Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Au début de 2019, Mme Sennikova a été impliquée dans un accident de la route qui l’a empêchée de reprendre le travail. Elle a demandé et reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi. À peu près au même moment, elle a demandé à sa compagnie d’assurance une indemnisation pour les accidents de la route. Elle a touché 400 $ en indemnités hebdomadaires de remplacement du revenu. La Commission a établi que les indemnités constituaient une rémunération au sens de l’article 35(2)(d) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) et qu’il fallait les déduire des prestations d’assurance-emploi de Mme Sennikova. Cela a entraîné un trop-payé (prestations d’assurance-emploi versées en trop) de 2 440 $. Après avoir révisé le dossier, la Commission a maintenu sa décision.

Mme Sennikova a fai appel de la décision de révision devant la division générale. Elle avançait que la Commission avait fait une erreur lorsqu’elle avait traité ses indemnités de remplacement du revenu comme une rémunération et décidé qu’elles étaient versées sous le régime d’une loi provinciale. Elle a ajouté que les prestations de remplacement du revenu offertes par les compagnies d’assurance commerciales n’étaient pas visées par l’article 35(2)(d) du Règlement sur l’AE.

La division générale était d’accord avec la Commission. Elle a rejeté l’appel après avoir tiré les conclusions suivantes : 1) les indemnités de remplacement du revenu versées à Mme Sennikova au titre de son régime d’assurance-automobile étaient offertes sous le régime de la loi provinciale parce qu’elles étaient autorisées et réglementées par la Loi sur les assurances et l’Annexe sur les indemnités d’accident légales, 2) les indemnités de remplacement du revenu ont été versées pour compenser la perte de revenu d’emploi de Mme Sennikova et 3) la compagnie d’assurance n’a pas réduit le montant des indemnités de remplacement du revenu pour refléter le montant des prestations d’assurance-emploi.

Mme Sennikova a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Celle-ci a refusé la permission, car l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. Mme Sennikova a ensuite demandé à la Cour fédérale de réviser la décision de la division d’appel. Dans la décision Sennikova c Canada (Procureur général), 2021 CF 982, la Cour fédérale a rejeté la demande. Elle a conclu que la division d’appel avait tiré une conclusion raisonnable lorsqu’elle avait décidé qu’aucun des motifs invoqués par Mme Sennikova n’avait une chance raisonnable de succès. Par la suite, Mme Sennikova a fait appel de la décision de la Cour fédérale devant la Cour d’appel fédérale. Celle-ci a conclu qu’en rejetant la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, la Cour fédérale avait bien choisi la norme de la décision raisonnable et qu’elle n’avait pas fait d’erreur en décidant que la décision de la division d’appel était raisonnable. L’appel a été rejeté

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. Les sommes que la prestataire a reçues constituent une rémunération. Elles ont été correctement réparties et déduites de ses prestations.

Aperçu

[2] La prestataire a subi des blessures lors d’un accident de voiture et a touché des prestations d’assurance-emploi (AE). La prestataire a dit à la Commission de l’assurance-emploi du Canada que lorsqu’elle touchait des prestations d’AE, elle recevait également des indemnités de son régime d’assurance-automobile. La Commission a établi que ces paiements constituaient une rémunération et a réparti et déduit la moitié de ces sommes des prestations d’AE de la prestataire. La prestataire a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[3] Dans son avis d’appel, la prestataire a demandé à ce que l’audience se tienne par vidéoconférence. L’audience a eu lieu le 28 octobre 2019. Toutefois, pendant l’audience, j’ai remarqué que la prestataire ne se sentait pas bien puisqu’elle devait constamment se lever. Son représentant a confirmé qu’elle ne pouvait pas rester assise pendant de longues périodes. Ainsi, j’ai ajourné l’audience et nous nous sommes entendus pour tenir une audience par téléconférence le 1er novembre 2019.

Questions en litige

[4] La question que je dois trancher dans cette affaire est celle de savoir si les paiements reçus par la prestataire constituaient une rémunération. Les questions sur lesquelles je dois me pencher sont les suivantes :

  1. La prestataire a-t-elle reçu une rémunération? Si oui, comment doit-elle être répartie?
  2. S’il s’agit d’une rémunération, la Commission avait-elle raison de déduire 50 % de cette rémunération des prestations de la prestataire?

