Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard ni une intention persistante de présenter une demande de réexamen.

Aperçu

[2] Le prestataire travaillait dans une équipe de réfection de routes. Il a établi une demande de prestations régulières d’assurance-emploi lorsqu’il a été mis à pied en décembre 2016. Ensuite, en novembre 2017, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a déterminé que le prestataire était incapable de travailler en raison d’une invalidité et a réévalué sa demande. Elle a soutenu qu’il avait continué à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi et fait de fausses déclarations concernant sa capacité et sa disponibilité de travailler. Elle a rendu une décision d’inadmissibilité aux prestations et a émis un avis de trop-payé de prestations rétroactif à avril 2017.

[3] Le prestataire a présenté une demande de révision de la décision en septembre 2019. Une partie prestataire a 30 jours pour déposer une demande de révision de la décision de la Commission. Si la demande est présentée après le délai de 30 jours, il revient à la Commission de décider si elle acceptera la demande. Le prestataire a dit à la Commission qu’il a un problème de santé qui l’a empêché de présenter sa demande plus tôt. Après avoir examiné l’explication du prestataire pour justifier le retard, la Commission a déterminé qu’il n’avait pas démontré une intention persistante de présenter une demande pendant toute la période du retard. Elle a exercé son pouvoir discrétionnaire et a refusé la demande de révision du prestataire.

[4] Le prestataire demande maintenant l’intervention du Tribunal pour qu’il lui accorde une prorogation du délai et juge sa demande de révision en temps opportun.

Questions préliminaires (documents soumis après l’audience)

[5] À l’audience, le prestataire a fait référence à un rapport médical (GD6) qui appuie ses affirmations concernant son problème de santé. Il affirme que son problème de santé l’empêchait de présenter sa demande de révision plus tôt. J’ai demandé au prestataire de transmettre le document au Tribunal. Étant donné que le document aborde directement le problème de santé du prestataire pendant la période qui s’est écoulée entre la réception de sa décision initiale et sa demande de révision, je vais l’admettre.

Questions en litige

  1. La demande du prestataire a-t-elle été formulée en dehors du délai prévu de 30 jours pour présenter une demande de révision?
  2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de trente jours pour présenter une demande de réexamen du prestataire?

Analyse

[6] Lorsque la Commission refuse une prorogation du délai pour demander une révision au titre du Règlement sur les demandes de révision (Règlement)Note de bas de page 1, la seule question dont est saisi le Tribunal est celle de savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé la prorogation du délai. Le trop-payé versé au prestataire, l’allégation de fabrication de faux rapports et sa non-disponibilité pour travailler (questions de fond) ne sont pas des questions sur lesquelles le Tribunal peut se pencher dans cet appel.

[7] Le Tribunal peut seulement rendre une décision sur la question de savoir si une prorogation du délai pour présenter une demande de révision devrait être accordée au prestataire, et ensuite, seulement si elle détermine que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[8] Je dois d’abord déterminer si la demande du prestataire a été déposée en retard. Ensuite, je dois déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande du prestataire visant à prolonger le délai de 30 jours qui est prévu pour présenter une demande.

Question en litige n1 : La demande du prestataire a-t-elle été formulée en dehors du délai prévu de 30 jours pour présenter une demande de révision?

[9] J’estime que la demande du prestataire a été présentée en retard.

[10] Un prestataire peut demander que la Commission révise une décision dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision lui a été communiquéeNote de bas de page 2. La Commission est responsable de la communication des décisions au prestataire. Il revient à la Commission de prouver que la communication a été reçueNote de bas de page 3.

[11] La Commission a envoyé au prestataire sa décision sur les questions de fond le 21 novembre 2017, par courrier. Le prestataire admet avoir reçu la décision peu après cette date.

[12] Il a déposé sa demande de réexamen le 20 septembre 2019. Le retard excédait le délai de 30 jours. Par conséquent, la demande a été déposée en retard au titre de la loi. Le prestataire ne conteste pas que sa demande a été déposée en retard. Il affirme qu’il avait une explication raisonnable pour justifier son dépôt tardif.

