Assurance-emploi (AE)

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Décision

GE-19-3382

[1] L’appel est accueilli. L’appelant était justifié de quitter son emploi, car son départ était la seule solution raisonnable dans les circonstances.

GE-19-3383

[2] L’appel est accueilli. L’appelant n’a pas refusé une offre d’emploi convenable. L’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[3] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations régulières le 9 décembre 2018.

[4] L’appelant a commencé à travailler pour l’employeur à titre de cuisinier dans une résidence de personnes âgées le 20 avril 2019 jusqu’au 26 mai 2019.

[5] L’appelant a quitté cet emploi, entre autres, en raison d’une incompatibilité avec ses collègues de travail. De plus, l’ambiance de travail conflictuelle était difficile pour l’appelant d’autant plus qu’il était atteint d’un syndrome post-traumatique et qu’il avait de la difficulté à gérer ses émotions face à des situations stressantes.

[6] Également, avant son départ, l’appelant avait eu une entrevue avec le chef cuisinier dénommé B., pour un autre employeur, soit X. 

[7] D’ailleurs, le 1er juin 2019, l’appelant a travaillé pour cet établissement. La preuve à savoir si l’appelant a été embauché durant ce quart de travail est contradictoire; l’appelant croit que l’employeur lui a offert un emploi, tandis que l’employeur a mentionné qu’il ne lui avait pas offert d’emploi.

[8] En date du 1er juin 2019, l’appelant a également appris que le chef B. avait quitté son emploi et terminait le 7 juin 2019. Au moment de son départ pour un nouvel employeur, le chef B., a contacté l’appelant pour lui faire une proposition, ce que l’appelant a décliné.

[9] La Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 1 a exclu l’appelant du bénéfice des prestations à partir du 26 mai 2019, car elle a considéré qu’il avait volontairement quitté son emploi, et ce, sans justification.

[10] De plus, la Commission a imposé une exclusion de 9 semaines à l’appelant pour avoir refusé un emploi convenable le 9 juin 2019.

[11] L’appelant a soulevé qu’il était justifié de quitter son emploi, car il avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi pour X. De plus, l’appelant est d’avis que le chef B. du X ne lui a pas fait d’offre d’emploi et que subsidiairement, il avait un motif valable de refuser sa proposition.

Questions en litige

GE-19-3382

[12] Est-ce que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ?

[13] Est-ce que l’appelant était justifié de quitter son emploi ?

GE-19-3383

[14] Est-ce que l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations pour 9 semaines pour avoir refusé un emploi convenable le 9 juin 2019 sans motif valable ?

Analyse

[15] Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification.Note de bas de page 2

[16] Une personne est justifiée de quitter son emploi si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, notamment celles énumérées à l’alinéa 29 c) de la Loi, le départ était la seule solution raisonnable.Note de bas de page 3 Ainsi, le prestataire doit n’avoir « […] d’autres choix raisonnables que de quitter son emploi ».Note de bas de page 4

[17] Le prestataire a le fardeau de prouver, selon la prépondérance de la preuve, que le départ était justifié.Note de bas de page 5

Est-ce que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ?

[18] Une personne peut être justifiée de quitter son emploi, si elle avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.Note de bas de page 6

[19] Le terme « assurance raisonnable » soutient un degré mesurable de garantie. En effet, la définition même d’assurance sous-tend une promesse ou une garantie de quelque chose.Note de bas de page 7 En combinant l’assurance avec la notion de raisonnable, le législateur a assoupli le test pour le rendre moins formel.Note de bas de page 8

[20] Plus précisément, pour avoir l’assurance raisonnable d’obtenir un emploi dans un avenir immédiat, un prestataire doit savoir quels sont l’emploi potentiel et l’identité de son futur employeur.Note de bas de page 9

[21] Le Tribunal est d’avis que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat au moment de son départ.

[22] Tout d’abord, au moment de son départ de la résidence de personnes âgées, l’appelant connaissait l’employeur potentiel, soit X et l’emploi potentiel, soit comme cuisinier.Note de bas de page 10

[23] Ensuite, l’appelant a eu plusieurs contacts téléphoniques avec le chef B. avant son départ de la résidence pour personnes âgées. Le 10 mai 2019, le chef cuisinier du X a contacté l’appelant, car il avait consulté son curriculum vitae sur le site d’Emploi-Québec. Le chef B. a rappelé l’appelant le 14 mai 2019. L’appelant a eu une entrevue le 18 mai 2019, dans le cadre de laquelle le chef lui a promis 40 heures par semaine et de bonnes conditions de travail. Le chef B. a confirmé à la Commission qu’il avait offert un emploi à l’appelant. À ce moment, l’appelant lui a demandé un peu de temps pour réfléchir. L’appelant a témoigné qu’il voulait quand même essayer l’emploi à la résidence pour personnes âgées, car son employeur lui avait dit qu’il allait congédier une employée problématique.

