Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La division d’appel (DA) a conclu que la division générale (DG) avait commis une erreur lorsqu’elle a présumé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il suivait un cours de formation à temps plein. Des circonstances exceptionnelles étaient présentes dans le cas du prestataire, car le fait qu’il participait à une formation ne l’a pas empêché d’être disponible au travail. La DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’était pas disponible au travail sur la base que sa recherche d’emploi avait été restreinte pendant ses trois semaines de formation. En imposant des restrictions à sa recherche d’emploi, le prestataire a mis des conditions sur le type d’emploi qu’il était prêt à accepter. Cependant, la DA a conclu qu’il n’avait pas imposé de restrictions déraisonnables à son retour au travail. Premièrement, il croyait qu’il était fort probable que son employeur précédent allait le rappeler. Deuxièmement, la preuve démontre qu’un poste en lien avec sa formation était sa meilleure chance d’emploi. Finalement, il a seulement limité ses chances de se trouver un emploi pendant trois semaines, ce qui est raisonnable. Le concept juridique du « délai raisonnable » est utile pour mesurer le délai acceptable au cours duquel les prestataires peuvent limiter leur recherche d’emploi à leur domaine de spécialité. La DA a déterminé que le prestataire pouvait restreindre sa recherche d’emploi pendant un certain temps. La DA a conclu qu’un « emploi convenable » au cours de la période de formation relativement courte correspondait à un emploi dans ce domaine de spécialité. Elle a conclu que le prestataire était capable de travailler et disponible pour travailler au cours de cette période, et qu’il était admissible aux prestations. L’appel a été accueilli.

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire n’est pas inadmissible aux prestations du 5 janvier 2019 au 27 janvier 2019.

Aperçu

[2] L’appelant, L. G. (prestataire), a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi après avoir été mis à pied. Il s’est aussi inscrit à un cours en échafaudage à temps plein d’une durée d’environ trois semaines. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé que le prestataire ne pourrait pas recevoir de prestations pendant qu’il suivait le cours. Lorsque le prestataire a demandé une révision à la Commission, celle-ci a maintenu sa décision initiale.

[3] Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais cette dernière a rejeté son appel. La division générale a conclu que le prestataire ne pouvait pas toucher de prestations parce qu’il n’avait pas fait assez d’efforts pour trouver du travail pendant qu’il suivait le cours en échafaudage. Elle a aussi affirmé que le prestataire était trop occupé avec ce cours pour accepter un emploi. Le prestataire interjette maintenant appel devant la division d’appel.

[4] L’appel est accueilli. La division générale a fait une erreur lorsqu’elle a conclu que la formation à temps plein du prestataire signifiait qu’il n’aurait pas pu travailler pendant cette période. Elle a aussi mal appliqué le critère juridique pour déterminer qu’il n’était pas disponible pour travailler. Finalement, la division générale était dans l’erreur quand elle a considéré que deux inadmissibilités distinctes et indépendantes devraient s’appliquer.

[5] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. J’estime que le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin du 5 janvier 2019 au 27 janvier 2019, et qu’il n’est pas inadmissible aux prestations pour cette période.

Quels moyens d’appel puis-je examiner?

[6] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut conclure que celle-ci a commis l’un des types d’erreurs appelés « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[7] Le terme « moyens d’appel » correspond aux raisons de faire appel. Je suis seulement autorisé à examiner la question de savoir si la division générale a commis l’un des types d’erreurs suivants :

  1. La division générale n’a pas suivi les principes d’équité procédurale.
  2. La division générale n’a pas tranché une question en litige qu’elle aurait dû trancher. Ou elle a jugé une chose qu’elle n’avait pas le pouvoir de juger.
  3. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.
  4. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

Questions en litige en l’espèce

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’évaluant pas la disponibilité du prestataire pour occuper un emploi convenable au titre des articles 6(4) et 6(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)?

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur importante de fait lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il aurait pu travailler parce qu’il était en formation à temps plein?

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans la façon dont elle a conclu que le prestataire avait limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[11] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en considérant que le prestataire était inadmissible parce qu’il n’avait pas démontré qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travailNote de bas de page 1?

Analyse

Question en litige no 1 : La disponibilité pour occuper un emploi convenable au titre des articles 6(4) et 6(5) de la Loi sur l’AE

[12] La principale question en litige que devait trancher la division générale était celle de savoir si le prestataire était disponible pour travailler pendant qu’il suivait la formation. La Loi sur l’AE prévoit qu’un prestataire doit être disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 2. Le prestataire a fait valoir que ses efforts pour trouver un emploi « convenable » étaient appropriés. Il a soutenu que ses démarches étaient conformes aux articles 6(4) et 6(5) de la Loi sur l’AE et que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas ces articles.

