Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, S. M. (le prestataire), interjette appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Plus particulièrement, elle a conclu que le prestataire avait omis d’informer son employeur qu’il serait absent du travail dans un cas, et qu’il arriverait en retard dans les autres cas. Cela est survenu après que l’employeur ait averti le prestataire de l’importance de la ponctualité au travail. La division générale a conclu que le prestataire avait enfreint sa condition d’emploi en manquant de ponctualité au travail. Cela a mené à son congédiement.

[3] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété ou négligé une partie de la preuve. Il prétend que l’employeur a utilisé le manque de ponctualité du prestataire et son absence du travail comme prétexte pour le congédier. De cette façon, il pourrait aussi éviter de lui donner un préavis ou de lui verser une indemnité de départ. Le prestataire soutient que son employeur l’a effectivement congédié en raison d’une pénurie de travail.

[4] Pour les motifs qui suivent, je rejette l’appel.

Questions en litige

[5] Je suis saisie des questions en litige suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas de pénurie de travail?
  2. Quelle était la véritable raison du congédiement du prestataire?

Contexte factuel

[6] Le prestataire venait tout juste de terminer ses études collégiales en conception graphique lorsqu’au printemps 2018, il a trouvé du travail dans une imprimerie.

[7] Le prestataire était heureux d’exercer le métier de graphiste. Il trouvait le travail intéressant et entretenait une bonne relation avec son gestionnaire. Six mois après son embauche, le prestataire a reçu des commentaires ainsi qu’une appréciation du rendement favorables de son employeur. Cela a même mené à une augmentation de salaire.

[8] À l’automne 2018, le gestionnaire du prestataire a informé tout le personnel qu’il allait embaucher une de ses amies. Il avait travaillé avec cette amie il y a 10 ans, dans une autre imprimerie. Le gestionnaire créerait un poste [traduction] « pour rendre service » à son amie. Le gestionnaire n’a précisé ni le poste, ni les tâches qui seraient confiés à son amie.

[9] Peu de temps après que la nouvelle employée se soit jointe à l’entreprise, le prestataire a commencé à soupçonner que son gestionnaire avait l’intention de l’évincer de son poste parce qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour le prestataire et l’amie du gestionnaire. L’ambiance de travail avait changé. La nouvelle employée occupait également le poste de spécialiste en conception graphique. En effet, elle est devenue la conceptrice principale.Note de bas page 1 Le prestataire a perdu son espace de travail au profit de cette nouvelle employée. Pire encore, il a également perdu sa principale fonction au profit de la nouvelle employée. Le gestionnaire a relégué le prestataire à des tâches subalternes, notamment le classement.

[10] Le prestataire prétend que les changements survenus dans son milieu de travail l’ont démotivé et ont probablement affecté sa ponctualité. Il a commencé à arriver en retard au travail.Note de bas page 2 Toutefois, la division générale ne disposait d’aucun élément de preuve à l’appui de ces allégations.

[11] En novembre 2018, le gestionnaire a remis au prestataire un [traduction] « avis de guidance ». On y indiquait que l’on s’attendait à ce que le prestataire arrive au travail à l’heure. Tout retard devait en outre faire l’objet d’un préavis de 24 heures. Le gestionnaire se pencherait sur cette question. Si le prestataire n’était pas en mesure de corriger son comportement, [traduction] « cela entraînerait d’autres conséquences pouvant aller jusqu’au congédiement ».Note de bas page 3 Le prestataire et son gestionnaire ont tous deux signé cet avis le 21 novembre 2018.

[12] En février 2019, l’employeur a averti le prestataire du fait qu’il arrivait régulièrement en retard. Le prestataire a signé [traduction] l’« avis d’actions correctives de l’employeur ».Note de bas page 4 L’avis se lit comme suit :

[traduction]

Le présent avis constitue un dernier avertissement. Il est important que vous sachiez que d’autres incidents de cette nature constitueront des manquements graves et entraîneront d’autres actions correctives pouvant aller jusqu’au congédiement. […] 

[13] Le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 18 mars 2019 pour cause de maladie. Il est arrivé au travail en retard les 19 et 20 mars 2019, après quoi son employeur l’a congédié.

Analyse

[14] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en concluant :

  1. que l’employeur ignorait que le prestataire était absent le 18 mars 2019 pour cause de maladie;
  2. que l’employeur a congédié le prestataire en raison de son mauvais rendement et de son manque de ponctualité régulier;
  3. qu’il n’y avait pas de pénurie de travail.

[15] J’ai abordé ces arguments dans ma décision relative à la permission d’en appeler. Je n’ai trouvé aucun motif défendable découlant des deux premiers arguments.

[16] Dans ma décision relative à la permission d’en appeler, j’ai souligné que le commissaire de la division générale avait étudié les éléments de preuve concernant l’absence du prestataire le 18 mars 2019.

[17] Il y avait des éléments de preuve contradictoires quant à savoir si le prestataire a communiqué avec son employeur le 18 mars 2019. Le prestataire allègue qu’il a appelé son gestionnaire pour lui faire savoir qu’il était malade et qu’il serait absent du travail. L’employeur a nié cette allégation.

