Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelant (l’employeur) n’a pas prouvé que la personne mise en cause (le prestataire) avait des solutions de rechange raisonnables autres que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Par conséquent, le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE). 

Aperçu

[2] Le prestataire a démissionné de son emploi chez X le 16 janvier 2018.  Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission a examiné les raisons que le prestataire a avancées pour quitter son emploi. Elle a décidé que ce dernier avait volontairement quitté son emploi sans justification. Elle a donc rejeté sa demande de prestations. Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, en affirmant qu’il a démissionné parce qu’il ne pouvait plus tolérer les mauvais traitements qu’il a subis de la part du propriétaire de X, B. D. (B. D.) Le 22 mai 2018, à la suite d’une enquête, la Commission a conclu en faveur du prestataire et a annulé l’exclusion initiale de sa demande. 

[3] L’employeur a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »), et le prestataire a été ajouté comme partie à l’appel. 

[4] Je dois décider si l’employeur – à titre d’appelant – a prouvé que le prestataire avait des solutions de rechange raisonnables autres que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. La Commission – à titre d’intimée dans le présent appel – affirme que le prestataire n’avait d’autre choix que de démissionner après avoir été victime de violence verbale de la part de B. D. et avoir été menacé de retenir sa paye. L’employeur nie les allégations du prestataire et déclare que ce dernier a été licencié pour un motif valable.

[5] Je conclus que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 16 janvier 2018. J’estime également que le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner quand il l’a fait. Par conséquent, le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’AE.  La présente décision énonce mes motifs.

Questions préliminaires

[6] L’appel de l’employeur a été déposé auprès du Tribunal le 24 juillet 2018. Une audience a été fixée au 22 novembre 2018. Cette audience a été ajournée à la demande de B. D. parce qu’il éprouvait de graves problèmes de santé. L’appel a été mis en suspens jusqu’à ce que B. D. puisse procéder. Le Tribunal a continué d’effectuer un suivi auprès de B. D. concernant l’établissement d’une nouvelle date d’audience. Le 11 avril 2019, B. D. a fourni au Tribunal un certificat médical comportant un délai pour son rétablissement prévu. Compte tenu de ce certificat médical, l’appel devait être entendu le 25 juin 2019. Il a fallu plus de temps pour l’audience, qui a pris fin le 17 septembre 2019.

Question en litige

[7] Le prestataire devrait-il être exclu du bénéfice des prestations d’AE parce qu’il a quitté volontairement son emploi chez X sans justification?

Analyse

[8] Un prestataire qui quitte volontairement son poste se trouve exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à moins qu’il puisse établir qu’il avait une « justification » pour quitter son emploi : article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (ci-après, Loi sur l’AE). Le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il le fait si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imram,2008 CAF 17). 

[9] La Commission a d’abord imposé une exclusion au prestataire parce qu’elle a déterminé qu’il a quitté volontairement son emploi chez X sans justification. Toutefois, cette décision a été infirmée au stade de la révision, lorsque la Commission a approuvé la cessation d’emploi du prestataire au motif qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi dans les circonstances. 

[10] L’employeur a interjeté appel de la décision de révision rendue par la Commission devant le Tribunal. Cela signifie qu’il incombe à l’employeur de prouver que le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour ce faire, l’employeur doit démontrer que le prestataire avait des solutions de rechange raisonnables autres que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. 

Première question en litige : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[11] Lorsqu’une exclusion est envisagée à la suite d’un départ volontaire d’un emploi sans justification, je dois d’abord déterminer si le prestataire a effectivement quitté volontairement son emploi.

