Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante, à savoir A. W. (prestataire), a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi et a reçu des prestations pendant quelques semaines. Selon le taux régional de chômage de la région économique du sud de l’Alberta, elle avait droit à 22 semaines de prestations. La prestataire était en désaccord et soutenait qu’il y avait eu erreur de classement. Elle a déclaré résider dans la ville de Calgary. Calgary est située dans une autre région économique où le taux de chômage est plus élevé. La prestataire aurait eu droit à davantage de semaines de prestations si elle avait été classée comme étant résidente de Calgary.

[3] L’intimée, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a maintenu sa décision initiale au terme d’un réexamen. La prestataire a interjeté appel auprès de la division générale. La division générale a rejeté son appel, et la prestataire interjette maintenant appel auprès de la division d’appel.

[4] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’établir si le lieu de résidence de la prestataire avait été déterminé avec certitude et en omettant d’expliquer pourquoi elle donnait préséance aux éléments de preuve de la Commission plutôt qu’à ceux de la prestataire.

Quels moyens d’appel puis-je considérer?

[5] Pour accueillir l’appel, je dois conclure que la division générale a commis l’un des types d’erreurs correspondant aux « moyens d’appel » décrits ci-dessousFootnote 1 :

  1. Un aspect du processus d’audience de la division générale était inéquitable.
  2. La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou elle a rendu une décision qui dépassait le cadre de ses compétences.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tirer une conclusion de fait nécessaire concernant la détermination de la région économique correspondant au lieu de résidence de la prestataire?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en déterminant que le taux régional de chômage du sud de l’Alberta devait être utilisé sans détenir la preuve que la Commission avait déterminé avec certitude que le lieu de résidence de la prestataire se trouvait dans cette région?

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de justifier pourquoi elle accordait préséance aux éléments de preuve de la Commission plutôt qu’à ceux de la prestataire?

Analyse

[9] La prestataire a soutenu que la Commission avait utilisé un taux de chômage incorrect puisque les taux régionaux de chômage sur lesquels elle se fondait n’étaient plus à jour. La prestataire s’est fondée sur les dates fournies dans l’information publiée sur le site Web public de la Commission.

[10] La Commission a transmis des renseignements à la division générale indiquant que son plus récent examen des limites régionales avait été mené en 2018. La division générale a conclu que la Commission avait respecté son obligation d’examiner les limites régionales d’assurance-emploi tous les cinq ansFootnote 2. Elle a aussi affirmé que même si la Commission n’avait pas respecté cette obligation, les limites régionales n’auraient pas pour autant été forcément incorrectes. La division générale a à juste titre déclaré qu’elle n’avait pas la compétence de modifier les frontières des régions d’assurance-emploi.

[11] Il n’y a eu aucune erreur de fait ou de droit dans ces observations.

Omission de tirer une conclusion d’un fait essentiel

[12] La division générale a conclu que la Commission avait déterminé avec exactitude que l’adresse de la prestataire se trouvait dans la région du sud de l’Alberta. Ceci n’écarte pas la possibilité que le lieu de résidence de la prestataire se situe trop près de la frontière pour déterminer avec certitude la région économique qui lui correspond. La prestataire a fourni un élément de preuve montrant que son mari avait récemment reçu une décision de la Commission confirmant que le même lieu de résidence se situait à Calgary. Ladite décision était également fondée sur un avis de la Direction de la politique de l’assurance-emploi (DPAE) de la Commission. Cela indique que la Commission a pu avoir de la difficulté à situer le lieu de résidence de la prestataire dans une région avec certitude.

[13] L’article 17(2) du Règlement sur l’assurance-emploi traite des cas ou le lieu de résidence d’une ou d’un prestataire est si près d’une frontière qu’il ne peut être déterminé avec « certitude » dans quelle région il habite. Dans un tel cas, « le taux régional de chômage qui lui est applicable est le plus élevé des taux des régions en cause ». Si le lieu de résidence de la prestataire ne peut être situé dans une région avec certitude, le taux de chômage qui lui serait applicable serait donc celui de Calgary.

[14] La division générale n’a pas tenu compte du fait que l’article 17(2) pouvait s’appliquer dans ces circonstances. Compte tenu des éléments de preuve du présent dossier, je conclus que la conclusion de fait requise n’a pas été tirée et qu’il s’agit donc d’une erreur de droit.

Éléments de preuve soutenant le degré de certitude quant à la détermination de la région

[15] Je reconnais qu’il y a eu des éléments de preuve présentés à la Commission qui auraient pu la pousser à conclure que le lieu de résidence de la prestataire était assurément situé dans la région du sud de l’Alberta.

[16] La Commission s’est fondée sur un courriel interne entre une agente des appels et une agente aux prestations qui indique que la DPAE avait confirmé que le lieu de résidence de la prestataire se trouvait dans la région du sud de l’Alberta après une demande de « géocodage »Footnote 3. L’agente des appels s’est également reportée à une conversation avec une employée de la DPAE qui lui aurait confirmé que le lieu de la résidence se situait dans la région du sud de l’Alberta. On peut trouver cet élément de preuve à la fin du document attestant du taux régional de chômageFootnote 4.