Analyse

[5] La prestataire vit en Ontario, où elle a subi un accident de voiture le 5 février 2019. Après son accident, elle a demandé des indemnités de son régime d’assurance-automobile. Elle a touché des indemnités de remplacement du revenu à hauteur de 400 $ par semaine à partir du 13 février 2019. La Commission soutient que ces indemnités de remplacement du revenu constituaient une rémunération. La prestataire reconnaît qu’elle a reçu des indemnités de remplacement du revenu, mais conteste qu’il s’agissait d’une rémunération.

a) La prestataire a-t-elle reçu une rémunération? Si oui, comment doit-elle être répartie?

[6] Les indemnités reçues par la prestataire de son régime d’assurance-automobile constituent une rémunération si elles répondent à trois conditions Note de bas de page 1:

  • elles lui sont payées dans le cadre d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale;
  • elles lui sont payées pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi;
  • l’assureur n’a pas pris en compte les prestations d’assurance-emploi dans l’établissement du montant des paiements.

Les paiements sont-ils versés dans le cadre d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale?

[7] Oui, les paiements sont versés à la prestataire dans le cadre d’un régime d’assurance automobile prévu par une loi provinciale. La preuve qui suit en fait foi.

[8] La prestataire soutient qu’en Ontario, l’assurance-automobile n’est pas fournie au titre d’une loi provinciale. Elle affirme que contrairement au Québec, le gouvernement de l’Ontario n’administre pas le régime d’assurance-automobile. Ce n’est pas vrai, puisque la jurisprudence a établi que les résidents de l’Ontario étaient assujettis aux règlements relatifs aux indemnités d’assurance-automobile de la province et que les paiements reçus dans le cadre d’un régime d’assurance-automobile constituaient une rémunérationNote de bas de page 2.

[9] La prestataire affirme que le gouvernement de l’Ontario ne lui a pas directement versé des indemnités de remplacement du revenu. C’est son assureur privé qui lui a versé les paiements et donc, à son avis, les sommes reçues ne constituaient pas une rémunération. Je ne suis pas d’accord, puisque la forme de l’intervention du gouvernement n’a pas d’importance. Tant et aussi longtemps qu’un paiement est versé à une partie prestataire dans le cadre d’un régime d’assurance-automobile régi par le gouvernement provincial qui compense la perte de revenus par des indemnités, ces indemnités sont considérées comme étant une rémunérationNote de bas de page 3.

[10] De plus, la prestataire a fourni une copie de sa police d’assurance, qui fait référence à la Loi sur les assurances, une loi de l’Ontario. La police d’assurance de la prestataire contient une mise en garde concernant les infractions à la Loi sur les assurances. La police indique aussi que des détails plus précis sur la police sont disponibles sur le site Web de la Commission des services financiers de l’Ontario, un organisme du gouvernement de l’Ontario.

[11] La prestataire a également fourni une copie d’un règlement de l’Ontario intitulé Annexe sur les indemnités d’accident légales (Règlement de l’Ontario 34/10). Ce règlement est également cité dans la police d’assurance de la prestataire et explique comment est effectué le calcul de ses indemnités hebdomadaires de remplacement de revenu dans le cadre d’une demande. De plus, le règlement précise les indemnités que chaque assureur doit offrir dans chacun de leurs contratsNote de bas de page 4. La prestataire a par ailleurs confirmé que selon la Loi sur les assurances, son assureur avait l’obligation de lui payer un minimum de 400 $ en indemnités de remplacement du revenu.

[12] Aussi, selon la Loi sur les assurances, si la prestataire est en désaccord avec le montant payé par son assureur, elle peut déposer une requête auprès du Service d’aide relative aux indemnités d’accident automobile du Tribunal d’appel en matière de permisNote de bas de page 5. Il s’agit à mon avis d’un autre service fourni par le gouvernement de l’Ontario.

[13] Pour ces motifs, je conclus que les paiements hebdomadaires sont versés à la prestataire dans le cadre d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale.

Les paiements ont-ils été versés pour compenser la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi?