[13] L’article 6(4) énonce qu’un emploi n’est pas « convenable » si le taux de sa rémunération ou les autres conditions d’emploi sont moins favorables que le taux ou les conditions qui seraient normalement offerts pour l’occupation habituelle de la partie prestataire. L’article 6(5) de la Loi sur l’AE énonce qu’un emploi convenable pourrait inclure du travail à un taux de rémunération inférieur ou dont les conditions sont moins favorables que ce que lui procure son occupation habituelle, mais seulement après un « délai raisonnable ».

[14] Le prestataire fait valoir qu’il était dans ce « délai raisonnable » au moment où il a suivi la formation. Le prestataire est un apprenti en échafaudage syndiqué, et selon lui, la façon dont il a cherché du travail était la meilleure façon de trouver du travail en tant qu’apprenti en échafaudage syndiqué. D’après le prestataire, c’était le seul emploi qui aurait dû être considéré comme convenable. Tout autre emploi aurait été assorti d’un taux de rémunération plus bas ou de conditions d’emploi moins favorables.

[15] Cependant, devant la division générale, le prestataire n’a pas fait valoir qu’il n’aurait pas pu trouver un autre travail qui lui aurait permis de conserver sa rémunération et ses avantages habituels. Aucun élément de preuve n’a été porté à la connaissance de la division générale concernant le type d’autre emploi qui aurait pu être disponible pour le prestataire s’il ne pouvait pas travailler comme apprenti en échafaudage syndiqué. De plus, aucun élément de preuve ne montrait qu’il aurait eu une rémunération réduite, moins d’avantages sociaux ou des conditions de travail moins favorables en occupant d’autres emplois.

[16] Autrement dit, rien ne laissait entendre à la division générale que les articles 6(4) et 6(5) de la Loi sur l’AE devraient être appliqués aux circonstances du prestataire. Par conséquent, la division générale n’avait aucune raison d’analyser les circonstances au titre de ces articles. Ce n’était pas une erreur de droit de la part de la division générale de conclure que le prestataire n’était pas disponible pour travailler sans tenir compte des articles 6(4) et 6(5) de la Loi sur l’AE.

Question en litige no 2 : La capacité de travailler au moment de la formation à temps plein

[17] Le client n’a pas contesté le fait qu’il a participé à un cours à temps plein de perfectionnement des compétences en échafaudage pendant une partie de sa période de mise à pied. La Cour d’appel fédérale a énoncé qu’une partie prestataire qui est aux études à temps plein est présumée être non disponible pour travaillerNote de bas de page 3. Le prestataire aurait pu réfuter la présomption de non-disponibilité (il aurait pu montrer que le fait qu’il fréquentait l’école ne voulait pas dire qu’il n’était pas disponible) de deux façons : il aurait pu montrer qu’il avait fréquenté l’école à temps plein par le passé et qu’il était toute de même capable de travailler. Ou il aurait pu démontrer d’autres circonstances exceptionnellesNote de bas de page 4.

[18] La division générale a conclu que les circonstances du prestataire ne réfutaient pas la présomption de non-disponibilité. Elle a mentionné que le prestataire n’avait pas montré qu’il avait des antécédents d’études à temps plein (la division générale voulait dire [traduction] « emploi à temps plein ») pendant qu’il suivait une formation. Elle a aussi affirmé que le prestataire n’avait pas présenté une preuve de circonstances exceptionnelles.

[19] Le prestataire a fait valoir que la division générale a commis une erreur en omettant d’évaluer s’il était crédible lorsqu’il a dit qu’il avait été prêt à laisser tomber sa formation pour accepter une offre de travail à temps plein. Cependant, je ne constate pas que la division générale a tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du prestataire.

[20] Je dois clarifier ce qui semble être un [traduction] « lapsus » dans la décision de la division générale. La décision de la division générale énonçait que le prestataire [traduction] « avait pas le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert puisque [la division générale] accepte son témoignage selon lequel il aurait quitté la formation si on lui avait offert un poste à temps plein ». La seule manière dont je peux comprendre cette déclaration est de présumer que la division générale n’avait pas l’intention d’insérer le mot [traduction] « pas » avant « le désir ».

