Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel du prestataire sur la question de son départ volontaire sans justification est rejeté. M. J. (appelant) n’a pas prouvé qu’il avait été fondé à quitter volontairement son emploi.

[2] En ce qui concerne l’imposition d’une pénalité, l’appel est accueilli. Je conclus que le prestataire n’a pas fait sciemment une fausse déclaration.

Aperçu

[3] Le prestataire a commencé à travailler pour X, situé à Barrie, en Ontario. Il vivait avec sa copine. Il a quitté son emploi pour suivre un cours d’apprentissage de 10 semaines qui avait été approuvé. Il a reçu des prestations d’assurance-emploi durant la période au cours de laquelle il suivait le cours. Il n’est pas repris son emploi après la fin de son cours d’apprentissage. Plutôt, il a déménagé à North Bay pour rejoindre sa copine qui avait déménagé là-bas plusieurs mois auparavant.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a effectué un réexamen de la demande de prestations du prestataire. La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE) parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Cela a donné lieu à un trop-payé.

[5] La Commission a également imposé une pénalité au prestataire, car la Commission avait déterminé qu’il avait sciemment fait une fausse déclaration puisqu’il avait omis de signaler avoir quitté son emploi.

[6] Le prestataire a interjeté appel de ces décisions. Il affirme qu’il avait été fondé à quitter son emploi parce qu’il l’avait fait pour rejoindre sa copine. Il soutient que ce n’était pas logique pour lui, sur le plan économique, de continuer à vivre à Barrie pendant que sa copine était à North Bay.

[7] Le prestataire affirme également qu’il n’avait pas fait sciemment de fausse déclaration, car il ne savait pas qu’il devait aviser la Commission du fait qu’il avait quitté son emploi. Il soutient que puisqu’il recevait déjà des prestations en raison de son cours d’apprentissage qui avait déjà été approuvé, il pensait que sa demande de renouvellement devait inclure les mêmes renseignements que sa demande initiale.

Questions préliminaires

[8] Le prestataire a demandé que l’audience ait lieu sous forme de questions et de réponses. Le prestataire a insisté sur ce mode d’audience, car cela lui permettait de penser à ses réponses et de les réviser.

[9] J’ai procédé à l’audience par questions et réponses. Le prestataire a répondu à mes questions initiales. À la lumière des réponses du prestataire, j’ai demandé qu’il soumette des documents supplémentaires. Il a envoyé ces documents au Tribunal. La Commission a eu l’occasion de fournir des réponses en ce qui a trait aux documents supplémentaires. La Commission n’a pas répondu.

Questions en litige

[10] Je dois me pencher sur deux questions en litige.

  • Premièrement, je dois déterminer si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il aurait quitté volontairement son emploi sans justification. Pour ce faire, je dois traiter du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.
  • Deuxièmement, je dois déterminer si la Commission a prouvé que le prestataire avait fourni sciemment des renseignements faux ou trompeurs à la Commission. Si c’est le cas, je dois ensuite me pencher sur la question à savoir si la Commission a déterminé correctement le montant de la pénalité.

Analyse

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi, et si tel est le cas, avait-il été fondé à le faire?

Il ne fait aucun doute que le prestataire a quitté volontairement son emploi.

[11] J’estime que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Le prestataire affirme que son dernier jour de travail était le 17 mars 2018. Il dit qu’après avoir terminé son cours d’apprentissage, il n’a pas repris son emploi. Il a démissionné de son poste. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne s’entendent pas sur la question à savoir si le prestataire avait été fondé à quitter volontairement son emploi

[12] Les parties ne s’entendent pas au sujet du fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[13] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il n’est pas suffisant d’avoir une bonne raison de quitter son emploi pour prouver que l’on était justifié à le faire.

[14] La loi précise qu’une partie prestataire est fondée à quitter son emploi au moment où elle le fait si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2. Il appartient à la partie prestataire d’en faire la preuveNote de bas de page 3. Pour trancher cette question, je dois tenir compte de toutes les circonstances qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi.