[24] Lorsque l’appelant a réalisé que la situation ne s’améliorait pas à la résidence pour personne âgée, il a quitté son emploi dans le but d’accepter la proposition du chef B.

[25] Il ressort de la déclaration de l’appelant et de celle du chef B. que celui-ci avait offert un emploi à l’appelant le 18 mai 2019.

[26] La Commission est d’avis que l’appelant n’avait pas l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat, car il n’avait pas un emploi réel, mais plutôt un simple essai.

[27] Contrairement à la prétention de la Commission, le Tribunal est d’avis que le fait que l’employeur ait embauché ou non l’appelant le 1er juin 2019 n’est pas déterminant dans le présent dossier, puisqu’il doit examiner les faits au 26 mai 2019. À ce moment, l’appelant était toujours sur l’impression qu’il avait un emploi au X en raison de l’offre faite par le chef B. L’appelant n’a finalement pas été embauché par X, car le chef B. avait démissionné et X attendait l’entrée en poste du nouveau chef cuisinier pour engager des employés.

[28] Au surplus, l’appelant n’avait pas à avoir une certitude absolue d’un autre emploi, mais une assurance raisonnable.Note de bas de page 11 Le Tribunal conclut que l’assurance de l’appelant qu’il avait un emploi au X était raisonnable, puisque le chef cuisinier lui avait assuré un poste et des heures de travail.

[29] Le Tribunal tiendra compte de cette circonstance dans le cadre de l’analyse de la seule solution raisonnable.

Est-ce que l’appelant était justifié de quitter son emploi ?

[30] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a démontré, selon la prépondérance de la preuve, qu’il était justifié de quitter son emploi, car son départ était la seule solution raisonnable dans les circonstances.Note de bas de page 12

[31] Premièrement, le Tribunal est d’avis qu’il n’était pas raisonnable pour l’appelant de continuer à travailler pour la résidence de personnes âgées considérant son état de santé.

[32] La Commission est d’avis que l’appelant n’était pas justifié de quitter son emploi, car le fait d’avoir des frictions et une certaine animosité au travail n’est pas une justification pour quitter son emploi. Selon la Commission, l’appelant n’a pas démontré que l’emploi était nocif pour son état de santé. Toujours selon la Commission, une solution raisonnable aurait été de s’assurer d’un autre emploi à temps plein permanent avant de quitter son emploi.

[33] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a démontré que l’emploi était nocif pour son état de santé. L’appelant a expliqué qu’antérieurement, il était policier en X et qu’il souffrait du syndrome de choc post-traumatique. Selon l’appelant, il ne pouvait plus supporter de pression au travail.

[34] L’appelant a expliqué que dans le cadre de son emploi à la résidence pour personnes âgées, il avait des problèmes avec plusieurs employés, dont une en particulier. L’appelant a expliqué que lorsqu’il a été embauché, il connaissait les autres employés puisqu’il est allé à l’école secondaire avec eux. À l’époque, l’appelant ne s’entendait pas bien avec eux. L’appelant a expliqué qu’il y avait beaucoup de commérage

[35] Plus précisément, le 26 mai 2019, l’appelant a expliqué qu’une employée refusait de faire ses tâches de travail. L’appelant en a parlé avec l’infirmière en chef qui lui a recommandé de ne pas revenir travailler après le dîner. Ce que l’appelant a fait.

[36] L’appelant a témoigné que lorsqu’il vit une situation stressante, il commence à trembler, il s’isole et il ne sait plus trop quoi faire. Si le stress ne diminue pas, l’appelant peut perdre le contrôle et avoir un comportement agressif. L’appelant a témoigné que lors de sa dernière journée de travail à la résidence pour personnes âgées, il a commencé à avoir des tremblements. Selon l’appelant, il devait quitter son emploi, car il ne voulait pas que la situation dégénère et qu’il commette des gestes répréhensibles. L’appelant a expliqué au Tribunal qu’il avait déjà vécu des circonstances où il avait perdu le contrôle et il ne voulait pas que la situation se répète.

[37] L’appelant a préféré quitter son emploi avant que la situation dégénère et qu’il devienne agressif envers un autre employé ou envers la clientèle de personnes âgées.

[38] Le Tribunal retient le témoignage de l’appelant puisqu’il est crédible, vraisemblable et plausible. Ainsi, considérant son état de santé mentale, il n’aurait pas été raisonnable d’exiger de l’appelant qu’il continue de travailler pour cet employeur.

