Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant, A. S. (prestataire), un analyste financier, interjette appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a déterminé que l’appelant avait quitté son emploi dans une institution financière sans justification, et qu’il avait d’autres solutions raisonnables plutôt que de quitter son emploi. Elle a conclu qu’il était donc exclu du bénéfice de toutes prestations d’assurance-emploi. Le prestataire nie avoir quitté son emploi. Il soutient que son employeur l’a congédié.

[4] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur juridique. Il soutient qu’elle a omis d’examiner la question de savoir s’il avait été fondé à quitter son emploi au titre de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Le prestataire fait également valoir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] J’accueille l’appel pour les motifs énoncés ci-dessous.

Contexte factuel

[6] Le prestataire a commencé à travailler pour son employeur le 11 décembre 2017Note de bas de page 1. Il était sous contrats sur une base continue. Le 18 juillet 218, son employeur lui a offert un autre poste contractuel débutant le 23 juillet 2018 et ayant comme date de fin le 31 octobre 2018Note de bas de page 2.

[7] Le 23 juillet 2017, le prestataire a demandé un congé sans solde pour que deux semaines plus tard, il puisse aller faire un pèlerinage. Son voyage serait à La Mecque, en Arabie saoudite, du 7 au 30 août 2018. Sa superviseure immédiate a d’abord accepté qu’il prenne congé. Le prestataire s’est fondé sur cela et a immédiatement réservé son voyageNote de bas de page 3.

[8] Une semaine plus tard, le 30 juillet 2017, l’employeur du prestataire a changé d’idée. Il a refusé de le laisser prendre congé. Il l’a averti qu’il traiterait un congé non autorisé comme l’abandon d’un emploiNote de bas de page 4. L’employeur n’a pas énoncé sa position par écrit à ce moment-là. Le prestataire nie le fait que son employeur lui ait dit qu’il traiterait son absence comme s’il abandonnait son emploi. Cependant, il a quand même compris que s’il partait en voyage comme prévu, son employeur le congédierait de son emploiNote de bas de page 5.

[9] Le 3 août 218, le prestataire a protesté contre cette décision à son employeur. Il a rappelé à son employeur qu’il lui avait déjà donné la permission de prendre congé, mais qu’il avait ensuite changé d’idée une semaine plus tardNote de bas de page 6. Le prestataire a écrit qu’il serait de retour. Le prestataire n’a pas précisé, mais j’en déduis qu’il veut dire qu’il avait l’intention de retourner travailler. L’employeur n’a pas répondu au courriel du prestataire.

[10] Le prestataire est quand même parti en voyage le 7 août 2018, bien qu’il n’avait plus l’approbation de son employeur pour prendre congé.

[11] Quelques jours plus tard, l’employeur a écrit à l’appelant une lettre datée du 10 août 2018Note de bas de page 7. L’employeur avait jugé que l’appelant avait abandonné son emploi. Il a préparé un relevé d’emploi indiquant qu’il avait quitté son emploi. Dans sa lettre, il a écrit que le prestataire n’avait pas mentionné au cours de son entrevue qu’il ne serait pas capable de respecter ses engagements dans le cadre de son contrat de trois mois. Il a confirmé qu’il avait refusé sa demande de congé. La banque avait des besoins opérationnels. Il a considéré que la durée du congé demandé par le prestataire était excessive.

[12] Le prestataire nie avoir quitté son emploi. Il soutient que son employeur a fait preuve de discrimination à son égard en raison de ses croyances religieuses. Il affirme qu’il ne pouvait pas faire autrement que d’aller en voyage en raison de sa religion et de ses obligations familiales. Sa sœur n’avait pas le droit de voyager non accompagnée pour des raisons religieuses, et il devait donc y aller avec elle. Il soutient qu’il n’a pas été en mesure de reporter le voyage.

