Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Le prestataire est donc exclu du bénéfice des prestations.Note de bas de page 1

Aperçu

[2] Le prestataire, A. R., a perdu son emploi. Son employeur a dit qu’il a été congédié en raison d’absences non justifiées. Même si le prestataire ne conteste pas ce qui s’est produit, il affirme que ce n’est pas la vraie raison expliquant que son employeur l’a congédié. Le prestataire affirme que la vraie raison de son congédiement était qu’il avait une blessure qui nécessitait que son employeur prenne des mesures d’adaptation pour qu’il puisse retourner au travail. Il affirme que comme il n’a pas obtenu les mesures d’adaptation dont il avait besoin et qu’il a été congédié parce qu’il n’est pas retourné au travail.

[3] Le prestataire travaillait chez X et il était incapable de travailler entre le 5 et le 20 juin 2018 inclusivement, en raison d’une blessure. Il est retourné au travail le 21 juin 2018 avec une entente de retour au travail garanti [sic]. À la fin d’octobre 2018, le prestataire est allé voir son médecin dans le but de prendre un rendez-vous chez un orthopédiste pour un examen. Toutefois, son médecin n’avait pas de recommandation pour ce type de spécialiste au Manitoba. Le prestataire affirme qu’il a pris un rendez-vous dans un établissement du Connecticut, aux États-Unis. Il dit qu’il a demandé un congé, mais qu’on le lui a refusé. Il dit aussi qu’il est allé à son rendez-vous. Il affirme qu’il a fourni à son employeur de nouveaux renseignements médicaux et qu’il croyait qu’il allait réintégrer son programme de RGT, ce qui lui aurait permis de s’absenter du travail pour se rendre à son rendez-vous médical. Le prestataire déclare que son employeur lui a envoyé un courriel l’informant qu’il serait congédié s’il ne retournait pas au travail.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement de l’employeur. Elle a décidé que le prestataire a perdu son travail en raison de son inconduite, et l’a ainsi exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE).

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision et en a appelé au Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[6] Une première audience a été organisée le 28 novembre 2018, car le prestataire avait aussi une poursuite au Tribunal des droits de la personne. On y a expliqué que je n’étais pas lié par les décisions rendues par le Tribunal des droits de la personne, mais par la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire s’est vu accorder un ajournement pour mieux se préparer à cet appel.

[7] À l’audience, le prestataire a dit souhaiter mentionner le fait qu’il est toujours engagé dans une cause avec un autre organisme (le Tribunal des droits de la personne) par rapport à son congédiement. Il comprend que je ne suis pas liée par la décision rendue éventuellement par ce tribunal. Aussi, il ne s’attardera pas sur la question du non-respect des lois fédérales par son employeur et il comprend que la question en litige concerne les lois relatives à l’AE. Il affirme qu’il mettra l’accent sur les faux principes sur lesquels il a été congédié.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite? Pour trancher cette question, je vais commencer par déterminer la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi.

Analyse

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a pris congé même si son employeur a rejeté sa demande.

[10] Le prestataire et la Commission ne s’entendent pas sur les raisons du congédiement. La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur pour son congédiement est la bonne. 

[11] L’employeur a dit à la Commission qu’à l’origine, le prestataire a demandé, en octobre 2018, des vacances pour novembre 2018. Elle dit que sa demande a été rejetée par l’employeur en raison des besoins opérationnels. Elle affirme que le prestataire a ensuite demandé un congé sans solde, mais qu’il ne s’est pas conformé aux exigences pour justifier le congé. Elle dit que parce qu’il n’a pas fourni les documents requis, son absence du travail a été considérée comme un congé autorisé [sic]. Elle dit qu’avant que le demandeur ne prenne son congé non autorisé, il y a eu beaucoup de discussions.  

[12] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit que la vraie raison pour laquelle il a perdu son emploi était parce que cet employeur a justifié son congédiement sous de faux principes. Son employeur a enfreint le code fédéral du travail concernant les mesures disciplinaires progressives. Il s’est aussi soustrait à ses propres protocoles concernant la protection de la santé et le retour au travail des employés sous supervision médicale. 

[13] J’estime que le prestataire a perdu son travail parce qu’il n’est pas retourné au travail. Je constate que personne ne conteste le fait que le prestataire n’est pas retourné au travail. La preuve démontre que le prestataire a quitté le Canada pour se rendre à un rendez-vous médical. Les courriels de l’employeur démontrent que le prestataire a été informé du fait que son congé n’avait pas été autorisé et que s’il ne retournait pas au travail au plus tard le 7 novembre 2018, il pourrait être congédié.

La raison du congédiement du prestataire est-elle conforme à la loi?

[14] J’estime que la raison constitue une inconduite au sens de la loi, parce que les actes du prestataire étaient volontaires et délibérés lorsqu’il a pris la décision manifeste de prendre un congé non autorisé. Les courriels de l’employeur démontrent clairement que s’il ne retournait pas au travail comme prévu il serait congédié. Ainsi, le prestataire savait ou aurait dû savoir que ces actes pouvaient entraîner son congédiement.

