Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). L’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 25 août 2019, date du début de sa période de prestations, n’est donc pas justifiée.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme chauffeur de camions de livraison pour l’employeur X (« l’employeur »), du 27 novembre 2014 au 23 août 2019 inclusivement. L’employeur a indiqué avoir mis fin à l’emploi de l’appelant parce qu’il avait manqué trois quarts de travail consécutifs sans l’aviser.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a déterminé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a refusé de lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 25 août 2019Note de bas de page 1.

[4] L’appelant a expliqué avoir avisé l’employeur qu’il allait s’absenter du travail, le 29 août 2019, car il ne se sentait pas en état de travailler et qu’il était possible qu’il s’absente également le 30 août 2019. Il a également expliqué que par la suite, l’employeur l’a informé de ne pas se présenter au travail le 2 septembre 2019, car il n’était pas inscrit à l’horaire. L’appelant ne s’est donc pas présenté au travail comme demandé, de même que les deux jours qui ont suivi, soit le 3 et le 4 septembre 2019. L’appelant a indiqué avoir compris du message de l’employeur qu’il n’était pas à l’horaire pour toute la durée de sa semaine de travail. Le 5 septembre 2019, l’appelant a rencontré l’employeur pour lui remettre un certificat médical indiquant qu’il serait dans l’incapacité de travailler pour une période d’un mois. L’appelant a expliqué qu’au moment de remettre ce document à l’employeur, celui-ci lui a dit qu’il était trop tard puisqu’il avait été congédié. Selon l’appelant, l’employeur voulait le remplacer par un autre employé. Le 19 décembre 2019, l’appelant a contesté la décision rendue à son endroit après que celle-ci ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent appel devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de Loi.

[6] Pour établir cette conclusion, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. Quel est le geste reproché à l’appelant?
  2. L’appelant a-t-il commis le geste en question?
  3. Si tel est le cas, le geste posé par l’appelant avait-il un caractère conscient, délibéré et intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il serait susceptible d’entraîner la perte de son emploi?
  4. La Commission s’est-elle acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si le geste posé par l’appelant représente de l’inconduite?

Analyse

[7] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne que pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travailNote de bas de page 2.

[8] Il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 3.

[9] Pour qu’une conduite soit considérée comme une « inconduite », en vertu de la Loi, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 4.

[10] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 5.

[11] Pour que le Tribunal puisse conclure à l’inconduite, il doit disposer de faits pertinents et d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre d’abord de savoir comment l’employé a agi et ensuite, de juger si ce comportement était répréhensibleNote de bas de page 6.

Quel est le geste reproché à l’appelant?

[12] Dans le cas présent, le geste reproché à l’appelant est d’avoir manqué trois quarts de travail consécutifs, soit ceux du vendredi 30 août 2019, du lundi 2 septembre 2019 et du mardi 3 septembre 2019, sans aviser l’employeurNote de bas de page 7.

[13] Dans une lettre adressée à l’appelant, en date du 4 septembre 2019, l’employeur lui a donné les explications suivantes :

[TRADUCTION] D’après l’horaire de l’entrepôt qu’on vous a fourni chez X, vous avez manqué trois quarts de travail consécutifs prévus le 30 août 2019, le 2 septembre 2019 et le 3 septembre 2019. Vous ne vous êtes pas présenté au travail, et nous n’avons pas été avisés de votre absence. Nous avons tenté de communiquer avec vous lors de chaque quart de travail manqué, mais nos tentatives sont restées sans réponse. Comme vos absences n’ont pas été demandées ni approuvées, nous avons déterminé que vous avez abandonné votre poste au X. Conformément à notre politique sur l’abandon de poste, nous mettons fin à votre emploi à compter du 23 août 2019Note de bas de page 8.