[13] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. Il a fourni à la Commission une copie caviardée de son itinéraire passager/reçu. L’itinéraire/reçu caviardé ne montrait pas où il partait en voyage, avec quelle compagnie aérienne il voyageait, quels vols il avait réservés, ou quel était le prix des billets d’avion. L’itinéraire/reçu indiquait que les billets d’avion avaient été émis au nom du prestataire le 23 juillet 2018. C’était le jour même où son employeur a approuvé son congéNote de bas de page 8.

[14] La Commission a rejeté la demande de prestations du prestataire, concluant qu’il avait quitté volontairement son emploi le 7 août 2018 sans justificationNote de bas de page 9.

[15] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Le prestataire a fourni des copies de ses cartes d’embarquement à la Commission. Les cartes d’embarquement indiquaient que le prestataire avait quitté le Canada le 7 août 2018 et qu’il s’était rendu en Arabie saoudite. Il est revenu d’outre-mer et est retourné au Canada le 30 août 2018. La Commission n’a pas changé d’avis après avoir révisé sa décisionNote de bas de page 10.

[16] Le prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision de la Commission devant la division générale. Il a continué d’affirmer qu’il n’avait pas quitté son emploi. Il a soutenu avoir dit à son employeur à plusieurs reprises le moment où il partait, la raison pour laquelle il partait, ainsi que la durée de son absence. Il a confirmé le fait que son employeur avait d’abord approuvé sa demande de congé, mais que le supérieur de son gestionnaire avait par la suite révoqué cette approbation. Il a affirmé qu’il était alors [traduction] « trop tardNote de bas de page 11 ». En effet, le prestataire a affirmé qu’il n’avait pas pris d’assurance-annulationNote de bas de page 12.

[17] La division générale a déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi, car il avait eu le choix de conserver ou non son emploi. La division générale a rejeté les arguments de l’appelant selon lesquels il avait l’obligation de prendre soin de sa sœur. Elle a conclu qu’il n’avait pas été fondé à quitter son emploi pour ce motif. La division générale a également conclu que le prestataire n’avait pas été fondé à quitter son emploi, bien que son employeur avait initialement approuvé son congé. La division générale a conclu que le fait de subir certaines pertes financières (parce qu’il n’était pas capable d’annuler son voyage) représentait quand même une solution de rechange raisonnable plutôt que de quitter son emploi.

[18] Le prestataire interjette maintenant appel de la décision de la division générale.

Questions en litige

[19] Les questions en litige dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La division d’appel peut-elle accepter les nouveaux éléments de preuve du prestataire?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante?
  3. La division générale a-t-elle omis d’examiner la question de savoir si le prestataire avait été fondé à quitter son emploi au titre de l’article 29(c)(iii), (x), ou (xiv) de la Loi sur l’AE?

Analyse

a) La division d’appel peut-elle accepter les nouveaux éléments de preuve du prestataire?

[20] Le prestataire a soumis des documents supplémentaires à l’appui de son appel.

[21] Le prestataire se fonde sur le registre des gains et des déductions de son employeurNote de bas de page 13. Son employeur a émis le relevé le 30 août 2018. Celui-ci décrivait un paiement versé au prestataire comme étant une [traduction] « indemnité pour congédiement ». Le prestataire affirme que le dossier prouve qu’il n’avait pas quitté son emploi et que son employeur l’avait congédié.

[22] Le prestataire se fonde également sur une lettre de son imam datée du 10 juin 2019Note de bas de page 14. L’imam a expliqué pourquoi le prestataire devait aller faire le pèlerinage en 2018 et pourquoi il ne pouvait pas retarder son voyage. L’imam a également commenté la durée du voyage du prestataire.

[23] Il s’agit là de nouveaux renseignements. La division générale n’était pas saisie de ces renseignements. En général, la division d’appel ne prend pas en considération les nouveaux éléments de preuve. Il y a des exceptions. Par exemple, si de nouveaux éléments de preuve aident à comprendre les questions pertinentes à l’appel, mais n’ajoutent pas de nouveaux éléments de preuve relativement au bien-fondé de l’affaire, ou s’ils mettent en évidence des failles dans la preuve dont était saisie la division générale, alors la division d’appel pourrait être en mesure de les accepter. Cependant, les nouveaux éléments de preuve du prestataire ne sont visés par aucune des exceptions prévues par la règle générale interdisant d’accepter de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 15. Je ne peux donc pas accepter les nouveaux éléments de preuve du prestataire.

b) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante?

