Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant a été diagnostiqué avec un cancer en décembre 2018, nécessitant un arrêt de travail. Au cours de sa période de référence, il a travaillé en tant que directeur adjoint pour les élections provinciales et a accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir une période de prestations de maladie. Il a donc fait sa demande de prestations qui a été établie au 20 janvier 2019.

[3] En faisant ses déclarations en ligne, l’appelant a réalisé qu’on lui demandait de déclarer toute somme d’argent reçue. Il s’interrogeait alors sur la façon de déclarer les montants qu’il recevait dans le cadre de ses fonctions à titre de membre du conseil d’administration d’une mutuelle d’assurance. Après quelques échanges et un délai considérableNote de bas de page 1, la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a répondu à l’appelant que ces montants constituaient de la rémunération au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et qu’ils devaient être répartis de façon hebdomadaire.

[4] L’appelant conteste la décision de la Commission parce qu’il est en désaccord sur le fait que les montants émanent d’un contrat de travail et que son poste d’administrateur constitue un emploi.

Questions préliminaires

[5] L’appelant a deux dossiers d’appel auprès du Tribunal. Les questions en litiges sont distinctes et indépendantes et par conséquent font l’objet de deux décisions distinctes. Cependant, conformément à l’article 3(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et avec l’accord de l’appelant, j’ai tenu une seule audience pour les deux litiges procédant ainsi de manière la plus informelle et expéditive possible tout en préservant les règles de justice naturelle.

Questions en litige

[6] Le Tribunal doit décider les questions suivantes :

  1. Les montants reçus par l’appelant dans le cadre de son poste d’administrateur sur un conseil d’administration constituent-ils de la rémunération au sens de la Loi ?
  2. Si oui, la Commission a-t-elle réparti les montants correctement ?

Analyse

[7] La règle générale en assurance-emploi est que toute somme ayant valeur de rémunération au sens de la Loi doit ensuite être répartie. C’est l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) qui prévoit les règles afin de déterminer si un montant constitue ou non de la rémunération.

[8] Lorsqu’une somme a été déterminée comme étant de la rémunération, c’est l’article 36 du Règlement qui régit à quel moment et comment la rémunération doit être répartie.

Question en litige no 1 : Les montants reçus par l’appelant dans le cadre de son poste d’administrateur sur un conseil d’administration constituent-ils de la rémunération au sens de la Loi?

[9] En l’espèce, l’appelant déclare d’emblée son poste au conseil d’administrateur de la X et les montants qu’il reçoit dans le cadre de cette fonction. Il affirme recevoir un montant de 1207.69$ chaque deux semaines indépendamment de ses activités. Il peut de plus recevoir des montants pour sa présence à des réunions, c qu’il nomme «jetons de présence».

[10] Selon la preuve et l’état actuel du droit, je conclus que les sommes reçues par l’appelant à titre d’honoraires pour son poste d’administrateur d’un conseil d’administration constituent de la rémunération.

[11] Je me suis d’abord posé la question à savoir si le titre de membre du conseil d’administration correspond à la définition d’emploi prévu à l’article 35(1) du Règlement.

[12] La Commission soutient que les sommes en litige proviennent d’un emploi en vertu d’un contrat de travail et que c’est pour cette raison qu’elles constituent de la rémunération conformément au paragraphe 35(1) du Règlement. Elle soutient de plus que les montants sont payés pour ses services rendus au conseil d’administration et donc constituent de la rémunération au sens du paragraphe 35(2) du Règlement.

[13] L’appelant de son côté rejette l’idée qu’être membre d’un conseil d’administration constitue un «emploi». Il soutient pour appuyer sa position qu’il n’y a pas de lien d’emploi, qu’il n’est pas un salarié ou un employé, qu’il n’y a pas de contrat de travail et aucun lien de subordination avec qui que c soit, occupant un poste élu.

[14] Je suis d’accord sur cet aspect avec l’appelant. La Commission fait erreur en appliquant l’alinéa 35(1)a) aux fonctions d’administrateur afin d’inclure la fonction dans la définition d’emploi. Les faits démontrent qu’il n’y a pas d’employeur ni de contrat de travail en l’espèce et donc nous ne sommes pas en présence d’un contrat de louage de service ou d’un contrat de travail.

[15] J’estime que c’est l’alinéa 35(1)c) du Règlement qui s’applique en l’espèce, c’est-à-dire « l’occupation d’une fonction ou charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. ». En effet, dans ses définitions, le Régime de pensions du Canada (RPC) définit fonction ou charge comme suit :

« Le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable. Sont visés par la présente définition une charge judiciaire, la charge de ministre, de lieutenant-gouverneur, de membre du Sénat ou de la Chambre des communes, de membre d’une assemblée législative ou d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu par vote populaire ou est élu ou nommé à titre de représentant, y compris le poste d’administrateur de personne morale; fonctionnaire s’entend d’une personne détenant une telle fonction ou charge. » 

[16] Je suis d’avis que la fonction d’administrateur de l’appelant correspond à la définition de « fonction » du RPC.Il est admis qu’il a été élu à son poste et je considère que la X est une personne morale. Bien qu’il n’y ait pas une jurisprudence abondante sur la question des administrateurs, quelques juges arbitres se sont prononcés sur la question.