[15] Pour qu’un acte soit considéré comme une inconduite au sens de la loi, celui-ci doit être délibéré. Cela signifie que la conduite était consciente, délibérée ou intentionnelleNote de bas de page 2. On considère aussi comme inconduite les actes qui sont insouciants à un point tel qu’ils frôlent le caractère délibéréNote de bas de page 3. L’intention d’une personne prestataire n’a pas besoin d’avoir été fautive pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au sens de la loi.Note de bas de page 4  

[16] Il y a inconduite quand le prestataire savait ou aurait dû savoir que son inconduite pourrait nuire au rendement qu’il doit donner à son employeur. Par conséquent, ce congédiement constituait une réelle possibilité.Note de bas de page 5

[17] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbableNote de bas de page 6 que le prestataire a perdu son travail en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[18] La Commission affirme qu’il y avait inconduite parce que le prestataire a choisi volontairement et délibérément d’aller à son rendez-vous avec un médecin de Yale, plutôt que de se présenter au travail comme prévu. Cela, malgré le fait que son employeur l’a clairement informé que son absence serait considérée comme un congé non autorisé.

[19] Le congédiement du prestataire était le résultat direct de son défaut de se présenter au travail le matin du 7 novembre 2018.

[20] Le prestataire affirme qu’il n’y avait aucune inconduite parce qu’il n’a pas demandé de congé. Il affirme que le 1er novembre 2018, il avait une rencontre et qu’il avait reçu la confirmation qu’il retournerait au travail à l’aide du programme de RGT. Il affirme qu’il pensait que parce qu’il était inscrit au programme de RGT, il lui était permis de ne pas se présenter au travail jusqu’à ce qu’ils s’entendent par rapport à son horaire de retour au travail. Il dit que, essentiellement, il n’a pas demandé de congé parce qu’il n’avait pas à le faire. Il affirme qu’il avait été accepté au programme et qu’il pensait que les choses resteraient comme ils l’étaient en juin. Il dit que l’employeur a présumé qu’il demandait un congé dans sa lettre du 29 octobre 2018.

[21] Le prestataire affirme qu’il s’attendait à ce qu’il y ait une rencontre avec son employeur et les comités de santé et de sécurité au travail (SST) pour discuter de son RGT. Il dit qu’il ne savait pas quand aurait lieu ce rendez-vous, alors il est allé à Yale. Il affirme qu’il a pu envoyer les renseignements médicaux au comité de SST après avoir été examiné à Yale. Le prestataire affirme que son employeur aurait dû lui dire le 1er novembre 2018 que son dossier n’avait pas été rouvert et réadmis au programme de RGT, et qu’il ne serait pas parti, dans ce cas.

[22] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y avait inconduite, pour les raisons suivantes :

  1. le 4 octobre 2018, le prestataire a demandé une période de congé non payé à compter du début de novembre 2018. L’employeur a refusé le congé en citant des besoins opérationnels et l’absence d’un certificat médical indiquant que le congé était pour des raisons médicales;
  2. le 30 octobre 2018, le prestataire a donné à son employeur une lettre datant du 29 octobre 2018 indiquant qu’il avait pris un rendez-vous avec un spécialiste aux États‑Unis. Dans sa lettre, le prestataire affirme ceci : [traduction] « Je vais avoir besoin d’un congé temporaire du travail, à compter du 5 novembre 2018. Merci d’avance de votre soutienNote de bas de page 8 »;
  3. le 1er novembre 2018, le prestataire a été informé du fait que sa demande de congé pour le 5 novembre a été rejetée. L’employeur a déclaré que le prestataire n’a pas fourni de renseignements médicaux à l’appui de sa demande de congé et qu’une absence non motivée pouvait entraîner son congédiement;
  4. le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 2 novembre 2018. Il affirme qu’il s’agissait d’un congé autorisé, l’employeur affirme que ce n’était pas le cas;
  5. le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 5 et le 6 novembre 2018. Le 6 novembre 2018, l’employeur a envoyé un courriel au prestataire l’avertissant que s’il ne se présente pas au travail le 7 novembre 2018, son dossier d’emploi ferait l’objet d’un examen et qu’il pourrait être congédié;
  6. le prestataire a écrit un courriel à son employeur le 7 novembre 2018 dans lequel il affirme à nouveau qu’il a un problème médical et qu’il était occupé à chercher l’avis d’expert. Pour étayer son argument, il affirme qu’il a transmis les nouveaux renseignements confidentiels au service de santé et sécurité au travail;
  7. le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 7 novembre 2018, et il a été congédié le jour suivant.

