Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Par conséquent, l’appelant (prestataire) est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi (AE) parce qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi. Voici pourquoi.

Aperçu

[2] Le prestataire travaillait dans une quincaillerie. Vers la fin juin 2019, son gérant l’a réprimandé pour ne pas avoir poursuivi un voleur. Le prestataire croyait que c’était dangereux. Le 6 juillet 2019, le prestataire a découvert qu’une nouvelle collègue mettait son propre nom sur les factures de ses ventes à lui. Ce serait donc elle et non lui qui toucherait la commission sur les ventes qu’il avait réalisées. Il l’a aussi surprise à faire la même chose à un autre employé. Le prestataire et sa collègue ont eu un échange houleux à ce sujet. Quand le prestataire a essayé de rapporter l’incident le 8 juillet 2019, son gérant lui a dit qu’il ne voulait pas en entendre parler. Le prestataire a démissionné sur-le-champ.

[3] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a examiné la situation du prestataire avant de décider qu’il avait quitté son emploi sans démontrer que son départ était fondé au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Après avoir révisé le dossier, la Commission a maintenu sa décision. Le prestataire a appelé de cette décision au Tribunal.  

Questions en litige

[4] Je dois décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Pour ce faire, il y a deux étapes. D’abord, je dois voir s’il a choisi de quitter son emploi, puis je dois regarder si son départ était fondé.

Analyse

[5] Quand une personne quitte son emploi sans justification, la loi précise qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’AENote de bas de page 1.

Le prestataire a volontairement quitté son emploi

[6] J’admets que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Il a dit qu’il a démissionné le 12 juillet 2019. Aucune preuve n’indique le contraire.

Son départ volontaire n’était pas fondé

[7] La loi précise qu’une personne est fondée à quitter un emploi si son départ constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2. Il incombe aux prestataires d’en faire la preuveNote de bas de page 3. Lorsque je regarde s’il y a une justification, je dois examiner les circonstances entourant le départ de la personne.

[8] La Commission affirme que le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Selon elle, il aurait pu tenter de résoudre le conflit avec sa collègue. Elle ajoute que je ne dois pas accorder une grande importance aux craintes que le prestataire avait pour sa sécurité. La Commission soutient qu’il a soulevé ces inquiétudes seulement pour mieux appuyer ses prétentions après que la Commission l’a avisé qu’il ne pourrait pas toucher de prestations d’AE.

[9] Le prestataire a décrit deux vols qui se sont produits au magasin au cours du mois précédant sa démission. Il a affirmé que les propriétaires du magasin ne se souciaient pas de la sécurité, ce qui fait qu’il ne se sentait pas en sécurité. Il a ajouté que ce sentiment s’est intensifié après le deuxième vol parce que le gérant lui a dit qu’il aurait dû pourchasser le voleur. Le prestataire a aussi affirmé qu’il se sentait harcelé et intimidé par sa collègue après qu’elle a falsifié les factures de vente. Il dit qu’il n’avait d’autre choix que de quitter son emploi après le refus du gérant de répondre à ses inquiétudes sur ces problèmes. Le prestataire m’a dit que de telles circonstances démontrent que sa démission était justifiée.

Le prestataire n’a pas subi de harcèlement ou d’intimidation

[10] Dans sa demande de prestations d’AE, le prestataire a écrit que N. le harcelait et l’intimidait. La loi prévoit que si une personne est harcelée au travail, elle peut être fondée à quitter son emploiNote de bas de page 4.

[11] Le prestataire m’a dit que le magasin versait une commission à son personnel. Il a expliqué que s’il avait droit à une commission, il devait écrire son nom sur la facture de vente. Il a affirmé avoir surpris une de ses collègues, N., en train de modifier des factures de sorte qu’elle empoche la commission à sa place. Il a dit qu’il l’a vue faire la même chose avec les factures d’un autre employé. Le prestataire a dit en avoir parlé à N. Dans son avis d’appel, le prestataire a déclaré : [traduction] « Je ne me suis pas comporté en gentilhomme ce jour-là et j’imagine que j’aurai dû ou pu me comporter de façon plus appropriée. » Il a ajouté qu’il était fâché et qu’il s’était disputé avec N. Selon ses dires, plus tard dans la journée, N. lui a dit d’aller se faire f***.

[12] La preuve du prestataire me laisse croire que durant sa querelle avec N., les paroles fusaient autant d’un côté que de l’autre. Le prestataire affirme que N. l’a intimidé. Si tel est le cas, alors il l’a aussi intimidée.

[13] L’intimidation survient quand on essaie de blesser ou d’intimider une personne qu’on croit vulnérable. La preuve du prestataire n’indique pas, selon moi, que N. a essayé de lui faire du tort parce qu’elle le croyait vulnérable.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas la notion de harcèlement. Le harcèlement est défini dans le contexte des droits de la personne comme des gestes répétés qui portent atteinte à la dignité d’une personne et créent un environnement de travail hostile ou malsainNote de bas de page 5.

