur ne pouvaient être accomplis par l’appelante sans l’amener à manquer à d’autres obligations auxquelles elle s’était valablement engagée. 

Conclusion

[26] L’appel est accueilli

 

Date de l’audience :

Le 9 octobre 2019

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

K. M., appelante

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