Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi, car d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui au moment de sa démission. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[2] Le prestataire a perdu son emploi pour des raisons qui n’étaient pas liées à son travail. Il travaillait comme réceptionniste de nuit dans un hôtel, au salaire minimum. Il voulait déménager dans une autre province où le salaire minimum était plus élevé. Il a présenté une demande de prestations d’AE. La Commission a examiné les raisons fournies par le prestataire pour sa démission et a déterminé qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification. Elle était donc dans l’impossibilité de lui verser des prestations d’AE.

[3] La Commission soutient que le prestataire a quitté son emploi pour se trouver un meilleur emploi plus payant dans une autre province. La décision de quitter son emploi était une décision personnelle. Le prestataire aurait pu garder son emploi jusqu’à temps de se trouver un autre emploi dans l’autre province.

[4] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme que c’est lui qui pourvoit principalement aux besoins de son ménage. Il travaillait de nuit, mais son employeur refusait de lui verser une prime de nuit. Il avait des problèmes de santé et était préoccupé par la température froide. Il était inquiet pour sa sécurité en raison du taux de criminalité élevé. Il ne comprend pas pourquoi Service Canada ne considère pas cela comme étant des justifications.

Ce que je dois trancher

[5] Je dois déterminer si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification. À cette fin, je dois d’abord me pencher sur la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite déterminer si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Départ volontaire

[6] Le prestataire reconnaît qu’il a quitté son emploi le 29 août 2019. Je ne vois aucun élément de preuve venant contredire ce fait. Je vais maintenant déterminer si le prestataire a prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi.

[7] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle a volontairement quitté son emploi sans justificationNote de bas page 1. Avoir une bonne raison de quitter son emploi n’équivaut pas à avoir une justification.

[8] Selon la loi toujours, une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionnerNote de bas page 2. Il incombe au prestataire de le prouverNote de bas page 3. Le prestataire doit montrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner. Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment de la démission du prestataire.

Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi

[9] Je suis convaincue que la décision du prestataire de démissionner pour se trouver un emploi avec un meilleur salaire dans une autre province ne répond pas au critère de justification. La jurisprudence indique que même si une partie prestataire estime que son emploi n’est pas suffisamment payant, cela ne justifie pas qu’il l’abandonne et qu’il demande aux autres de le soutenir par l’entremise des prestations d’AENote de bas page 4.

[10] Le prestataire affirme qu’il a quitté son emploi parce que le salaire minimum au Manitoba était de 11 $ l’heure et que cela était insuffisant pour élever sa famille. Sa femme est invalide et ne peut pas travailler. Ils ont un enfant d’un an. Sa mère vit également avec lui. Il voulait déménager en Ontario, où le salaire minimum était de 14 $ l’heure, afin qu’il puisse mieux subvenir aux besoins de sa famille.

[11] Le prestataire a indiqué dans sa demande de révision à la Commission qu’il avait occupé deux emplois pendant trois ans. Il travaillait sept jours par semaine. Il avait tenté de se trouver un autre emploi avec un meilleur salaire, mais n’avait pas été capable de se trouver un emploi plus payant au Manitoba. Il lui semblait évident qu’il ne pouvait pas faire progresser sa carrière. C’est pourquoi il a décidé de déménager.

[12] Le prestataire a affirmé à la Commission qu’il n’avait pas reçu d’offre d’emploi avant de déménager. Il s’était cherché un travail en Ontario, mais les employeurs tenaient à le rencontrer en personne. Son bail de location de maison allait prendre fin et il a donc pris la décision de déménager, parce que ce serait plus facile de se trouver un emploi s’il résidait sur place.

[13] Le prestataire a quitté son emploi à temps partiel le 10 août 2019 (cette démission ne fait pas l’objet de l’appel). Il a quitté son emploi à temps plein le 29 août 2019. Il a déménagé le 1er septembre 2019.

[14] La décision du prestataire de déménager pour se trouver un emploi plus payant est raisonnable. Toutefois, une décision raisonnable n’équivaut pas à une justificationNote de bas page 5. Le prestataire doit montrer qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner.

[15] La Commission affirme que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner. Plus précisément, elle affirme que le prestataire aurait pu se trouver un emploi en Ontario.

[16] Le prestataire affirme qu’il n’avait pas d’autre choix que de déménager en Ontario pour les raisons suivantes :

  • Son employeur à temps plein refusait de lui verser des primes de nuit.
  • Le taux de criminalité est élevé et il avait été victime d’une attaque et de harcèlement à l’arrêt d’autobus.
  • Les conditions météorologiques sont trop difficiles pour sa santé.
  • Il ne pouvait pas déménager après s’être trouvé un emploi parce que la distance était énorme. Sa femme est invalide et il ne pouvait donc pas la laisser seule.
  • Trois membres de sa famille dépendent de lui pour leur survie. C’était son devoir de se chercher un meilleur emploi.

[17] Je dois prendre en considération toutes les circonstances qui existaient au moment de la démission du prestataire.

Refus de l’employeur de verser des primes de nuit au prestataire

[18] Le prestataire affirme que son employeur à temps plein refusait de lui verser une prime de nuit. Selon la loi, les employeurs doivent verser une prime de nuit aux travailleurs qui travaillent de nuit. Le prestataire m’a affirmé que son employeur refusait de lui verser la prime de nuit, mais qu’il ne l’a pas contesté. Il ne faisait que m’en informer pour que je comprenne à quel point la situation était difficile.

