Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La demanderesse, H. J. (la prestataire), a occupé un emploi en tant que X. Après sa mise en disponibilité, elle a fait une demande de prestations d’assurance‑emploi et une période de prestations a été établie. Peu de temps après, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) lui a demandé de démontrer qu’elle cherchait du travail. La Commission n’était pas satisfaite de ses démarches de recherche d’emploi et n’a pas convenu qu’elle était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi sur l’A‑E). Cela signifie que la prestataire était non admissible au bénéfice des prestations.

[3] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais celle-ci l’a maintenue. La prestataire a interjeté appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais celle-ci a rejeté sa demande. La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[4] Le Tribunal a reçu la demande de la prestataire hors délai, et il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation de délai. La division d’appel ne se penchera pas sur la demande de permission d’en appeler de la prestataire.

Questions préliminaires

La demande de permission d’en appeler de la prestataire a-t-elle été déposée tardivement?

[5] Aux termes de l’article 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 30 jours suivant la date où la partie reçoit communication de la décision de la division générale.

[6] Le dossier ne contient aucune information qui confirmerait la date exacte à laquelle la décision a été communiquée à la prestataire. La prestataire a téléphoné au Tribunal le 26 juillet 2019 pour exprimer son désaccord envers la décision. Elle n’a pas précisé à quel moment la décision de la division générale lui a été communiquée, mais il fallait que ce soit avant le 26 juillet 2019.

[7] En l’absence de preuve de la date effective à laquelle la décision a été communiquée à la prestataire, l’article 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le Règlement) prévoit que la décision a été communiquée le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. Étant donné que la décision est datée du 9 juillet 2019 et qu’elle a été transmise par la poste ordinaire avec une lettre datée du 10 juillet 2019, je conviens que la décision a été communiquée le 20 juillet 2019, conformément à l’article 19(1) du Règlement.

[8] La division d’appel n’a reçu la demande de permission d’en appeler de la prestataire que le 7 octobre 2019. Étant donné que la décision lui a été communiquée le 20 juillet 2019, le Tribunal a reçu la demande d’autorisation d’appel un peu plus de 11 semaines après que la décision a été communiquée.

[9] La demande de permission d’en appeler est tardive.

Question en litige

[10] La division d’appel devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler?

Analyse

[11] Étant donné que dans sa demande de permission d’en appeler, la prestataire n’a pas expliqué pourquoi elle a déposé sa demande tardivement, je lui ai écrit pour lui demander de me faire part de ses motifs le 11 octobre 2019. La prestataire a répondu, par lettre datée du 25 octobre 2019, qu’elle avait accueilli des invités d’une autre province et qu’elle était déroutée par la présence d’autres personnes.

[12] L’article 57(2) de la Loi sur le MEDS accorde à la division d’appel le pouvoir discrétionnaire d’accorder plus de temps à un demandeur pour présenter une demande de permission d’en appeler. Bien que cette décision relève du pouvoir discrétionnaire de la division d’appel, la Cour d’appel fédérale a exigé que la division d’appel tienne compte de certains facteurs dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.Footnote 1 Ces facteurs (appelés facteurs Gattellaro) sont les suivants :

  1. le demandeur a démontré une intention constante de poursuivre sa demande;
  2. le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l'autre partie;
  4. la cause est défendable.

[13] Le poids à accorder à chacun des facteurs ci-dessus peut différer d’une affaire à l’autre, et la pertinence des facteurs peut varier selon le cas. Selon la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Larkman,Footnote 2 la considération primordiale est celle de savoir si l'octroi d'une prorogation de délai serait dans l'intérêt de la justice.

Intention constante

[14] Je conclus que la prestataire n’a pas démontré une intention constante de poursuivre l’appel. La prestataire a communiqué avec le Tribunal le 26 juillet et a reçu des conseils sur la façon d’interjeter appel de la décision de la division générale. À cette époque, le délai de 30 jours prévu pour interjeter appel ne s’était pas encore écoulé. Toutefois, elle n’a pas communiqué de nouveau par écrit, par téléphone ou par courriel avec le Tribunal avant de déposer son appel. Autrement dit, rien n’indique que la prestataire ait, pendant 73 jours, pris des mesures pour poursuivre son appel.

