Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : M. V. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2019 TSS 1548

Numéro de dossier du Tribunal: GE-19-4117

ENTRE :

M. V.

Appelante/prestataire

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Catherine Shaw
DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 décembre 2019
DATE DE LA DÉCISION : Le 31 décembre 2019

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander de modifier sa demande de prestations durant toute la période de retard.

Aperçu

[2] La prestataire a quitté le pays pendant six jours pendant qu’elle recevait des prestations d’assurance-emploi (AE). Comme elle ne pouvait pas recevoir de prestations pendant qu’elle était à l’extérieur du Canada, elle a reçu des prestations partielles pour deux semaines de sa demande de prestations, car elle était à l’extérieur du pays pendant plusieurs jours de chaque semaine. La prestataire croyait qu’elle recevrait un versement pour ces six jours à la fin de sa période de demande.

[3] N’ayant pas reçu d’autres prestations à la fin de sa période de demande, elle a communiqué avec la Commission et lui a demandé de lui verser deux semaines de prestations complètes à la fin de sa demande, au lieu des deux semaines de prestations partielles pendant qu’elle était à l’étranger. La Commission a rejeté sa demande parce qu’elle n’avait pas de motif valable justifiant son retard à demander une modification de sa demande de prestations pour ces semaines. La prestataire n’est pas d’accord et déclare qu’elle a tardé parce qu’elle pensait qu’elle recevrait ces prestations automatiquement.

Ce que je dois déterminer

[4] La prestataire cherche à modifier sa demande relative à deux semaines de prestations. Elle a demandé des prestations partielles pour deux semaines et maintenant, ne demande plus de prestations pour ces deux semaines, afin de pouvoir demander deux semaines complètes de prestations à une date ultérieure. Je dois décider si la prestataire avait un motif valable justifiant son retard à demander de modifier sa demande de prestations.

Motifs de ma décision

[5] Je vais commencer par préciser la question portée en appel en l’espèce. La prestataire a demandé des prestations d’AE et a commencé à présenter ses rapports bimensuels à la Commission. Elle est allée en vacances dans un autre pays et a déclaré qu’elle était à l’extérieur du Canada du 14 au 23 février 2019, selon son rapport bimensuel suivant. Elle ne pouvait pas recevoir de prestations pour les six jours qu’elle avait passés à l’extérieur du Canada, elle a donc reçu des prestations partielles pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019.

[6] La prestataire croyait qu’elle recevrait six jours supplémentaires de prestations à la fin de sa période de demande. Lorsque ses prestations ont pris fin en août 2019, elle a communiqué avec la Commission qui lui a dit que la seule façon de recevoir la totalité des prestations pour ces semaines était de demander un « refus de paiement » pour les semaines en question. Cela lui permettrait de demander deux semaines de prestations complètes à la fin de sa période de prestations. Toutefois, la Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas traiter sa demande de refus de paiement pour ces semaines parce qu’elle n’avait pas présenté la demande dans le délai imparti et qu’elle n’avait pas démontré de motif valable justifiant ce retardNote de bas de page 1.

[7] Il n’y a aucune disposition dans la loi ou dans le règlement qui traite d’un refus de prestations. En général, un prestataire ne déposera tout simplement pas de rapport pour une semaine où il ne veut pas recevoir de prestations d’AE. Dans la lettre de décision du 25 septembre 2019Note de bas de page 2, et dans la décision découlant de la révision du 26 novembre 2019Note de bas de page 3, la Commission a traité la demande de la prestataire comme étant analogue à la présentation d’une demande tardive de prestations pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019. Elle a appliqué les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi qui traitent des demandes visant à faire en sorte qu’une demande de prestations oit considérée comme ayant été présentée à une date antérieure. C’est aussi ce qu’on appelle « antidater » une demande.

[8] Je suis d’accord avec la Commission sur sa caractérisation de la question en litige. En fin de compte, la prestataire demande de modifier sa demande de prestations d’assurance-emploi pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019, afin d’indiquer qu’elle ne réclame pas de prestations pour deux semaines. La prestataire a produit un rapport bimensuel indiquant qu’elle était à l’extérieur du pays pendant plusieurs jours. Elle a donc reçu des prestations partielles pour les semaines concernées. La prestataire ne demande plus de prestations pour ces semaines, afin de pouvoir déposer un nouveau rapport et demander des prestations complètes pour deux semaines à une date ultérieure. Par conséquent, je déciderai si la demande de la prestataire de modifier ses demandes pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019 peut être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure.

[9] La loi dispose qu’une demande hebdomadaire de prestations d’assurance-emploi doit être présentée dans un certain délaiNote de bas de page 4. Ce délai est de trois semaines suivant la semaine pour laquelle les prestations sont demandéesNote de bas de page 5.

[10] Une demande peut être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si la prestataire démontre qu’elle avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle elle présente sa demande, un motif valable justifiant son retardNote de bas de page 6. La prestataire doit prouver qu’elle est plus susceptible d’avoir un motif valable justifiant son retard que de ne pas en avoirNote de bas de page 7

[11] Pour prouver qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit démontrer qu’elle a agi comme toute personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. Elle doit le démontrer pour toute la période du retardNote de bas de page 8.

