Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a rejeté la demande de prestations régulières d’assurance‑emploi de S. S. (prestataire) au motif qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. La Commission a maintenu sa décision après que la prestataire lui eut demandé de la réexaminer. Lorsque la prestataire en a appelé devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, le demandeur X (employeur) a demandé d’être mis en cause dans l’instance. Dans une lettre datée du 4 juin 2019, la division générale a refusé de le mettre en cause dans l’instance. Elle a affirmé que l’employeur n’était pas directement intéressé par l’appel.

[3] Le 20 septembre 2019, la division générale a accueilli l’appel de la prestataire, concluant qu’elle était prête et disposée à continuer à travailler conformément à un plan de retour au travail. Elle a donc décidé que la prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi (« décision sur le fond »). Le demandeur a interjeté appel à la division d’appel. Il était en désaccord avec la décision sur le fond, mais il a aussi soutenu que la qualité pour intervenir dans la procédure de la division générale n’aurait pas dû lui être refusée. La division d’appel a conclu que l’employeur avait l’intention de porter en appel la décision sur le fond du 20 septembre 2019, ainsi que de la décision du 4 juin 2019. La division d’appel examine chacun de ces appels séparément. La présente décision porte sur l’appel interjeté par l’employeur de la décision du 4 juin 2019.

[4] La demande de permission de porter en appel la décision du 4 juin 2019 a été présentée en retard et je rejette la demande de prorogation de délai. L’employeur ne m’a pas convaincu qu’il pouvait donner une explication raisonnable pour le retard dans la présentation de la demande de permission d’en appeler, qu’il avait une intention persistante de poursuivre l’appel, que le retard ne porterait pas indûment préjudice à la prestataire, ni qu’il existe une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en refusant de mettre l’employeur en cause dans l’instance.

Questions préliminaires

La demande de permission d’en appeler a-t-elle été présentée en retard?

[5] Le 10 mai 2019, le Tribunal a écrit à l’employeur pour lui demander s’il souhaitait être ajouté en tant que personne mise en cause dans l’appel sur le fond devant la division générale. Il expliquait dans cette lettre que l’employeur devait exposer les raisons pour lesquelles il était directement intéressé par la décision pour être mise en cause dans l’instance. Dans une lettre datée du 23 mai 2019, l’employeur a exprimé son intention de participer et il a expliqué pourquoi il estimait être directement intéressé par la décision. Le 29 mai 2019, l’employeur a autorisé le Tribunal à communiquer avec lui par courrier électronique. Le Tribunal lui a transmis sa décision du 4 juin 2019 par courrier électronique.

[6] Conformément à l’article 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 30 jours suivant la date où la partie reçoit communication de la décision de la division générale.

[7] Il n’existe aucune preuve de la date à laquelle la décision a été communiquée réellement à l’employeur. Dans un tel cas, l’article 19(1)(c) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) prévoit que la décision est présumée avoir été communiquée le jour suivant sa transmission. Comme la décision est datée du 4 juin 2019 et qu’elle a été transmise par courrier électronique, je conviens qu’elle a été communiquée le 5 juin 2019. Par conséquent, la date limite pour présenter la demande de permission d’en appeler était le 5 juillet 2019, soit 30 jours à compter du 5 juin 2019.

[8] L’employeur n’a pas interjeté appel de la décision du 4 juin 2019 avant le 17 octobre 2019 lorsqu’il a aussi porté en appel la décision sur le fond de la division générale.

[9] La demande de permission de porter en appel la décision du 4 juin 2019 a été présentée avec un retard d’un peu plus de trois mois.

Analyse

Principes généraux

[10] La division d’appel a le pouvoir discrétionnaire de permettre à une partie demanderesse de présenter une demande de permission d’en appeler au-delà du délai de 30 joursNote de bas de page 1. Bien que cette décision relève du pouvoir discrétionnaire de la division d’appel, la Cour d’appel fédérale exige que la division d’appel tienne compte de certains facteurs dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 2. Ces facteurs (appelés facteurs Gattellaro) sont les suivants :

  • le demandeur a démontré une intention persistante de poursuivre sa demande;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  • la cause est défendable.

