Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

En novembre 2017, la Commission a annulé les prestations d’AE du prestataire. Plus d’une année plus tard, en septembre 2019, le prestataire a demandé à la Commission de revoir sa décision. La Commission a cependant refusé puisque cette demande arrivait trop tard. Le prestataire a donc fait appel à la division générale (DG). Celle-ci a conclu qu’il n’avait aucune explication raisonnable pour justifier sa demande de révision tardive auprès de la Commission. La DG a également conclu qu’il n’avait pas manifesté l’intention continue de demander une révision à la Commission.

La division d’appel (DA) lui a refusé permission d’en appeler de la décision de la DG. Le prestataire a alors présenté à la Cour fédérale (CF), mais encore en retard, une demande de contrôle judiciaire de la décision de la DA. Vu son retard, il a présenté à la CF une requête en prolongation de délai. La CF a appliqué les critères pour décider si elle devait prolonger le délai. Elle a conclu que la DG n’avait commis aucune erreur en refusant, dès le départ, de prolonger le délai de demande de révision à la Commission.

La conclusion de la DG était que la Commission avait rendu une décision discrétionnaire, et qu’elle avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, au regard des facteurs applicables en l’espèce. Le prestataire n’a pas démontré que la DG avait commis une erreur en examinant son état de santé pour expliquer son retard; la DG pouvait le faire comme juge des faits. Le prestataire n’a pas non plus démontré que la DG avait excédé son pouvoir en examinant son intention continue de demander une révision à la Commission. La CF a donc confirmé la décision de la DA refusant au prestataire la permission d’en appeler de la décision de la DG. Elle a jugé qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice de prolonger le délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire. La requête a été rejetée.

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, G. C. (prestataire), demande la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale. La permission d’en appeler est la première étape du processus d’appel. Cela signifie qu’un demandeur doit obtenir la permission de la division d’appel avant de pouvoir passer à l’étape suivante du processus d’appel qui est aussi la dernière étape.

[3] La division générale a déterminé que la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, avait exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande présentée par le prestataire en septembre 2019 afin d’obtenir une prorogation du délai pour faire réviser sa décisionNote de bas de page 1. Le prestataire devait demander une prorogation du délai parce qu’il était déjà en retard lorsqu’il a demandé à la Commission de réviser sa décision du 21 novembre 2017Note de bas de page 2.

[4] À cette étape du processus d’appel, je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès. Le prestataire fait valoir que la division générale a ignoré de l’information lorsqu’elle a rendu sa décision.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Je rejette donc la demande de permission d’en appeler.

Question en litige

[6] La question dont je suis saisie est celle de savoir si l’on peut soutenir que la division générale a ignoré de l’information importante.

Analyse

[7] Avant que le prestataire puisse passer à l’étape suivante de l’appel, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent à au moins un des types d’erreurs énumérés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès est synonyme d’une cause défendable en droitNote de bas de page 3. Les types d’erreurs sont les suivants :

  1. Le processus de la division générale n’était pas équitable.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.
  4. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[8] À l’étape de la permission d’en appeler, les prestataires n’ont pas à prouver leurs arguments. Ils doivent simplement prouver que leur cause est défendable.

Décision de la division générale

[9] La division générale devait déterminer si le prestataire a présenté sa demande en retard. Dans l’affirmative, la division générale devait déterminer si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai du prestataire pour demander une révision de sa décision.

[10] Si la division générale avait déterminé que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, cela aurait mis fin à l’affaire. La division générale n’aurait pas eu de motif ni le pouvoir d’intervenir dans la décision de la Commission qui rejetait la demande. Il n’y aurait eu aucun fondement pour que la division générale tranche la question de savoir si elle devrait proroger le délai pour le dépôt de la demande. En fait, la division générale a reconnu cela au paragraphe 14, lorsqu’elle a écrit :

  1. [traduction]
    La décision de la Commission peut seulement être modifiée si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Le Tribunal peut seulement intervenir dans la décision de la Commission de refuser la prorogation du délai pour présenter une demande de révision si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire.

[11] Si la Commission n’avait pas agi de manière judiciaire, la division générale aurait alors été tenue d’intervenir. Elle aurait dû décider elle-même s’il était approprié d’accorder une prorogation du délai.

[12] Le prestataire a convenu qu’il était en retard lorsqu’il a demandé à la Commission de réviser sa décision. La division générale a ensuite porté son attention sur la question de savoir si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. La division générale a noté à juste titre que le Règlement sur les demandes de révision (Règlement) s’appliquaitNote de bas de page 4.

[13] Conformément au Règlement, la Commission doit être convaincue que le prestataire avait une explication raisonnable pour justifier le retard. Elle devait aussi être convaincue qu’il avait l’intention persistante de demander la révision tout au long de la période du retard.

[14] Lorsqu’un prestataire présente sa demande plus de 365 jours après la réception de la décision initiale de la Commission, la Commission doit être convaincue de deux autres facteurs. Le premier facteur est de savoir si la demande de révision a une chance raisonnable de succès. Le deuxième est de savoir s’il y aurait préjudice à l’endroit de la Commission ou d’une autre partie si la Commission accordait une prorogation du délai.