Question en litige n2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de trente jours du prestataire pour présenter une demande de réexamen?

[13] J’estime que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Elle a examiné les raisons du dépôt tardif et a déterminé que le prestataire n’avait pas démontré une intention persistante de demander un réexamen.

[14] La Commission a le pouvoir discrétionnaire de déterminer si elle accueillera une telle demandeNote de bas de page 4. La décision de la Commission peut seulement être modifiée si la Commission n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire. Le Tribunal peut seulement intervenir dans la décision de la Commission de refuser la prorogation du délai pour présenter une demande de révision si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de manière judiciaire s’il peut être démontré que le décideur :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • ou a agi de manière discriminatoireNote de bas de page 5.

[15] La Commission doit être convaincue de deux de ces facteurs avant d’accorder une prorogationNote de bas de page 6.

  1. Le prestataire doit démontrer qu’il a une explication raisonnable pour justifier son retard à présenter sa demande;
  2. Le prestataire doit démontrer l’intention persistante de demander une révision.

[16] Si la demande est présentée plus de 365 jours après que la décision a été communiquée au prestataire, la Commission doit aussi être convaincue des deux autres facteurs suivantsNote de bas de page 7.

  1. La demande de révision doit avoir une chance raisonnable de succès.
  2. Que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice à la Commission ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[17] La Commission a soutenu qu’elle avait reçu la demande de révision du prestataire le 26 septembre 2019. La date de communication de la décision originale au prestataire était le 21 novembre 2017. Le retard était de plus de 365 jours et par conséquent, la Commission a été obligée de tenir compte des quatre facteurs.

[18] À l’appui de sa décision de refuser la demande de révision, la Commission a examiné les quatre facteurs et a déterminé ce qui suit;

  • Le prestataire était au courant de la décision en novembre 2017.
  • Il n’a pas présenté la demande avant septembre 2019; la demande était donc en retard.
  • Son explication concernant un problème de santé pour justifier le retard a été examinée et jugée raisonnable par la Commission.
  • Elle a conclu qu’il n’avait pas démontré une intention persistante de présenter une demande parce qu’il n’y a eu, tout au long de la période du retard, aucune communication du prestataire concernant la décision.
  • Le prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès avec cet appel en ce qui concerne les questions de fond parce qu’il était jugé incapable de travailler par son propre médecin, et il avait de plus lui-même affirmé qu’il ne pouvait pas travailler et qu’il n’était donc pas disponible à cette fin.
  • Il n’y aurait aucun préjudice pour les intérêts de la Commission si une prorogation du délai était accordée, car elle a les documents requis à l’appui de sa décision originale.

[19] J’examinerai à présent les facteurs à la lumière des observations de la Commission, ainsi que du témoignage et des observations du prestataire.

Facteur no 1 : L’appelant avait-il une explication raisonnable pour demander un délai plus long pour présenter sa demande?

[20] J’estime que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait une explication raisonnable pour expliquer le retard. La Commission a soutenu qu’elle était convaincue que le problème de santé était une explication raisonnable pour justifier le retard. Je ne suis pas d’accord avec la Commission concernant ce facteur.

[21] Le prestataire a soutenu qu’il avait fait une erreur. Il a affirmé que lorsqu’il avait été interrogé par la Commission en 2017, il avait dit qu’il était incapable de travailler. Il croit que la décision de la Commission de l’exclure et de récupérer les prestations versées relativement à sa demande initiale est fondée sur cette affirmation. Il a soutenu que contrairement à ce qu’il a dit, il était capable de travailler et disponible à cette fin.

[22] Le prestataire a fourni l’histoire suivante. Il travaillait dans une équipe de réfection de routes avant d’être mis à pied à la fin de 2016.

[23] Le prestataire a affirmé qu’il souffre d’insuffisance cardiaque congestive, de dépression et d’anxiété. Il avait ce problème de santé en 2017. Il a mentionné que son problème le rend confus et incapable d’avoir des pensées claires et qu’il a parfois des pertes de mémoire.

