Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La demande de révision présentée par le prestataire n’est pas en retard. La Commission doit réviser sa décision du 29 novembre 2016.

Aperçu

[2] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 10 novembre 2015. Le 29 novembre 2016, la Commission a décidé que le prestataire avait fait deux fausses déclarations en toute connaissance de cause, car il avait omis de déclarer la rémunération versée par son employeur, X, pour les semaines du 13 mars 2016, du 20 mars 2016 et du 27 mars 2016. La Commission a réparti cette rémunération, ce qui a généré un trop-payé. Elle a aussi infligé une pénalité de 2 358 $ et produit un avis de violationNote de bas de page 1. Le 6 mars 2018, le prestataire a demandé à la Commission de réviser ses décisions. La Commission a décidé que la demande de révision du prestataire était en retard et elle a refusé de lui accorder plus de temps. Le prestataire a fait appel au Tribunal pour contester le refus de la Commission de lui accorder une prolongation du délai. Le prestataire affirme ne pas se souvenir s’il a reçu la lettre de décision du 29 novembre 2016 ou un appel téléphonique de la Commission au sujet de la lettre. Il dit qu’il travaille à Fort McMurray, mais qu’il vit à Edmonton depuis sept ans. Son horaire change constamment et il fait des allers-retours entre les deux villes. À l’époque de la lettre, il vivait avec son ex-épouse et leur relation n’allait pas bien. Il arrivait parfois qu’il ne reçoive pas tout son courrier ou que son courrier soit égaré.

[3] J’accueille l’appel. La Commission n’a pas démontré que la décision rendue le 29 novembre 2016 a été communiquée au prestataire avant qu’il ne reçoive la lettre dans le dossier du Tribunal. Par conséquent, il n’a pas déposé sa demande de révision en retard.

Questions préliminaires

[4] La division générale du Tribunal a tranché le présent appel le 7 novembre 2018 en l’absence du prestataire. Le 31 juillet 2019, la division d’appel du Tribunal a décidé qu’il fallait renvoyer l’appel à la division générale du Tribunal pour instruire l’affaire de nouveau puisque l’appelant n’avait pas reçu l’avis d’audience ni eu toutes les chances de présenter ses arguments. La présente décision résulte de la nouvelle instruction de l’appel du prestataire.

[5] Le prestataire a cinq appels devant le Tribunal, soit les dossiers GE-19-2868, GE-19-2869, GE-19-2870, GE-19-2871 et GE-19-2872. Une conférence préparatoire a eu lieu le 23 septembre 2019 pour clarifier les questions faisant l’objet d’un appel et planifier l’audience. Le prestataire a dit préférer que tous ses appels soient instruits ensemble. Comme je n’ai vu aucune possibilité de porter préjudice aux parties si ces affaires allaient de l’avant ensemble, les appels ont été instruits ensemble. Tous les appels, à l’exception du dossier GE-19-2872, portent sur les décisions de la Commission de rejeter la demande du prestataire de prolonger le délai permettant d’obtenir une révision. Toutefois, comme les quatre appels portent sur différentes décisions initiales qui font l’objet d’une demande de révision, une décision distincte sera rendue dans chaque appel. Le dossier du Tribunal GE-19-2872 porte sur une autre question, donc une décision distincte sera également rendue dans cet appel-là.

Questions en litige

[6] Je dois décider si le prestataire a présenté sa demande de révision en retard. Si sa demande est en retard, je dois alors décider si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement quand elle a refusé de prolonger le délai. Je peux modifier la décision seulement si c’est le cas [sic]. Si la Commission a bel et bien exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée, je dois alors décider s’il est possible d’accorder une prolongation au prestataire, en tenant compte du critère énoncé dans la loi pour accorder une prolongationNote de bas de page 2.

Analyse

[7] Les prestataires ont 30 jours à compter de la date à laquelle la Commission leur communique sa décision initiale pour lui demander de réviser la décisionNote de bas de page 3. Si les prestataires ne font pas une telle demande dans un délai de 30 jours, la Commission peut leur donner plus de temps si elle est convaincue que les conditions suivantes sont remplies : il existe une explication raisonnable justifiant la demande de prolongation du délai et les prestataires ont démontré l’intention constante de demander la révisionNote de bas de page 4.

[8] Lorsque la demande de révision est présentée plus de 365 jours après la date à laquelle la Commission a communiqué sa décision aux prestataires ou si les prestataires ont présenté une autre demande de prestations après la communication de la décision, deux autres conditions doivent être remplies : la Commission doit être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice et ne porte préjudice à aucune autre partieNote de bas de page 5.