[14] Dans ses déclarations faites à la Commission les 13 novembre 2019 et 3 décembre 2019, l’employeur a expliqué qu’il avait imposé une suspension de trois jours à l’appelant (26, 27 et 28 août 2019) parce qu’il avait refusé de faire une livraison. Il a indiqué que l’appelant avait menacé de quitter son emploi si cette suspension lui était imposée. L’employeur a expliqué que l’appelant l’avait appelé le jeudi 29 août 2019 pour l’informer qu’il n’entrerait pas travailler, car il était malade, et que le 30 août 2019, il s’était absenté, mais cette fois sans l’aviser. En réponse à une question de la Commission lui demandant s’il était en accord avec l’affirmation de l’appelant selon laquelle il travaillait habituellement pendant les jours fériés, l’employeur a expliqué que le gestionnaire (« manager ») avait communiqué avec l’appelant pour l’informer qu’il ne travaillerait pas le lundi 2 septembre 2019. L’employeur n’a pas formulé de commentaire sur l’indication que lui a donnée la Commission selon laquelle l’appelant avait expliqué qu’il pensait avoir été exclu de l’horaire de travail les 2, 3 et 4 septembre 2019 et que c’était pour cette raison qu’il n’avait pas communiqué avec lui. L’employeur a également répondu par l’affirmative à une question de la Commission lui demandant si l’appelant était à l’horaire pour travailler les 2, 3 et 4 septembre 2019. L’employeur a expliqué que les employés doivent lui fournir une preuve médicale après trois jours consécutifs d’absence. Il a expliqué que l’appelant lui a indiqué qu’il détenait un certificat médical. L’employeur a précisé n’avoir appris que l’appelant avait ce document qu’après lui avoir annoncé qu’il avait abandonné ou quitté son emploi. L’employeur a expliqué qu’un billet médical ne justifie pas le fait de ne pas avoir communiqué avec lui. En réponse à une question de la Commission lui demandant si l’appelant avait déjà eu des avertissements concernant son assiduité au travail, l’employeur a indiqué qu’il allait faire une vérification à cet effet et lui envoyer les avertissements en question le cas échéant. En réponse à une question de la Commission lui demandant s’il était d’accord ou non avec le fait que l’appelant avait des difficultés à communiquer en anglais, l’employeur a indiqué que cette question pouvait avoir influencé la compréhension de l’appelant et que c’était difficile de tenir une conversation avec luiNote de bas de page 9.

[15] Le relevé d’emploi émis par l’employeur, en date du 11 septembre 2019, indique que l’appelant a cessé de travailler le 23 août 2019 (dernier jour payé) pour une raison « autre » (code K – Autre « Other »). Le commentaire suivant apparaît à la case 18 (commentaires) du relevé : « Abandon de poste » (« Job Abandonment »)Note de bas de page 10.

L’appelant a-t-il commis le geste en question?

[16] L’appelant a reconnu ne pas s’être présenté au travail le jeudi 29 août 2019 et le vendredi 30 août 2019 ainsi que le lundi 2 septembre 2019 (jour de la fête du Travail), le mardi 3 septembre 2019 et le mercredi 4 septembre 2019.

[17] Il a expliqué avoir avisé l’employeur, le jeudi 29 août 2019, qu’il n’allait pas se présenter au travail, car il ne se sentait pas bien. L’appelant a indiqué que le 1er septembre 2019, l’employeur l’a informé de ne pas se présenter au travail le lundi 2 septembre 2019.

[18] Je dois maintenant déterminer si le geste reproché à l’appelant constitue de l’inconduite.

Le geste posé par l’appelant avait-il un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il serait susceptible d’entraîner la perte de son emploi?

[19] Non. Je considère que le geste posé par l’appelant ne revêtait pas un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être assimilé à de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 11.

[20] Je considère que le témoignage crédible rendu par l’appelant au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié relativement au geste lui ayant été reproché. Le témoignage de l’appelant était détaillé et exempt de contradictions. L’appelant a relaté chronologiquement les événements ayant mené à son congédiement. Il a apporté plusieurs précisions pour chacune des journées d’absence qui lui ont été reprochées. Ces précisions ont permis de mettre en contexte le geste qui lui a été reproché.