[21] J’interprète la décision de la division générale comme une conclusion selon laquelle le prestataire avait le désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. La division générale s’est appuyée sur la preuve qui appuierait une conclusion selon laquelle le prestataire avait un tel désir. Elle a accepté le témoignage du prestataire selon lequel il aurait quitté la formation si on lui avait offert un poste à temps plein. Dans la phrase suivante, la division générale a aussi affirmé qu’elle acceptait que la nature de la formation du prestataire soutenait son désir de retourner travailler, parce que sa formation avait pour but d’améliorer ses chances d’obtenir un emploi.

[22] D’autres éléments de preuve portés à la connaissance de la division générale soutenaient aussi une conclusion selon laquelle le prestataire désirait retourner travailler. La formation en échafaudage du prestataire était d’une durée relativement courte. Il a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un élément obligatoire de son programme d’apprenti. Le prestataire a aussi affirmé que son organisation syndicale prenait en charge la quasi-totalité des frais de formation.

[23] On n’a pas demandé au prestataire s’il avait déjà poursuivi des études à temps plein tout en travaillant à temps plein, et il n’a pas fourni cette information. Cela n’est pas surprenant, car le prestataire avait déclaré qu’il avait toujours l’intention de quitter la formation s’il trouvait du travail. Il n’avait pas l’intention de poursuivre la formation et de travailler en même temps.

[24] La division générale a conclu que le prestataire avait l’intention de quitter la formation pour accepter un emploi à temps plein. Ce fait est une preuve positive que la formation du prestataire n’aurait pas interféré avec sa capacité de travailler si un emploi lui avait été offert.

[25] Le prestataire a dit à plusieurs reprises à la Commission qu’il était disponible, mais qu’il [traduction] « ne cherchait pas de travail ». Cependant, le prestataire a affirmé devant la division générale qu’il avait demandé à son ancien employeur de le rappeler. Il a aussi affirmé qu’une agence de placement avait déjà son curriculum vitae. Avant de commencer la formation, il a appelé l’agence pour l’informer qu’il cherchait de nouveau du travail. Il a dit qu’il s’attendait à ce que l’agence communique avec lui si une occasion d’emploi se présentait, tout comme on l’avait informé d’une possibilité d’emploi lors d’une occasion précédente. Le prestataire a aussi dit qu’il avait vérifié auprès du syndicat si de nouveaux postes étaient disponibles pendant sa formation. La division générale n’a pas contesté la preuve du prestataire au sujet de ses démarches continues pour trouver du travail. Sa préoccupation concernait le fait que le prestataire n’avait pas été suffisamment actif dans ses démarchesNote de bas de page 5.

[26] Néanmoins, la division générale a conclu qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnellesNote de bas de page 6 qui auraient permis au prestataire de réfuter la présomption de non-disponibilité. Elle a tout de même appliqué la présomption de non-disponibilité pour les étudiants à temps plein pour conclure que le prestataire n’était pas disponible.

[27] La division générale n’a pas ignoré ni mal interprété la preuve du prestataire au sujet de sa formation. Cependant, la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que le prestataire devrait être présumé non disponible pendant qu’il était en formation. Compte tenu des efforts du prestataire pour demeurer informé des possibilités d’emploi offertes aux apprentis monteurs d’échafaudages, je considère que l’application d’une [traduction] « présomption de non-disponibilité » ne concorde pas avec la conclusion de fait de la division générale selon laquelle le prestataire quitterait la formation dès qu’il recevrait une offre d’emploi à temps plein.

[28] Pour reprendre le libellé de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS, une telle conclusion est « abusive ou arbitraire ».

Question en litige no 3 : Les limites indues de retourner sur le marché du travail

[29] Dans son argument selon lequel la division générale aurait dû appliquer les articles 6(4) et 6(5) de la Loi sur l’AE, le prestataire a soulevé une préoccupation plus large. Il a fait valoir qu’il était un apprenti monteur d’échafaudages syndiqué, et qu’il devrait chercher du travail seulement à l’aide de manières qui lui permettraient de cibler des possibilités d’emploi pour les apprentis monteurs d’échafaudages syndiqués.

[30] La division générale a conclu que le prestataire avait limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail en [traduction] « concentrant son attention sur sa formation au lieu de chercher un emploiNote de bas de page 7 ». Cette affirmation était fondée sur sa conclusion antérieure selon laquelle la recherche d’emploi du prestataire ne répondait pas à la norme des [traduction] « démarches habituelles et raisonnables » comparativement aux critères de l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement)Note de bas de page 8. De plus, elle avait déjà conclu que le prestataire n’avait pas exprimé son désir de retourner au travail en effectuant des démarches pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 9.

