Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Aperçu

[2] Le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’est pas rentré travailler après avoir pris deux semaines de congé, comme il devait le faire. Le prestataire a dit qu’il avait planifié un voyage et qu’il en avait informé l’employeur. Il affirme que l’employeur lui avait dit qu’il devait rentrer au travail le 12 mars 2019, sans quoi il serait congédié. Initialement, la Commission a accepté la demande de prestations d’assurance-emploi (AE) du prestataire. L’employeur a demandé à la Commission de réviser sa décision. La Commission a ensuite rejeté la demande du prestataire parce qu’elle a déterminé qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

Questions préliminaires

[3] L’audience était initialement prévue pour le 8 octobre 2019. Le prestataire a demandé d’ajourner l’audience parce l’heure de l’audience entrait en conflit avec son horaire de travail et parce qu’il voulait être représenté. Dans l’intérêt de la justice naturelle, j’ai accordé l’ajournementNote de bas de page 1.

[4] Le prestataire a demandé un second ajournement. Je n’accorde un deuxième ajournement que si le prestataire établit que des circonstances exceptionnelles le justifientNote de bas de page 2. J’ai conclu que le prestataire n’avait pas agi de façon responsable pour se trouver un avocat et j’ai rejeté sa demande d’ajournement, pour des motifs que j’ai fournis au prestataire et à son représentant.

Question en litige

[5] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de sa propre inconduite puisqu’il n’est pas rentré au travail le 12 mars 2019?

  1. Le prestataire a-t-il perdu son emploi parce qu’il n’est pas rentré au travail le 12 mars 2019?
  2. Le prestataire avait-il reçu la permission de prendre quatre semaines de congé?
  3. Le prestataire savait-il, ou aurait-il dû savoir qu’en ne rentrant pas travailler le 12 mars 2019, il s’exposait au risque de se faire congédier par son employeur?

Analyse

[6] Une partie prestataire qui perd son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible à des prestationsNote de bas de page 3.

[7] Il y a inconduite si la partie prestataire a agi de façon volontaire. Cela signifie que les actes qui ont entraîné la perte d’emploi étaient conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite si la partie prestataire sait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait entraîner un congédiement. La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[8] Il doit y avoir une relation causale entre l’inconduite de la partie prestataire et la perte de son emploi. Cela signifie que l’inconduite doit être la cause du congédiement d’une partie prestataireNote de bas de page 5.

Question : Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite parce qu’il n’est pas rentré au travail le 12 mars 2019?

a) Le prestataire a-t-il perdu son emploi parce qu’il n’est pas rentré au travail le 12 mars 2019?

[9] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’est pas rentré au travail le 12 mars 2019.

[10] Dans sa demande de prestations, le prestataire a déclaré qu’il avait parlé à l’employeur et lui avait dit qu’il devait quitter le pays pendant quatre semaines. Il a dit qu’après avoir planifié son voyage, il en a parlé à l’employeur. Le prestataire a affirmé que l’employeur lui avait envoyé une lettre l’informant qu’il devait rentrer au travail le 12 mars 2019, sans quoi il serait congédié. Le prestataire a dit que l’employeur lui a envoyé une lettre datée du 19 mars 2019 l’informant qu’il avait été congédié.

[11] L’employeur a émis un relevé d’emploi qui indiquait que la raison pour laquelle le prestataire ne travaillait plus était le congédiement. L’employeur a affirmé à la Commission que le prestataire lui avait donné un avis verbal concernant le voyage qu’il avait planifié. Toutefois, il affirme que le prestataire n’avait pas indiqué pour combien de temps il comptait s’absenter ni quand il prévoyait être de retour.

[12] L’employeur a affirmé que le prestataire avait deux semaines de congé. Il a refusé de prolonger son congé après ces deux semaines. L’employeur a remis une lettre au prestataire, datée du 19 février 2019. La lettre l’informe que s’il ne rentrait pas au travail avant le 12 mars 2019, on considérerait qu’il avait abandonné son poste.

[13] Le prestataire affirme que l’employeur cherchait une excuse pour se débarrasser de lui, parce que, selon lui, il avait fait une chute dans son milieu de travail et qu’il avait eu un conflit avec le directeur des comptes à l’été 2018, et parce qu’il avait obtenu son permis de conduire d’autobus.