[21] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. Le travail de l’appelant comme chauffeur de camions de livraison consistait à effectuer la livraison d’aliments pour des épiceries et des restaurants. L’appelant travaillait du lundi au jeudi de 8 h à 17 h et le vendredi, de 7 h à 16 h. Il travaillait également les jours fériés (ex. : jour de la fête du Travail). L’appelant a souligné qu’il s’était toujours montré disponible pour travailler lors de ces journées. L’appelant effectuait aussi du remplacement les fins de semaine. Il a affirmé qu’au cours de sa période d’emploi de près de cinq ans chez X, il a toujours été ponctuel au travail et ne s’est jamais absenté, sauf pour prendre ses périodes de vacances, puis lors des événements qui se sont produits dans les jours ayant précédé l’annonce de son congédiement par l’employeur. L’appelant n’a donc jamais eu à demander un congé à l’employeur avant de l’informer, le jeudi 29 août 2019, qu’il allait s’absenter du travail. Il a toujours été au travail à 100 %Note de bas de page 12 ;
  2. L’appelant a soutenu avoir été congédié injustement par l’employeurNote de bas de page 13. Il a fait valoir qu’il était en désaccord avec le contenu de la lettre de congédiement que l’employeur lui a envoyée, car elle indique qu’il avait abandonné son emploi alors que ce n’était pas le casNote de bas de page 14. L’appelant a expliqué que dans cette lettre, l’employeur réfère à une « politique d’abandon de poste » (« Policy on job abandonment ») qui prévoit que si un employé s’absente du travail pendant trois jours consécutifs sans justification, cet employé peut être renvoyé. Selon l’appelant, ce sont des mensonges. Il a soutenu que c’est l’employeur qui l’a poussé à manquer des journées de travail. L’employeur lui avait dit de ne pas rentrer le lundi 2 septembre 2019. L’appelant a affirmé ne pas avoir manqué trois jours de travail sans aviser son employeurNote de bas de page 15 ;
  3. L’appelant a indiqué avoir été suspendu pour une période de trois jours, soit les 26, 27 et 28 août 2019. Son employeur lui a reproché de ne pas avoir voulu effectuer une livraison. L’appelant a précisé que l’employeur l’a avisé verbalement de cette suspension, le 23 août 2019. L’employeur lui a demandé de signer un document relativement à cette mesure disciplinaireNote de bas de page 16. L’appelant a refusé de le faire, car il était en désaccord avec cette suspension et les raisons pour lesquelles elle lui avait été imposée. Cette suspension lui a quand même été imposée. Selon l’appelant, l’employeur lui a donné une suspension pour préparer son congédiementNote de bas de page 17 ;
  4. Le jeudi 29 août 2019, à la suite de ses trois journées de suspension, l’appelant a appelé le gestionnaire (« manager »), monsieur C. A., pour l’informer qu’il ne se sentait pas bien du tout, qu’il n’était pas en état de travailler et qu’il « devait avoir un arrêt de travail »Note de bas de page 18. Le gestionnaire a pris note de son message et a dit à l’appelant qu’il allait le transmettre à son superviseur pour lui indiquer qu’il était malade. Le gestionnaire lui a aussi demandé s’il allait se présenter au travail le lendemain, soit le vendredi 30 août 2019. L’appelant lui a alors indiqué qu’il ne le savait pas et que cela allait dépendre comment il allait se sentir. Le gestionnaire lui a dit OK et qu’il allait aussi transmettre le message à son superviseur. Le gestionnaire a terminé la conversation en disant à l’appelant de prendre soin de luiNote de bas de page 19 ;
  5. Le vendredi 30 août 2019, l’appelant ne s’est pas présenté au travail, car il ne se sentait toujours pas bien. Il a indiqué ne pas avoir avisé l’employeur cette journée-là. L’appelant a expliqué qu’il l’avait déjà averti, étant donné la discussion qu’il avait eue avec le gestionnaire, monsieur C. A., la journée d’avant, et qu’il avait alors été question de son absence possible le vendredi 30 août 2019. L’appelant a souligné que le gestionnaire lui avait dit de prendre soin de lui. Il a expliqué avoir compris dans la réponse que lui a donnée son gestionnaire qu’il devait prendre soin de lui. Par la suite, ce fut le début de la fin de semaine et l’appelant ne travaille habituellement pas le samedi et le dimancheNote de bas de page 20 ;
  6. Le dimanche 1er septembre 2019, l’appelant a reçu un message de son superviseur (monsieur B.) dans sa boîte vocale lui indiquant de ne pas rentrer le 2 septembre 2019, qu’il n’était pas à l’horaire de travail (« schedule ») le lundi. L’appelant a expliqué avoir compris de ce message que n’étant pas à l’horaire du lundi, cela s’appliquait pour toute la semaine également puisque sa semaine de travail commence le lundi et qu’habituellement, il travaille du lundi au vendredi. L’employeur lui a dit de ne pas rentrer au travail, alors il n’est pas rentré. Il a indiqué qu’il n’allait pas se présenter au travail si l’employeur lui avait dit de ne pas le faire. À la suite de ce message, l’appelant a ressenti plus de stress et s’est senti encore plus mal puisqu’il avait déjà perdu une semaine de travail et qu’il ne lui était jamais arrivé d’avoir été si longtemps sans travaillerNote de bas de page 21 ;
  7. L’appelant a expliqué n’avoir jamais été dans une situation où il avait dû s’absenter, sauf dans ses derniers jours de travail et qu’il n’était donc pas au courant de l’existence d’une politique en matière d’absence chez l’employeur. Il a indiqué avoir signé des documents au moment de son embauche en 2014, mais qu’il ne savait pas en quoi consistaient ces documents exactement et ne savait donc pas si ceux-ci incluaient une politique concernant les absences des employés. L’appelant a souligné que pendant toute sa période d’emploi, il s’est présenté au travail à l’heure prévue et a accompli les tâches qui lui étaient confiées. Il a également précisé avoir remplacé d’autres employés à plusieurs reprises ;
  8. L’appelant a expliqué avoir communiqué avec une ressource d’aide en emploi de l’Alberta, le mardi 3 septembre 2019 ou le mercredi 4 septembre 2019 et qu’un représentant de l’organisme lui a alors conseillé de consulter un médecin et de se faire recommander un arrêt de travailNote de bas de page 22 ;
  9. L’appelant a rencontré un médecin le 5 septembre 2019 et celui-ci lui a remis un certificat médical lui recommandant un arrêt de travail d’une durée d’un mois, soit du 5 septembre 2019 au 7 octobre 2019Note de bas de page 23 ;
  10. Le 5 septembre 2019, l’appelant a rencontré l’employeur pour lui remettre ce certificat. À ce moment, l’employeur n’a pas voulu le prendre le document et l’appelant a alors appris qu’il était congédié. Au moment de remettre son certificat médical à l’employeur, celui-ci lui a alors dit que c’était trop tard puisqu’il avait mis fin à son emploi. L’employeur lui a aussi indiqué à ce moment qu’il lui avait envoyé une lettre à cet effetNote de bas de page 24. L’appelant a reçu cette lettre le 6 septembre 2019Note de bas de page 25 ;
  11. L’appelant a fait valoir que l’employeur voulait le remplacer par un autre employéNote de bas de page 26. Selon l’appelant, son superviseur ne l’aimait pas et il a agi injustement envers lui. Il a soutenu que l’employeur l’a placé dans une situation pour lui nuire. À la suite de la perte de son emploi, l’appelant a dû déménager. Il a demandé que le Tribunal tienne compte de la situation difficile dans laquelle il s’est ainsi retrouvéNote de bas de page 27 ;
  12. L’appelant a expliqué avoir reçu des prestations de maladie (prestations spéciales) pour la période de son incapacité (5 septembre 2019 au 7 octobre 2019). Par la suite, il a demandé à la Commission de convertir ses prestations de maladie pour obtenir des prestations régulières à partir du 8 octobre 2019, mais qu’elle avait refusé de lui en verserNote de bas de page 28.