[15] Je ne suis pas convaincu que la prestataire avait l’intention de poursuivre son appel à la division d’appel. Mes conclusions quant à ce facteur militent contre l’acceptation de la demande de permission d’en appeler.

Explication raisonnable

[16] La prestataire n’a pas raisonnablement expliqué le retard. La seule explication de la prestataire pour son retard, c’est que des gens d’une autre province étaient venus lui rendre visite et qu’elle était déroutée par la présence d’autres personnes.Footnote 3 À partir du moment où la décision est réputée lui avoir été communiquée, il s’est écoulé 79 jours avant que la prestataire ne dépose son appel. Elle a déclaré que le fait d’avoir des visiteurs l’avait déroutée, mais elle n’a pas précisé pendant combien de temps elle a eu des visiteurs. Elle n’a pas déclaré que ses visiteurs ont été présents pendant toute la période entre le moment où la décision lui a été communiquée, le 20 juillet, et le dépôt de la demande, ni même qu’elle a eu des visiteurs pendant toute la période au cours de laquelle sa demande était en retard.

[17] La prestataire a téléphoné au Tribunal le 26 juillet; un agent du greffe a discuté du processus d’appel avec elle et s’est engagé à lui faire parvenir le formulaire de demande d’appel. Si les visiteurs de la prestataire n’étaient pas encore arrivés au moment où elle a téléphoné au Tribunal, la présence des visiteurs ne l’aurait pas gênée pour déposer sa demande alors que le délai de 30 jours prévu pour interjeter appel ne s’était pas encore écoulé. Si elle avait effectivement des visiteurs, il semble que cela n’ait pas entravé son examen de la décision de la division générale et ne l’ait pas empêchée de téléphoner au Tribunal pour obtenir des renseignements supplémentaires sur l’appel. On pourrait s’attendre à ce qu’elle puisse quand même remplir le formulaire de demande et l’acheminer.

[18] Il est également possible que les visiteurs de la prestataire soient arrivés juste après son appel téléphonique et avant qu’elle reçoive le formulaire; il ne s’agit toutefois que d’une conjecture. La prestataire n’a pas expliqué comment la présence de visiteurs lui a occasionné une confusion telle qu’elle n’a pas pu déposer sa demande de permission d’en appeler. Elle n’a pas contesté le fait qu’elle avait reçu le formulaire de demande du Tribunal et qu’elle n’a pas de nouveau téléphoné au Tribunal après l’appel téléphonique du 26 juillet.

[19] Cela dit, je ne doute pas que le fait d’avoir des visiteurs chez elle ait pu détourner l’attention de la prestataire, à un moment donné et dans une certaine mesure, de l’appel ou des exigences en matière de dépôt de celui-ci, ou que cela ait contribué d’une autre façon au retard de la prestataire. Toutefois, l’explication de la prestataire n’est pas suffisamment détaillée pour me convaincre qu’elle n’aurait pas pu déposer la demande avant le 7 octobre 2019. Étant donné la durée du délai, je ne considère pas que le fait d’« avoir des visiteurs » constitue une explication raisonnable.

[20] Ce facteur joue contre l’acceptation de la demande de permission d’en appeler.

Préjudice à l’autre partie

[21] Le troisième facteur dont je dois tenir compte est le préjudice causé à la Commission.

[22] La prestataire a déposé sa demande d’autorisation d’appel environ 7 semaines après le délai de 30 jours. Il s’agit d’un retard important, mais qui n’est pas si important que je m’attendrais à ce qu’il porte atteinte à la capacité de la Commission d’enquêter sur la demande de permission d’en appeler ou d’y répondre. De plus, la Commission n’a pas fait valoir de préjudice réel, ni fourni de preuve en ce sens, ni même laissé entendre que cela a nui à sa position.

[23] Je ne crois pas que le retard ait causé un préjudice appréciable à la Commission. J’estime que ce facteur milite en faveur d’une prorogation du délai.