[9] Il incombe au prestataire de prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il satisfait à toutes les exigences relatives à l’obtention d’un délai supplémentaire.

[10] La décision de la Commission sur la prolongation du délai est discrétionnaireNote de bas de page 6. Ainsi, je peux modifier la décision seulement si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Agir de façon judiciaire signifie que la Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents, a écarté les facteurs non pertinents, a agi de bonne foi et n’a pas agi de façon discriminatoire lorsqu’elle a rendu sa décisionNote de bas de page 7.

[11] Si la Commission a agi de façon judiciaire, je ne peux pas modifier sa décision de refuser au prestataire une prolongation du délai pour la présentation d’une demande de révision. Au contraire, si je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire, je peux alors assumer le rôle de la Commission et décider si le prestataire a rempli les critères de prolongation du délai.

Le prestataire a-t-il déposé sa demande de révision en retard?

[12] Non. La Commission n’a pas démontré que la lettre de décision du 29 novembre 2016 a été communiquée au prestataire avant qu’il reçoive le dossier du Tribunal contenant la décision. Il a déposé sa demande de révision avant d’avoir reçu la décision. Par conséquent, je conclus que la demande de révision n’a pas été déposée en retard.

[13] Il faut présenter la demande de révision d’une décision à la Commission dans les 30 jours suivant la communication de la décision aux prestatairesNote de bas de page 8. La responsabilité d’informer les prestataires des décisions relatives à leur demande de prestations d’assurance-emploi et de leurs conséquences incombe à la Commission. La Commission a la responsabilité de prouver que la décision a été communiquée aux prestatairesNote de bas de page 9.

[14] La décision est communiquée lorsque le destinataire a été informé du contenu de la décision et de ses conséquences. Il se peut que des renseignements ambigus ne constituent pas une communicationNote de bas de page 10. La Commission n’est pas tenue d’informer les prestataires de leur droit d’appel pour s’acquitter de son obligation de leur communiquer la nature et l’effet de ses décisionsNote de bas de page 11.

[15] Dans des circonstances normales, la Commission peut s’acquitter de sa responsabilité de prouver que la décision a été communiquée en montrant que la lettre a été envoyée aux prestataires par la poste à l’adresse à laquelle la correspondance antérieure a été livrée. Toutefois, si les prestataires nient avoir reçu la décision, il faut examiner les circonstances pour vérifier si l’allégation de non-réception est crédible. Si oui, la preuve de la communication n’a pas été établieNote de bas de page 12.

[16] Je dois d’abord décider si la Commission a démontré avoir communiqué au prestataire le contenu et les conséquences de la lettre de décision datée du 29 novembre 2016 et si elle a prouvé le moment où elle l’a fait.

[17] La Commission a envoyé la lettre de décision initiale au prestataire le 29 novembre 2016Note de bas de page 13. Un avis de dette daté du 26 novembre 2016, qui mentionne un trop-payé de 1572 $ découlant de fausses déclarations sur la rémunération, a également été envoyé, mais rien n’indique l’adresse de destinationNote de bas de page 14. Un autre avis de dette, daté du 3 décembre 2016 et soulignant une pénalité engendrant un trop-payé de 2 358 $, a également été envoyé au prestataire, mais rien n’indique à quelle adresseNote de bas de page 15.

[18] La Commission soutient que le prestataire était au courant de sa décision datée du 29 novembre 2016 lorsqu’elle a été envoyée et qu’il a attendu jusqu’au 6 mars 2018, soit 432 jours, pour demander une révision.

[19] La demande de révision datée du 6 mars 2018 indique que la décision visée par le prestataire est [traduction] « le versement des prestations de maladie en 2016. Je conteste le trop-payé et aussi les années antérieures. Aussi, je suis un travailleur saisonnier ». Le prestataire écrit que la raison de sa demande est la suivante : [traduction] « J’ai examiné mes relevés d’emploi pour 2016 et les années précédentes, et il y a un problème avec le trop-payé. Je suis un travailleur saisonnierNote de bas de page 16. »

[20] Selon la Commission, elle a examiné les notes de l’Agence du revenu du Canada (ARC) sur le recouvrement du trop-payé et de la dette et, comme on peut le voir dans ces notes, l’appelant a communiqué avec l’ARC le 22 février 2017 pour demander que la déduction de 50 % de ses prestations, dont il avait convenu, soit réduite parce qu’elle lui causait des difficultés. La Commission affirme que le prestataire n’a pas dit qu’il contestait le trop-payé, mais qu’il a accepté de rembourser la dette. La Commission fait valoir que le prestataire a communiqué avec l’ARC au sujet du remboursement de ce trop-payé ainsi que d’autres trop-payés subséquents à de nombreuses reprises depuis le 22 février 2017Note de bas de page 17. La Commission soutient que le prestataire a également déposé une demande de prestations depuis que la décision du 29 novembre 2016 lui a été envoyée et qu’il a établi une période de prestations débutant le 21 janvier 2018.

