Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La Commission a déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification et qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance emploi (AE). La division générale (DG) a rejeté l’appel initial du prestataire. La division d’appel (DA) a accueilli un premier appel après que la Commission ait reconnu que la décision de la DG contenait quelques erreurs. La DA a donc renvoyé l’affaire à la DG pour réexamen. Une deuxième membre de la DG a confirmé la décision de la Commission d’exclure le prestataire. Le prestataire a interjeté appel de la deuxième décision de la DG et soutenu que les deux décisions de la DG se contredisaient puisque la deuxième ignorait les conclusions de fait de la première décision qui étaient favorables à sa cause. La première décision de la DA invitait la deuxième membre de la DG à examiner la preuve et à tirer ses propres conclusions de fait. Cette membre de la DA n’a pas donné plus amples instructions sur la façon de traiter le dossier après son renvoi à la DG. À plusieurs occasions pendant l’audience, avec la deuxième membre de la DG, elle a expliqué qu’elle réévaluait la cause à partir du début, comme si la première décision de la DG n’existait pas. La DA conclut maintenant que la deuxième membre de la DG n’a pas commis d’erreur de droit en procédant de cette façon. En l’espèce, le fait que la DG ait tiré des conclusions de fait contradictoires d’une décision à l’autre ne constitue pas une erreur de droit. La DA a rejeté l’appel.

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] N. D. est le prestataire en l’espèce. Il a travaillé pour l’employeur, X, au cours de l’été 2016. Le prestataire a par la suite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE), signalant à la Commission de l’assurance-emploi du Canada qu’il avait été mis à pied en raison d’un manque de travail. La Commission a approuvé la demande du prestataire et lui a versé des prestations.

[3] En juillet 2017, le prestataire a présenté une autre demande de prestations régulières d’AE. Cette fois-ci, le prestataire a cependant signalé sur son formulaire de demande qu’il avait quitté son emploi auprès de l’employeur afin de retourner à l’université. À la suite d’un réexamen, la Commission a déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi auprès de l’employeur et qu’il n’avait pas été fondé à le faireNote de bas de page 1. Par conséquent, la Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations d’AE et a demandé qu’il rembourse une certaine partie des prestations qu’il avait déjà reçues.

[4] Le prestataire a demandé à la Commission de procéder à une révision, mais celle-ci a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a ensuite porté la décision de la Commission en appel devant la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté l’appel. Ensuite, le prestataire a interjeté appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal, où son appel a été accueilli. Par conséquent, le dossier a été renvoyé à la division générale pour réexamen.

[5] La deuxième membre de la division générale a tranché l’affaire de nouveau. Elle a tenu une nouvelle audience et, pour la deuxième fois, elle a maintenu la décision de la Commission d’exclure le prestataire du bénéfice des prestations d’AE. Le prestataire interjette maintenant appel de la deuxième décision de la division générale auprès de la division d’appel du Tribunal. Plus précisément, le prestataire soutient que les deux décisions de la division générale se contredisent et que la deuxième membre de la division générale a commis des erreurs importantes concernant les faits de l’affaire.

[6] Je ne peux pas accepter les arguments du prestataire. Je rejette donc son appel. Voici les motifs de ma décision.

Questions en litige

[7] Pour arriver à cette décision, je me suis penché sur les questions suivantes :

  1. La deuxième membre de la division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’adoptant pas les conclusions tirées par le premier membre de la division générale?
  2. La deuxième membre de la division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante?

Analyse

[8] Je suis tenu de respecter la loi et les procédures prévues par laLoi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Par conséquent, je ne peux intervenir en l’espèce que si la division générale a commis au moins une des erreurs énumérées à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 2.

[9] En l’espèce, je me suis penché sur la question de savoir si la deuxième membre de la division générale avait commis une erreur de droit ou de fait. Selon le libellé de la Loi sur le MEDS, toute erreur de droit pourrait me permettre d’intervenir en l’espèceNote de bas de page 3.