[12] Il existe une preuve abondante que le prestataire a démissionné :

  1. Dans sa demande initiale de prestations d’assurance-emploi datée du 18 janvier 2018, le prestataire a indiqué que le motif de sa cessation d’emploi était « Départ volontaire » et qu’il a présenté une lettre de démission le 16 janvier 2019.
  2. Il a fourni des détails précis sur son départ à sa première entrevue avec la Commission (voir GD3-31), dans sa demande de révision (voir GD3-38 à GD3-39) et durant son entrevue de révision (voir GD3-51 à GD3-52). 
  3. Le prestataire a joint un enregistrement vidéo à sa demande de révision (GD3C).  L’enregistrement est estampillé en date du 16 janvier 2018. On y voit une discussion entre le prestataire et B. D., au cours de laquelle il a indiqué à plusieurs reprises au prestataire que lorsqu’il a quitté les lieux la veille, il a abandonné son emploi. En conclusion, le prestataire remet une lettre de démission à B. D., qui la déchire et lui dit de partir.
  4. Le relevé d’emploi du prestataire qui provient de X indique « départ volontaire » comme motif de cessation d’emploi (GD3-26).
  5. Le 28 mars 2018, B. D. a dit à l’agent de la Commission que le prestataire avait abandonné son emploi (voir GD3-30).
  6. Lors de son entrevue de révision tenue le 7 mai 2018, B. D. a répété sa déclaration initiale selon laquelle le prestataire avait abandonné son emploi. Il a ajouté qu’il était prêt à faire revenir le prestataire au travail même après que ce dernier [traduction] « m’ait lancé une paire de ciseaux et ait quitté les lieux » (voir GD3-54).
  7. Dans une lettre jointe à l’avis d’appel déposé le 24 juillet 2018 (GD2-6), B. D. a écrit que le prestataire [traduction] « a quitté l’entreprise en abandonnant son emploi ». 
  8. Dans la même lettre, B. D. a indiqué que lorsque le prestataire est revenu l’après-midi suivant, il lui a ordonné de partir, mais lui a dit qu’il pourrait revenir pour « discuter de façon appropriée » lorsque son « décorum serait acceptable ».  B. D. a conclu : [Traduction] « Nous ne l’avons pas vu depuis. »
  9. Selon les motifs de décision émis le 13 septembre 2018 par l’agent des normes d’emploi qui a enquêté sur la plainte du prestataire relative aux normes d’emploi (déposée en preuve dans le présent appel par B. D. - voir GD15), le prestataire a témoigné qu’il a démissionné. Selon le témoignage de B. D. [traduction] « le prestataire a quitté son emploi en colère après une vive dispute entre eux, mais il n’a pas été congédié » (GD15-3).

[13] Cependant, la veille de l’audition du présent appel, la version des événements donnée par B. D. a changé. 

[14] Dans une longue lettre déposée le 13 juin 2019 (GD14), B. D. dit avoir informé le prestataire qu’il était licencié pour un motif valable après avoir reçu plusieurs avertissements et avoir été « avisé » (voir GD14-48 à GD14-49).  B. D. a ajouté :

[Traduction] « Après réflexion et examen, le facteur décisif était l’hostilité accrue et le profil dangereux qui émergeaient; j’ai donc décidé qu’il serait préférable que X et E. O. se séparent. » (GD14-55).

[15] B. D. a témoigné comme suit à l’audience au sujet de la cessation d’emploi du prestataire :

  • Le prestataire a d’abord été à l’emploi de X il y a environ 15 ans pendant une période de 3 ans « par intermittence ».
  • En 2016, le prestataire l’a de nouveau abordé pour lui offrir un emploi. Le prestataire avait [traduction] « une coordination oculomanuelle au-dessus de la moyenne », ce qui revêt beaucoup d’importance pour les produits et la technologie de l’employeur, de sorte qu’il a été retenu pour une brève deuxième période d’emploi qui a pris fin lorsque l’employeur a refusé la demande du prestataire d’être payé [traduction] « en espèces ».  Aucun relevé d’emploi n’a été émis.
  • En 2017, le prestataire lui a téléphoné, lui a dit qu’il se trouvait dans une « situation désastreuse » et lui a demandé un emploi.
  • Il est très difficile d’obtenir les services de personnes qui ont des compétences oculomanuelles comme celles du prestataire; en outre, il possédait une formation et des connaissances des « éléments fondamentaux de notre matériel » acquises dans le cadre de son emploi précédent. Le prestataire s’est donc vu offrir un « poste de premier échelon » et l’employeur l’a averti qu’il devait « respecter nos conditions ». Le prestataire a commencé à travailler le 3 avril 2017.
  • Au fil du temps, le prestataire a enfreint les règles de l’employeur relativement à l’usage du tabac, l’exécution des ordres de travail, la préparation des feuilles de temps, la consommation de repas à son poste de travail et la surfacturation pour ses pauses-repas.
  • Outre ces manquements, le prestataire a adopté une conduite « abusive » envers lui d’avril 2017 à janvier 2018.
  • Le prestataire a été prévenu de vive voix de tout cela et son comportement a finalement mené à un licenciement motivé le 18 janvier 2018.