[21] Le prestataire affirme qu’au moment de la décision, il vivait avec son ex-épouse à l’adresse indiquée dans la lettre du 29 novembre 2016. Cependant, la plupart du temps, il travaillait à Fort McMurray. Il a dit qu’il avait des difficultés avec son épouse et qu’il arrivait parfois qu’elle ne lui donne pas tout son courrier et que le courrier soit égaré. Il ne se souvient pas s’il a reçu ou non la lettre de décision. Il ne se souvient pas d’avoir communiqué de vive voix avec la Commission au sujet de la lettre. Il ne se souvient pas d’avoir été informé d’une pénalité ou d’un avis de violation. Il faisait des allers-retours entre la maison et le travail et il a fait des erreurs au moment de déclarer sa rémunération. Il a dit que son syndicat l’envoyait à droite et à gauche. Parfois, il recevait une lettre qui lui donnait une date limite pour rappeler, puis il recevait un appel du syndicat, alors il retournait travailler et oubliait de rappeler. Cependant, il a dit qu’il n’aurait jamais attendu un an pour faire appel s’il savait qu’il avait 30 jours pour appeler d’une décision. Il ne conteste pas la répartition de sa rémunération, car il s’est trompé en faisant ses déclarations parce qu’on lui demandait parfois de faire des heures et des jours supplémentaires. Toutefois, il ignorait l’existence d’un problème lié à ses heures de travail jusqu’à ce qu’il demande des prestations de maladie en janvier 2018. Il ne remplissait alors pas les conditions requises pour recevoir des prestations. On lui a dit qu’il lui fallait 1330 heures.

[22] Le prestataire a déclaré que, selon son souvenir, ses conversations avec l’ARC visaient à discuter de la réduction de ses paiements. Il ne se souvient pas d’avoir discuté des lettres de décision. Il a expliqué qu’il n’avait qu’à appeler et dire que le montant déduit de ses prestations était trop élevé et qu’on lui donnait un autre numéro à composer. Il se rappelle qu’à un moment donné, le montant déduit de ses prestations a été réduit pour atteindre 25 % de ses prestations. Il croyait que le trop-payé était dû à son horaire de travail changeant et aux déclarations erronées concernant sa rémunération. Il ne se souvient pas du tout d’avoir été informé d’une pénalité ou d’un avis de violation.

[23] Le dossier d’appel ne contient aucun renseignement montrant que la Commission a communiqué verbalement la décision au prestataire.

[24] Les notes de l’ARC sur la conversation du 22 février 2017 disent ceci : [traduction] « Appel au sujet de l’AE [assurance-emploi] : le débiteur veut faire réduire les retenues à 50 %. A des difficultés. Le système d’écrans en texte intégral montre une demande d’AE active. Taux de prestations hebdomadaire de 537 $. Le débiteur veut des retenues de 25 %. Écran DW020 non daté affichera 135 $ par semaine. Mise en garde juridique donnée. Aucun employeur – débiteur sans emploi qui reçoit de l’AE. Adresse / date de naissance / numéro de téléphone confirmés. Système mis à jour pour les retenues sur les prestations. »

[25] Rien dans les notes de l’ARC du 22 février 2017 n’indique que la discussion a porté sur quoi que ce soit d’autre que les modalités de remboursement. Il en va de même pour les conversations subséquentes que le prestataire a eues avec l’ARCNote de bas de page 18.

[26] Le prestataire a admis candidement qu’il ne se souvient pas s’il a reçu ou non la lettre de décision du 29 novembre 2016. Rien n’indique que la lettre a été retournée à la Commission. Les renseignements fournis par l’ARC montrent d’autres cas où les lettres postées au prestataire ont été retournées, mais l’adresse de destination était différente.