[24] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante. Il soutient que la division générale avait eu tort de souscrire à la position de son ancien employeur selon laquelle il partait en voyage pour le tiers de la durée de son contrat de travail. Le prestataire calcule qu’il aurait été parti pendant moins de temps que cela. Le prestataire soutient que la division générale aurait dû réaliser que son absence serait pour une période plus courte que le tiers de la durée de son contrat de travail et que l’employeur se servait de ce prétexte pour le congédier, alors que la vraie raison de son congédiement était sa religion.

[25] Même si la division générale a mal exposé la preuve, j’estime que le fait que l’employeur a surestimé la durée du congé n’a eu aucune incidence dans la présente affaire. La division générale a fait référence à la lettre de l’employeur dans laquelle il a décrit que le prestataire demandait quatre semaines de congé. Cependant, cela n’était pas pertinent en ce qui a trait à l’évaluation de la division générale à savoir s’il y avait justification ou non. La durée du congé du prestataire n’avait pas d’importance.

[26] Ce qui importait était le fait que le prestataire a pris un congé non autorisé. Cela était important, car son employeur a refusé sa demande de congé. Ce qui était également important était de déterminer si le prestataire avait eu d’autres solutions raisonnables plutôt que de quitter son emploi.

c) La division générale a-t-elle omis d’examiner la question de savoir si le prestataire avait été fondé à quitter son emploi au titre de l’article 29(c)(iii), (x), ou (xiv) de la Loi sur l’AE?

[27] Conformément à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE, la partie prestataire est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

  1. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
  2. […]
  3. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
  4. […]
  5. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi[...]
Article 29(c)(iii) de la Loi sur l’AE

[28] Dans sa demande à la division d’appel – Assurance-emploi, le prestataire soutient que la division générale a omis d’examiner la question à savoir s’il avait fait l’objet de discrimination de la part de son employeur.

[29] La division générale a en fait examiné la question à savoir si le prestataire avait fait l’objet de discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite. La division générale a également examiné la question à savoir si l’employeur du prestataire avait fait des commentaires discriminatoires et s’il faisait de la discrimination à son égard en refusant d’approuver son congé sans la moindre tentative pour l’accommoder.

Article 29(c)(x) de la Loi sur l’AE

[30] Le prestataire soutient également que la division générale a omis d’examiner s’il y avait de l’hostilité entre lui et sa superviseure. Il soutient que son employeur a fait en sorte que son milieu de travail lui soit insupportable, et [traduction] « tout cela en raison de sa foi religieuse et parce qu’il voulait honorer son obligation religieuse et faire le hadjNote de bas de page 16 ». Il estimait qu’il avait des obligations religieuses dont il devait s’acquitter à la première occasion. Il estimait que son seul choix était d’aller en pèlerinage. Il estimait également qu’il avait le devoir d’accompagner sa sœur qui y allait également.

[31] Le prestataire estimait que son employeur l’avait traité injustement en changeant d’idée si peu de temps après lui avoir donné son approbation pour qu’il prenne congé. Le prestataire a affirmé qu’il se sentait ainsi, car son employeur avait affirmé à plusieurs reprises qu’il n’aurait pas dû l’embaucher, et que ces commentaires étaient supposément en lien avec sa demande de congéNote de bas de page 17.

[32] Le prestataire soutient qu’il n’avait pas pris d’assurance-annulation et qu’il aurait perdu plus d’argent s’il n’était pas allé en voyage. Il soutient que le montant qu’il avait déjà dépensé pour le voyage était bien plus élevé que ce qu’il aurait gagné pour la durée de son contrat de travail de trois mois. Il laisse entendre que les pertes financières qu’il aurait subies s’il n’avait pas fait le voyage ont contribué à l’hostilité.