[31] Dans l’arrêt Faucher c Canada (Procureur général), la Cour d’appel fédérale a déclaré que la division générale doit considérer trois facteurs lorsqu’elle détermine qu’une partie prestataire est disponible pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE (les facteurs relatifs à l’arrêt Faucher)Note de bas de page 10. Le premier de ces facteurs est le désir de la partie prestataire de retourner travailler. Le deuxième facteur concerne les démarches de la partie prestataire pour trouver un emploi convenable. Le troisième facteur de l’arrêt Faucher est le fait qu’un prestataire ne devrait pas établir des conditions personnelles qui limitent indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[32] La division générale a conclu que ni le deuxième ni le troisième facteur n’était en faveur de la disponibilité du prestataire. Dans les deux cas, la conclusion était uniquement fondée sur la preuve de la suffisance des démarches de recherche d’emploi du prestataire. Effectivement, cela signifie que la division générale a analysé deux fois le deuxième facteur relatif à l’arrêt Faucher.

[33] J’estime que la division générale a mal appliqué le critère relatif à la disponibilité de l’arrêt Faucher. La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Faucher, demandait de prendre les trois facteurs en considération, et non d’accorder au deuxième facteur deux fois plus d’importance. Le troisième facteur doit être distinct de la manière et du caractère adéquats de la recherche d’emploi du prestataire. Selon moi, le troisième facteur décrit des conditions personnelles qui limiteraient le type de travail qu’une partie prestataire serait prête à accepter. Par « type de travail », j’entends les caractéristiques du travail lui-même, comme le lieu où il est exécuté ou l’horaire des quarts de travail, sa rémunération, ou le type d’employeur ou de poste.

[34] Conformément à cette interprétation, la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c GagnonNote de bas de page 11, a déclaré ceci : « [il faut qu’une partie prestataire] n’impose pas de restrictions telles à sa disponibilité qu’elle limite indûment ses chances d’occuper un emploi ». Occuper un emploi est différent de trouver un emploi. Le libellé dans l’affaire Gagnon laisse entendre que la Cour n’interprétait pas le terme [traduction] « limites indues » comme étant des limites dans la manière de chercher un emploi.

[35] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur l’AE lorsqu’elle a interprété les limites décrites par le troisième facteur de l’arrêt Faucher comme étant des limitations à la recherche d’emploi du prestataire.

Question en litige no 4 : Deux inadmissibilités différentes

[36] La division générale a énoncé que le prestataire serait inadmissible au bénéfice des prestations s’il ne pouvait pas prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. Elle a aussi énoncé qu’il serait indépendamment inadmissible s’il n’avait pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 12.

[37] La Commission a fait valoir que la division générale avait commis une erreur en analysant deux inadmissibilités différentes. Elle a énoncé qu’elle avait imposé seulement une inadmissibilité, à savoir celle que le prestataire était inadmissible parce qu’il n’était pas disponible pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. D’après la Commission, le prestataire n’était pas indépendamment inadmissible parce qu’il n’avait pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[38] Je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’il n’y avait qu’une inadmissibilité en l’espèce. Dans le cadre habituel d’une demande, une partie prestataire peut prouver sa disponibilité pour travailler à l’aide des déclarations qu’elle fait sur les relevés hebdomadaires. Cependant, l’article 50(8) de la Loi sur l’AE donne à la Commission la capacité d’exiger qu’une partie prestataire appuie ses déclarations à l’aide d’une preuve selon laquelle elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable. L’article 50(8) décrit la raison pour laquelle ce type de preuve est exigé d’un point de vue législatif. Il énonce que cette information vise à déterminer la « disponibilité pour le travail [d’une partie prestataire] et [...] son incapacité d’obtenir un emploi convenable » (il s’agit du même libellé utilisé à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE).

[39] La seule question concernant l’inadmissibilité relativement à ces faits découle de la conclusion de la Commission selon laquelle le prestataire n’était pas [traduction] « disponible et incapable de trouver un emploi convenable ». Pour évaluer cela, la division générale devait examiner les facteurs relatifs à l’arrêt Faucher, y compris la question de savoir si le prestataire a exprimé son désir de retourner au travail grâce à des démarches pour trouver un emploi convenable. L’article 50(8) donne simplement à la Commission la capacité d’exiger d’une partie prestataire qu’elle démontre ses démarches conformément aux critères décrits à l’article 9.001 du Règlement.