[24] Le prestataire a offert un rapport médical pour soutenir son problème de santé. Le rapport produit en novembre 2017 précise que le prestataire souffre d’insuffisance cardiaque congestive. Il a subi de nombreux examens approfondis et on s’attendait à ce qu’il ait une exacerbation aiguë de son problème cardiaque. Le médecin mentionne clairement que le prestataire ne sera pas capable de fonctionner au travail à quelque titre que ce soit.

[25] La Commission a communiqué avec lui en novembre 2017 et pendant cet entretien, il a dit qu’il était incapable de travailler. Il soutient qu’il voulait dire qu’il était capable de travailler et qu’il était disponible. Il croit que c’est en raison de cette affirmation que la Commission a émis l’exclusion au bénéfice des prestations et le trop-payé de prestations.

[26] Lorsqu’il a reçu l’avis d’exclusion et l’avis de trop-payé en novembre 2017, il n’a pas pu composer avec cela. Dès qu’il se mettait à penser à cela, il devenait stressé et n’était pas capable de faire quoi que ce soit. Il a affirmé avoir de bonnes et de mauvaises journées. Plus récemment, il se sentait mieux et il avait parlé à un conseiller en aide juridique qui lui avait suggéré de présenter une demande de révision maintenant.

[27] Il a ajouté qu’il reçoit une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) et qu’il travaille à temps partiel. Il a admis qu’il recevait un [traduction] « avis de dette » tous les mois. Il a affirmé qu’il ignorait ces avis.

[28] Il a mentionné qu’il avait reçu un avis disant qu’il y aurait une saisie-arrêt de son salaire pour rembourser le trop-payé. Il a remarqué qu’un montant d’environ 797,26 $ avait été retiré de son compte bancaire. Une lettre expliquant cette mesure soutenait qu’aucune autre mesure immédiate ne serait prise. Le prestataire a choisi de ne pas contester cette saisie-arrêt. Il a continué de recevoir des relevés mensuels faisant état de sa dette, mais il les a ignorés.

[29] Plus récemment, il a reçu une autre lettre l’informant qu’il y aurait une autre mesure de saisie-arrêt. Il a dit qu’il gagne seulement environ 212 $ par semaine et la lettre soutenait que son salaire serait saisi à hauteur de 25 %. Il dit qu’il ne peut pas assumer cela.

[30] Il a ajouté qu’il veut seulement que cette situation prenne fin, car cela lui cause beaucoup de stress. Il dit qu’il touche un revenu limité et qu’il ne peut pas se permettre de retenir les services d’un conseiller juridique pour l’aider.

[31] La question des déclarations du prestataire à la Commission n’est pas en litige dans cet appel. Ses préoccupations concernent la décision originale de la Commission de le déclarer inadmissible aux prestations et de récupérer un trop-payé. La question en litige dans cet appel est celle de savoir si une prorogation du délai devrait être accordée au prestataire afin de demander que la Commission révise sa décision initiale.

[32] Concernant la demande de révision du prestataire, la Commission a tenu compte de l’explication du prestataire. Elle a déterminé que la raison fournie par le prestataire pour justifier son retard, à savoir son problème de santé, était raisonnable.

[33] Je ne suis pas d’accord avec la Commission à cet égard. Je ne suis pas convaincu que le prestataire était atteint d’une incapacité telle que son problème de santé l’empêchait de prendre quelque mesure que ce soit pour communiquer avec la Commission concernant sa situation. Le rapport médical énonce que le prestataire a un problème cardiaque sérieux et qu’il n’était pas capable de travailler pour cette raison. Le rapport ne fait pas référence à l’anxiété ou à la dépression; bien que je sois enclin à admettre qu’il est probable que quelqu’un qui est atteint de ce trouble de santé soit aussi aux prises avec ces problèmes, je ne suis pas convaincu que c’était là la raison pour laquelle il n’a pas pris de mesure plus rapidement.