[39] Deuxièmement, il n’était pas raisonnable d’exiger de l’appelant qu’il continue de travailler en attendant d’avoir un autre emploi, puisqu’il avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[40] Le Tribunal conclut que l’appelant s’est déchargé de son fardeau de démontrer qu’il était justifié de quitter son emploi, car son départ était la seule solution raisonnable dans les circonstances.Note de bas de page 13

[41] L’appel est accueilli pour cette question.

Est-ce que l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations pour 9 semaines pour avoir refusé un emploi convenable le 9 juin 2019 sans motif valable?

[42] Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations si, sans motif valable, depuis l’arrêt de rémunération qui est à l’origine de sa demande, refuse un emploi convenable lorsqu’il lui a été offert.Note de bas de page 14 Dans un tel cas, la durée de l’exclusion est déterminée par la Commission, mais le nombre de semaines d’exclusion doit se situer entre sept et douze.Note de bas de page 15

[43] Pour déterminer si l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations, le Tribunal doit se poser les questions suivantes :

  1. Est-ce que l’appelant a refusé une offre d’emploi?
  2. Si oui, cet emploi était-il convenable?
  3. Si oui, est-ce que l’appelant avait un motif valable pour refuser cet emploi?
  4. Si non, est-ce que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en déterminant la durée de l’exclusion?

[44] L’article 27 de la Loi a pour objectif d’encourager les prestataires à accepter un emploi convenable pour ne pas provoquer la réalisation du risque de chômage.Note de bas de page 16

[45] Donc, le Tribunal doit analyser les critères de l’alinéa 27(1) a) de la Loi pour déterminer si l’appelant a refusé un emploi convenable.

1) Est-ce que l’appelant a refusé une offre d’emploi?

[46] Selon la Commission, l’appelant a refusé une offre d’emploi de la part du chef B. à son nouvel emploi. Selon la déclaration du chef B. faite à la Commission, il a discuté avec l’appelant le 9 juin 2019 pour lui offrir quelques heures chez son nouvel employeur pour combler ses heures à la boulangerie. Lors de cette conversation, le chef B. a dit à l’appelant qu’il voulait une réponse immédiatement, car il n’allait pas l’attendre. L’appelant a hésité, mais il a refusé en mentionnant qu’il voulait essayer de travailler au X.

[47] Selon l’appelant, il n’a pas refusé d’emploi. L’appelant a expliqué que le chef B. l’a plutôt contacté le 6 juin 2019. De plus, le chef voulait qu’il vienne travailler immédiatement et il ne s’agissait pas de quelques heures. L’appelant a refusé de travailler immédiatement puisqu’il travaillait au même moment à la boulangerie. En effet, l’appelant avait un emploi sur appel pour faire de la livraison pour une boulangerie.

[48] Également, l’appelant a refusé de travailler pour lui parce qu’il était convaincu qu’il avait été embauché par X et qu’il voulait travailler pour eux à ce moment.

[49] Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas refusé une offre d’emploi, car il n’a pas reçu d’offre d’emploi de la part du chef B.

[50] Tout d’abord, il y a une contradiction entre la version de l’appelant et la version du chef B.. Cependant, peu importe la version retenue, il n’y a aucune offre d’emploi qui a été faite.

[51] En effet, le Tribunal ne sait pas quel était l’emploi offert à l’appelant, à quel taux horaire il aurait été rémunéré. De plus, le Tribunal ne sait pas ce que le chef cuisinier entend par quelques heures; était-ce un emploi permanent à temps partiel ou temporaire sur appel ?

[52] La preuve de la Commission est insuffisante pour conclure que le chef B. a fait une offre d’emploi à l’appelant.

[53] Par conséquent, le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas refusé une offre d’emploi.

2) Si oui, cet emploi était-il convenable ?

[54] Considérant qu’aucune offre d’emploi n’a été faite à l’appelant, le Tribunal n’a pas à répondre à cette question.

3) Si oui, est-ce que l’appelant avait un motif valable pour refuser cet emploi ?

[55] Considérant qu’aucune offre d’emploi n’a été faite à l’appelant, le Tribunal n’a pas à répondre à cette question.

4) Sinon, est-ce que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en déterminant la durée de l’exclusion ?

[56] Considérant qu’aucune offre d’emploi n’a été faite à l’appelant, le Tribunal n’a pas à répondre à cette question.

[57] L’appel est accueilli sur cette question.

Conclusion

GE-19-3382

[58] L’appel est accueilli. L’appelant était justifié de quitter son emploi, car son départ était la seule solution raisonnable considérant qu’il avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

GE-19-3383

[59] L’appel est accueilli. L’appelant n’a pas refusé une offre d’emploi convenable. L’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

 

Date de l’audience :

Le 28 novembre 2019

Mode d’audience :

Vidéoconférence

Comparutions :

M. G., appelant

Me Jean-Christian Blais, représentant de l’appelant

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