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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Dans une décision rendue le 3 janvier 2019, la Division générale du Tribunal a conclu que l’appelant n’était pas en semaine de chômage pour la période de prestations débutant le 31 janvier 2016 et celle 26 février 2017. En effet, le Tribunal a déterminé que l’appelant n’avait pas renversé la présomption voulant qu’un prestataire qui exploite une entreprise soit considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail, car son implication dans l’entreprise était plus que limitée. L’appelant a interjeté appel de cette décision devant la Division d’appel du Tribunal qui a rejeté l’appel.

[3] Le 18 octobre 2019, l’appelant a déposé une demande d’annulation ou de modification des décisions de la Division générale. Avec cette demande, la représentante de l’appelant a déposé les rapports de transactions pour 3 comptes bancaires de l’entreprise de l’appelant pour 3 périodes : du 17 février 2015 au 28 février 2016 ; du 29 février 2016 au 28 février 2017 ; et du 1er mars 2017 au 28 février 2018.

[4] La représentante de l’appelant demande à la Division générale du Tribunal d’accepter les rapports de transactions pour modifier sa conclusion quant au critère du temps consacré pour renverser la présomption. La représentante de l’appelant demande au Tribunal de modifier sa décision.

[5] Le Tribunal doit donc déterminer s’il doit modifier ou annuler les décisions rendues le 3 janvier 2019.

Questions préliminaires

[6] L’audience du présent dossier a procédé en même que le dossier GE-19-3645 du même appelant et les dossier GE-19-3640, GE-19-3642, GE-19-3643, GE-19-3646, GE-19-3647, GE-19-3648, GE-19-3649 des coactionnaires de l’entreprise, car les questions de droit et de fait étaient communes.

Questions en litige

[7] Est-ce que les rapports de transactions sont des « faits nouveaux » ?

[8] Est-ce que les rapports de transactions constituent des « faits essentiels » ?

[9] Est-ce que le Tribunal est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu ces « faits essentiels » ou que la décision a été fondée sur une erreur relativement à ces tels faits ?

Analyse

[10] Le Tribunal peut annuler ou modifier une décision qu’il a rendue :

  1. si des faits nouveaux sont présentés ou ;
  2. si le Tribunal est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou que la décision est fondée sur une erreur relative à un tel fait.Footnote 1

Est-ce que les rapports de transactions sont des « faits nouveaux » ?

[11] La notion de « faits nouveaux » comprend un fait qui s’est produit après que la décision ait été rendue ou avant que la décision ne soit rendue, mais ne pouvait pas être découvert par un prestataire diligent.Footnote 2

[12] Dans le présent dossier, comme les rapports visent des transactions entre le 17 février 2015 et le 28 février 2018, il s’agit donc de faits qui se sont produits avant que les décisions du 3 janvier 2019 ne soient prises.

[13] La Cour d’appel fédérale a établi un critère en 2 temps pour déterminer si le Tribunal peut annuler ou modifier sa décision lorsque des « faits nouveaux » antérieurs à la décision sont présentés :

  1. ce fait ne pouvait pas être découvert par un prestataire diligent et ;
  2. le fait doit être déterminant compte tenu de la question à trancher.Footnote 3

[14] Le Tribunal doit donc examiner ces 2 critères.

Est-ce que les rapports de transactions pouvaient être découverts par un prestataire diligent ?

[15] Le Tribunal doit se demander si l’appelant aurait pu produire cette preuve s’il avait fait preuve de diligence.Footnote 4

[16] Le Tribunal est d’avis que les rapports de transactions pouvaient être découverts par un prestataire diligent.

[17] Tout d’abord, l’appelant connaissait l’existence des faits circonscrits dans les rapports de transactions, puisqu’il savait que son entreprise avait des comptes bancaires dans lesquels il y avait des transactions. L’appelant avait la possibilité de faire préparer les documents avant la tenue de l’audience devant la Division générale.