[10] Cependant, il n’en va pas de même pour les erreurs de faitNote de bas de page 4. Pour que je puisse intervenir sur le fondement de ce type d’erreur, la deuxième membre de la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Par exemple, je ne peux pas intervenir dans une affaire simplement parce que la division générale s’est trompée au sujet d’un détail non pertinent. Cependant, je peux intervenir si la division générale a fondé sa décision sur un fait qui est manifestement contredit par les éléments de preuve ou qui n’est pas étayé par ces derniersNote de bas de page 5.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[12] Non, la deuxième membre de la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en n’adoptant pas les conclusions tirées par le premier membre de la division générale.

[13] Dans les deux décisions, la division générale a rejeté l’appel du prestataire. Néanmoins, il soutient que le premier membre de la division générale a tiré des conclusions importantes qui étaient favorables à son affaire. Selon lui, la deuxième membre de la division générale aurait dû adopter ces conclusions dans sa décision.

[14] Le prestataire a souligné l’importance de ces conclusions dans sa première demande devant la division d’appelNote de bas de page 6. La Commission a ensuite admis que la décision de la division générale contenait des erreursNote de bas de page 7. Cependant, elle a recommandé que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour réexamen.

[15] Même si le premier membre de la division d’appel avait la compétence nécessaire pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, elle a plutôt décidé de renvoyer l’affaire à la division générale. Plus précisément, elle a dit que l’approche du premier membre de la division générale concernant ses conclusions de fait était incomplète. Elle a donc renvoyé le dossier à la division générale pour réexamenNote de bas de page 8. Le premier membre de la division d’appel a écrit que la division générale devrait prendre en considération les éléments de preuve contradictoires et tirer des conclusions de faitNote de bas de page 9. Cependant, elle n’a pas donné de directives sur la façon dont le dossier devrait être traité une fois renvoyé à la division généraleNote de bas de page 10.

[16] Dans les circonstances, la deuxième membre de la division générale a tenu une nouvelle audience, laquelle a duré plus d’une heure. À plusieurs reprises au cours de l’audience, la membre a expliqué au prestataire qu’elle examinait à nouveau l’affaire en partant de zéro, comme si la décision de la division générale n’existait pasNote de bas de page 11. Il va sans dire qu’elle a permis au prestataire de présenter des éléments de preuve au sujet d’éléments provenant de la première décision de la division générale et qu’il estimait importants, et elle a souligné les arguments du prestataire dans sa décisionNote de bas de page 12.

[17] La deuxième membre de la division générale n’a commis aucune erreur de droit en procédant de cette façon. Le prestataire a contesté avec succès la première décision de la division générale. Néanmoins, il a ensuite voulu sélectionner les éléments de la décision qui étaient favorables à son affaire. Au contraire, la division d’appel a fait abstraction de la première décision de la division générale et a souligné qu’il était nécessaire qu’une deuxième membre de la division générale tire ses propres conclusions de fait.

[18] Il va sans dire qu’il serait préférable que la division générale ne tire pas des conclusions de fait contradictoires d’une décision à l’autre. Cependant, cela ne constitue pas une erreur de droit liée aux faits en l’espèce. Toutefois, comme je l’expliquerai ci-dessous, contrairement aux allégations du prestataire, je n’interprète pas les deux décisions générales comme étant contradictoires.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante?

[19] Non, la deuxième membre de la division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[20] En l’espèce, la division générale a appliqué l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cette disposition aurait pour effet d’exclure le prestataire du bénéfice de prestations d’AE s’il avait quitté volontairement son emploi auprès de l’employeur sans justification. Il convient d’analyser cela en deux tempsNote de bas de page 13. D’abord, la Commission était tenue de prouver que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. Si tel était le cas, le prestataire devait alors prouver qu’il avait été justifié à quitter son emploi.

[21] Dans plusieurs cas d’exclusion, la première partie de l’analyse est claire. Cependant, la deuxième membre de la division générale a reconnu que, en l’espèce, elle devait concentrer son attention sur cette question.