[27] Même si rien n’indique que la lettre a été retournée avec la mention non livrée, je ne suis pas convaincue que le prestataire a effectivement reçu la lettre du 29 novembre 2016. Il a déclaré qu’il faisait des allers-retours entre Fort McMurray et Edmonton. Il avait également des difficultés avec son ex-épouse. Elle ne lui remettait pas tout son courrier ou le courrier était égaré. J’ai trouvé son témoignage crédible et j’admets qu’il avait de la difficulté à recevoir son courrier au moment où la lettre de décision du 29 novembre 2016 a été postée. Je juge qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’il n’ait pas reçu la lettre par la poste.  

[28] Je ne suis pas non plus convaincue que le prestataire était au courant du contenu et des conséquences de la décision rendue par la Commission le 29 novembre 2016 même après avoir discuté avec l’ARC. D’après son souvenir, ses discussions avec l’ARC portaient sur les modalités de paiement. Il croyait que le trop-payé était attribuable à ses déclarations erronées concernant sa rémunération. Même si le prestataire a peut-être compris qu’il avait un trop-payé en raison d’une rémunération non déclarée, il avait également un trop-payé préexistant. Selon les notes de l’ARC, il a également discuté avec elle du remboursement d’un trop-payé le 11 février 2015Note de bas de page 19. Compte tenu du trop-payé préexistant et du fait que les notes de l’ARC – que ce soit celles prises le 22 février 2017 ou lors de conversations subséquentes – ne comportent aucune indication d’une discussion portant sur la lettre de décision du 29 novembre 2016, je ne suis pas convaincue que le contenu et les conséquences de la décision ont été communiqués au prestataire durant ces conversations. D’ailleurs, rien n’indique que le trop-payé découlant de la décision du 29 novembre 2016 ou que l’imposition de la pénalité et de la violation ont été communiqués au prestataire dans l’une ou l’autre de ces conversations.

[29] J’ai examiné si les avis de dette suffisaient à établir que la décision du 29 novembre 2016 a été communiquée au prestataire. Le premier avis porte sur un montant dû en raison d’une fausse déclaration sur la rémunération. Le deuxième avis mentionne simplement une [traduction] « pénalité engendrant un trop-payé ». Je juge ces avis trop vagues pour établir que le contenu et les conséquences de la décision du 29 novembre 2016 ont été communiqués. L’employeur en question n’est pas mentionné, pas plus que la période de rémunération. La décision du 29 novembre 2016 portait non seulement sur la répartition de la rémunération, mais aussi sur une pénalité et un avis de violation. La raison de la pénalité n’est pas précisée dans le deuxième avis. De plus, il n’y a aucune mention de l’avis de violation dans l’un ou l’autre de ces documents.

[30] Il incombe à la Commission de prouver qu’il y a eu communication de la décision du 29 novembre 2016 et de démontrer le moment où elle a eu lieu.

[31] Je ne suis pas convaincue qu’il y a plus de chances que la décision du 29 novembre 2016 a été communiquée au prestataire avant de lui être envoyée dans le dossier d’appel du Tribunal. Rien dans les conversations de l’ARC consignées au dossier ne montre qu’il y a eu une discussion sur la lettre de décision. Aucun élément de preuve au dossier n’indique que le prestataire a reçu une copie de la lettre de décision dans le cadre de ses autres demandes de prestations. Le 6 mars 2018, le prestataire a déposé une demande générale de révision dans le but de résoudre le problème l’empêchant de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations de maladie en janvier 2018, soit le nombre insuffisant d’heures qu’il avait accumulées. Rien n’indique qu’on lui a remis une copie de la lettre de décision à ce moment-là. Je juge qu’au moment où il a déposé sa demande de révision, il n’était même pas au courant du contenu et des conséquences de la décision du 29 novembre 2016, étant donné la nature générale de sa demande. Par conséquent, je juge que la décision du 29 novembre 2016 a été communiquée au prestataire quand il a reçu le dossier du Tribunal contenant la décision. Je ne sais pas quelle était la date précise, puisque la présente affaire représente une nouvelle instruction de l’appel initial. Toutefois, le prestataire a visiblement déposé la demande de révision avant de recevoir le dossier du Tribunal. Par conséquent, il n’a pas déposé sa demande en retard.

[32] Comme j’ai conclu que la demande de révision n’était pas en retard, il n’est pas nécessaire de décider si la Commission a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire quand elle a refusé de prolonger le délai.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. L’affaire doit être renvoyée à la Commission pour qu’elle révise la décision du 26 novembre 2015 [sic].

 

Date de l’audience :

Le 13 novembre 2019

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

COMPARUTION :

A. A., appelant

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