[15] Le prestataire affirme avoir quitté son emploi afin de rejoindre sa copine qui avait quitté Barrie plus tôt dans l’année. Il soutient que sa copine est sa conjointe de fait. Il a également quitté son emploi, car ce n’était pas logique pour lui, sur le plan économique, de conserver son appartement à Barrie alors que sa copine vivait à North Bay. Il affirme que sa seule solution raisonnable avait été de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[16] La Commission affirme que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait, car il avait d’autres solutions raisonnables. Plus précisément, la Commission affirme que le prestataire aurait pu demeurer à Barrie jusqu’à ce qu’il se trouve un emploi à North Bay et continuer de voyager pour aller voir sa copine.

Nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait, ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence

[17] Selon la loi, je suis tenue d’examiner la question à savoir si le prestataire avait été fondé à quitter son emploi puisqu’il lui était nécessaire d’accompagner son épouse ou sa conjointe de fait vers un autre lieu de résidence.

[18] Le prestataire soutient avoir quitté son emploi afin de suivre sa conjointe de fait. Il explique que de septembre 2014 à janvier 2018, il a habité avec sa copine à Barrie. Sa copine a quitté Barrie en janvier 2018 pour déménager dans la région de North Bay, où elle s’était trouvé un emploi. Le prestataire a soutenu qu’il n’avait pas déménagé à ce moment-là, car il avait eu une place pour suivre un cours d’apprentissage en mars 2018, à X. Lorsque la formation a pris fin, le prestataire a déménagé afin de rejoindre sa copine à North Bay.

[19] Le terme « conjoint de fait » consiste en « la personne qui vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an ». (mis en évidence par la soussignée)Note de bas de page 4

[20] J’estime que le prestataire et sa copine n’étaient ni des époux ni des conjoints de fait. Le prestataire a affirmé que lorsqu’il a quitté son emploi, cela faisait environ 5 mois que sa copine avait déménagé à North Bay. Le prestataire et sa copine ne cohabitaient pas, et par conséquent, ils n’étaient pas des conjoints de fait au sens de la loi, malgré le fait qu’ils avaient vécu ensemble pendant plus de 3 ans auparavant. De plus, le prestataire a confirmé qu’à ce moment-là, sa copine et lui n’étaient pas fiancés, ne songeaient pas à se marier et n’avaient pas d’enfantNote de bas de page 5.

[21] Même si je concluais que le prestataire et sa copine étaient en union de fait, je ne peux pas conclure qu’il avait la nécessité de l’accompagner. Le prestataire et sa copine ont vécu séparément pendant environ cinq mois afin qu’il puisse suivre son cours d’apprentissage à Barrie et qu’elle puisse commencer son emploi à North Bay. Puisque le couple a vécu séparément pendant cinq mois, je ne peux pas conclure que le prestataire avait été fondé à quitter son emploi en raison d’une nécessité d’accompagner sa copine. J’estime que la décision du prestataire de quitter son emploi était motivée par le désir d’être avec sa copine plutôt que par son obligation de suivre sa conjointe de faitNote de bas de page 6.

Contraintes financières

[22] Le prestataire soutient également que ce n’était pas logique pour lui, sur le plan économique, de continuer à vivre à Barrie. Il dit qu’il payait 1 100 $ par mois en loyer. Ses autres dépenses mensuelles étaient des paiements de voiture (562 $), une facture de téléphone (100 $) et des assurances automobile (208 $). Le prestataire affirme également qu’il dépensait 100 $ en essence chaque semaine pour aller voir sa copine et qu’il y avait d’autres dépenses liées à l’utilisation de sa voiture. Le prestataire dit qu’il gagnait 18 $ l’heure et qu’il travaillait environ 40 heures par semaine. Son relevé d’emploi confirme cette affirmation.