[18] Ensuite, l’appelant n’a pas fait preuve de diligence dans l’évaluation de sa preuve et des documents à produire à l’audience devant la Division générale.Footnote 5

[19] La représentante de l’appelant a soulevé que les rapports de transactions n’ont pas été déposés dans le cadre de l’audience devant la Division générale, car elle croyait que les documents remis étaient suffisants pour que le Tribunal accueille l’appel.

[20] Cependant, l’appelant devait évaluer la preuve qu’il entendait faire devant la Division générale et agir en conséquence.Footnote 6 En effet, la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’un appelant : « devait décider, avant l’audience, quels documents produire à l’appui de sa cause et faire preuve de diligence raisonnable pour trouver ces documents. »Footnote 7 L’appelant ne peut pas utiliser le véhicule du paragraphe 66 (1) de la Loi pour pallier à un changement de stratégie.

[21] D’ailleurs, le fait que la Commission n’est pas laissée à l’appelant l’opportunité de déposer ces documents dans le cadre de la demande de révision n’est pas déterminant, car il a eu la possibilité de le faire devant la Division générale du Tribunal.

[22] Considérant que l’appelant connaissait l’existence des faits consignés dans les rapports de transactions et qu’il avait la possibilité de les produire en preuve à l’audience, le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas agi comme un prestataire diligent.Footnote 8

[23] Ce critère n’est pas rempli.

Si oui, est-ce que les rapports de transactions sont déterminants par rapport à la question à trancher ?

[24] Comme le Tribunal a conclu que les rapports de transactions pouvaient être découverts avant l’audience par un prestataire diligent, il n’a pas à répondre à cette question.

[25] Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de faits nouveaux permettant d’annuler ou de modifier sa décision du 3 janvier 2019.

Est-ce que les rapports de transactions constituent des « faits essentiels » ?

[26] La Loi et la jurisprudence n’offrent aucune définition de ce que constitue un « fait essentiel ». Cependant, il semble que ce critère diffère de celui des « faits nouveaux ».Footnote 9 Donc, les « faits nouveaux » et les « faits essentiels » ne sont pas des synonymes, mais des éléments distincts à évaluer séparément.

[27] Maintenant, pour déterminer ce que constitue un « fait essentiel » il faut s’en remettre à son sens usuel. Le dictionnaire en ligne Larousse définit le terme « essentiel » de cette façon :

« Qui est indispensable pour que quelque chose existe : L’air est essentiel à la vie.

Qui est d’une grande importance ; principal, capital : Le point essentiel du procès. »

[28] Le Tribunal retient que le « fait essentiel » n’est pas seulement déterminant comme un « fait nouveau », mais il doit être indispensable et d’une grande importance pour décider de la question en litige en lien avec la décision originale. Ainsi, le « fait essentiel » ne peut pas simplement être utile ou profitable au litige.

[29] Le Tribunal doit déterminer si les rapports de transactions étaient indispensables ou d’une grande importance pour déterminer si l’appelant était en semaine de chômage pour les périodes de prestations débutant le 15 juillet 2015, celle débutant le 16 juillet 2016 et celle du 23 juillet 2017.

[30] Le Tribunal est d’avis que les rapports de transactions ne sont pas des « faits essentiels ». En effet, ils ne sont pas indispensables ou d’une grande importance dans le dossier, puisque l’appelant a déjà exprimé ces faits lors de l’audience devant la Division générale. L’appelant et ses coactionnaires ont témoigné qu’ils ne consacraient pas beaucoup d’heures de travail à leur entreprise lorsqu’il demandait des prestations d’assurance-emploi. Au soutien de cette prétention, les appelants ont déposé un tableau résumant les semaines de prestations, les semaines de travail et les semaines où des soumissions ont été faites durant les années visées par les demandes de prestations.Footnote 10 Ainsi, la preuve a déjà été faite, mais à l’aide d’une source différente.