[19] Je ne considère pas que le refus de l’employeur de verser au prestataire une prime de nuit constitue une justification pour quitter son emploi. Le prestataire avait discuté de la situation avec son employeur, mais il lui avait répondu qu’il ne faisait pas assez d’argent pour être en mesure de lui payer la prime. Si cette prime est une exigence de la loi, le prestataire avait donc la solution raisonnable de se tourner vers l’organisme provincial responsable des normes du travail. Il aurait obtenu une augmentation de salaire s’il avait obtenu la prime de nuit. J’estime qu’il s’agit d’une solution raisonnable autre que de quitter son emploi.

Taux de criminalité élevé

[20] Pour se rendre au travail, le prestataire avait un déplacement de 45 minutes à faire. Il vivait dans une ville où le taux de criminalité était élevé et utilisait les transports en commun. Il attendait à l’arrêt d’autobus à 22 h 40. Une fois, il s’est fait attaquer. Il se faisait harceler constamment lorsqu’il attendait l’autobus. Il ne comprend pas pourquoi sa sécurité n’est pas une source de préoccupation.

[21] La loi stipule que si un emploi représente un risque pour la sécurité de la personne, elle pourrait être justifiée à démissionner. Le prestataire était toutefois préoccupé pour sa sécurité lorsqu’il était à l’arrêt d’autobus pour se rendre au travail. C’est la responsabilité du prestataire de se rendre au travail de façon sécuritaire. Il avait la solution raisonnable de déménager plus près de son lieu de travail.

Conditions météorologiques difficiles et santé

[22] Le prestataire affirme qu’il réside dans la ville la plus froide du Canada, où la température peut descendre à -50 degrés Celsius au milieu de l’hiver. Ce n’est pas à prendre à la légère, surtout lorsqu’on doit attendre à un arrêt d’autobus et se rendre au travail de nuit en autobus.

[23] Dans l’avis d’appel, le prestataire a indiqué qu’on lui avait diagnostiqué de l’hypothyroïdie. L’une des conséquences de l’hypothyroïdie est une intolérance au froid extrême. Il est à risque de subir de l’hypothermie, ce qui peut mettre sa vie en danger. Il sentait qu’il était impératif qu’il déménage quelque part où l’hiver serait plus tolérable.

[24] Le prestataire a témoigné que son médecin ne lui avait pas conseillé de quitter son emploi.

[25] Je ne suis pas convaincue que l’intolérance du prestataire au froid extrême faisait en sorte qu’il était fondé à quitter son emploi. Le prestataire travaillait comme réceptionniste de nuit dans un hôtel. On ne s’attendait pas de lui qu’il travaille dans le froid. Il a parlé du froid qu’il devait tolérer lorsqu’il se rendait au travail. Le prestataire a occupé ses deux emplois pendant trois ans. Le prestataire avait la solution raisonnable de déménager plus près de son lieu de travail pour éviter de s’exposer au froid.

Autre emploi

[26] La jurisprudence indique aussi que conserver son emploi jusqu’à temps de se trouver un autre travail est généralement une solution raisonnable autre que de prendre la décision unilatérale de quitter son emploiNote de bas page 6.

[27] Le prestataire a indiqué qu’il avait postulé environ 15 à 20 emplois au Manitoba sans succès. Il a postulé divers postes en Ontario, mais le directeur général de X lui a indiqué qu’il ne pouvait embaucher personne sans d’abord tenir une entrevue en personne.

[28] Le prestataire a indiqué qu’il ne pouvait pas se rendre en Ontario pour passer des entrevues pour trois raisons :

  • l’emploi ne lui était pas garanti après l’entrevue;
  • il était financièrement difficile de prendre un vol pour l’Ontario pour une entrevue;
  • sa femme est invalide et il ne peut pas la laisser seule.

[29] Je comprends pourquoi le prestataire voulait déménager dans une autre province. C’était toutefois sa responsabilité de ne pas prendre d’action qui risquait de le mettre au chômageNote de bas page 7. En quittant son emploi avant de s’en être trouvé un autre, le prestataire a provoqué un plus grand risque de se retrouver au chômage.

[30] Je comprends également que se trouver un emploi dans une autre province représente un défi. Toutefois, c’était son choix personnel que de déménager dans une autre province. Le prestataire n’a pas prouvé que ses conditions de travail étaient si intolérables qu’il n’a pas eu d’autre choix que de démissionner immédiatement. Il avait la solution raisonnable de garder son emploi jusqu’à ce qu’il se trouve un autre travail.

Besoins financiers

[31] Le prestataire a indiqué que trois personnes dépendaient de lui. Il était payé au salaire minimum, ce qui n’était pas suffisant pour subvenir aux besoins de sa famille. Il m’a dit à l’audience qu’il ne s’était toujours pas trouvé de travail.

[32] J’éprouve de la sympathie envers le prestataire. Toutefois, je ne peux fonder ma décision sur ses besoins financiers. Il va de soi qu’une partie prestataire qui demande des prestations d’AE le fait parce qu’elle a des besoins financiers.

[33] Le prestataire a aussi affirmé qu’il avait cotisé au régime d’assurance-emploi pendant des années et a déploré qu’il ne pouvait pas y avoir recours alors qu’il en avait besoin. Toutefois, le régime d’AE a été mis en place pour aider les travailleurs qui, pour des raisons hors de leur contrôle, se retrouvent au chômage et incapables de se trouver un emploi. Les raisons fournies par le prestataire pour sa démission ne correspondent pas à des éléments qui sont hors de son contrôle.

[34] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment de sa démission. Je ne suis pas convaincue qu’il devait immédiatement quitter son emploi pour des raisons de santé. Il avait la solution raisonnable de se tourner vers l’organisme responsable des normes du travail pour obtenir sa prime de nuit, de déménager plus près de son lieu de travail et de se trouver un emploi avant de démissionner.

[35] En conséquence, il ne répond pas au critère d’être fondé à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[36] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations. Cela signifie que l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 10 décembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

R. K., appelant

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