[22] Le prestataire n’a pas envoyé de lettre de démission. Cependant, en retournant à l’université, le prestataire a-t-il réellement quitté son emploi? En ce qui a trait à cette question, la deuxième membre de la division générale s’est fondée sur une affaire semblable dont était saisie la Cour d’appel fédérale et dans laquelle on avait conclu qu’une personne avait quitté volontairement son emploi parce qu’elle avait réduit sa disponibilité à travaillerNote de bas de page 14.

[23] En l’espèce, l’employeur a embauché le prestataire pendant les mois d’été. Cependant, en septembre, le prestataire planifiait retourner à l’université afin de terminer la dernière année de son programme d’enseignement de deux ans. Les parties ont présenté des éléments de preuve contradictoires au sujet de la disponibilité à travailler du prestataire après son retour à l’université.

[24] D’une part, l’employeur a affirmé qu’il avait un surcroît de travail et qu’il aurait continué d’embaucher le prestataire si ce n’avait été de ses plans de retourner à l’universitéNote de bas de page 15. L’employeur a soutenu qu’il donnait d’abord du travail aux personnes qui étaient disposées à travailler à temps pleinNote de bas de page 16.

[25] D’autre part, le prestataire a soutenu qu’il avait désespérément besoin d’argent et qu’il souhaitait demeurer sur la liste d’appel de l’employeur. Il a affirmé qu’il était prêt à manquer l’école de temps en temps, et qu’il aurait même reporté ses étudies si on lui avait offert un [traduction] « vrai » emploi à temps pleinNote de bas de page 17.

[26] Pour appuyer sa position, le prestataire a fait remarquer qu’il avait appelé l’employeur à deux reprises afin de vérifier s’il avait du travail pour lui. Si l’employeur avait arrêté de donner du travail au prestataire en raison de sa disponibilité réduite, le prestataire affirme que cela était un malentendu de la part de l’employeur et qu’on ne devrait pas lui en tenir rigueur.

[27] La deuxième membre de la division générale a soupesé l’ensemble de la preuve, a conclu que le prestataire avait réduit sa disponibilité à travailler et a expliqué comment elle en était arrivée à cette conclusion.

[28] Quoi qu’il en soit, le prestataire soutient que la deuxième membre de la division générale a commis trois erreurs importantes concernant les faits de l’espèce.

[29] Premièrement, le prestataire soutient que, contrairement au premier membre de la division générale, la deuxième membre n’a pas reconnu le fait qu’il avait appelé l’employeur à deux reprises afin de se chercher plus de travail. Selon le prestataire, il s’agit là d’une preuve solide (voir concluante) à l’appui du fait qu’il n’avait pas quitté son emploi.

[30] Je ne peux accepter le fait que la deuxième membre de la division générale a commis l’erreur de fait présumée par le prestataire. En fait, la deuxième membre de la division générale a tout simplement estimé que cette preuve était moins probante que l’espérait le prestataire.

[31] En effet, la deuxième membre de la division générale a reconnu que le prestataire avait fait ces appels à l’employeur. Elle semble même avoir reconnu le fait que le prestataire avait conservé une certaine disponibilité à travailler. Toutefois, elle a estimé qu’il avait été raisonnable de la part de l’employeur de conclure qu’une fois que le prestataire était retourné à l’université, il était moins disponible qu’il ne l’était auparavantNote de bas de page 18. Elle a affirmé qu’il revenait à l’employeur d’évaluer les exigences de son entrepriseNote de bas de page 19. En fait, l’employeur a démontré son opinion en embauchant quelqu’un pour remplacer le prestataire avant sa dernière journée de travail et en émettant rapidement son relevé d’emploi.

[32] La deuxième membre de la division générale n’a commis aucune erreur pertinente en tirant sa conclusion. Après tout, elle n’a pas conclu que le prestataire n’était pas disponible à travailler, mais plutôt que sa disponibilité était réduite. Le fait que le prestataire ait appelé l’employeur pour lui demander plus de travail n’est pas en contradiction avec cette conclusion.