[33] Bien que c’est peut-être le cas, cela représente de nouveaux éléments de preuve qui n’étaient pas en la possession de la division générale. Il n’y a pas de documents à l’appui du fait que le prestataire a payé pour le voyage et de documents démontrant ce qu’il aurait gagné comme salaire pour le reste de son contrat de travail. Le prestataire n’a pas non plus fourni de preuve orale au sujet des pertes qu’il aurait subies s’il n’avait pas fait son voyage. En effet, le prestataire n’a pas fait mention de préoccupations à l’égard de pertes financières lors de la présentation de ses observations finales devant la division généraleNote de bas de page 18.

[34] Néanmoins, il n’y avait aucun élément de preuve à l’appui du fait que le prestataire percevait de l’hostilité envers lui pour avoir demandé congé si peu de temps après avoir été embauché dans le cadre de son dernier contrat et pour avoir dit à son employeur qu’il était injuste qu’il ait retiré son approbation alors que le prestataire avait déjà réservé ses vols.

[35] La division générale n’a pas examiné la question à savoir s’il y avait de l’hostilité entre le prestataire et sa superviseure. Par conséquent, je conclus que la division générale a commis une erreur. Elle aurait dû examiner la question à savoir s’il y avait de l’hostilité entre lui et un superviseur, car cela aurait pu signifier que le prestataire avait été fondé à quitter volontairement son emploi.

Article 29(c)(xiii) de la Loi sur l’AE

[36] Le prestataire a soutenu avoir été soumis à une pression indue pour l’amener à quitter son emploi. Il affirme qu’il a souffert mentalement, car [traduction] « plusieurs gestionnaires l’ont déjà menacé de mettre fin à son emploi à plusieurs reprisesNote de bas de page 19 ». Il soutient que la division générale a omis d’examiner s’il avait subi une pression indue pour l’amener à quitter son emploi.

[37] Le prestataire a affirmé que son employeur a mis de la pression sur lui pour qu’il quitte son emploiNote de bas de page 20. La division générale a également noté la preuve du prestataire à cet égard aux paragraphes 4 et 12. Malgré cette preuve, la division générale n’a pas examiné la question à savoir si le prestataire avait subi une pression l’amenant à quitter son emploi. Pour ce motif, j’estime que la division générale a commis une erreur. Elle aurait dû déterminer si l’employeur du prestataire avait mis de la pression sur ce dernier, car cela aurait pu signifier que le prestataire avait été fondé à quitter volontairement son emploi.

Réparation

[38] Je conclus que la division générale a omis d’examiner si le prestataire avait été fondé à quitter son emploi au titre des articles 29(c)(x) et (xiii) de la Loi sur l’AE. Je dois maintenant déterminer la réparation appropriée en l’espèce.

[39] L’article 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social me permet de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour révision, ou confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale, en partie ou en totalité.

[40] Bien que la preuve comporte des failles, le dossier de la division générale est essentiellement complet. Je ne vois aucune raison de ne pas rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Article 29(c)(x) de la Loi sur l’AE

[41] Le prestataire a obtenu l’approbation de son employeur pour qu’il prenne congé. Il s’est fondé sur l’approbation de son employeur selon laquelle il pouvait prendre congé. Il a ensuite réservé des billets d’avion pour participer à un pèlerinage en Arabie saoudite.

[42] Il n’est pas clair si le prestataire a déboursé des frais d’hébergement ou tous autres frais liés à son voyage. Pour une quelconque raison, le prestataire n’a pas fourni ces renseignements ni le coût de ses billets d’avion. Le prestataire aurait eu avantage à être plus enclin à fournir les renseignements relatifs à son vol et aux autres coûts liés au voyage.  

[43] Le prestataire a affirmé devant la division générale qu’il n’avait pas d’assurance-annulation. Il risquait donc de perdre de l’argent s’il n’allait pas de l’avant avec ses plans de voyage.

[44] L’employeur ne conteste pas le fait qu’il a d’abord approuvé la demande de voyage du prestataire. Cependant, dans l’espace d’une semaine, il a changé d’idée et a décidé de ne pas laisser le prestataire prendre congé.