[12] La prestataire doit également démontrer qu’elle a rapidement pris des mesures pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations aux termes de la loi. Si la prestataire n’a pas pris de telles mesures, elle doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéeNote de bas de page 9.

[13] J’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander de modifier sa demande de prestations durant toute la période de retard, soit pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019. Les motifs de ma décision sont présentés ci-après.

[14] Dans le cas de la prestataire, la période de retard s’étend du 2 mars 2019, le dernier jour où elle aurait pu présenter la demande, au 25 septembre 2019, le jour où elle a demandé à la Commission de modifier sa demande pour les semaines en question.

[15] La Commission a fourni un compte-rendu d’une conversation avec la prestataire le 25 septembre 2019. Au cours de cette conversation, la prestataire a fait mention d’un appel téléphonique précédent avec un agent de la Commission, qui lui avait dit qu’elle devait demander un refus de paiement pour les deux semaines de février 2019. À l’audience, la prestataire n’a pu se rappeler la date exacte de cette conversation téléphonique précédente, mais elle a affirmé qu’elle avait eu lieu à peu près en même temps que la conversation du 25 septembre 2019.

[16] J’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel elle a parlé à la Commission de la modification de sa demande pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019, vers le 25 septembre 2019. Comme la prestataire ne se souvenait pas de la date exacte à laquelle elle a parlé à la Commission la première fois, je vais me fier au compte-rendu de la conversation qu’elle a eue avec la prestataire le 25 septembre 2019 comme date de sa demande de modification de sa demande de prestations.

[17] La prestataire affirme que la raison du retard à demander de modifier sa demande est qu’elle a présumé qu’elle recevrait le reste du paiement pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019, à la fin de sa période de demande. Elle a affirmé qu’elle avait compris qu’elle n’avait pas droit aux prestations pendant qu’elle était à l’extérieur du Canada. Donc, lorsqu’elle a reçu des prestations partielles pour ces deux semaines, elle a cru que tout était en règle. Toutefois, elle croyait aussi qu’elle serait payée pour les six jours qu’elle a passés à l’extérieur du Canada à la fin de sa demande.

[18] À l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait fondé cette hypothèse sur le calcul de son droit aux prestations en termes de jours. Elle a multiplié le nombre de semaines auxquelles elle était admissible aux prestations par le nombre de jours de travail dans une semaine. Elle a affirmé qu’elle avait droit à 38 semaines de prestations d’AE. Ensuite, elle a calculé qu’elle avait droit à 190 jours de prestations, mais qu’elle n’avait reçu que 184 jours de prestations en raison des six jours passés à l’extérieur du Canada.

[19] La prestataire a affirmé qu’elle avait présumé qu’elle recevrait un paiement pour ces six jours à la fin de sa demande. Comme elle n’a reçu aucun autre paiement, elle a communiqué avec la Commission. On lui a dit qu’elle aurait dû demander le refus de paiement des deux semaines de prestations partielles afin de pouvoir les demander plus tard comme semaines complètes de prestations. Après cet appel, elle a fait une recherche en ligne pour savoir quand demander le refus de paiement d’une semaine partielle de prestations et n’a rien trouvé sur le site Web de Service Canada. Lorsqu’elle a de nouveau parlé à un agent de la question, celui-ci n’a pas pu non plus l’orienter vers quoi que ce soit sur le site Web qui expliquait ce processus.

[20] Il est utile de préciser ici que le droit d’un prestataire aux prestations est déterminé par la loi en termes de semaines et non de jours. Voici la façon de procéder : une fois qu’un prestataire a établi une période de prestations, il peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pour une semaine de chômage pendant cette période. La Loi sur l’assurance-emploi dispose qu’un prestataire peut recevoir un nombre maximal de semaines de prestations, lequel est déterminé par sa région et le taux de chômage dans cette région au moment où il a demandé des prestationsNote de bas de page 10.

[21] Ni la loi ni ses règlements ne font mention du nombre de jours auxquels un prestataire a droit. Le prestataire est plutôt admissible à des prestations pendant un nombre maximal de semaines. Cela signifie qu’un prestataire peut recevoir jusqu’à un certain nombre de semaines de prestations, qu’il reçoive ou non des prestations complètes pour chaque semaine. Ainsi, si un prestataire ne peut recevoir une semaine complète de prestations (par exemple, s’il a travaillé une journée ou s’il a été à l’extérieur du pays pendant une journée), il peut tout de même demander des prestations d’assurance-emploi et recevoir des prestations pour la partie de la semaine où il a satisfait aux exigences requises pour recevoir des prestations.

[22] Dans le cas de la prestataire, elle a demandé des prestations pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019 en présentant un rapport bimensuel sur sa disponibilité pour travailler et une activité d’emploi au cours de cette semaine. La prestataire a déclaré qu’elle était à l’extérieur du Canada pendant une partie de chacune de ces semaines. Elle n’a pas pu recevoir de prestations pour les jours où elle était à l’étranger. Toutefois, elle a quand même reçu une prestation partielle pour les deux semaines, c’est-à-dire qu’elle a reçu des prestations d’assurance-emploi pour les deux semaines auxquelles elle avait droit.