[40] La division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur l’AE en mentionnant que l’article 18(1)(a) et l’article 50(8) de la Loi sur l’AE ont des critères différents et imposent possiblement des inadmissibilités distinctes, et en concluant que le prestataire était inadmissible au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE.

[41] Étant donné que j’ai constaté des erreurs dans la division générale, je dois maintenant examiner la réparation appropriée.

Réparation

[42] J’ai le pouvoir, en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS, de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je pourrais aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle révise sa décision.

[43] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre parce que je considère que le dossier d’appel est complet. Cela signifie que j’accepte que la division générale a déjà examiné toutes les questions que soulève cette cause, et que je peux rendre une décision en fonction de la preuve qui a été présentée à la division générale.

[44] J’ai établi que la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a déterminé que le prestataire devrait être présumé non disponible parce qu’il a suivi une formation à temps plein. Je note que la formation du prestataire avait pour but de développer des compétences propres à son métier et qu’il s’est inscrit avec le soutien de son syndicat, en croyant que le cours était préapprouvé dans le cadre de son apprentissageNote de bas de page 13. Je note aussi que le prestataire [traduction] « a cherché du travail » pour poursuivre son apprentissage en même temps qu’il participait à la formation. Ses démarches étaient similaires à celles qui avaient été efficaces pour se trouver un poste antérieurement. Fait important, le prestataire était prêt à laisser tomber le cours dès qu’il trouverait du travail. J’estime que ces faits constituent des circonstances exceptionnelles, et j’accepte que la participation du prestataire à la formation en échafaudage ne l’a pas empêché d’être disponible pour travailler.

[45] J’estime également que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a établi que le prestataire avait limité indûment ses chances compte tenu de la nature de la recherche d’emploi du prestataire pendant qu’il était en formation. Cela signifie que je dois maintenant examiner si le prestataire a limité indûment ses chances de retourner au travail d’une autre manière.

[46] Je suis convaincu que le prestataire a cherché du travail pendant qu’il suivait sa formation, mais seulement du travail comme apprenti monteur d’échafaudages. Lorsqu’il a été mis à pied en décembre 2018, le prestataire était embauché comme apprenti de première année dans le métier de monteur d’échafaudages. Les démarches qu’il a effectuées du 5 janvier 2019 au 27 [sic] 2019 pour retourner travailler étaient axées sur un retour au travail dans ce métier précisément. Le prestataire a affirmé devant la division générale qu’il avait demandé à son ancien employeur de le rappeler et qu’il s’attendait à être rappelé en février 2019. Au même moment, il a dit qu’il avait appelé l’agence après sa mise à pied afin de faire [traduction] « réactiver son dossier » de manière à être appelé si quelque chose se présentait. Il a dit que c’était comme cela qu’il avait obtenu du travail par le passé. Le prestataire s’est aussi inscrit à un cours de mise à niveau en échafaudage qui était appuyé par son syndicat. Il a dit qu’il avait vérifié le tableau des offres d’emploi du syndicat pendant qu’il suivait la formation et qu’il avait appelé son [traduction] « compagnon » après la fin du cours le 27 janvier 2019 pour vérifier si, à sa connaissance, du travail serait bientôt disponible.

[47] En limitant où et comment il cherchait du travail, le prestataire a effectivement établi des conditions quant au type de travail qu’il était prêt à accepter. Le prestataire a cherché du travail en utilisant des méthodes qui étaient propres au type de travail qui l’intéressait. La recherche d’emploi du prestataire ne lui permettait vraisemblablement pas de trouver un autre type d’emploi.

[48] Cependant, je n’accepte pas le fait que le prestataire a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Je dis cela pour trois raisons.

[49] Première raison : le prestataire croyait que son employeur précédent le rappellerait probablement. Dans l’affaire Canada (Procureur général) c MacdonaldNote de bas de page 14, l’on a maintenu une décision en concluant que l’appelante était disponible pour travailler même si « elle ne désirait accepter un emploi que du [son employeur] pour lequel elle avait travaillé pendant quelque temps, bien que pendant toute la période qui nous intéresse, l’emploi était intermittent ». Cela donne à penser qu’une partie prestataire qui s’attend à être rappelée à son emploi régulier pourrait ne pas être tenue d’effectuer le même type de recherche d’emploi ou une recherche aussi approfondie selon les circonstances.