[14] J’ai demandé au prestataire pourquoi il avait l’impression que son employeur voulait le congédier parce qu’il avait fait une chute au travail. Il a répondu que c’était une longue histoire, et a commencé à parler du conflit qu’il avait vécu avec le directeur des comptes, indiquant que depuis ce temps, il avait eu des problèmes avec le directeur des opérations, à qui il s’était plaint.

[15] Le représentant du prestataire est intervenu, indiquant que cela aurait été beaucoup plus facile pour l’employeur si le prestataire avait cessé de travailler pour lui, en raison d’exigences juridiques précises liées à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT).

[16] J’ai fait remarquer au prestataire qu’il avait témoigné que l’employeur lui avait accordé quelques journées de congé au moment de sa chute et qu’il avait accepté de modifier ses tâches et de réduire ses heures de travail. J’ai demandé à l’employeur s’il lui avait refusé toute autre mesure d’adaptation. Le prestataire a témoigné qu’il avait consulté un médecin, que celui-ci avait rempli un formulaire et que l’employeur avait accepté de mettre en place toutes les mesures d’adaptation demandées par le médecin.

[17] Je comprends que certains employeurs peuvent tenter de contourner les exigences juridiques, comme le laisse entendre le prestataire. Toutefois, le prestataire a affirmé que l’employeur avait accepté toutes les mesures d’adaptation proposées par le médecin. Rien n’indique que l’employeur ne voulait pas adopter de mesures d’adaptation pour le prestataire. Je ne suis donc pas convaincu que l’employeur du prestataire voulait se débarrasser de lui parce qu’il avait fait une chute au travail.

[18] En ce qui concerne l’incident qui a eu lieu pendant l’été 2018, le prestataire a affirmé à la Commission que le directeur des comptes l’avait réprimandé parce qu’il s’était stationné dans la voie d’accès des pompiers. Dans sa demande de prestations, il a indiqué que la plainte qu’il avait portée à son directeur et au directeur des opérations n’avait pas porté ses fruits. Le prestataire a consulté le directeur général, qui s’est « excusé » au nom du directeur des comptes et du directeur des opérations.

[19] Le prestataire a dit que le directeur des comptes lui avait téléphoné quelques semaines après l’incident afin d’en discuter, mais qu’il ne l’avait pas rappelé. Il a témoigné que le conflit n’avait pas été résolu comme il l’aurait souhaité, mais qu’il avait tenté de ne pas faire de vagues. Il a aussi minimisé son utilisation du mot [traduction] « excusé » dans sa demande de prestations. Il a dit que le directeur général lui avait dit que la situation ne se reproduirait plus, et il en est donc resté là.

[20] Même si le prestataire a témoigné que le directeur des opérations continuait d’afficher une attitude différente à son égard, j’accorde beaucoup de poids à sa description de la réponse du directeur général. Bien qu’il ait clarifié que le directeur général ne se soit pas vraiment excusé, le prestataire n’a pas contesté le fait qu’il avait une bonne relation avec celui-ci. Il a dit qu’il respectait le directeur général parce que c’était lui qui l’avait embauché et qu’il lui avait dit que la situation n’allait pas se reproduire.

[21] Je n’ai aucune raison de ne pas croire que le directeur des comptes a réprimandé le prestataire et que celui-ci s’en soit plaint. Toutefois, je ne vois pas le lien entre cet incident et le congédiement du prestataire, compte tenu du temps qui s’est écoulé entre le moment de l’incident et le congédiement. Le prestataire semblait également avoir réglé cet incident auprès du directeur général. Même si le prestataire a témoigné que le directeur des opérations adoptait une attitude différente à son égard, je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que cela a eu une incidence sur la décision de l’employeur de considérer que le prestataire avait abandonné son emploi.

[22] Le prestataire a affirmé que l’employeur voulait le congédier parce qu’il avait obtenu son permis de conduire d’autobus. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, pendant l’audience, le prestataire a déclaré qu’il ne pouvait pas l’expliquer. Sans plus d’information, je ne peux conclure que l’employeur voulait congédier le prestataire pour cette raison. Même en tenant compte de l’ensemble des raisons, je considère qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que l’employeur voulait se débarrasser du prestataire pour les trois raisons citées.