[15] Les gestes que N. a posés ne constituent pas du harcèlement. Les deux incidents se sont déroulés à seulement quelques heures d’intervalle. N. n’a pas porté atteinte à la dignité du prestataire. Compte tenu du comportement du prestataire, qu’il a lui-même qualifié d’inapproprié, elle lui a rendu la pareille.

[16] Le prestataire m’a raconté que quand il a essayé de rapporter l’incident à son gérant le 8 juillet 2019, ce dernier lui a répondu qu’il avait déjà discuté du problème avec N. et qu’il ne voulait plus en entendre parler. Selon le prestataire, il a dit à son gérant qu’il démissionnait. Ils ont convenu qu’il travaillerait jusqu’au 12 juillet 2019.

[17] La Commission affirme qu’une solution raisonnable dans le cas du prestataire était d’aller voir N. pour résoudre leur problème et continuer de travailler au magasin. Je suis d’accord. C’est une solution raisonnable qu’il aurait dû essayer.  

Le prestataire devait en faire plus pour aborder ses inquiétudes sur la sécurité

[18] La loi prévoit que si une personne doit travailler dans des conditions dangereuses, elle peut être fondée à quitter son emploiNote de bas de page 6.

[19] La Commission a affirmé que je ne devrais accorder que peu d’importance à la preuve concernant les inquiétudes du prestataire sur la sécurité, car il ne les a pas mentionnées quand il a présenté sa demandeNote de bas de page 7. Je pense que la Commission exagère la position. La loi précise que je dois examiner et soupeser tous les éléments de preuve et expliquer le poids que je leur accordeNote de bas de page 8.

[20] Le prestataire m’a dit qu’il n’y avait pas de système de sécurité au magasin. Il a ajouté que les caméras de surveillance du magasin ne fonctionnent pas.

[21] Le prestataire m’a raconté le vol d’une tondeuse. Il a dit qu’elle était installée près du stationnement au début de la journée. Elle n’était pas barrée. Il a expliqué qu’une personne est arrivée en voiture, a mis la tondeuse dans sa voiture, puis a quitté les lieux.

[22] Selon le prestataire, c’est un exemple de la façon dont les propriétaires du magasin font fi de la sécurité. Il ne m’a pas dit qu’il avait parlé de ses préoccupations à ses gestionnaires à la suite de cet incident.

[23] Le prestataire a aussi décrit le vol d’une hotte de cuisine. Il a raconté qu’il a suivi le voleur à l’extérieur du magasin et qu’il a essayé de l’arrêter verbalement. Il m’a dit que quand le voleur a commencé à courir, il ne l’a pas pourchassé. Il a expliqué qu’il pensait que ce n’était pas sécuritaire. Il croyait que le voleur pouvait sortir un couteau ou un pistolet.

[24] Le prestataire m’a dit qu’il s’est disputé avec son gérant à propos du vol. Il a dit que le gérant insistait sur le fait qu’il aurait dû poursuivre le voleur. Le prestataire maintenait que c’était dangereux. Il a ajouté qu’il peut faire témoigner trois personnes qui confirmeront l’essentiel des propos du gérant. Par contre, le gérant a dit à la Commission qu’il ne s’attendait pas à ce que son personnel pourchasse les personnes qui volent à l’étalage.

[25] Le prestataire m’a présenté sa preuve de façon claire et directe. Il ne m’a donné aucune raison de mettre sa parole en doute. Ce qu’il m’a dit correspond aux renseignements qu’il a donnés à la Commission après avoir décidé de soulever ses inquiétudes sur la sécurité. Voilà pourquoi j’accueille la preuve du prestataire sur la dispute survenue entre son gérant et lui après le vol de la hotte de cuisine.

[26] J’admets également que le gérant a dit à la Commission qu’il ne s’attendait pas à ce que le personnel poursuive les personnes qui commettent un vol à l’étalage. Je crois que ces propos montrent que le gérant dit des choses dans le feu de l’action et qu’il y réfléchit plus tard.

[27] Il ne m’appartient pas de décider si les conditions de travail étaient dangereuses. Je dois plutôt décider si le prestataire a essayé de trouver des solutions raisonnables au lieu de quitter son emploi parce qu’il s’inquiétait au sujet de la sécurité.

[28] Le prestataire ne m’a pas dit s’il avait tenté de parler à son gérant de ses inquiétudes sur la sécurité après la dispute qu’il a décrite. S’il avait fait une telle tentative, son gérant et lui auraient pu aborder la question de façon plus calme et mesurée. C’est une solution raisonnable qu’il aurait dû essayer.

Conclusion

[29] La preuve du prestataire me laisse croire que des solutions raisonnables s’offraient à lui : il aurait pu tenter de résoudre son différend avec N. et il aurait pu demander à son gérant de reconsidérer la question des problèmes de sécurité après qu’ils se sont disputés au sujet de la poursuite des personnes qui volent à l’étalage. L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 26 novembre 2019

Mode d’instruction :

Appel rejeté

Comparution :

E. G., appelant

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