[23] J’ai examiné l’argument du prestataire selon lequel le congé du 2 novembre 2018 avait été autorisé. J’admets comme preuve le courrielNote de bas de page 9 de T. H. selon lequel elle aurait envoyé un [Traduction] « Formulaire d’exception sur la paie » si le prestataire ne pouvait pas se présenter au travail. Par conséquent, je trouve crédibles la version des événements du prestataire et son argument selon lequel sa demande de congé pour le 2 novembre 2018 a été approuvée.

[24] Toutefois, j’estime que le prestataire n’a pas perdu son travail en raison de ce qui s’est passé le 2 novembre 2018, mais plutôt parce qu’il n’est pas retourné travailler le 7 novembre 2019. Et après que son employeur a refusé sa demande de congé.

[25] J’ai jugé moins crédible l’argument du prestataire selon lequel il n’a pas demandé de congé et qu’il croyait être inscrit au programme de RGT. J’estime que sa lettre du 29 octobre 2018 contredit clairement sa déclaration selon laquelle il n’a pas demandé de congé. Et le prestataire n’a fourni aucun élément de preuve pour appuyer son argument selon lequel il a reçu le 1er novembre la confirmation qu’il avait été réadmis au programme de RGT.

[26] Je constate que l’employeur a fourni une preuve documentaire de la correspondanceNote de bas de page 10 par courriel du 17 octobre 2018 qui démontre clairement que le Comité de SST avait fermé son dossier. On y mentionne aussi que s’il y avait une modification à ses limitations, il fallait fournir de la documentation médicale pour que le dossier du prestataire soit rouvert. Je constate que la lettre du médecin du 18 [sic] octobre 2018Note de bas de page 11 fournit bel et bien des renseignements médicaux sur ces limitations, mais elle ne démontre pas que l’employeur a rouvert son dossier. Elle ne démontre pas non plus qu’on avait accepté sa réadmission au programme de RGT. Je constate aussi que la lettre ne dit pas qu’il avait besoin d’un congé afin de se rendre à un rendez-vous médical aux États-Unis.

[27] J’ai examiné l’argument du prestataire selon lequel il n’a pas demandé de congé. Toutefois, je trouve que ses déclarations contradictoires. La lettre du 29 octobre 2018Note de bas de page 12 mentionne clairement, dans un paragraphe en retrait : « je vais avoir besoin de quitter temporairement le travail à compter du 5 novembre 2018 » (date mise en gras).

[28] J’estime que dans la lettre du 29 octobre 2019 le prestataire n’a pas fait référence du tout à une réadmission au programme de RGT ou du fait qu’il consultait ou qu’il avait consulté le Comité de SST. J’ai examiné la déclaration du prestataire selon laquelle il avait une réunion le 1er novembre 2018, et qu’il s’y est fait confirmer qu’il était réadmis au programme de RGT. Toutefois, j’accorde plus d’importance au courriel de l’employeur daté du 1er novembre 2018Note de bas de page 13, ce qui me permet de conclure que sa réadmission au programme de RGT n’a pas été approuvée, car il n’y mentionne aucunement la question. Par contre, il y est clairement inscrit que le prestataire n’a pas fourni de documentation médicale satisfaisante pour motiver un congé médical. Et il y est mentionné clairement que sa demande de congé commençant le 5 novembre est rejetée.

[29] Je juge que le courriel du prestataire daté du 2 novembre 2018 n’appuie pas son argument selon lequel son congé avait été approuvé. Et il n’a pas mentionné spécifiquement qu’il était inscrit au programme de RGT ou que cela avait été considéréNote de bas de page 14. Il n’a pas non plus fait référence du tout au fait que s’il était sur le programme de RGT on lui accorderait un congé.

[30] J’estime qu’on a accordé au prestataire la chance de fournir à son employeur la documentation médicale requise pour que son congé soit approuvé avant qu’il ne parte. Toutefois, le prestataire a reconnu lui-même qu’il a seulement fourni les renseignements médicaux de Yale après que sa demande de congé a été rejetée.

[31] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas présenté au travail le 7 novembre 2018. J’accorde une certaine importance à la preuve écrite de l’employeur informant le prestataire que son congé a été refusé et que s’il ne se présente pas au travail le 7 novembre 2018, il pourrait se faire congédier.

[32] D’après son témoignage, je constate que le prestataire a reçu l’avis verbal et écrit l’informant que son congé avait été refusé. Il reconnaît qu’il a reçu un courriel l’informant qu’il devait se présenter au travail et qu’il ne l’a pas fait. Par conséquent, je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir que s’il ne venait pas travailler le 7 novembre 2018, il pourrait perdre son emploi.

[33] Je conclus que le prestataire a quand même choisi de se rendre à son rendez-vous médical en présumant que son employeur l’inscrirait à nouveau au programme de RGT. Dès lors, ses actes étaient voulus et délibérés. 

Conclusion

[34] L’appel est rejeté. Le prestataire est donc exclu du bénéfice des prestations d’AE

Date de l’audience :

Le 5 décembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

A. R., appelant

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