[45] Le prestataire avait l’impression que son employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en changeant d’idée. La division générale a rejeté les déclarations du prestataire selon lesquelles son employeur avait fait des remarques discriminatoires à son égard. Il n’a pas trouvé que les déclarations étaient crédibles, car il n’y avait pas de preuve documentaire à l’appui de ces allégations.

[46] J’accepte les conclusions de la division générale au sujet des prétendues remarques discriminatoires. Malgré cela, j’estime que l’hostilité est survenue après que le prestataire ait fait une demande de congé.

[47] Il est manifeste que l’employeur a trouvé que le prestataire était irrespectueux et insensible aux besoins de l’entreprise de l’employeur. Il a estimé que la durée du congé demandé était excessive. L’employeur a écrit dans sa lettre datée du 10 août 2018 que le prestataire aurait dû mentionner qu’il ne serait pas en mesure de respecter ses engagements. L’employeur a noté que le prestataire a demandé congé malgré celaNote de bas de page 21. L’employeur a confirmé avoir rejeté la demande du prestataire le 30 juillet 2018. Je tiens à noter qu’il a omis de mentionner le fait qu’il avait approuvé la demande du prestataire au départ.

[48] L’employeur n’a assumé aucune responsabilité financière et n’a reconnu aucune autre responsabilité pour avoir imposé au prestataire des dépenses indues. Il n’a offert de rembourser aucun coût engagé après que le prestataire se soit fondé sur l’approbation reçue de son employeur.

[49] Le prestataire estimait que son employeur avait agi de manière injuste en changeant d’idée. Après tout, l’employeur avait commencé par lui donner son approbation, et le prestataire était donc allé de l’avant et avait réservé ses vols. Cependant, s’il n’était pas parti en voyage, il aurait personnellement assumé les frais de ces dépenses, car il n’avait pas pris d’assurance-annulation. Il n’aurait peut-être pas engendré ces dépenses si son employeur lui avait dit dès le départ qu’il ne pouvait pas prendre congé.

[50] Je ne vois pas dans quelles circonstances le prestataire — ou toute autre personne — aurait été heureux de perdre personnellement plusieurs centaines de dollars à cause de son employeur, notamment alors qu’il a seulement un contrat de trois mois. Devoir annuler un voyage qui a probablement coûté plusieurs centaines de dollars, alors que son employeur avait, au départ, approuvé ce voyage, était sans aucun doute choquant. Cela s’ajoute au fait que le prestataire estimait qu’il avait l’obligation religieuse de faire ce voyage.

[51] Lorsque l’employeur a dit au prestataire qu’il ne pouvait plus prendre congé, le prestataire n’a pas accepté la volte-face de l’employeur. Il n’a pas non plus accepté la possibilité de devoir annuler son voyage puisqu’on lui avait dit qu’il pouvait prendre congé. Cela l’a incité à écrire à son employeur pour lui rappeler qu’il avait approuvé son congé au départ. Il a indiqué qu’il irait faire son pèlerinage, mais qu’il retournerait par la suite au travail. Il a estimé qu’il devait écrire à l’employeur afin qu’il y ait, cette fois-ci, un document écrit de ce qu’il a dit. L’employeur n’a pas répondu au prestataire avant que ce dernier ne parte en voyage.

[52] À première vue, l’une des solutions de rechange pour laquelle le prestataire aurait pu opter était de demander un congé plus court. Cependant, le prestataire estimait déjà que son employeur avait agi injustement. Le prestataire comprenait que son employeur n’était pas flexible en ce qui a trait à la durée de son voyage. En grande partie en raison de cela, le prestataire n’a pas examiné la question à savoir s’il aurait pu écourter son voyageNote de bas de page 22. C’est pourquoi le fait de demander à son employeur s’il pouvait prendre un congé plus court n’était pas particulièrement réaliste.