[15] En l’espèce, la demande du prestataire a été présentée plus de 365 jours après qu’il a reçu la décision initiale de la Commission du 21 novembre 2017. Pour cette raison, la Commission devait être convaincue que le prestataire satisfaisait à l’ensemble des quatre facteurs plutôt qu’à deux facteurs seulement. Si la Commission n’avait pas été convaincue que le prestataire répondait aux quatre facteurs, alors la Commission n’aurait pas eu le pouvoir d’accorder au prestataire une période plus longue pour demander une révision. En somme, si le prestataire n’avait pas même satisfait à un seul facteur, il n’aurait pas eu de succès.

[16] La division générale a établi que la Commission avait examiné les quatre facteurs. Cela incluait celui de savoir si le prestataire avait une explication raisonnable pour justifier ce retard.

[17] La division générale a aussi examiné la question de savoir si la Commission aurait pu agir de mauvaise foi, agir dans un but ou pour un motif irrégulier, prendre en compte un facteur non pertinent ou ignorer un facteur pertinentNote de bas de page 5.

[18] Ayant examiné les quatre facteurs et ces autres considérations, la division générale aurait dû s’arrêter là et mettre fin à son enquête.

Explication du retard du prestataire

[19] La division générale a établi que la Commission a accepté l’excuse médicale du prestataireNote de bas de page 6. Cependant, la division générale a mené sa propre analyse. Elle a examiné les observations des deux parties, ainsi que la preuve du prestataire. Finalement, la division générale a exprimé son désaccord avec la Commission. Contrairement à la Commission, la division générale a établi que le problème de santé du prestataire ne lui a pas occasionné un retard dans la présentation de sa demande de révision de sa décision.

[20] Bien que la division générale devait être convaincue que le prestataire a satisfait aux quatre facteurs, cela ne signifiait pas que la division générale devait mener sa propre évaluation de chacun de ces facteurs. Pour cette raison, on peut soutenir que la division générale a excédé l’exercice de sa compétence lorsqu’elle a tranché la question de savoir si le problème de santé du prestataire avait eu comme conséquence de retarder la présentation de sa demande de révision de la décision à la Commission.

Autres facteurs pour expliquer le retard

[21] La division générale a aussi évalué la question de savoir si le prestataire avait l’intention persistante de demander à la Commission de réviser sa décision. Elle aurait dû laisser cette évaluation à la Commission. Cela soulève aussi une cause défendable selon laquelle la division générale a excédé sa compétence. On peut dire qu’elle a fait une évaluation non justifiée.

[22] La division générale était d’avis qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les deux derniers facteurs.

Peut-on soutenir que la division générale a excédé sa compétence?

[23] La division générale pourrait avoir outrepassé sa compétence. Elle a tranché une question qu’elle n’avait pas à trancher. Elle a mené sa propre évaluation de deux des facteurs.

[24] Cependant, bien que la division générale ait évalué deux des facteurs, cela n’a pas changé le résultat en aucune façon.

[25] La question essentielle était plutôt celle de savoir si la division générale avait bel et bien examiné si la Commission avait agi de façon judiciaire. La division générale devait simplement examiner si la Commission avait examiné les quatre facteurs. Cela aurait aussi exigé que la division générale examine si la Commission avait agi de mauvaise foi; avait agi dans un but ou pour un motif irrégulier; avait pris en compte un facteur non pertinent ou avait ignoré un facteur pertinent.

[26] Comme je l’ai souligné ci-dessus, la division générale a établi que la Commission avait examiné les quatre facteursNote de bas de page 7. Rien ne laisse entendre que la division générale a omis d’examiner si la Commission pourrait avoir agi de mauvaise foi, agi dans un but ou pour un motif irrégulier ou pris en compte un facteur non pertinent. Cependant, le prestataire laisse entendre que la division générale a omis d’examiner si la Commission avait ignoré des faits pertinents lorsqu’elle a examiné s’il avait une explication raisonnable pour expliquer son retard.

Peut-on soutenir que la division générale a ignoré certains des faits?

[27] Le prestataire fait valoir que la division générale a omis de tenir compte de plusieurs faits. Cela inclut tout l’historique de ses problèmes de santé, les effets secondaires de ses médicaments, la perte de son domicile qui lui procurait un revenu, son éviction de son domicile, la perte de son permis de conduire en raison de contraventions non payées et la perte d’amis en raison de ses problèmes de santé. Le prestataire affirme qu’il a eu de la difficulté à affronter la vie avec tous ces problèmes. Il est incapable de demeurer concentré.

[28] Cependant, à moins que la Commission ait omis d’agir de manière judiciaire, la division générale ne pouvait pas mener sa propre évaluation et tenir compte de ces faits.

[29] Par ailleurs, après avoir écouté l’enregistrement audio, je constate qu’il n’y avait pas d’élément de preuve de la plupart de ces problèmes, soit devant la division générale ou la Commission. Le prestataire n’a simplement pas mentionné la majeure partie de ces enjeux devant la Commission ou la division générale, à part son problème de santé.