[16] À l’audience tenue le 25 juin 2019, j’ai demandé à B. D. pourquoi il avait conservé les services du prestataire s’il éprouvait tous ces problèmes avec lui. B. D. a répondu :

  • [Traduction] « Nous avions du travail pour lui. »
  • Il apprenait le travail et s’améliorait, et il a même obtenu une augmentation salariale « au mérite » après moins d’un an.
  • [Traduction] « Je croyais qu’il éprouvait des problèmes personnels à l’époque et j’estimais qu’il m’incombait en tant qu’employeur dans une petite entreprise de tenter de l’aider à les surmonter. »
  • Cependant, à la fin de novembre, « j’étais complètement frustré » par la « conduite personnelle au travail » du prestataire.
  • [Traduction] « Nous nous trouvions pendant la période de Noël, et je ne voulais poser aucun geste à ce moment-là. »
  • Le 5 janvier 2018, le prestataire a eu une rencontre avec son superviseur et a reçu un avertissement verbal au sujet de son comportement. Cette rencontre est décrite dans la déclaration du témoin établie par le superviseur (GD14-24).
  • Il a « démissionné » lorsqu’il ressentait [traduction] « un état de violence et d’abus et a lancé des ciseaux » avant de quitter les lieux, enragé. Il est parti et ne s’est pas présenté le lendemain pour son quart de travail. « Il a démissionné. »
  • Lorsqu’il est revenu le lendemain vers 14 h « sans rendez-vous » [traduction] « j’avais décidé de le licencier pour un motif valable ».

[17] Lorsque le témoignage de B. D. s’est poursuivi le 17 septembre 2019, son histoire avait changé de nouveau. Il a témoigné :

  • Après avoir été averti par son superviseur le 5 janvier 2018, le comportement du prestataire s’est « amélioré » et il était « assez agréable, assez professionnel ».
  • Puis, le mardi 9 janvier 2018, le prestataire a entamé une dispute violente. Il avait une paire de ciseaux à la main. Il a [traduction] « poussé les ciseaux vers moi et je craignais pour ma sécurité ».
  • [Traduction] « J’ai dit à E. O. sur-le-champ qu’il était licencié pour un motif valable. Il a dit « je démissionne » et il m’a jeté les ciseaux d’une manière dangereuse. Il a ajouté qu’il voulait partir. »
  • Le prestataire avait été averti [traduction] « à plusieurs reprises au cours des 4 mois précédents ». Il était [traduction] « violent et menaçant et j’estimais que je n’avais d’autre choix que de le congédier parce que je craignais pour ma sécurité personnelle ».

[18] J’ai demandé à B. D. pourquoi le relevé d’emploi du prestataire indiquait « Départ volontaire ». Il a répondu :

[Traduction] « Je m’excuse, c’est moi qui ai commis l’erreur. »

[19] J’ai demandé à B. D. pourquoi il a rencontré le prestataire seul dans son bureau le lendemain de l’incident avec les ciseaux. Il a témoigné :

  • [Traduction] « Je considère qu’il a abandonné son emploi parce qu’il ne s’est pas présenté au travail le lendemain. »
  • Il s’est plutôt présenté [traduction] « sans préavis » plus tard le lendemain et a débité [traduction] « une tirade hostile » sur [traduction] « la façon dont j’enfreignais la Loi sur les normes d’emploi ». 
  • « J’ai essayé de calmer E. O. » et j’ai dit « Je le rencontrerais à certaines conditions ».
  • [Traduction] « Je l’ai licencié pour un motif valable, mais cela ne voulait pas dire que je ne pouvais pas changer d’idée si nous réglions les problèmes. » 
  • [Traduction] « Il m’a suivi jusqu’à mon bureau, toujours en vociférant; je me suis énervé et j’ignorais qu’on m’enregistrait. »
  • [Traduction] « Il m’a piégé.  Il savait comment m’importuner. »
  • [Traduction] « Il est parti sans déployer quelque effort que ce soit pour régler le problème. »