[11] Le poids à accorder par la division d’appel à chacun des facteurs énumérés ci-dessus peut différer d’une affaire à l’autre, et la pertinence des facteurs peut varier selon le cas. La considération primordiale est celle de savoir s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation de délaiNote de bas de page 3.

Devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et accorder une prorogation de délai pour la présentation de la demande de permission d’en appeler?

I. Intention persistante de poursuivre l’appel

[12] C’est l’intention de l’employeur d’en appeler de la décision de la division générale de rejeter sa demande d’être mise en cause dans l’instance qui nous intéresse. L’employeur soutient qu’il n’a pas interjeté appel de la décision du 4 juin 2019 parce qu’il croyait qu’il pourrait toujours porter en appel la décision sur le fond de la division générale s’il n’était pas d’accord avec cette décision. L’employeur a réitéré son objection sur le refus de la division générale de le mettre en cause dans l’instance lorsqu’il a déposé un avis d’appel de la décision sur le fond.

[13] Autrement dit, l’employeur n’avait aucunement l’intention de prendre des mesures relativement à la décision du 4 juin 2019 avant de recevoir la décision sur le fond de la division générale. L’employeur aurait pu porter en appel la décision du 4 juin 2019, mais il a choisi d’attendre et de poursuivre sa démarche en interjetant appel de la décision sur le fond si cela s’avérait nécessaire. Il se peut que l’employeur ait eu une intention persistante de contester l’appel de la prestataire sur le fond, mais le refus de le mettre en cause dans l’instance était une décision distincte.

[14] Je conclus que l’employeur n’avait pas une intention persistante de porter en appel la décision du 4 juin 2019. Ce facteur ne joue pas en faveur de la prorogation du délai.

II. Explication raisonnable du retard

[15] La décision du 4 juin 2019 contient des renseignements sur la façon d’en appeler et sur le délai pour ce faire. L’employeur n’a pas soutenu qu’il n’était pas au courant de son droit de porter en appel la décision du 4 juin 2019. Il a expliqué plutôt qu’il avait tardé à présenter sa demande de permission d’en appeler parce qu’il croyait pouvoir porter en appel la décision sur le fond. Essentiellement, l’employeur croit maintenant avoir mal compris les conséquences stratégiques de l’omission de porter la décision en appel.

[16] L’employeur a choisi d’utiliser une voie juridique et d’en abandonner une autre. Toutefois, rien ne l’a obligé à faire ce choix. Il aurait pu emprunter les deux. Peu importe le résultat d’un appel de la décision du 4 juin 2019, l’employeur n’aurait pas été plus mal placé pour porter en appel la décision sur le fond de la division générale.

[17] Dans ces circonstances, je n’admets pas que l’explication de l’employeur était raisonnable. L’employeur a démontré qu’il était capable de donner suite à l’invitation de la division générale lorsqu’il a demandé d’être mis en cause dans l’instance. Lorsque l’employeur a reçu la décision du 4 juin 2019, il était sans doute tout aussi capable d’obtenir des renseignements ou des conseils avant de décider qu’il n’était pas nécessaire de porter cette décision en appel. Il aurait fait preuve de prudence. La décision du 4 juin 2019 comportait des renseignements sur la façon d’en appeler qui auraient dû le mettre en garde que ses intérêts pourraient être desservis par le refus de la division générale de le mettre en cause dans l’instance. L’employeur a choisi de ne pas tenir compte de la décision du 4 juin 2019 en espérant seulement que la décision sur le fond appuierait en fin de compte sa propre position et en présumant qu’il pourrait porter en appel la décision sur le fond si elle lui était défavorable.

[18] Ce facteur ne joue pas en faveur de la prorogation du délai.

III. Préjudice causé à l’autre partie

[19] L’employeur soutient que la prorogation du délai ne causerait pas de préjudice à la prestataire puisqu’elle pourrait toujours présenter des observations. Il soutient que, dans l’alternative, il subira un préjudice si la demande tardive de permission d’en appeler n’est pas accueillie.

[20] La prestataire soutient qu’elle a déjà consacré beaucoup de temps et de ressources à interjeter cet appel. Elle soutient également que l’employeur a eu l’occasion de participer et a choisi de ne pas le faire et qu’il serait injuste de l’autoriser à le faire maintenant du seul fait qu’il n’est pas satisfait de la décision de la division générale.