[50] Deuxième raison : Un poste de monteur en échafaudages aurait bien pu être sa meilleure perspective d’emploi. Je note qu’aucune preuve selon laquelle le marché du travail pour les apprentis monteurs d’échafaudages était particulièrement prometteur n’a été portée à la connaissance de la division générale. Il n’y a toutefois pas non plus de preuve selon laquelle ce marché était difficile. Toutefois, l’échafaudage était le métier que le prestataire avait choisi, et c’était un travail pour lequel il avait été formé et avait de l’expérience. Même cette formation qui selon la division générale interférait avec les chances du prestataire de retourner sur le marché du travail visait précisément à améliorer ses chances de retrouver un emploi dans le domaine de l’échafaudage. Tant son apprentissage que sa formation continue montrent un intérêt et un engagement envers ce domaine. Ces facteurs sont importants pour les employeurs. D’après moi, la preuve appuie la conclusion selon laquelle les meilleures chances du prestataire d’obtenir à nouveau un emploi se trouvaient dans le domaine de l’échafaudage, du moins à court terme.

[51] Troisième raison : On dit que le prestataire a [traduction] « limité indûment ses chances » pendant seulement trois semaines environ. Cela correspond à la durée de sa formation en échafaudage. Pendant cette période, le prestataire a limité ses perspectives d’emploi aux postes qui étaient en lien avec le métier dans lequel il était engagé à long terme et dans lequel il avait travaillé récemment. Cependant, compte tenu du fait qu’il s’attendait à être rappelé, de son expérience et de son engagement dans son propre métier, il n’était pas déraisonnable pour lui de chercher uniquement du travail comme apprenti monteur d’échafaudages pendant une période de seulement trois semaines.

[52] L’article 6(5) de la Loi sur l’AE fait référence à un délai raisonnable pendant lequel une partie prestataire n’est pas tenue de chercher du travail qui le paierait moins ou qui lui offrirait des conditions moins favorables. J’ai conclu que la division générale n’avait pas commis d’erreur en omettant d’appliquer l’article 6(5). Cela est en raison du fait que le prestataire n’a même pas établi que chercher d’autres emplois voulait dire chercher des emplois qui payaient nécessairement moins ou qui offraient des conditions moins favorables.

[53] Cependant, je pense que le concept de « délai raisonnable » est aussi utile pour évaluer s’il est raisonnable qu’une personne limite sa recherche d’emploi à son domaine de spécialité. Le prestataire a réservé trois semaines pendant sa formation pendant lesquelles il a concentré son attention sur du travail qui lui permettrait de se faire embaucher de nouveau comme apprenti dans le métier qu’il a choisi. J’estime qu’il était raisonnable que le prestataire limite sa recherche à des postes d’apprenti dans son métier pendant la brève période que durait sa formation. Cela n’a pas limité indûment ses chances de réintégrer le marché du travail. J’estime que le troisième facteur de l’arrêt Faucher est favorable au prestataire.

[54] Étant donné que j’ai établi que le prestataire pouvait limiter sa recherche d’emploi à des postes dans le domaine de l’échafaudage, je dois maintenant me pencher de nouveau sur la question de savoir si le prestataire a fait les démarches adéquates pour trouver un emploi convenable (le deuxième facteur de l’arrêt Faucher). La recherche d’emploi du prestataire consistait à attendre d’être rappelé, à s’inscrire auprès de l’agence de placement temporaire et à vérifier le tableau des offres d’emploi du syndicat. La division générale était d’avis que ces démarches étaient trop limitées. Je conviens que les activités du prestataire n’incluaient pas les nombreuses activités qui seraient considérées comme « habituelles et raisonnables » s’il avait aussi cherché un emploi convenable autre qu’un poste d’apprenti dans le domaine de l’échafaudage.

[55] Cependant, j’estime qu’un « emploi convenable » pendant la période relativement courte de sa formation de mise à niveau correspond à un emploi d’apprenti monteur d’échafaudages. Le prestataire a exprimé son désir de trouver ce genre d’emploi en faisant une recherche d’emploi qui était adéquate à cette fin dans ce laps de temps. Par conséquent, je conclus que le prestataire a aussi satisfait au deuxième facteur de l’arrêt Faucher.

[56] Ayant tenu compte de tous les facteurs de l’arrêt Faucher, je conclus que le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin du 5 janvier 2019 au 27 janvier 2019 et qu’il n’est pas inadmissible pendant cette période.

Conclusion

[57] L’appel est accueilli. Le prestataire n’est pas inadmissible aux prestations du 5 janvier 2019 au 27 janvier 2019.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 5 novembre 2019

Téléconférence

L. G., appelant
Melanie Allen, représentante de l’intimée

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