Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas démontré que son contrat d’enseignement avait pris fin. Ainsi, la prestataire n’a pas le droit de recevoir des prestations.

Aperçu

[2] La prestataire a enseigné en première année du primaire du 11 février 2019 au 28 juin 2019. Durant les vacances scolaires (période de congé) allant de la fin de juin au début de septembre, elle voulait qu’on lui verse des prestations d’assurance-emploi (AE). La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations parce que son contrat d’enseignement a été prorogé durant les vacances scolaires.

[3] La prestataire affirme qu’elle était enseignante suppléante à long terme (SLT). Selon elle, le personnel SLT est dans une situation similaire au personnel enseignant suppléant. Il n’y a aucun contrat. À la fin de son affectation, le 28 juin 2019, on a cessé de lui verser un salaire. Une telle situation n’est pas différente de celle des ouvrières et ouvriers qualifiés qui reçoivent des prestations d’AE après une mise à pied. Elle demande au Tribunal de lui accorder des prestations d’AE.

[4] La Commission n’est pas d’accord et soutient plutôt que le contrat d’enseignement de la prestataire s’est terminé le 28 juin 2019. Cependant, elle a reçu une autre offre d’affectation de SLT en septembre 2019. La Commission prétend que, comme la prestataire avait une autre affectation pour l’automne 2019, la relation d’emploi avec le conseil scolaire a continué et, par conséquent, la prestataire n’a pas droit aux prestations.

Question en litige

[5] Le contrat d’enseignement de la prestataire avait-il pris fin quand elle a voulu recevoir des prestations d’AE?

Analyse

[6] En règle générale, le personnel enseignantNote de bas de page 1 ne peut pas recevoir de prestations d’AE durant les périodes de congé qui surviennent au cours de l’annéeNote de bas de page 2. Les périodes de congé sont les périodes durant lesquelles, chaque année, la plupart des personnes qui enseignent ne travaillent pasNote de bas de page 3. Elles comprennent entre autres les vacances d’été et la semaine de relâcheNote de bas de page 4. Même si les enseignants et enseignantes ne travaillent pas durant les périodes de congé, on ne les considère pas comme étant au chômageNote de bas de page 5. Le fait de ne pas travailler n’est pas comme être au chômageNote de bas de page 6.

[7] Il y a quelques exceptions à cette règle généraleNote de bas de page 7. L’une d’elles prévoit que les prestataires dont le contrat d’enseignementNote de bas de page 8 a pris fin sont admissibles aux prestationsNote de bas de page 9. Il s’agit de l’exception dont débattent les parties dans le présent appel. La prestataire doit démontrer que l’exception est plus susceptibleNote de bas de page 10 de s’appliquer à elle que de ne pas s’appliquer à elleNote de bas de page 11.

[8] Je ne peux pas me contenter de regarder les dates de début et de fin des contrats pour décider si le contrat d’enseignement de la prestataire a pris finNote de bas de page 12. Dans le même ordre d’idées, le fait que la prestataire n’était pas payée durant la période en question n’est pas suffisant selon moi pour conclure que le contrat avait pris finNote de bas de page 13. Je dois plutôt regarder l’ensemble des circonstances dans lesquelles se trouvait la prestataire, y compris des éléments comme son relevé d’emploi, les usages et pratiques du domaine de l’enseignement, la méthode que l’employeur utilise pour rappeler le personnel et des éléments attestant une reconnaissance de départ de la part de l’employeurNote de bas de page 14.

[9] La prestataire doit démontrer qu’il y a eu une rupture claire dans la continuité de son emploiNote de bas de page 15. Il faut une véritable rupture de la relation entre l’employeur et la prestataireNote de bas de page 16.

La prestataire enseignait-elle?

[10] Je constate que la prestataire est une enseignante. Dans son témoignage, elle a déclaré qu’elle avait eu deux affectations d’enseignante SLT. Durant la première, de septembre 2018 à décembre 2018, elle enseignait dans une classe de maternelle. Durant la deuxième, de février 2019 à juin 2019, elle enseignait dans une classe de première année du primaire pour le même conseil scolaire de district. On lui a offert une autre affectation pour enseigner dans une classe de quatrième année du primaire à l’automne 2019. Il ne fait aucun doute que la prestataire enseignait. Je suis convaincu qu’elle est enseignante et qu’elle travaillait comme enseignante durant la période de référence. Il n’y a aucun élément de preuve pouvant me mener à une autre conclusion.

Le contrat d’enseignement de la prestataire avait-il pris fin quand elle a voulu recevoir des prestations d’AE?

[11] Je conclus que la prestataire n’a pas démontré que la définition de l’exception d’une fin de contratNote de bas de page 17 s’appliquait à elle de façon à ce qu’elle ait droit aux prestations d’AE.