[23] L’employeur a envoyé une copie de la lettre datée du 19 mars 2019 à la Commission. La lettre adressée au prestataire indique que celui-ci avait abandonné son poste et qu’il avait donc mis fin à son emploi. Malgré les termes utilisés dans la lettre, je conclus que l’employeur avait amorcé la séparation du prestataire avec son emploi. Cela est cohérent avec le relevé d’emploi émis par l’employeur, qui indiquait que la raison pour laquelle le prestataire ne travaillait plus était le congédiement. C’est aussi cohérent avec la déclaration du prestataire, selon laquelle l’employeur l’a congédié.

[24] Lorsque l’employeur a rejeté la demande de congé de quatre semaines du prestataire, il a informé celui-ci qu’il devait rentrer au travail le 12 mars 2019. Puisque celui-ci n’est pas rentré au travail, l’employeur a mis fin à son emploi. Je conclus qu’il y a un lien entre le fait que le prestataire n’est pas rentré au travail et la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi. Pour cette raison, je conclus que l’employeur a congédié le prestataire et que celui-ci a perdu son emploi parce qu’il n’est pas rentré au travail le 12 mars 2019.

b) Est-ce que le prestataire avait l’autorisation de prendre quatre semaines de congé?

[25] Je conclus que le prestataire n’avait pas la permission de prendre quatre semaines de congé.

[26] Le prestataire affirme qu’il a parlé à son employeur en janvier ou février 2019 au sujet de son intention de prendre quatre semaines de congé. Il affirme qu’il en a obtenu l’autorisation verbale, puis a acheté son billet d’avion. Ce n’est que par la suite que l’employeur lui a demandé de remplir un formulaire de demande de congé.

[27] L’employeur a affirmé à la Commission que le prestataire lui avait dit qu’il voulait prendre congé, mais n’avait pas fourni de dates ni indiqué de durée. Il affirme que le prestataire avait droit à deux semaines de congé. L’employeur a envoyé à la Commission une copie de la demande de congé du prestataire pour la période du 26 février 2019 au 30 mars 2019, qu’il avait rejetée. Dans la lettre qu’il a jointe à la demande de congé, l’employeur informait le prestataire qu’il lui avait approuvé deux semaines de congé. La lettre indiquait que sa date de retour au travail était le 12 mars 2019.

[28] Le prestataire a dit que l’employeur ne lui avait jamais demandé de remplir un formulaire de demandes de congé auparavant. Selon lui, il avait pris [traduction] « une journée par-ci par-là » et n’avait fait que demander le congé verbalement. Le prestataire a indiqué qu’il avait rempli le formulaire comme on le lui avait demandé. Il a indiqué qu’il avait refusé de signer le formulaire, indiquant qu’il comprenait qu’on ne lui avait approuvé que deux semaines de congé. Toutefois, il n’a pas contesté le fait que l’employeur ne lui avait approuvé que deux semaines de congé.

[29] J’ai demandé au prestataire de m’en dire plus au sujet de la déclaration de l’employeur, selon laquelle il ne lui avait pas dit quand ou pour combien de temps il allait partir en congé. Le prestataire a répondu qu’ils ont parlé de ces « choses » verbalement. Il a ajouté que si le facteur temps constituait un problème, l’employeur aurait pu l’en informer. Je remarque que le prestataire a dit à la Commission qu’il avait affirmé à l’employeur qu’il comptait partir en congé pour environ un mois. Il a dit qu’il le lui avait mentionné à plusieurs reprises, mais que son employeur ne lui a jamais signifié que cela poserait problème et c’est pourquoi il a acheté son billet d’avion.

[30] Même si le prestataire affirme que l’employeur lui avait donné l’autorisation verbale de prendre quatre semaines de congé, je donne plus de poids à la déclaration de l’employeur à la Commission, selon laquelle le prestataire n’avait pas fourni de dates ni de durée, puisque la preuve documentaire vient appuyer les dires de l’employeur. Cela comprend le formulaire de demande de congé du prestataire et la lettre qui y était annexée indiquant pourquoi l’employeur ne pouvait pas approuver le congé de quatre semaines.