[53] À première vue, l’une des solutions de rechange qui s’offrait au prestataire était de conserver son emploi et de ne pas prendre congé, même si cela s’était traduit par une perte financière. Cependant, le sentiment de méfiance que ressentait le prestataire régnait déjà. Il estimait désormais qu’il devait communiquer par écrit avec son employeur. Le prestataire croyait également que son employeur a fait preuve de discrimination à son égard pour des motifs d’ordre religieux lorsqu’il a changé d’idée en n’approuvant plus son congé.

[54] La situation au travail ne se serait pas améliorée au fil du temps. Le prestataire aurait manqué son voyage. Et, s’il manquait son voyage, cela aurait signifié qu’il aurait quand même déboursé les coûts liés à ses vols. Il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que le prestataire conserve son emploi. Le prestataire avait détecté de la malveillance et de l’hostilité. Il se considérait comme étant victime de maltraitance.

[55] Compte tenu de la preuve dont la division générale était saisie, je conclus que le prestataire avait été fondé à quitter volontairement son emploi en raison d’hostilité. L’hostilité est survenue entre lui et sa superviseure lorsqu’elle a retiré l’approbation qu’elle avait d’abord donnée concernant la demande de congé. Le prestataire s’était fondé sur cette approbation au moment où il a réservé ses vols vers l’Arabie saoudite. Il n’avait pas pris d’assurance-annulation puisqu’il avait reçu l’approbation de son employeur à ce moment-là.

[56] Le prestataire a estimé que son employeur avait agi de manière injuste lorsqu’il avait révoqué son approbation. Cela signifierait qu’il ne pourrait pas faire son pèlerinage et, du coup, cela signifierait également qu’il perdrait l’argent dépensé pour réserver ses vols. Cela était extrêmement différent de ce qui s’était produit dans le cas du prestataire dans l’arrêt JamiesonNote de bas de page 23. Dans cette affaire, Mr Jamieson n’avait jamais reçu l’approbation de son employeur pour prendre congé. Il n’a jamais risqué de perdre l’argent qu’il avait dépensé pour acheter des billets d’avion. En l’espèce, le prestataire avait reçu l’approbation de son employeur pour prendre congé. Il n’aurait pas pu anticiper le fait que son employeur changerait soudainement d’idée après qu’il ait déjà réservé ses vols.

Article 29(c)(xiii) de la Loi sur l’AE

[57] Puisque j’ai déterminé que le prestataire avait été fondé à quitter son emploi au titre de l’article 29(c)(x) de la Loi sur l’AE, je ne suis pas tenue d’examiner si le prestataire avait également été fondé au titre de l’article 29(c)(xiii) de la Loi sur l’AE. Cependant, j’aurais adopté l’analyse de la division générale qui se trouve aux paragraphes 46 à 49 de sa décision.

[58] La division générale a examiné la question de savoir si l’employeur avait fait des remarques discriminatoires. Le sentiment du prestataire selon lequel son employeur lui mettait de la pression pour qu’il quitte son emploi était fondé sur ces remarques. Le prestataire a prétendu que l’employeur avait dit ce qui suit : [traduction] « si on avait su que tu étais un passionné de l’Islam, on ne t’aurait pas embauché. Tu dois démissionnerNote de bas de page 24. » Il a également soutenu que l’employeur avait dit : [traduction] « Nous ne ferons pas d’accommodements en ce qui a trait à ta foi, et ta meilleure option est de démissionnerNote de bas de page 25. ».

[59] Le membre a conclu que l’employeur n’avait pas fait ses remarques discriminatoires. Le prestataire n’a fait mention de ses prétendues remarques discriminatoires que bien après le début du processus de demande de prestations d’assurance-emploi. Je suis d’accord avec les conclusions de la division générale à ce sujet. Par conséquent, puisque l’employeur n’a pas fait ces commentaires en particulier, le prestataire ne s’est pas senti poussé par son employeur à quitter son emploi.

Conclusion

[60] Je suis convaincue que le prestataire avait été fondé à quitter volontairement son emploi en raison d’hostilité. J’accueille donc l’appel.

 

Mode d’instruction :

Comparutions :

Questions et réponses

A. S., appelant

Sandra Doucette (avocate), représentante de l’intimée

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