[23] Même si je reconnais que les dépenses du prestataire diminueraient s’il déménageait avec sa copine, laquelle vivait avec des membres de la famille, cela ne constitue pas une justification. La Cour fédérale a constamment déclaré que le désir d’un prestataire d’améliorer sa situation financière peut constituer une bonne raison de quitter son emploi, mais il n’équivaut pas à une justification au sens de la loiNote de bas de page 7.

[24] De plus, un examen des dépenses du prestataire démontre qu’il a été capable de couvrir ses dépenses mensuelles pendant plusieurs mois (janvier à mai 2018) même si sa copine avait quitté Barrie. Par conséquent, j’estime que le désir du prestataire d’améliorer sa situation financière en déménageant de Barrie à North Bay ne constitue pas une justification au titre de la loi.

Solutions raisonnables

[25] Le prestataire soutient que sa seule solution raisonnable était de quitter son emploi. La Commission affirme que l’une des solutions raisonnables aurait pu être que le prestataire conserve son emploi jusqu’à ce qu’il se trouve un emploi dans la région de North Bay.

[26] Je suis d’accord avec la Commission. J’estime que l’une des solutions raisonnables du prestataire aurait pu être de conserver son emploi jusqu’à ce qu’il s’en trouve un autre à North BayNote de bas de page 8. Le prestataire affirme que de janvier à mai, il voyageait jusqu’à North Bay les fins de semaine pour visiter sa copine. Il retournait ensuite à Barrie la semaine, soit pour travailler soit pour suivre son cours d’apprentissage. La preuve démontre que le prestataire a voyagé de Barrie à North Bay la fin de semaine, et ce, pendant plusieurs mois avant de quitter son emploi et Barrie. La preuve démontre également que le prestataire a été capable de postuler pour des emplois dans la région de North Bay, même s’il travaillait et participait à une formation à BarrieNote de bas de page 9. J’estime donc qu’une solution raisonnable qui s’offrait au prestataire aurait été de conserver son emploi et de continuer de voyager pour aller voir sa copine jusqu’à ce qu’il se trouve un emploi à North Bay.

[27] Par conséquent, j’estime que le prestataire avait une autre solution raisonnable plutôt que de quitter son emploi. Il a quitté son emploi sans justification.

Question en litige no 2 : La Commission a-t-elle prouvé que le prestataire avait sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs? Si tel est le cas, la Commission a-t-elle correctement déterminé le montant de la pénalité?

Les parties ne s’entendent pas sur le fait que le prestataire aurait sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs.

[28] Pour imposer une pénalité, la Commission doit prouver que le prestataire a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs Note de bas de page 10.

[29] Le fait que les renseignements soient faux ou trompeurs ne suffit pas. Pour faire l’objet d’une pénalité, la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire les ait fournis en sachant que ceux-ci étaient faux ou trompeurs Note de bas de page 11.

[30] Si la preuve démontre clairement que les questions étaient simples et que le prestataire a répondu incorrectement à celles-ci, je peux alors en déduire que le prestataire savait que les renseignements étaient faux ou trompeurs. Alors, le prestataire devra expliquer pourquoi il a fourni des réponses erronées et devra démontrer qu’il n’a pas fait cela sciemmentNote de bas de page 12.

[31] Je ne suis pas tenue de déterminer si le prestataire avait eu l’intention de léser ou de tromper la Commission au moment de déterminer s’il est assujetti à une pénalitéNote de bas de page 13.

[32] La Commission affirme que le prestataire a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse parce qu’il n’a pas dit à la Commission qu’il avait quitté son emploi. La Commission a dit que lorsque le prestataire a présenté sa demande de renouvellement de prestations d’assurance-emploi en mai 2018, il a dit qu’il ne travaillait plus en raison d’un [traduction] « Manque de travail (ce qui comprend les mises à pied, les fins de contrat, les fins de saison et les fermetures de bureaux) ». La Commission affirme que lorsque le prestataire a rempli le formulaire de renouvellement, il avait démissionné afin d’accompagner sa copine, et que par conséquent, il a fait sciemment une déclaration fausse parce qu’il aurait dû écrire [traduction] « Départ volontaire ».