[21] Je constate que la prestataire est maintenant représentée par un avocat qui a présenté des observations en son nom. Je n’ai aucun doute que la prestataire a investi des ressources considérables dans cette affaire. Elle a obtenu une décision favorable à son endroit de la division générale plusieurs mois après que cette dernière eut refusé de mettre l’employeur en cause dans l’instance, décision que l’employeur n’a pas portée en appel. Si la prorogation du délai de présentation de la demande de permission d’en appeler était accordée, il faudrait probablement que la prestataire investisse encore plus de temps et d’argent. Advenant un ou d’autres appels, des observations supplémentaires seraient nécessaires et elle devra peut-être comparaître à une audience. Si je conclus que la division générale a commis une erreur en refusant de mettre l’employeur en cause dans l’instance, cela influerait sur la décision sur le fond de la division générale ou sur la procédure à la division d’appel relative à l’appel de la décision sur le fond interjeté par l’employeur. Tout cela engendrerait une augmentation des coûts, des inconvénients, ainsi qu’une incertitude et du stress pour la prestataire.

[22] C’est l’employeur qui a manqué de porter en appel, dans les délais requis, la décision de la division générale et je dois donc tenir compte du préjudice que subiraient les autres parties si j’accordais la prorogation du délai que demande l’employeur. L’arrêt Gattellaron’exige pas que je tienne compte de la prépondérance du préjudice que pourrait subir l’employeur si je n’accorde pas la prorogation par rapport à celui que subiraient les autres parties si je l’accorde.

[23] Toutefois, l’arrêt Gattellaro n’interdit pas que je prenne en compte d’autres circonstances. L’employeur a soutenu que le refus de la division générale de le mettre en cause dans l’appel devant la division générale avait permis de contribuer ou d’arriver aux constatations et à la conclusion de la division générale. Il a soutenu que la prestataire avait invoqué un argument fondé sur le principe de la chose jugée dans une action civile devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique et que cela lui causait maintenant un préjudice parce qu’il doit maintenant le contester.

[24] Le seul préjudice réel est le besoin déclaré de l’employeur de répondre à un argument. Toutefois, il s’attend vraisemblablement à devoir le faire en raison d’une possibilité supplémentaire de préjudice si l’argument fondé sur le principe de la chose jugée était retenu. Cet argument a été présenté apparemment dans une action pour congédiement injustifié intentée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La Cour appliquera ses propres règles, examinera différentes questions et appliquera un critère juridique différent. Quel que soit le bien-fondé de l’argument fondé sur le principe de la chose jugée, l’employeur a l’intention apparemment de se défendre dans cette procédure. À mon avis, les dépenses ou les inconvénients occasionnés pour répondre à cet argument particulier sont négligeables par rapport au préjudice causé à la prestataire. L’employeur n’a pas laissé entendre que l’argument fondé sur le principe de la chose jugée est susceptible d’être accueilli et ça se comprend. Toutefois, je refuse de conjecturer sur le préjudice potentiel qui dépend de l’aboutissement de la plainte relative aux droits de la personne déposée par la prestataire, invoquant un argument fondé sur le principe de la chose jugée. J’accorde très peu d’importance à un préjudice réel ou potentiel à l’égard de l’employeur.

[25] Je conclus que la prestataire subirait un préjudice important si la prorogation du délai était accordée.

IV. Cause défendable

[26] Le dernier facteur Gattellaro consiste à déterminer si la prestataire a une cause défendable. Une cause défendable a été assimilée à une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. C’est essentiellement la même question que celle que je devrais trancher relativement à la demande de permission d’en appeler si j’octroyais la prorogation du délai.

[27] Pour que la demande de permission d’en appeler soit accueillie, je devrais conclure qu’au moins un « moyen d’appel » prévu par la loi confère à l’appel une « chance raisonnable de succès ». Une chance raisonnable de succès signifie qu’il y a une cause que la prestataire pourrait défendre et possiblement gagner.