[12] La prestataire dit que l’exception s’applique, car au printemps 2019, elle travaillait comme enseignante SLT dans une classe de première année du primaire. Elle a expliqué que le personnel enseignant SLT est appelé à travailler au besoin, de façon similaire au personnel enseignant suppléant. Habituellement, les « affectations » durent plus longtemps et consistent à remplacer un enseignant ou une enseignante qui s’absente. Il n’y a aucun contrat en bonne et due forme qui établit une date de début ou de fin ni d’autres conditions. La durée de l’affectation n’est pas garantie, puisque la personne absente peut revenir n’importe quand, ce qui mettrait fin à l’affectation de SLT.

[13] La prestataire m’a dit qu’elle travaille pour le même conseil scolaire depuis 5 ans, occupant divers postes, y compris ceux d’enseignante occasionnelle et suppléante. À l’automne 2018, elle a accepté sa première affectation de SLT pour enseigner dans une classe de première année du primaire. Au printemps 2019, elle a accepté une deuxième affectation auprès du même conseil scolaire pour enseigner dans une classe de deuxième année du primaire. Sa deuxième affectation a pris fin le 28 juin 2019. Elle a déclaré qu’elle n’est pas payée durant les vacances d’été. Ses avantages sociaux ne sont pas reportés d’une affectation à l’autre à l’exception de son ancienneté et de ses cotisations de retraite. En date du 28 juin 2019, elle n’avait pas d’affectation d’enseignante pour l’automne 2019.

[14] Le 4 juillet 2019, la prestataire a reçu un courriel d’une personne représentant le conseil scolaire qui lui offrait une autre affectation de SLT pour l’automne 2019. L’offre informait la prestataire de la date du début de l’affectation, de l’emplacement de l’école et du fait qu’elle enseignerait une classe combinée de quatrième et de cinquième année du primaire. Elle dit qu’elle n’a pas accepté l’offre à ce moment-là. De plus, l’offre ne garantissait pas l’affectation parce que certains facteurs comme le nombre d’élèves inscrits pouvaient changer les choses. Elle a ajouté qu’un changement est bel et bien survenu, car sa classe comptait seulement des élèves de quatrième année. Sauf avis contraire, on s’attendait à ce qu’elle se présente à l’école qui lui avait été assignée le jour de la rentrée des classes pour commencer son affectation.

[15] Pour appuyer ses déclarations, elle a souligné que, le 31 juillet 2019, une personne représentant le service des ressources humaines du conseil scolaire avait dit à la Commission que la prestataire n’avait pas reçu d’offre d’emploi verbale ou écrite pour l’automne 2019.

[16] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas de contrat de travail. Elle a cotisé à l’assurance-emploi et elle croit remplir les conditions requises pour recevoir des prestations. Elle s’est comparée aux ouvrières et ouvriers qualifiés qui se font mettre à pied. Elle prétend que les deux situations sont identiques.

[17] La Commission affirme que le contrat de travail de la prestataire n’avait pas pris fin, puisqu’elle avait un emploi à long terme au conseil scolaire. Même si son affectation s’est terminée le 28 juin 2019, la relation d’emploi avec le conseil scolaire n’était pas terminée. Le 4 juillet 2019, on lui a offert et elle a accepté un nouveau contrat auprès du même conseil scolaire pour enseigner en septembre 2019. La relation d’emploi s’est poursuivie lorsqu’elle a conclu une entente avec l’employeur pour l’automne. La Commission fait valoir que la prestataire ne répond pas aux critères de l’exception au sens de l’article 33(2)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi et qu’elle n’est pas admissible aux prestations.

[18] Je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’il y a eu une rupture claire dans la continuité de son emploi, car la relation d’emploi avec son employeur a continué. Il n’y a pas eu de véritable rupture de la relation entre la prestataire et son employeur.

[19] Selon la prestataire, son affectation de SLT ne représentait pas un contrat de travail. Toutefois, elle entretenait une relation d’emploi à long terme avec le même conseil scolaire depuis cinq ans. Même si on ne peut désigner aucun document physique comme un contrat, il y avait une relation d’emploi. Le conseil scolaire avait visiblement accueilli et intégré la prestataire à titre d’enseignante qualifiée. À un moment donné, elle a sûrement postulé à un poste qui a finalement mené à l’inscription de son nom sur une liste de personnes qualifiées pour des affectations d’enseignants et d’enseignantes SLT. Lorsque son affectation a pris fin en juin 2019, sa relation d’emploi s’est poursuivie. Son nom était toujours sur la liste d’enseignants et d’enseignantes disponibles et admissibles à une affectation de SLT auprès du même conseil scolaire. Six jours après la fin de son affectation, ce conseil scolaire lui a offert une affectation d’enseignante SLT. Elle a accepté l’offre. Tant l’employeur que la prestataire envisageaient une relation d’emploi qui allait au-delà de celle d’une enseignante occasionnelle ou suppléante. Bien que non écrit, un contrat de travail a été établi.