[18] Le membre de la division générale a donné préséance à l’élément de preuve de l’employeur selon lequel celui‑ci ignorait que le prestataire était malade. Après avoir évalué et soupesé la preuve, la division générale avait le droit de tirer des conclusions fondées sur cet élément de preuve.

[19] La division générale a écrit qu’elle se pencherait sur la question de savoir si l’employeur avait congédié le prestataire en raison d’un manque de ponctualité régulier et d’un mauvais rendement.Note de bas page 5 Toutefois, la division générale n’a pas tiré de conclusions quant à savoir si l’employeur avait congédié le prestataire en raison d’un mauvais rendement.

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a constaté qu’il n’y avait pas de pénurie de travail?

[20] La division générale s’est également penchée sur la question de savoir s’il y avait une pénurie de travail. Elle a constaté qu’il n’y en avait pas. La division générale a conclu que le prestataire n’avait produit aucun élément de preuve, notamment des pièces attestant de mises à pied ou de congédiements récents, pour appuyer son argument selon lequel il y avait pénurie de travail. Au paragraphe 12, la division générale écrit ceci : [traduction] « En fait, les déclarations qu’il a faites à la Commission [de l’assurance-emploi du Canada] selon lesquelles un troisième graphiste avait été embauché indiquent que l’entreprise avait un surcroit et non pas une pénurie de travail. »

[21] Toutefois, la conclusion du membre de la division générale au sujet de la disponibilité de travail ne tient pas compte de la séquence des événements ou, à tout le moins, ignore l’argument du prestataire. Le prestataire a fait valoir qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour que l’entreprise conserve trois graphistes au printemps 2019. L’employeur a donc congédié le prestataire, ne conservant que deux graphistes à son emploi. Il semblerait que l’employeur n’ait pas remplacé le prestataire après le congédiement. Le prestataire soutient que cela prouve que la quantité de travail n’était pas suffisante pour occuper trois graphistes. Par conséquent, l’entreprise s’est retrouvée avec le même nombre de graphistes qu’à l’origine.

[22] Il se peut qu’il y ait eu amplement de travail pour occuper trois graphistes lorsque l’employeur a embauché l’amie du gestionnaire à l’automne 2018. Toutefois, lorsque l’employeur a congédié le prestataire en mars 2019, il est évident que soit qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour occuper trois graphistes à long terme, soit qu’il y a tout simplement eu moins de travail au fil du temps.

[23] Selon la preuve, le poste du prestataire est demeuré vacant après son congédiement par l’employeur. L’employeur n’a pas annoncé la vacance du poste et ne l’a pas doté par la suite. Aucune preuve du contraire n’existe, hormis les affirmations de l’employeur selon lesquelles il n’y avait [traduction] « certainement pas de pénurie de travail ».Note de bas page 6

[24] La preuve laissait également entendre que l’employeur devait savoir qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour occuper trois graphistes et qu’il lui faudrait réduire les effectifs. D’une part, une grande partie du travail de conception graphique a été confiée à l’amie du gestionnaire, ce qui a fait en sorte que le prestataire en était réduit à effectuer des tâches subalternesNote de bas page 7 qui ne figuraient pas dans sa description de poste. D’autre part, le prestataire s’est retrouvé sans bureau ni fauteuil. Il a perdu son espace de travail au profit de l’amie du gestionnaireNote de bas page 8 et on lui a retiré son bureau. Il a été contraint de prendre place sur un tabouret situé devant deux écrans qui actionnaient les imprimantes.

[25] J’estime que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’il ne pouvait pas y avoir pénurie de travail étant donné que l’entreprise avait embauché un troisième graphiste. Cette conclusion est incompatible avec la séquence des événements et avec la preuve. L’entreprise a embauché un troisième graphiste, mais cela s’est produit plusieurs mois avant le congédiement du prestataire. Entre le moment où l’entreprise a embauché la nouvelle employée et le congédiement du prestataire, le prestataire a perdu toute affectation de travail aux mains de la nouvelle employée. Après le congédiement du prestataire, l’entreprise s’est retrouvée avec deux graphistes. L’entreprise a laissé le poste du prestataire vacant.

[26] Cet élément de preuve ne démontre pas qu’au moment où le prestataire a quitté l’entreprise, il y avait suffisamment de travail pour trois graphistes. S’il y avait eu suffisamment de travail pour trois graphistes, il est probable que le prestataire aurait continué à faire du travail de conception graphique au lieu d’être relégué à d’autres tâches. De plus, s’il y avait eu du travail pour trois graphistes, il est probable que l’entreprise aurait remplacé le prestataire après son congédiement.

Quelle était la véritable raison du congédiement du prestataire?

[27] Le prestataire fait valoir que la véritable raison de son congédiement par son employeur était qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour trois graphistes plutôt qu’en raison de son inconduite.