[28] Les « moyens d’appel » correspondent aux motifs d’appel. Je peux seulement évaluer si la division générale a commis l’un des types d’erreurs suivantsNote de bas de page 5 :

  1. Le processus d’audience devant la division générale était injuste d’une certaine manière.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a jugé une chose qu’elle n’avait pas le pouvoir de juger.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit au moment de rendre sa décision.

Iniquité

[29] C’est la décision de refuser à l’employeur la qualité pour agir en l’espèce qui est portée en appel. La division générale doit déterminer si une personne devrait être mise en cause dans l’instance parce qu’elle est directement intéressée par la décisionNote de bas de page 6. La division générale a conclu que l’employeur n’était pas directement intéressé par la décision. L’employeur ne peut pas prétendre avoir été injustement exclu d’un processus dans lequel il n’était pas directement intéressé.

[30] Toutefois, la division générale doit agir équitablement lorsqu’elle décide si un employeur est directement intéressé. En l’espèce, le Tribunal a suivi le processus suivant :

  1. il a demandé à l’employeur s’il voulait être ajouté comme partie mise en cause;
  2. il a informé l’employeur qu’il devrait démontrer qu’il était directement intéressé par la décision;
  3. il a donné à l’employeur l’occasion de présenter des observations sur la question de savoir s’il était directement intéressé;
  4. il a examiné les observations de l’employeur;
  5. il a communiqué sa décision à l’employeur et a énoncé ses motifs;
  6. il a informé l’employeur de ses droits d’appel et de la date d’échéance.

[31] L’employeur ne s’est pas prévalu de son droit d’appel. Il n’y a pas de cause défendable selon laquelle la division générale a agi de façon inéquitable.

Application de la jurisprudence pour interpréter le terme « directement intéressé »

[32] L’employeur prétend que la division générale a mal interprété la jurisprudence lorsqu’elle a conclu que l’employeur n’était pas directement intéressé. Pour définir « directement intéressé », la division générale a cité l’arrêt Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie)Note de bas de page 7. La division générale a appuyé sa définition en citant Amon v Rahpael Tuck & Sons Ltd.Note de bas de page 8, une autre affaire portant sur la mise en cause d’une partie.

[33] Selon l’employeur, Forest Ethics invoque le critère qui s’applique pour déterminer si une partie est « directement touchée », ce qui est différent du critère définissant si une partie est « directement intéressée » comme prévu à l’article 10 du Règlement sur le TSS. L’employeur soutient également que la décision Amon ne fait pas appel au critère prévu à l’article 10(1).

[34]  Le terme « directement intéressé » n’est pas défini dans la LMEDS, ni dans le Règlement sur le TSS. L’employeur ne m’a pas renvoyé à une décision de la Cour fédérale ou de la Cour d’appel fédérale qui interprète le terme « directement intéressé » aux fins de mettre en cause une partie au titre de l’article 10 du Règlement sur le TSS. Je n’en connais aucune.

[35] En l’absence d’une définition légale ou juridique précise de « directement intéressé », la division générale s’est tournée vers d’autres décisions judiciaires qui ont examiné les circonstances dans lesquelles une partie devrait être mise en cause, notamment l’arrêt Forest Ethics dans lequel une règle de la Cour fédérale est interprétée comme autorisant la mise en cause d’une partie si elle est « directement touchée ». L’employeur laisse entendre qu’il s’agit d’un critère différent, mais la Cour d’appel fédérale a utilisé le terme « directement touchée » de façon interchangeable avec « directement intéressé », laissant entendre qu’elle ne faisait pas de distinction importante entre les deux termesNote de bas de page 9.

[36] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en s’appuyant sur une jurisprudence s’appliquant à un contexte autre que celui de l’article 10(1) pour interpréter « directement intéressé ». L’employeur n’a pas démontré en quoi la définition employée par la division générale était incompatible avec le droit ou contraire aux objectifs de la LMEDS ou du Règlement sur le TSS. L’employeur n’a pas proposé non plus une interprétation plus raisonnable du terme « directement intéressé ». Il soutient plutôt que tous les employeurs doivent être présumés directement intéressés ou que tous les employeurs qui demandent d’être mis en cause doivent être directement intéressés, quel que soit cet « intérêt direct ».