[33] Deuxièmement, le prestataire a reconnu avoir fourni des réponses différentes dans ses deux demandes de prestations d’AE. Dans la première demande, il a noté qu’il avait arrêté de travailler pour l’employeur en raison d’un manque de travailNote de bas de page 20. Dans la deuxième demande, il a indiqué avoir quitté son emploi afin de retourner à l’universitéNote de bas de page 21.

[34] Le prestataire a expliqué avoir indiqué qu’il avait quitté son emploi dans la deuxième demande, car il pensait devoir se conformer à ce que l’employeur avait indiqué sur son relevé d’emploiNote de bas de page 22. Le premier membre de la division générale avait accepté l’explication du prestataire et avait estimé que sa première réponse était plus crédible. Comme la deuxième membre de la division générale n’a pas tiré la même conclusion, le prestataire a soutenu qu’elle avait commis une erreur importante concernant les faits de l’espèce.

[35] Le rôle de la division générale était de déterminer si le prestataire avait quitté volontairement son emploi. En ce qui a trait à cette question, la deuxième membre de la division générale n’a pas tout simplement accepté ce que le prestataire avait écrit dans ses demandes, ce qu’il estimait être raisonnablement vrai ou ce que l’employeur avait écrit sur le relevé d’emploi du prestataire.

[36] La deuxième membre de la division générale a plutôt tiré sa propre conclusion sur ce point. Plus particulièrement, elle a accordé du poids à la déclaration de l’employeur selon laquelle il aurait continué de fournir du travail au prestataire si ce n’avait été de ses plans de retourner à l’université. La division générale avait le droit d’accepter cet élément de preuve et de conclure, comme elle l’a fait, que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’un manque de travailNote de bas de page 23. Plutôt, la division générale en est arrivée à la conclusion selon laquelle la disponibilité réduite du prestataire, qu’il a provoquée en retournant à l’université, avait entraîné la perte de son emploi.

[37] Troisièmement, le prestataire a soutenu que la deuxième membre de la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle avait fait référence à son stage comme raison pour avoir limité sa disponibilité à travaillerNote de bas de page 24. Selon le prestataire, son stage n’était pas pertinent, car il avait eu lieu après qu’il ait eu fini de recevoir ses prestations d’AE.

[38] Le prestataire a parlé de son stage au cours de la deuxième audience devant la division générale, mais il n’a pas mentionné que les dates de son stage faisaient en sorte que celui-ci n’était pas pertinent aux questions en litigeNote de bas de page 25. Au contraire, le prestataire a affirmé qu’il aurait manqué une journée ici et là de son stage si l’employeur l’avait rappelé au travail. Je ne peux pas reprocher à la division générale de ne pas avoir connu les dates du stage du prestataire si celui-ci ne les a pas mentionnées au cours de l’audience.

[39] Quoi qu’il en soit, le point le plus important que la deuxième membre de la division générale a soulevé était lié au fait que le prestataire en était à la dernière année de son programme en enseignementNote de bas de page 26. La deuxième membre de la division générale a estimé qu’il était peu probable que le prestataire ait quitté volontairement ses études alors qu’il en était à sa dernière année, et ce, pour [traduction] « remplacer » quelqu’un pendant plusieurs semaines et faire un travail qu’il a décrit comme étant le pire travail dans le secteur pétrolierNote de bas de page 27.

[40] Dans les circonstances, la deuxième membre de la division générale ne faisait pas la distinction entre les cours du prestataire et son stage. Son raisonnement s’appliquait aux deux situations. Les deux étaient nécessaires pour terminer son programme. S’il y a ici une erreur, j’estime que celle-ci n’atteindrait pas le seuil requis pour l’application de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[41] Par conséquent, dans l’ensemble, le prestataire n’a pas établi que la deuxième membre de la division générale avait commis une erreur de fait pertinente.

Conclusion

[42] Je suis sensible à la situation du prestataire. Cependant, je n’ai pas été en mesure de trouver une erreur qui me permettrait d’intervenir en l’espèce. Je rejette donc l’appel du prestataire.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 13 novembre 2019

Téléconférence

N D., appelant

M. Allen, représentant de l’intimée

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