[20] Le prestataire a témoigné sur la cessation d’emploi comme suit :

  • Son dernier jour de travail a été le 15 janvier 2018.
  • B. D. était sorti. À son retour, il criait au sujet du processus auquel le prestataire travaillait. Il a demandé à B. D. de mettre fin aux hostilités, mais il ne l’a pas fait. Les choses se sont envenimées, puis B. D. a menacé de retenir les chèques de paye qui étaient censés être remis cette semaine-là.
  • [Traduction] « J’ai dit “j’ai démissionné”, j’ai terminé ce que je faisais et je suis parti. »
  • [Traduction] « J’ai jeté mes ciseaux sur la table devant moi, mais je n’ai jamais menacé B. D. avec les ciseaux. »
  • Son superviseur l’a appelé plus tard et lui a dit : [traduction] « Pourquoi ne venez-vous pas tenter de trouver des solutions avec B. D.? » Il voulait voir s’ils pouvaient régler leurs problèmes. Et il ne voulait pas que les chèques de paye soient retenus.
  • « Je venais de terminer d’obtenir un paquet de chèques en retard et je ne voulais pas recommencer. » 
  • Il est donc retourné le 16 janvier 2018 et a tenté de parler à B. D. Il a attendu B. D. dans l’immeuble et ne savait pas s’il le rencontrerait.
  • L’enregistrement vidéo est complet à partir du moment où B. D. « m’a invité à son bureau ». Il n’a pas informé B. D. de l’enregistrement parce qu’il voulait observer franchement « comment il est vraiment ». 
  • Il a tenté de soulever ses problèmes auprès de B. D., mais B. D. a continué à détourner la discussion. [Traduction] « Il est devenu violent avec moi. »
  • Après avoir remis sa démission, il a quitté l’immeuble. B. D. l’a suivi pendant qu’il s’en allait. Lorsqu’il est arrivé à la porte arrière, B. D. l’a menacé avec [traduction] « une vadrouille industrielle imbibée de diesel ». B. D. [traduction] « m’a poussé avec la vadrouille trempée de gaz provenant de l’appareil de chauffage au diesel ». « Il m’a agressé en sortant. »

[21] Je préfère la preuve mentionnée au paragraphe 12 ci-dessus qui indique que le prestataire a quitté son emploi le 16 janvier 2018. Cette preuve a le plus de poids parce qu’elle est cohérente tant avec le prestataire qu’avec l’employeur et qu’elle est demeurée cohérente à partir du moment de la demande initiale de prestations d’assurance-emploi du prestataire jusqu’au dépôt de l’avis d’appel de l’employeur. Elle concorde également avec la preuve présentée par le prestataire et l’employeur dans la plainte relative aux normes d’emploi déposée par le prestataire le 22 janvier 2018. J’estime que les déclarations faites dans la preuve mentionnée au paragraphe 12 sont plus crédibles parce qu’elles ont été faites spontanément et en grande partie à l’époque de la cessation d’emploi. 

[22] Il convient également de souligner que dans l’enregistrement vidéo de la discussion entre le prestataire et B. D. le 16 janvier 2018, B. D. commence par donner des instructions au prestataire sur ce dont il est responsable et sur ce dont l’employeur est responsable. Il précise en outre ce que le prestataire doit faire lorsqu’on lui confie une tâche, la façon dont le prestataire devrait se présenter à B. D. s’il a une meilleure façon de faire les choses, et ainsi de suite. Ce n’est qu’après que le prestataire a remis sa démission à B. D. et qu’on lui a dit de partir qu’il y a une indication de rupture du lien d’emploi.