Compatibilité avec d’autres décisions de la division générale

[37] L’employeur a fourni une liste des décisions de la division générale qu’il a obtenues en cherchant des références à l’article 10(1) du Règlement sur le TSS. L’employeur a découvert que la division générale avait permis à un employeur d’être mis en cause dans toutes ou pratiquement toutes ses autres décisions lorsqu’un employeur en avait fait la demande. Selon l’employeur, cela signifie que le Tribunal doit présumer qu’un employeur est directement intéressé par un appel ou que le Tribunal présume qu’un employeur est directement intéressé lorsqu’il demande d’être mis en cause. De l’avis de l’employeur, ce serait commettre une erreur de droit de ne pas s’appuyer sur ces autres décisions.

[38] Toutefois, la Division générale ne met pas en cause une personne pour des raisons de politique générale ou dans la pratique. L’article 10(1) du Règlement sur le TSS prévoit que la division générale doit être convaincue, compte tenu des faits de l’espèce, que le demandeur est directement intéressé et qu’elle doit rendre une décision. Aucune règle de droit ne permet à la direction générale de présumer que les employeurs en tant que catégorie de demandeurs sont directement intéressés ou que les employeurs qui demandent d’être mis en cause doivent l’être.

[39] De plus, les décisions que l’employeur a repérées dans le cadre de sa recherche n’appuient pas une telle notion. Dans certaines de ces décisions, l’employeur a été mis en cause à l’initiative de la division générale. Cela signifie que la division générale était convaincue que la décision intéressait directement l’employeur, même s’il n’avait pas exprimé un intérêt. Dans d’autres cas, comme l’a souligné l’employeur, la division générale a déterminé que l’employeur n’était pas directement intéressé par la décision, même après que l’employeur eut omis de répondre à l’invitation de la division générale de présenter des observations. Autrement dit, les différentes décisions de la division générale ne laissent pas entendre qu’elle déterminera qu’une personne est directement intéressée uniquement parce qu’il s’agit de l’employeur. Elles ne laissent pas entendre non plus que la division générale met en cause un employeur du seul fait qu’il en fait la demande.

[40] Dans chacune des décisions citées par l’employeur (où un employeur a été mis en cause), il s’agissait d’une décision interlocutoire ayant été prise avant la publication de la décision. Aucune des décisions citées par l’employeur ne fait état des arguments ou des faits sur lesquels s’est fondée la division générale pour déterminer que la décision intéressait directement l’employeurNote de bas de page 10.

[41] La division générale n’est pas tenue de s’appuyer sur d’autres décisions de la division générale. Toutefois, je reconnais que la division générale doit avoir des raisons valables d’écarter une interprétation établie. En l’espèce, les résultats de la recherche effectuée par l’employeur ne soutiennent pas que la division générale se soit écartée des interprétations généralement admises.

[42] Je conclus qu’il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit dans son application de la jurisprudence. Je conclus également que rien ne permet de soutenir que la division générale aurait dû mettre en cause l’employeur en l’espèce parce que des employeurs ont été mis en cause dans plusieurs autres décisions de la division générale.

Conclusion de fait selon laquelle l’employeur n’est pas directement intéressé par la décision

[43] L’employeur fait remarquer dans sa déclaration à la division générale qu’il [traduction] « s’est donné beaucoup de mal pour satisfaire [la prestataire] ». Il affirme que la division générale [traduction] « aurait dû savoir que d’autres procédures judiciaires étaient en cours » et que sa conclusion selon laquelle la décision n’intéressait pas directement l’employeur était « déraisonnable ».

[44] Il semble que l’employeur prétende qu’il soit directement intéressé par la décision rendue en appel concernant l’assurance-emploi parce que cette décision pourrait influer sur d’autres procédures judiciaires. L’employeur affirme que la prestataire a présenté un argument fondé sur le principe de la chose jugée depuis la décision sur le fond du 20 septembre 2019 et qu’il doit maintenant répondre à cet argument dans le cadre des autres procédures judiciaires.