[31] La représentante de l’appelant a soulevé que les rapports de transactions sont des « faits essentiels » pour analyser, à la semaine le critère du temps consacré pour démontrer que l’implication de l’appelant dans son entreprise était plus que limitée, dans le but de renverser la présomption.

[32] Or, la Cour d’appel fédérale dans la décision Childs a justement conclu que ce critère ne peut s’analyser par semaine.

« Quoi qu’il en soit, il est peu réaliste d’adopter un cadre légal dans lequel le travail indépendant est défini par le nombre d’heures qu’un prestataire travaille au cours d’une semaine. Pour mettre en place une telle conception, il faudrait que les conseils arbitraux précisent le nombre maximum d’heures pendant lesquelles un prestataire a le droit de travailler afin d’être visé par l’exception de la personne qui travaille “si peu de temps”, prévue au paragraphe 43 (2) du RèglementFootnote 11. De plus, cette méthode conduirait au résultat absurde que dans une semaine un prestataire serait réputé être un travailleur indépendant, mais pas dans les autres. À mon avis, le cadre d’analyse à la semaine préconisé est inconciliable avec le système législatif dans son ensemble.

Pour avoir droit aux prestations d’assurance-chômage, un prestataire ne doit pas travailler. Le paragraphe 10 (1) de la Loi prévoit, “[u] ne semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n’effectue pas une semaine entière de travail.” De même, le paragraphe 43 (1) du Règlement fait en sorte qu’un prestataire est réputé travailler une semaine entière lorsqu’il est un travailleur indépendant, à moins que l’exception prévue au paragraphe 43 (2) ne s’applique : “[le prestataire] consacre si peu de temps [à cet emploi] qu’il ne saurait normalement compter sur cet emploi comme […] moyen de subsistance”. Ces dispositions signifient implicitement que le Parlement a adopté le point de vue selon lequel une personne qui s’occupe activement de ses intérêts commerciaux ne peut pas être considérée comme cherchant activement un autre emploi. Comme l’a souligné le juge Marceau dans l’arrêt Jouan, précité : “[1] la Loi est là pour assurer des prestations temporaires aux personnes sans emploi qui cherchent activement un autre travail. On ne peut donc pas y recourir pour subventionner les entrepreneurs qui lancent leur propre affaire.” Dans ce contexte, la vraie question est de savoir si le défendeur en travaillant chez Wecan aspirait à en faire un moyen de subsistance. Cette décision doit être prise d’une manière objective. »Footnote 12

[33] Dans cette même décision, la Cour d’appel fédérale a conclu que le juge-arbitre avait commis une erreur en déterminant que le prestataire avait consacré peu de temps à son emploi comme travailleur indépendant, en autres, parce qu’il avait analysé les heures travaillées à la semaine.Footnote 13

[34] La représentante de l’appelant a déposé au Tribunal une décision d’un autre membre de la Division générale qui conclut, que le prestataire avait renversé la présomption pour les semaines durant la saison morte de son entreprise alors qu’il ne l’avait pas renversée pour d’autres. Le Tribunal ne retient pas cette décision. Tout d’abord, le Tribunal n’est pas lié par une décision rendue par un autre membre de la Division générale. Au surplus, le Tribunal s’en remet aux conclusions d’une cour supérieure, soit de la Cour d’appel fédérale qui énonce le critère à appliquer.

[35] Par conséquent, la preuve que la représentante des appelants voudrait faire à l’aide des rapports de transactions ne pourrait servir à renverser la présomption d’exploitant d’une entreprise du paragraphe 30 (2) du Règlement.

[36] Le Tribunal conclut que les rapports de transactions ne sont pas des « faits essentiels ».

Est-ce que le Tribunal est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu ces « faits essentiels » ou que la décision a été fondée sur une erreur relativement à de tels faits?

[37] Comme les rapports de transactions ne sont pas des faits essentiels, le Tribunal n’a pas à répondre à cette question.

Conclusion

[38] L’appel est rejeté.

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