[17] Par exemple, dans CUB36937, le poste occupé par une conseillère municipale élue a été considéré comme répondant à la définition de fonction de l’article 35(1)c) du Règlement et par le fait même a été considéré comme un «emploi» aux fins de la Loi. Par ailleurs, dans CUB 34087, la demanderesse était actionnaire et administratrice d’une société. Le juge Stevenson a décidé que les honoraires payés à des administrateurs l’étaient pour des services rendus et donc que les administrateurs constituaient une catégorie d’« emploi ».

[18] Ces décisions m’ont convaincu que le poste d’administrateur de la X occupé par l’appelant constitue un emploi parce qu’il constitue une fonction tel qu’énoncé à l’article 35(1)c) malgré l’absence de relation employeur-employé. Bien que j’accepte que le poste occupé par l’appelant impliquait un rôle décisionnel plutôt que clérical et que son engagement fluctuait d’une semaine à une autre, il n’en demeure pas moins que l’appelant recevait un montant pour ses services en sa qualité d’administrateur (la fonction occupée).

[19] Ainsi, le paragraphe 35(2) du Règlement indique que le revenu intégral provenant de tout emploi constitue de la rémunération à déduire des prestations. Cela a été confirmé par la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 2.

[20] La Cour d’appel fédérale a de plus précisé qu’avaient valeur de rémunération les montants gagnés s’il existe un lien suffisant entre l’emploi et la somme reçueNote de bas de page 3. Je suis satisfaite qu’en l’espèce, les sommes de 1207.69$ que l’appelant reçoit chaque deux semaines aient un lien établi avec sa fonction d’administrateur. Je conclus de même pour les sommes reçues périodiquement à titre de « jetons de présence ». Il les reçoit lorsqu’il se présente à des rencontres dans le cadre de son emploi, c’est-à-dire sa fonction d’administrateur.

[21] Je conclus donc comme la Commission que les sommes constituent de la rémunération au sens du Règlement, mais en me basant sur des motifs différents.

Question en litige no 2 : La Commission a-t-elle réparti les montants correctement?

[22] En matière de répartition, la Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel les sommes qui constituent une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement doivent être réparties aux termes de l’article 36 du Règlement.Note de bas de page 4 Je dois donc déterminer comment les sommes versées à l’appelant et dont il est question dans le présent dossier doivent être réparties sur sa période de prestations.

[23] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Commission n’a réparti pas la rémunération de l’appelant conformément à la Loi.

[24] La Commission soutient que les sommes provenant des honoraires versés à l’appelant pour sa fonction d’administrateur devraient être réparties selon l’article 36(4) du Règlement. Or, cet alinéa indique que la rémunération est « payable […] aux termes d’un contrat de travail… ». Tel que je l’ai déterminé précédemment, en l’espèce nous ne sommes pas dans une situation de contrat de travail. Par conséquent, j’estime que cet article ne s’applique pas aux circonstances de l’appelant relativement à la façon de répartir les revenus.

[25] Je m’appuie plutôt sur l’alinéa 36(19)a) du Règlement puisque les sommes versées pour les fonctions d’administrateur ne sont pas spécifiquement prévues aux autres alinéas du paragraphe 36.  L’alinéa se lit comme suit :

« La rémunération non visée aux paragraphes (1) à (18) est répartie :

a) Si elle est reçue en échange de services , sur la période où ces services ont été fournis; […] »

[26] J’ai déjà déterminé que des services sont rendus dans le cadre de la fonction de l’appelant et donc, il convient de répartir les montants sur la période où les services sont rendus. L’appelant a témoigné à l’effet que l’honoraire reçu chaque deux semaines était dans les faits un honoraire annuel. Il a été versé à diverses fréquences selon différentes époques, allant d’un versement annuel, des versements aux 3 mois ainsi qu’aux mois. J’estime que la fréquence des paiements ne change rien au fait qu’il s’agit d’un honoraire versé pour l’occupation annuelle de la fonction. Il convient donc de répartir les montants reçus sur la période de chaque mandat annuel à raison d’un montant égal pour chaque semaine d’une année. Le moment du versement des sommes en question n’a pas d’importance et la répartition doit se faire sur la période durant laquelle les services ont été rendus. En l’espèce, les honoraires annuels versés à l’appelant pour sa fonction d’administrateur doivent être répartis sur une base annuelle. Selon la même logique, lorsque l’appelant reçoit des sommes ponctuelles pour ses rencontres (jeton de présence), c’est aussi au moment où l’événement s’est produit (le service rendu) qui doit faire l’objet d’une répartition et non le moment du paiement des jetons.

[27] J’en arrive donc à la même conclusion que la Commission à l’effet que les sommes sont réparties sur la période où les services sont rendus, c’est-à-dire de répartir les montants sur 52 semaines à raison de 604$ par semaine. Cependant, la Commission n’a pas appliqué les dispositions adéquates. Il convient d’appliquer en l’espèce les termes de l’alinéa 36(19)a) du Règlement.

Conclusion

[28] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 30 octobre 2019

Téléconférence

M. L., appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.