[23] J’accorde beaucoup moins de poids à la preuve selon laquelle B. D. a licencié le prestataire. C’est parce que B. D. n’a commencé à faire de telles déclarations qu’environ 12 mois après avoir déposé l’avis d’appel auprès du Tribunal; et parce qu’ils présentent une version très différente des événements qui semble avoir été adaptée pour faire en sorte que le prestataire soit exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi d’une façon ou d’une autre – soit pour avoir quitté son emploi sans motif valable, soit pour avoir été congédié de son emploi en raison de sa propre inconduite. 

[24] Il convient également de souligner que l’enregistrement vidéo de la discussion entre le prestataire et B. D. le 16 janvier 2018 n’appuie aucunement la nouvelle version des événements de B. D. Bien qu’elle ait pu être enregistrée à l’insu de B. D., elle montre néanmoins que le prestataire était calme et respectueux pendant leur interaction, et B. D. était la personne en colère qui a interrompu le prestataire à plusieurs reprises et refusé de discuter de ses préoccupations. 

[25] De plus, je note que, tant dans sa preuve documentaire que dans son témoignage, B. D. a consacré beaucoup de temps et d’efforts à réfuter diverses allégations du prestataire au sujet de la santé de son entreprise, ses relations avec d’autres employés, etc. B. D. a également parlé de ses nombreuses plaintes concernant le retard chronique du prestataire, le non-respect des procédures opérationnelles, le fait de fumer au travail, de manger à son poste de travail, d’un prétendu système de paye, etc. Bien que je reconnaisse que le prestataire n’a peut-être pas été un employé exemplaire, je ne trouve absolument aucune preuve crédible que B. D. se préparait à le licencier, et encore moins que la cessation d’emploi du prestataire était attribuable à son licenciement. 

[26] Je conclus que le prestataire a quitté volontairement son emploi chez X lorsqu’il a pris l’initiative de rompre officiellement le lien d’emploi en remettant sa démission le 16 janvier 2018. 

[27] Il incombe alors à l’appelant (en l’espèce, l’employeur) de prouver que le prestataire avait des solutions de rechange raisonnables autres que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait et qu’il n’a pas cherché à se prévaloir de ces solutions de rechange raisonnables. Si l’employeur établit cette preuve, on ne peut pas dire que le prestataire a quitté son emploi pour un motif valable et qu’il sera exclu du bénéfice des prestations d’AE

Deuxième question en litige : Le prestataire avait-il une autre solution raisonnable que de quitter son emploi?

[28] Le prestataire a fait valoir qu’il a démissionné parce qu’il ne pouvait plus tolérer les mauvais traitements et le harcèlement dont il a été victime de la part de B. D. Après révision, la Commission a accepté les observations du prestataire et a conclu qu’il n’avait d’autre choix que de partir en raison de la violence continue de B. D. dans ses communications verbales et de la menace de ne pas lui verser de rémunération. 

[29] Pour infirmer cette décision, l’employeur doit prouver que le prestataire ne subissait pas de mauvais traitements au point qu’il n’avait d’autre choix raisonnable que de démissionner le 16 janvier 2018. Pour ce faire, l’employeur doit démontrer que le prestataire disposait d’au moins une (1) solution de rechange raisonnable autre que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[30] Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que l’employeur ne l’a pas fait. 

[31] Neuf minutes après le début de l’enregistrement vidéo, le prestataire dit à B. D. : [Traduction] « Hier soir, vous avez dit que vous alliez retenir les chèques de paye de tous pendant 3 semaines. » B. D. répond : [Traduction] « Oui, je le ferai. » Lorsque le prestataire lui dit que c’est « illégal », B. D. répond qu’il s’en moque et déclare : [Traduction] « J’ai modifié le calendrier de paiement en raison d’une productivité déficiente. » B. D. poursuit en indiquant que personne ne lui dira quand les chèques de paye doivent être émis, et certainement pas le prestataire ou la Commission des relations de travail.