[30] Il n’y avait pas de preuve concernant les pertes du prestataire, à savoir son domicile, son permis de conduire ou ses amis, et en quoi ces pertes l’avaient affecté. Par conséquent, la Commission n’aurait pas pu ignorer une preuve qui n’avait pas été portée à sa connaissance. De la même façon, la division générale n’aurait pas pu omettre d’examiner la question de savoir si la Commission a ignoré cette preuve.

[31] Des éléments de preuve avaient été portés à l’attention de la Commission selon lesquels le prestataire avait des problèmes de santé qui avaient eu comme conséquence de reporter la présentation de sa demande de révision. Cette preuve était énoncée dans la demande de révision du prestataireNote de bas de page 8. Le prestataire a affirmé qu’il avait présenté sa demande principalement en raison de son insuffisance cardiaque congestive et de son anxiété.

[32] Dans son rapport de décisionNote de bas de page 9, la Commission a reconnu les problèmes de santé du prestataire. La Commission a noté que le prestataire se sentait mal, anxieux et accablé dès qu’il regardait les documents. La Commission a accepté l’explication donnée par le prestataire pour justifier son retard. J’ai établi que le prestataire avait donné une explication raisonnable, car son [traduction] « anxiété était si grave qu’elle l’empêchait d’aborder la question et que ses problèmes de santé et invalidités rendaient le tout plus difficileNote de bas de page 10 ».

[33] La division générale a fait une brève analyse de la question de savoir si la Commission avait tenu compte des divers facteurs, notamment de l’explication fournie par le prestataire pour justifier le retard. Aux paragraphes 18 et 32, la division générale a reconnu que la Commission avait considéré l’explication du prestataire et l’avait trouvée raisonnable. La division générale n’a pas décrit en entier le fondement sur lequel s’est appuyée la Commission pour établir que l’explication du prestataire était raisonnable. Cela n’était pas nécessaire, puisque la Commission était satisfaite de l’explication.

[34] Pour cette raison, je ne suis pas convaincue qu’on puisse soutenir que la division générale a omis de tenir compte de la question de savoir si la Commission a examiné les problèmes de santé du prestataire.

[35] Je souligne au passage qu’il était inapproprié pour le membre de la division générale de substituer sa propre évaluation à celle de la Commission relativement à cette question. Après tout, il suffisait que la division générale examine si la Commission avait tenu compte des divers facteurs, en prenant en compte tous les éléments de preuve, y compris la preuve médicale du prestataire. La division générale a mentionné qu’elle avait tenu compte des quatre facteurs. Et au paragraphe 44, elle a aussi noté qu’elle ne pouvait pas trouver de preuve selon laquelle la Commission avait agi de mauvaise foi, avait agi dans un but ou pour un motif irrégulier, avait pris en compte un facteur non pertinent, avait ignoré un facteur pertinent ou avait agi de manière discriminatoire.

[36] Même si la division générale est allée trop loin en menant sa propre évaluation de deux des facteurs (après avoir établi que la Commission avait agi de manière judiciaire), finalement elle a examiné adéquatement la question de savoir si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Elle a conclu que la Commission avait agi de manière judiciaire. Compte tenu de cela, il serait inapproprié que je fasse ma propre évaluation et que je la substitue à celle de la Commission.

Peut-on soutenir que le processus de la division générale n’était pas équitable?

[37] Le prestataire fait aussi valoir que la division générale lui a refusé l’occasion de présenter une preuve à l’audience. Il voulait témoigner au sujet de certains de ses problèmes.

[38] J’ai écouté l’enregistrement audio. Le membre de la division générale a donné au prestataire pleinement l’occasion de défendre sa cause. Le membre l’a laissé témoigner pleinement. Le membre a conclu l’audience en demandant au prestataire s’il voulait ajouter quelque chose avant qu’il conclue l’audience. Le membre l’a laissé répondreNote de bas de page 11. À aucun moment pendant l’audience le membre n’a coupé la parole au prestataire ou lui a dit qu’il ne pouvait pas parler d’une question.

[39] Le membre a aussi encouragé le prestataire à déposer des documents après l’audience. Le membre a suggéré au prestataire de communiquer avec un agent de Service Canada pour qu’il envoie des documents au Tribunal au nom du prestataire. Le Tribunal a accepté les documents du prestataire après l’audienceNote de bas de page 12. Le document incluait un rapport médical du médecin de famille du prestataire, rédigé le 2 novembre 2017. Le document incluait aussi des radiographies du pied gauche et de deux côtes du prestataire. Les radiographies ont été prises le 12 novembre 2017.

[40] La division générale a examiné les documents que le prestataire a soumis après l’audience. Le membre a noté que le médecin de famille était d’avis que le prestataire [traduction] « [ne serait] pas capable de fonctionner au travail à quelque titre que ce soitNote de bas de page 13 ».

[41] La division générale s’est manifestement assurée d’offrir un processus équitable. Le membre a donné au prestataire l’occasion de pleinement présenter sa cause. Le membre a tenu compte du témoignage et des différents dossiers de l’appelant. Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’on puisse soutenir que le processus de la division générale n’était pas équitable.

Conclusion

[42] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

G. C., non représenté

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.