[20] La prestataire a déclaré qu’aucune offre d’emploi verbale ou écrite n’avait été formulée pour l’automne 2019. Pour appuyer son affirmation, elle fait référence aux réponses que la personne représentant le service des ressources humaines du conseil scolaire a fournies à la Commission, à savoir que l’ordinateur ne comportait aucune trace d’une offre d’emploi verbale ou écrite pour l’automne. J’écarte la déclaration de la personne qui représentait le service des ressources humaines. La prestataire a déclaré qu’elle avait reçu par courriel une offre du même conseil scolaire pour une affectation de SLT. Dans sa demande de prestations initiale, datée du 7 juillet 2019, elle a inscrit qu’elle avait reçu une offre écrite du même conseil scolaire et qu’elle l’avait acceptée. J’accorde une plus grande importance à cette affirmation parce qu’elle recoupe les déclarations de la prestataire selon lesquelles elle a reçu le 4 juillet 2019 un courriel qui contenait une offre d’affectation pour l’automne 2019.

[21] Indépendamment de ce que le conseil scolaire a consigné dans ses dossiers, la prestataire a reçu une offre qu’elle a acceptée. Même s’il est vrai que l’affectation aurait pu se terminer si la situation avait changé, on peut raisonnablement conclure qu’au moment de faire l’offre, le conseil scolaire croyait que l’affectation se concrétiserait. Le fait qu’une offre soit présentée et acceptée par courriel démontre un grand degré de familiarité entre l’employeur et l’employée. Il montre également qu’il ne s’agit pas d’une situation où l’employeur réembauche une personne après avoir mis un terme à la relation d’emploi. La prestataire n’a pas signé une nouvelle offre d’emploi. Elle a simplement recommencé à enseigner lorsqu’elle s’est présentée à l’école qu’on lui avait assignée pour l’automne.

[22] Lorsqu’on lui a demandé si elle avait cherché un autre travail en enseignement au cours de l’été, la prestataire a d’abord répondu oui. Elle a dit qu’elle avait fait des recherches dans des sites Web comme « Indeed » pour trouver des postes affichés. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas consigné ses recherches. Elle a précisé qu’elle n’avait postulé à aucun emploi parce qu’il n’y avait aucun poste d’enseignant ou d’enseignante au primaire. Je constate que la prestataire limitait le choix de postes qu’elle était prête à accepter. Elle ciblait seulement les postes d’enseignante qui étaient équivalents ou supérieurs à ce qu’on lui avait déjà offert. J’estime que la prestataire n’a pas mené des recherches approfondies pour trouver un emploi, ce qui ne correspond pas au comportement d’une personne véritablement sans emploi.

[23] Selon la prestataire, sa situation était comme celle d’une ouvrière ou d’un ouvrier qualifié, car on l’avait mise à pied quand il n’y avait plus de travail. On l’avait rappelée pour l’automne quand il y avait du travail. Elle n’a touché aucun salaire durant l’été. Elle croit qu’elle devrait recevoir des prestations d’AE tout comme le personnel ouvrier qualifié qui se retrouve mis à pied.

[24] La Cour d’appel fédérale a distingué le personnel enseignant des autres professions. Lorsque le personnel enseignant arrête de travailler durant une période de congé, la relation d’emploi n’est pas rompue. Plus précisément, la Cour a statué que quand le contrat d’enseignement se termine à la fin de juin et que la personne est réembauchée à l’automne, elle n’a pas droit aux prestations d’AE pour les mois de juillet et d’aoûtNote de bas de page 18. Il doit y avoir une véritable rupture de la relation d’emploi.

[25] La prestataire n’a pas démontré que son contrat d’enseignement avait pris fin au sens de l’exception. La relation d’emploi n’a pas été véritablement rompue.

La prestataire enseignait-elle sur une base occasionnelle ou de suppléanceNote de bas de page 19?

[26] Je conclus que la prestataire ne travaillait pas de façon occasionnelle ou comme suppléante. De par leur nature, les affectations de SLT ont une durée prévue plus longue que les suppléances occasionnelles ou à court terme. Dans son témoignage, la prestataire a dit qu’elle avait enseigné tous les jours de son affectation au printemps 2019 de même qu’au début de son affectation à l’automne 2019. Ses affectations d’enseignante à long terme présentaient une régularité qui ne concorde pas avec la définition de l’enseignement occasionnel ou de la suppléance. On ne m’a présenté aucun élément de preuve pouvant me mener à une autre conclusion.

La prestataire était-elle admissible aux prestations en raison d’un autre emploi que celui d’enseignanteNote de bas de page 20?

[27] Je constate que la prestataire n’a occupé aucun autre emploi que celui d’enseignante au cours de la période de référence. Aucune preuve n’a été produite pour montrer que la prestataire avait eu un autre emploi qui lui aurait permis de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations.

Conclusion

[28] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas le droit de recevoir des prestations pour la période de congé.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 12 décembre 2019

Téléconférence

R. D., appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.