[34] Il a affirmé qu’il recevait une pension du RPC et qu’il travaillait à temps partiel. Il aurait eu la capacité de présenter une demande de pension et de chercher du travail pendant la période en question. Avec cette même capacité, il aurait pu communiquer avec la Commission et soulever ses préoccupations quant à la décision initiale avant septembre 2019.

[35] J’estime que la véritable raison pour laquelle le prestataire n’a pas communiqué avec la Commission est que s’il l’avait fait, il aurait dû faire face à la perspective de devoir rembourser le trop-payé de prestations et de l’accepter. Il a évalué la possibilité que la Commission et l’Agence du revenu du Canada ne prennent que des mesures limitées, ou même aucune mesure, et il a choisi de ne pas poursuivre.

Facteur n2 : Le prestataire a-t-il montré une intention persistante de demander la révision?

[36] J’estime que le prestataire n’a pas montré une intention constante de présenter la demande.

[37] La Commission est d’avis que le prestataire n’a pris aucune mesure pour présenter une demande de révision. Elle affirme qu’il n’a pas démontré une intention persistante de présenter une demande.

[38] Le prestataire était au courant en novembre 2017 que sa demande avait été réévaluée et par conséquent, il a reçu un avis d’inadmissibilité et un avis de dette en raison d’un trop-payé. Que ces décisions de la Commission aient été justifiées ou non, le prestataire avait reçu une décision claire et une explication. La lettre faisait aussi état de ses droits de demander une révision de la décision. Le prestataire a affirmé qu’il n’a pris aucune mesure après avoir reçu la décision de la Commission. De plus, il a affirmé qu’il avait reçu des avis mensuels de dette, qu’il avait ignorés.

[39] Même après la première saisie-arrêt de 797,26 $, le prestataire n’a pas tenté de communiquer avec la Commission ni d’obtenir de l’aide pour préparer la demande de révision. Finalement, lorsqu’une mesure a été prise pour récupérer le trop-payé restant au moyen d’une saisie-arrêt de son salaire, il a posé un geste. Il a communiqué avec un représentant de l’aide juridique qui l’a informé de présenter une demande de révision.

[40] Il soutient que la raison pour laquelle il n’a pas présenté sa demande plus tôt était son invalidité. Son problème cardiaque, son anxiété et sa dépression le rendaient incapable de faire une démarche plus tôt. Ce n’est que récemment qu’il s’est senti suffisamment bien pour présenter la demande.

[41] J’estime qu’il est plus plausible que le prestataire n’était pas motivé à prendre une mesure plus rapidement parce qu’il n’y avait aucune urgence dans son esprit. La Commission avait seulement pris une mesure pour récupérer le trop-payé et avait noté dans sa correspondance au prestataire qu’aucune autre mesure ne serait prise immédiatement. Ce n’est que lorsqu’il est devenu évident que d’autres mesures de récupération du trop-payé seraient prises que le prestataire a trouvé une motivation suffisante pour demander de l’aide et présenter sa demande.

[42] Je ne constate aucun élément de preuve que le prestataire avait une intention continue de présenter une demande de révision jusqu’à ce qu’il fasse face à la saisie-arrêt. Il n’a pas démontré une intention persistante de demander une révision à partir du moment où il a reçu l’avis de la décision sur les questions de fond.

[43] Le critère juridique exige que les quatre facteurs prévus dans le RèglementNote de bas de page 8 soient respectés afin que la demande de prorogation de délai du prestataire pour présenter une demande de révision à la Commission soit accueillie. Le prestataire n’a pas satisfait aux deux premiers facteurs. Je n’ai pas besoin d’examiner les deux autres facteurs.

[44] Je suis convaincu que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Aucune preuve ne démontre que l’intimée a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoire. Rien ne justifie une intervention de ma part.

Conclusion

[45] L’appel du prestataire demandant une prorogation du délai pour présenter une demande de révision est rejeté.

Date de l’audience :

Le 26 novembre 2019

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

G. C., appelant

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