[32] La vidéo représente une preuve claire et concluante que B. D. a effectivement menacé de retenir les chèques de paye des employés le 15 janvier 2018 et qu’il l’a fait parce que le prestataire lui aurait « répliqué ». En effet, la vidéo montre B. D. lui-même qui confirme la menace lors de sa conversation avec le prestataire le 16 janvier 2018.  B. D. n’a jamais nié avoir menacé de retenir les chèques de paye lors de son témoignage à l’audience. Il a simplement dit qu’il avait été « piégé » du fait de l’enregistrement secret. 

[33] Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que le prestataire continue d’occuper un poste dont le salaire est menacé d’être retenu au gré de l’employeur. C’est particulièrement vrai lorsqu’il y a eu des irrégularités dans l’émission des chèques de paye avant la menace, comme le démontre le témoignage du prestataire aux pièces GD3-37 à GD3-49, selon lequel il a reçu 8 semaines de paye dans une période de 24 jours entre le 9 décembre 2017 et le 12 janvier 2019.  Aucune des diverses explications fournies par B. D. pour justifier son retard de paiement – qu’il s’agisse d’un changement de banque, d’un pépin d’ordinateur ou d’une inondation au bureau – ne peut justifier le fait qu’il était prêt à ne pas payer le prestataire en raison d’un préjudice personnel apparent. Il est donc plus probable qu’improbable que le prestataire ait fait face à une véritable incertitude quant au versement à temps – ou au simple versement – de sa rémunération lorsqu’il a démissionné. 

[34] Je ne peux donc pas accepter qu’une solution de rechange raisonnable ait été que le prestataire continue à travailler chez X pendant que l’employeur menaçait de retenir son salaire ou persistait à verser le salaire en retard. De plus, il est évident et manifeste, d’après l’enregistrement vidéo, qu’il n’aurait pas été raisonnable pour le prestataire d’essayer de résoudre le problème avec B. D. qui, de toute évidence, ne s’intéressait aucunement aux propos du prestataire. 

[35] Le langage et le comportement de B. D. tout au long de l’enregistrement vidéo ont amplement démontré l’hostilité et la violence dont il était capable à l’endroit du prestataire. Ils correspondent également à ce que le prestataire a décrit à plusieurs reprises à la Commission et à l’audience comme le comportement courant de B. D. Je reconnais que le prestataire a admis avoir élevé la voix et juré contre B. D. en réponse à des cris et jurons contre lui (voir GD3-31). Cela est corroboré par la preuve présentée par le superviseur du prestataire dans la plainte relative aux normes d’emploi, qui indiquait que les deux parties juraient souvent l’une envers l’autre et que ce comportement n’avait jamais été unilatéral (GD15-4). Je conviens avec la Commission que ceci démontre que la relation entre le prestataire et B. D. s’est dégradée à tout jamais. Toutefois, la transformation des arguments en cris et jurons mutuels ne change rien au caractère intimidant, offensant, dégradant et humiliant de la façon dont B. D. parlait au prestataire. Cela ne modifie pas non plus le fait que B. D. a parlé au prestataire de cette façon tout en menaçant de ne pas lui verser sa rémunération, ce qui illustre de manière flagrante le recours au pouvoir par l’agression, qui s’appelle aussi intimidation. 

[36] Je ne peux donc pas accepter qu’il ait été raisonnable que le prestataire continue de travailler pour un employeur qui a communiqué avec lui de façon aussi abusive. En outre, comme il a été mentionné précédemment, il est évident et manifeste, à partir de l’enregistrement vidéo, qu’il n’aurait pas été raisonnable pour le prestataire de tenter de régler ce problème avec B. D. 

[37] J’estime que le prestataire a été victime de harcèlement et d’abus sous forme de communications verbales avec B. D. et de menaces de ne pas lui verser sa rémunération. J’estime en outre que cela a rendu le milieu de travail tout à fait intolérable pour le prestataire et qu’il n’avait d’autre choix raisonnable que de démissionner le 16 janvier 2018. Par conséquent, le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[38] Le Tribunal conclut que l’employeur de l’appelant n’a pas prouvé que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi chez X le 16 janvier 2018.

[39] Le Tribunal conclut donc que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’AE

[40] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 8 janvier 2018

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

J. D., appelante
P. S., pour l’appelante
Jean-François Cham, pour l’intimé

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