[45] Il ne m’appartient pas de déterminer le caractère raisonnable de la décision de la division générale. L’appel de l’employeur peut être accueilli seulement s’il arrive à établir l’existence d’un des moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la LMEDS. En ce qui a trait aux conclusions de fait de la division générale, cela signifierait que l’employeur doit démontrer que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait sans tenir compte d’éléments de preuve pertinents et importants ou en les interprétant faussement ou que la conclusion de fait était tellement incompatible avec la preuve qu’elle ait été « tirée de façon abusive ou arbitraire ».

[46] La division générale a conclu que la déclaration de l’employeur voulant qu’il ait fait des efforts pour satisfaire la prestataire faisait la démonstration que l’employeur était préoccupé par la preuve de la prestataire et l’issue de l’appel. Toutefois, la division générale n’a trouvé aucune preuve établissant que sa décision créerait une obligation juridique pour l’employeur, qu’elle le contraindrait d’une manière ou d’une autre ou qu’elle lui porterait directement préjudice.

[47] L’employeur n’a pas cité des éléments de preuve, dont la division générale n’aurait pas tenu compte, mais il soutient que la division générale a mal compris les conséquences de la déclaration de l’employeur lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas directement intéressé.

[48] L’employeur a formulé des observations très brèves à l’intention de la division générale. Il a déclaré uniquement qu’il avait fait des efforts pour satisfaire la prestataire. Il avance que la division générale aurait dû déduire que la prestataire intentait ou intenterait un recours en matière de droits de la personne auprès d’une autre instance. Il avance également que la division générale aurait dû prévoir que la prestataire pourrait (si son appel concernant l’assurance-emploi était accueilli) tenter de faire reposer sur cette décision un argument fondé sur le principe de la chose jugée devant l’instance en droits de la personne et que l’employeur serait tenu de répondre à cet argument.

[49] À mon avis, il est nettement exagéré d’affirmer que la division générale aurait dû déduire que l’employeur était directement intéressé à partir de sa brève déclaration.

[50] Il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas pris en compte la preuve de l’employeur ou ne l’a pas examinée ou que sa décision a été « tirée de façon abusive ou arbitraire ».

[51] L’employeur n’a aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur dans l’application d’un des moyens d’appel établis à l’article 58(1) de la LMEDS. Ce dernier facteur ne joue pas non plus en faveur de l’accueil de l’appel.

Résumé des facteurs Gattellaro

[52] Aucun des facteurs Gattellaro ne joue en faveur de la prorogation du délai et la capacité de la prestataire d’établir une cause défendable en fait partie. Je dois accorder beaucoup de poids à la « cause défendable » puisque cette conclusion est essentiellement la même que je devrais tirer si j’accueillais l’appel.

[53] Néanmoins, j’accorde plus de poids aux trois premiers facteurs Gattellaro qu’à celui de la « cause défendable » pris isolément. L’employeur savait qu’il pouvait en appeler du refus de le mettre en cause et du calendrier, mais il a choisi d’attendre la décision sur le fond. L’employeur veut maintenant réexaminer son choix parce qu’il ne correspond pas à la décision sur le fond et il s’inquiète des difficultés qu’il pourrait rencontrer pour porter cette décision en appel. Toutefois, permettre que l’appel soit entendu entraînerait un préjudice considérable pour la prestataire, notamment un regain d’incertitude sur la décision finale et sur la possibilité de garder les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues.

[54] Mes conclusions relatives aux trois premiers facteurs Gattellaro m’auraient convaincu que la prorogation de délai n’est pas dans l’intérêt de la justice, même si j’avais conclu que l’employeur avait une cause défendable.

Conclusion

[55] La demande de prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est rejetée.

[56] L’employeur peut s’attendre à ce que la question de savoir s’il « fait l’objet de la décision » soit une question préliminaire dans l’autre appel qu’il a interjeté de la décision sur le fond. Seule la personne qui fait « l’objet de la décision » peut interjeter appel d’une décision de la division générale devant la division de l’appelNote de bas de page 11. Il ne s’agit pas du même critère que celui relatif au terme « directement intéressé » que la division générale a appliqué pour refuser de mettre en cause l’employeur dans l’appel de la prestataire.

 

Représentant(e)s :

B. G., pour le demandeur X

Kirsten Hildebrandt, pour la partie mise en cause S. S.

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