[17] La division générale n’a commis aucune erreur de droit en tirant une conclusion qui n’était pas soutenue par les éléments de preuve.

Pertinence des motifs

[18] C’est la Commission qui possède l’expertise particulière d’établir la région économique correspondant au lieu de résidence d’un ou d’une prestataire. Il y a des cas dans lesquels il est difficile pour un ou une prestataire de produire des preuves de façon indépendante pour étayer son argumentaire. Toutefois, cela ne signifie pas que la division générale peut tenir pour acquis que les éléments de preuve de la Commission sont plus probants.

[19] Le courriel interne daté du 15 mars 2019 porte à confusion. On pourrait l’interpréter de deux façons : que la DPAE a reçu une demande de géocodage, ou encore que c’est la DPAE elle-même qui a demandé un géocodage. Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas clair que le lieu de résidence de la prestataire avait été géocodé avant la confirmation du lieu de résidence par la Commission. Le courriel n’offre par ailleurs aucune précision quant à ce que la Commission veut dire lorsqu’elle déclare avoir demandé le géocodage du lieu de résidence. Le certificat lui-même n’atteste pas que le lieu de résidence de la prestataire est situé dans la région du sud de l’Alberta. On y présuppose plutôt que la prestataire réside dans cette région et on y atteste simplement le taux de chômage dans cette région. De plus, le certificat indique seulement qu’on s’est fondé sur l’article 17(1), qui décrit comment le taux est calculé pour une région donnée. On n’y mentionne pas si la Commission s’est conformée à l’article 17(2) du Règlement, qui explique le processus qu’elle doit suivre pour déterminer le taux de chômage régional à utiliser lorsqu’une personne réside si près des limites régionales qu’elle ne peut déterminer avec certitude dans quelle région elle réside.  

[20] La Commission avait l’occasion de clarifier ses processus internes dans ses observations à la division générale. Ces observations indiquent que la DPAE a demandé à ce que le lieu de résidence soit géocodé et fournissent quelques renseignements au sujet du géocodage. Toutefois, la Commission y réitère avoir « confirmé » que la prestataire résidait dans la région du sud de l’Alberta. Cela laisse entendre qu’il y a de la confusion entourant qui a fait cette confirmation, et ainsi, également quant aux renseignements qui ont été utilisés pour l’appuyer. Les observations ne nous indiquent pas si la confirmation découlait des données obtenues à la suite de la demande de géocodage ou si elle découlait simplement d’une décision de la Commission prise sans égard à l’obtention ou à l’examen des données de géocodage. À la lecture des observations, on ne peut savoir si la Commission a bel et bien géocodé le lieu de résidence de la prestataire.

[21] La division générale n’a pas justifié pourquoi elle a donné préséance aux éléments de preuve de la Commission plutôt qu’à ceux de la prestataire. La prestataire a fourni amplement d’éléments de preuve établissant qu’elle résidait bien dans la région urbaine de Calgary et qu’elle était considérée comme étant résidente de Calgary dans divers autres contextes. Ces éléments de preuves étaient peu pertinents pour établir si son lieu de résidence correspondait à la ville de Calgary aux fins de l’assurance-emploi, mais viennent accroître la plausibilité de son affirmation. Toutefois, la prestataire a également présenté un élément de preuve montrant que la Commission avait récemment suivi l’avis de la DPAE pour déterminer que son lieu de résidence était à Calgary aux fins de l’assurance-emploi. La Commission n’a pas contesté avoir accepté la demande de l’époux de la prestataire quelques mois plus tôt, utilisant l’avis de la DPAE pour déterminer que ce même lieu de résidence se situait à Calgary.

[22] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de fournir une justification adéquate pour sa décision et, plus particulièrement, en omettant d’expliquer pourquoi elle a donné préséance aux affirmations de la Commission plutôt qu’aux éléments de preuve de la prestataire.

[23] Ayant conclu que la division générale a pris une décision de façon erronée, je dois maintenant me pencher sur la réparation appropriée.

Réparation

[24] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreFootnote 5. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décision.

[25] La Commission affirme qu’il y a maintenant de nouveaux éléments de preuve qui montrent le lieu de résidence de la prestataire par rapport aux limites des régions économiques et a affirmé qu’il était possible que j’accepte de nouveaux éléments de preuve liés à un des moyens d’appel constituant le fondement sur lequel la permission d’en appeler a été accordée. Elle n’a toutefois fourni aucun fondement juridique pour appuyer sa position. Je n’en connais moi-même aucun. La division d’appel n’est pas autorisée à tenir compte de nouveaux éléments de preuveFootnote 6.

[26] Toutefois, le dossier est incomplet. La division générale ne s’est pas penchée sur la question de savoir si le lieu de résidence de la prestataire pouvait être déterminé avec certitude afin de faire respecter l’article 17(2) du Règlement. Les éléments de preuve présentés à la division générale ne lui permettaient pas de trancher cette question. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de remplacer la décision de la division générale par la mienne.

[27] L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen. La Commission peut soumettre ses nouveaux éléments de preuve à la division générale. La prestataire pourra également soumettre de nouveaux éléments de preuve.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Le 2 janvier 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

A. W., appelante
David Walterson, représentant de l’appelante
Angeline Fricker, représentante de l’intimée

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