[31] Le prestataire a témoigné qu’il ne savait pas combien de semaines de congé on lui accorderait. Il n’a pas contesté l’affirmation de l’employeur, selon laquelle il avait droit à seulement deux semaines de congé. Pour cette raison, et puisque la lettre de l’employeur fait référence au livret de l’employé qui énonce la politique relative aux deux semaines de congé, je reconnais comme étant un fait que le prestataire n’avait droit qu’à deux semaines de congé, comme l’a déclaré l’employeur.

[32] Je crois qu’il n’est ni raisonnable ni crédible que l’employeur ait verbalement accordé au prestataire l’autorisation de prendre congé pour une durée plus longue que ce à quoi il avait droit selon sa politique sur les congés. Je reconnais que le prestataire avait dit à l’employeur qu’il souhaitait prendre congé, mais je conclus que l’employeur n’a pas pu lui accorder verbalement quatre semaines de congé.

[33] À partir de la lettre jointe à la demande de congé du prestataire, je conclus que l’employeur ne lui avait accordé que deux semaines de congé. Je conclus que l’employeur avait indiqué au prestataire qu’il s’attendait à ce qu’il revienne au travail le 12 mars 2019. J’estime donc que le prestataire n’avait pas l’autorisation de prendre quatre semaines de congé.

c) Le prestataire savait-il, ou aurait-il dû savoir qu’en ne rentrant pas au travail le 12 mars 2019 comme il devait le faire, il s’exposait au risque de se faire congédier par son employeur?

[34] J’estime que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas rentrer au travail le 12 mars 2019, comme il devait le faire, l’exposait au risque de se faire congédier par son employeur.

[35] L’employeur a joint une lettre à la demande de congé du prestataire, dans laquelle il indiquait que si le prestataire ne rentrait pas travailler avant le 12 mars 2019, il considérerait que le prestataire a abandonné son poste. La lettre faisait référence à la politique sur les congés de l’employeur telle qu’elle figurait dans le livret de l’employé. Elle ajoutait que selon la politique, le prestataire avait droit à deux semaines de congé. L’employeur a écrit qu’il avait approuvé deux semaines de congé.

[36] Le prestataire a indiqué qu’il a refusé de signer la lettre, indiquant qu’il comprenait que l’employeur ne lui avait approuvé que deux semaines de congé. Il affirme qu’il est parti en voyage, comme il l’avait prévu.

[37] Même si le prestataire n’a pas signé la lettre de l’employeur, il n’a pas contesté l’avoir reçue. Je remarque qu’il y a un commentaire écrit à la main au bas de la lettre indiquant que le prestataire a refusé de la signer, mais qu’il a conservé le document original.

[38] Je remarque que le prestataire a affirmé à la Commission que pendant qu’il était en congé, il a reçu une lettre l’informant que s’il ne revenait pas au travail, il serait congédié. Il affirme qu’après cela, il a reçu une lettre l’informant de son congédiement. Selon la preuve qui m’est présentée, l’employeur n’a envoyé à la Commission que deux lettres relatives à son congé et à son congédiement. La première l’informait aux conséquences pour le prestataire s’il ne rentrait pas travailler et la deuxième l’informait de son congédiement.

[39] En l’absence d’autres éléments de preuve, j’estime que la première lettre dont a fait mention le prestataire est celle qu’il a pris à l’employeur le 19 février 2019, mais qu’il a refusé de signer. À partir de cette lettre, j’estime que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur allait considérer qu’il abandonnait son poste s’il ne rentrait pas travailler le 12 mars 2019 et qu’il s’exposait au risque de perdre son emploi.

[40] À partir de la déclaration du prestataire au sujet de la lettre de l’employeur du 19 février 2019, je conclus qu’il savait que l’employeur allait le congédier s’il ne rentrait pas au travail comme il se devait de le faire. Je considère donc que la décision du prestataire de ne pas rentrer au travail était délibérée. En conséquence, j’estime que son action constitue une inconduite.

[41] Le représentant du prestataire m’a suggéré de prendre en considération l’article 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon lui, les éléments de preuve présentés par chacune des parties se contrebalancent. Toutefois, je remarque que l’article en question accorde à la Commission le bénéfice du doute. J’estime que cela ne s’applique pas au Tribunal, et que je commettrais une erreur en ayant recours à cette disposition.

[42] J’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Ainsi, il est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

Conclusion

[43] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 13 novembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

J. A., prestataire

John Gentile, représentant du prestataire

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