[33] Le prestataire soutient qu’il n’a pas sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs, car il ne savait pas qu’il devait avertir la Commission du fait qu’il avait quitté son emploi lorsque son cours d’apprentissage a pris fin en mai 2018. Il affirme qu’il ne comprenait pas très bien le processus et que puisqu’il recevait déjà des prestations en raison de son cours d’apprentissage, il ne savait pas qu’il devait aviser la Commission du fait qu’il avait quitté son emploi. Le prestataire soutient également avoir un trouble d’apprentissage, ce qui explique l’erreur dans le formulaire de demande. Le prestataire a envoyé des documents afin de fournir des explications au sujet de son trouble d’apprentissage.

[34] J’estime que la Commission a prouvé que le prestataire avait fourni des renseignements faux ou trompeurs. La demande de prestations qui se trouve parmi les documents de la Commission est la demande initiale remplie par le prestataire lorsqu’il a arrêté de travailler pour la première fois afin de participer à son cours d’apprentissage. Le prestataire a écrit [traduction] « Manque de travail » comme réponse à la question [traduction] « Pourquoi ne travaillez-vous plus? ». Le prestataire a choisi cette réponse même s’il avait quitté son lieu de travail pour suivre un cours d’apprentissage approuvé. Il n’a pas choisi l’option [traduction] « Formation en apprentissage ».

[35] La Commission n’a pas soumis comme preuve la demande de renouvellement. Cependant, le prestataire convient avoir gardé [traduction] « Manque de travail » comme raison pour laquelle il ne travaillait pas, et ce, même après qu’il ait démissionné pour déménager à North Bay.

[36] Même s’il a fourni des renseignements erronés, j’estime qu’il n’a pas fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse à la Commission. Le prestataire a présenté un rapport de psychoéducation qui démontre qu’il a un trouble d’apprentissage. Le rapport démontre que les problèmes du prestataire sont surtout en ce qui a trait à son aptitude à la lecture, sa compréhension de l’écrit et ses capacités d’organisation. Cette information confirme la déclaration du prestataire selon laquelle, malgré la simplicité apparente des questions, il a eu de la difficulté à comprendre les formulaires et il ne comprenait pas très bien ce qu’on lui demandait lorsqu’il a fait sa demande de renouvellement de prestations.

[37] Je tiens également à noter que lorsque le prestataire a présenté sa première demande de prestations en mars 2018, il a écrit [traduction] « Manque de travail » même s’il avait quitté temporairement son emploi en raison d’un cours d’apprentissage approuvé. Je n’ai trouvé aucune preuve à l’appui du fait que la Commission l’aurait avisé de cette erreur ou qu’elle aurait porté cette information erronée à l’attention du prestataire. Par conséquent, j’accepte l’explication du prestataire selon laquelle il pensait que sa demande de renouvellement était simplement en continuité avec sa demande initiale, et qu’il y avait donc inscrit la même raison, soit [traduction] « Manque de travail ». La confusion engendrée par l’erreur non corrigée dans la demande initiale du prestataire est amplifiée par les difficultés du prestataire en lecture et en compréhension de l’écrit. Ces deux raisons me mènent à déterminer que le prestataire n’a pas fait cette déclaration erronée à la Commission en sachant qu’elle était erronée. En bref, j’estime que le prestataire a expliqué pourquoi il a fourni des réponses erronées et qu’il a démontré qu’il n’a pas fait cela sciemment.

Les parties ne s’entendent pas sur la question à savoir si le montant de la pénalité a été déterminé correctement

[38] Puisque j’ai conclu que le prestataire n’avait pas fait sciemment une déclaration fausse, je n’ai pas besoin de déterminer si la Commission a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a déterminé le montant de la pénalité.

Conclusion

[39] L’appel sur la question du départ volontaire du prestataire sans justification est rejeté. Je conclus que le prestataire a quitté son emploi sans justification.

[40] L’appel concernant la pénalité est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Questions et réponses

Comparution:

M. J., appelant

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