[14] La prestataire reconnaît que la somme hebdomadaire de 400 $ lui était payée pour compenser la perte de revenus de son ancien emploi. Par ailleurs, l’assureur décrit l’indemnité hebdomadaire de 400 $ comme étant un remplacement de revenu. Elle a été calculée en fonction du revenu annuel de la prestataire au cours des 52 semaines précédant son accident. Ainsi, je conclus que l’indemnité hebdomadaire de 400 $ était payée à la prestataire pour compenser la perte réelle ou présumée de son revenu d’emploi.

L’assureur a-t-il pris en compte les prestations d’assurance-emploi dans l’établissement du montant des paiements?

[15] La jurisprudence indique que les paiements hebdomadaires du régime d’assurance « sans égard à la faute » de l’Ontario sont considérés comme étant une rémunération tant et aussi longtemps que le régime ne prend pas en considération les prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6. Comme le montre un document servant à calculer le montant des indemnités, l’assureur n’a pas pris en considération les prestations d’assurance-emploi lorsqu’il a établi que la prestataire était admissible à 400 $ d’indemnités hebdomadaires.

[16] Pour ces motifs, je conclus que la somme hebdomadaire de 400 $ que la prestataire touchait de son régime d’assurance-automobile était une rémunération. C’est parce que cette somme était versée dans le cadre d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale à titre d’indemnité pour la perte réelle ou présumée de revenus d’emploi et que l’assureur n’a pas pris en considération les prestations d’assurance-maladie en calculant la somme qu’il devait verser à la prestataire.

[17] Selon la loi, toute rémunération doit être répartieNote de bas de page 7. Comment la rémunération de la prestataire doit-elle être répartie?

[18] La prestataire ne conteste pas la répartition de la somme hebdomadaire de 400 $ s’il s’agissait effectivement d’une rémunération ni la façon dont la Commission a déduit cette rémunération de ses prestations.

[19] La rémunération de la prestataire provient de paiements qui lui ont été versés dans le cadre d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale pour l’indemniser pour la perte réelle ou présumée de revenus d’emploi. Ainsi, cette rémunération a été répartie aux semaines pour lesquelles elle a été payée ou elle était payableNote de bas de page 8.

[20] La prestataire ne conteste pas le fait que ses paiements hebdomadaires de 400 $ de l’assureur ont commencé le 13 février 2019. Il n’y a eu que trois jours de paiements pour cette semaine. Ainsi, je conclus que la Commission a correctement réparti la somme de 80 $ par jour, pour trois jours, soit 240 $, du 13 au 15 février 2019. La Commission a aussi correctement réparti 400 $ par semaine à partir du 17 février 2019, jusqu’à la fin de sa période de prestationsNote de bas de page 9.

b) S’il s’agit d’une rémunération, la Commission avait-elle raison de déduire 50 % de cette rémunération des prestations de la prestataire?

[21] Je conclus que la Commission a, à juste titre, déduit 50 % de la rémunération, soit 200 $ par semaine, des prestations de la prestataire.

[22] Lorsqu’une partie prestataire reçoit une rémunération pendant sa période de prestations, cette rémunération doit être déduite des prestations payablesNote de bas de page 10. Toutefois, une partie prestataire qui reçoit une rémunération pendant une semaine de chômage peut aussi toucher 50 % des prestations d’assurance-emploi si cette rémunération est équivalente ou inférieure à 90 % de la rémunération hebdomadaire assurable utilisée pour établir son taux de prestationsNote de bas de page 11. En l’espèce, la rémunération hebdomadaire assurable de la prestataire était de 905 $Note de bas de page 12, soit moins que les 400 $ de rémunération hebdomadaire qu’elle recevait de son assureur. Cela signifie que la Commission a correctement déduit 50 % (ou 200 $) de cette rémunération des prestations de la prestataire.

[23] Pour ces motifs, les paiements que la prestataire a reçus constituent une rémunération qui doit être répartie. La moitié de la rémunération de la prestataire doit être déduite des prestations qui lui ont été payées.

Conclusion

[24] Je rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Le 1er novembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

A. S., prestataire

N. S., représentant de la prestataire

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