[23] La Commission affirme que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander de modifier sa demande. Elle affirme que la prestataire savait qu’elle avait reçu des prestations partielles pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019, et qu’elle a retardé sa demande de modification de sa demande de prestations parce qu’elle supposait qu’elle recevrait le reste de ses prestations partielles à une date ultérieure.

[24] La Commission affirme également que l’incapacité de la prestataire de trouver des renseignements sur ce processus en ligne ne l’exonère pas de la responsabilité de communiquer directement avec la Commission. Cela s’explique par le fait que le site Web de Service Canada ne traite pas directement de la situation particulière de chaque prestataire et qu’il ne peut être utilisé uniquement à titre d’autorité.

[25] Pour démontrer un motif valable, un prestataire doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation pour s’assurer des droits et des obligations que la Loi sur l’assurance-emploi lui imposeNote de bas de page 11.

[26] La prestataire n’a pas demandé à la Commission de modifier sa demande pour les semaines en question avant le 25 septembre 2019, parce qu’elle croyait qu’elle recevrait un paiement pour les six jours qu’elle avait passés à l’extérieur du Canada à une date ultérieure. La prestataire a convenu qu’elle n’a pas communiqué avec la Commission au moment où elle a présenté son rapport bimensuel ou lorsqu’elle a reçu un paiement partiel pour ces semaines. Elle a visité le site Web de Service Canada, ce qui lui a confirmé qu’elle ne pouvait recevoir de prestations pendant qu’elle était à l’extérieur du Canada. Elle n’a pas obtenu l’information selon laquelle elle avait le choix de ne pas demander de prestations pour ces semaines.

[27] Je reconnais que la prestataire croyait avoir agi correctement pour recevoir le maximum de prestations auquel elle avait droit. Cependant, elle a fait plusieurs hypothèses sur la façon dont elle recevrait les prestations auxquelles elle avait droit. Premièrement, elle a supposé qu’elle recevrait 190 jours de prestations, car elle était admissible à un maximum de 38 semaines de prestations. Deuxièmement, la prestataire a supposé qu’elle recevrait automatiquement à la fin de sa demande tous les jours de prestations non utilisés. Je ne vois aucun fondement juridique pour les hypothèses de la prestataire et elle n’a fourni aucun élément de preuve démontrant qu’elle avait fait des efforts pour confirmer sa compréhension de ces hypothèses.

[28] Je reconnais que la prestataire a cherché des renseignements sur le site Web de Service Canada avant de présenter sa demande pour les semaines pendant lesquelles elle était à l’extérieur du Canada. J’accepte son témoignage selon lequel elle n’a trouvé sur le site Web aucun renseignement sur la façon de faire une demande de refus de paiement d’une semaine de prestations partielles au moment où elle a fait son rapport ou à la fin de sa demande. Toutefois, je suis d’accord avec la Commission qui a affirmé que le site Web de Service Canada ne peut pas être utilisé pour traiter de la situation particulière d’un prestataire. Pour ce motif, j’estime qu’une personne raisonnable et prudente aurait posé directement des questions à la Commission sur sa situation, plutôt que de se fier uniquement aux renseignements généraux fournis sur le site Web de Service Canada.

[29] Dans le cas de la prestataire, il aurait été raisonnable qu’elle demande comment son droit aux prestations est calculé. Elle aurait pu le faire en appelant la Commission ou en se rendant dans un bureau de Service Canada en personne. Il aurait également été raisonnable que la prestataire communique avec la Commission pour demander quelles seraient les conséquences d’un paiement partiel sur sa demande globale, soit avant de faire le rapport ou peu après. Cela aurait pu permettre à la prestataire de modifier sa demande immédiatement après avoir appris que le fait de demander une semaine partielle de prestations l’empêcherait de recevoir le maximum de prestations auquel elle avait droit. Ce sont des mesures raisonnables que la prestataire aurait pu prendre.

[30] La prestataire n’a fait aucun effort pour communiquer avec la Commission afin de vérifier ses hypothèses ou de comprendre ses droits et obligations au titre de la loi avant la fin de sa demande. J’estime qu’une personne raisonnable et prudente, dans les circonstances de la prestataire, aurait pris des mesures pour communiquer avec la Commission afin de comprendre son admissibilité aux prestations au moment de la présentation de son rapport bimensuel ou au moment du paiement partiel de prestations pour les semaines en question. Par conséquent, je suis d’avis que la prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation.

[31] Étant donné que la prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait, je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander de modifier sa demande de prestations pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019.

Conclusion

[32] La prestataire n’avait pas de motif valable justifiant son retard à demander de modifier sa demande de prestations pour les semaines commençant le 10 février et le 17 février 2019. Les demandes de la prestataire ne peuvent donc pas être considérées comme ayant été présentées à une date antérieure. Cela signifie que l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 17 décembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

M. V., appelante

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