[28] Pourtant, le prestataire a continué de travailler pour cette entreprise pendant plusieurs mois, même après l’embauche de la nouvelle employée. Même si l’employeur a pu être motivé de congédier le prestataire en raison d’une pénurie de travail, il a tout de même continué d’employer le prestataire, même s’il a dû lui confier d’autres tâches.

[29] Ce n’est qu’après s’être présenté au travail en retard pendant trois jours consécutifs que l’employeur a congédié le prestataire.

[30] L’employeur n’a pas expliqué pourquoi il avait congédié le prestataire dans sa lettre de congédiement.Note de bas page 9 Lorsque l’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission), a communiqué avec l’employeur en mai 2019, l’employeur a précisé qu’il avait congédié le prestataire en raison de ses [traduction] « retards »Note de bas page 10 et de son [traduction] « manque de ponctualité régulier ».Note de bas page 11

[31] Le prestataire a reconnu qu’il s’était présenté en retard au travail au cours de sa dernière semaine de travail, mais il précise qu’il avait été très malade et qu’il avait dû consulter du personnel médical.Note de bas page 12 Le prestataire s’est dit étonné que l’employeur l’ait congédié.

[32] Le prestataire n’aurait pas dû être étonné lorsque son employeur l’a congédié, compte tenu des avertissements qu’il avait déjà reçus.

[33] L’avis d’actions correctives daté du 11 février 2019 attestait que l’employeur avait consigné le problème de manque de ponctualité du prestataire dans les appréciations du rendement du 21 mai 2018 et du 8 octobre 2018. En novembre 2018, le prestataire a signé un avis de guidance sur les pratiques exemplaires. Son employeur l’a averti que si sa ponctualité ne s’améliorait pas, il pourrait y avoir [traduction] « d’autres conséquences pouvant aller jusqu’au congédiement ».Note de bas page 13 L’employeur a également souligné qu’il avait averti verbalement le prestataire le 3 décembre 2018 en raison de son manque de ponctualité.

[34] Enfin, dans l’avis d’actions correctives, l’employeur a souligné que les retards continus du prestataire étaient inadmissibles.Note de bas page 14 Il a souligné que [traduction] « l’une des conditions de votre emploi requiert ponctualité, régularité et fiabilité au travail ». L’employeur a prévenu le prestataire que d’autres incidents entraîneraient la prise d’autres mesures correctives pouvant aller jusqu’au congédiement. Il s’agissait du [traduction] « dernier avertissement écrit ».

[35] La division générale a souligné ces éléments de preuve. Elle a souligné que l’avertissement de février 2019 indiquait que le prestataire s’était présenté en retard au travail 17 jours sur 28 en 2019. Cela représentait 60 % des quarts de travail prévus pour le prestataire. Ce jour‑là, le prestataire était arrivé au travail avec 45 minutes de retard.

[36] De toute évidence, il y avait un lien de cause à effet entre le fait que le prestataire s’était présenté en retard au travail les 19 et 20 mars 2019 et son congédiement le 21 mars 2019. L’employeur a congédié le prestataire de son emploi en raison de son manque de ponctualité régulier, et non en raison d’une pénurie de travail.

[37] La division générale a souligné que [traduction] « suite à son inconduite, le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ».Note de bas page 15 La division générale a correctement désigné le critère applicable à l’inconduite. Elle a ensuite appliqué les faits au droit.

[38] La division générale a souligné que les conditions d’emploi du prestataire requéraient qu’il soit ponctuel au travail. L’employeur a estimé que le manque de ponctualité régulier du prestataire constituait un manquement grave à ses conditions d’emploi et constituait une inconduite. On avait transmis au prestataire un avis d’actions correctives, un avertissement verbal et un dernier avertissement écrit. Dès lors, le prestataire savait que des retards persistants pouvaient mener au congédiement.

[39] Les conclusions de la division générale concordaient avec les éléments de preuve. Je conclus que la division générale a correctement appliqué les faits au droit. La division générale s’est penchée sur la question de savoir si la conduite du prestataire, à savoir son manque de ponctualité régulier, constituait une inconduite.

[40] Dans une certaine mesure, le prestataire fait valoir que je devrais évaluer de nouveau la preuve pour en arriver à une issue différente. Toutefois, je ne dispose pas du pouvoir de procéder à une nouvelle évaluation.Note de bas page 16

Conclusion

[41] Bien que la division générale ait commis une erreur lorsqu’elle a conclu à l’absence de pénurie de travail, je rejette l’appel. Ce n’est pas une pénurie de travail qui explique le congédiement du prestataire. La division générale a conclu qu’en fin de compte, l’employeur du prestataire a congédié le prestataire en raison de son manque de ponctualité régulier. Le manque de ponctualité régulier du prestataire contrevenait aux conditions d’emploi de l’employeur et constituait une inconduite. Le prestataire savait que tout retard supplémentaire pouvait entraîner son congédiement.

[42] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 21 novembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Donna McMahon, représentante de l’appelant
J. Lachance, représentant de l’intimée

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