Cause défendable

[24] Le dernier facteur Gattellaro consiste à déterminer si la prestataire a une cause défendable. Une cause défendable a été assimilée à une chance raisonnable de succès.Footnote 4 C’est essentiellement la même question que celle que je devrais trancher en ce qui concerne la demande de permission d’en appeler si j’octroyais la prorogation du délai.

[25] Je ne suis autorisé qu’à envisager les moyens d’appel énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS. Je dois conclure que la division générale a commis une erreur visée par un ou plusieurs de ces moyens d’appel avant de pouvoir intervenir au sujet d’une décision de la division générale.Footnote 5 Pour conclure que la prestataire a une chance raisonnable de succès dans son appel, je dois conclure qu’il y avait une chance raisonnable qu’elle réussisse à établir que la division générale a commis l’un des types d’erreurs visé par les moyens d’appel décrits à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[26] Les moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[27] La prestataire a retenu uniquement le troisième moyen d’appel, celui qui a trait à une conclusion de fait erronée. Lorsque j’ai écrit à la prestataire pour lui demander la raison du retard de sa demande, je lui ai aussi demandé d’expliquer pourquoi elle croyait que la division générale avait rendu une décision erronée. Il ressort clairement de sa réponse qu’elle n’était pas d’accord avec les constatations et la conclusion de la division générale, mais elle n’a pas relevé d’erreur dans la décision de la division générale.

[28] Dans sa demande de permission d’en appeler et dans ses observations subséquentes, la prestataire a contesté la conclusion de la division générale selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler. Elle a en outre réitéré le témoignage qu’elle a présenté à la division générale selon lequel elle a fait des demandes d’emploi à quelques endroits et qu’elle ne peut travailler au froid en raison de sa MPOC.

[29] Elle a aussi demandé à des amis et à des membres de sa famille s’ils avaient connaissance d’ouvertures de postes. Toutefois, comme elle ne l’a pas déclaré à la Commission ou à la division générale, je ne peux me pencher sur ces éléments de preuve. De nombreuses décisions judiciaires ont confirmé que la division d’appel ne peut se pencher sur des éléments de preuve qui n’apparaissaient pas au dossier de la division générale.Footnote 6

[30] Je comprends que la prestataire n’est pas d’accord avec les constatations et la conclusion de la division générale, mais le simple fait de ne pas être d’accord avec les conclusions de la division générale ne constitue pas un moyen d’appel valide en vertu de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.Footnote 7 Il ne revient pas à la division d’appel d’étudier tous les éléments de preuve. La division d’appel peut seulement trancher la question de savoir si la division générale a commis un non-respect de la justice naturelle, une erreur de droit ou une erreur de fait.Footnote 8

[31] La prestataire a affirmé que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, mais elle n’a pas précisé en quoi les conclusions de la division générale sont erronées. La division générale a conclu que la prestataire n’était pas disponible pour travailler. Cette conclusion reposait sur ses constatations selon lesquelles elle n’était pas animée du désir sincère de retourner au travail, que sa conduite ne reflétait pas ce désir (ce qui l’aurait obligée à entreprendre des démarches raisonnables et habituelles pour trouver du travail), et qu’elle a indûment limité sa recherche d’emploi.

[32] La division générale a énoncé les éléments de preuve sur lesquels elle s’est fondée pour tirer ses conclusions. Je suis allé au‑delà des observations de la prestataire et ai étudié le dossier afin d’y rechercher des éléments de preuve importants que la division générale aurait pu mal interpréter ou négliger.Footnote 9 Toutefois, je n’ai pas découvert de cause défendable selon laquelle la division générale a tiré une conclusion sans tenir compte de la preuve ou qu’elle a tiré une conclusion « abusive ou arbitraire » (autrement dit, ses constatations semblent rationnelles, cohérentes et conformes au poids de la preuve).

[33] Il n’y a pas de cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance. Cela signifie que le dernier facteur Gattellaro ne milite pas en faveur de l’octroi d’une prorogation du délai.

[34] Trois des quatre facteurs Gattellaro militent contre l’octroi de la prolongation, et j’accorde un poids particulier au dernier facteur relatif à la cause défendable. J’estime qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’autoriser la demande tardive.

Conclusion

[35] La prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est refusée.

Représentants :

H. J., non représentée

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