[22] Il ressort du témoignage et des déclarations de l’appelant que le geste qui lui a été reproché ne représente aucunement le résultat de son insouciance ou de sa négligenceNote de bas de page 29.

[23] J’estime qu’en regard du geste qui lui a été reproché, l’appelant n’a pas manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 30.

[24] Je considère tout à fait plausible l’explication de l’appelant selon laquelle lorsqu’il a avisé l’employeur, le 29 août 2019, qu’il allait être absent cette journée-là parce qu’il n’était pas en état de travailler, il ait pu conclure qu’il n’allait pas avoir besoin de l’aviser de nouveau s’il devait également s’absenter le vendredi 30 août 2019. Sur ce point, le témoignage de l’appelant indique que lorsqu’il a parlé à son gestionnaire, le 29 août 2019, il lui a expliqué qu’il ne savait pas s’il allait aussi s’absenter le 30 août 2019 et que ce dernier lui a alors dit de prendre soin de lui.

[25] Je considère que l’appelant s’est soucié d’aviser l’employeur qu’il s’absenterait la journée du 29 août 2019. J’estime que rien ne porte à croire que le jour suivant, il aurait délibérément ou intentionnellement choisi de ne pas l’aviser, s’il avait cru nécessaire de le faire. Je suis d’avis que le fait que l’appelant n’ait pas communiqué de nouveau avec son employeur le 30 août 2019 pour signifier qu’il allait s’absenter aussi cette journée-là représente davantage un malentendu qu’un geste délibéré ou intentionnel de sa part.

[26] Pour ce qui est de l’absence qui lui a été reprochée, la journée du 2 septembre 2019, comme indiqué dans la lettre de congédiement qui lui a été adresséeNote de bas de page 31, l’appelant a expliqué que le dimanche 1er septembre 2019, un message avait été laissé par son superviseur dans sa boîte vocale pour lui signifier qu’il ne travaillerait pas le lundi 2 septembre 2019 et qu’il n’était pas à l’horaire.

[27] J’estime également plausible l’explication de l’appelant selon laquelle lorsqu’il a reçu ce message, il a alors conclu qu’il n’allait pas être à l’horaire pour toute la semaine. Je suis d’avis qu’il peut également y avoir eu un problème de compréhension ou d’interprétation de la part de l’appelant dans le message que l’employeur lui a laissé.

[28] Je souligne que dans ses déclarations à la Commission, l’employeur a lui-même reconnu que la question de la langue de communication avec l’appelant, l’anglais, pouvait poser un problème lorsqu’il devait communiquer avec luiNote de bas de page 32. Cet élément a pu s’ajouter au fait qu’il y ait eu des problèmes de compréhension dans les communications entre l’appelant et son employeur.

[29] L’appelant ne s’est donc pas présenté au travail les 3 et 4 septembre 2019. Il a consulté un médecin le 5 septembre 2019 et a rencontré l’employeur le même jour afin de remettre le certificat médical que le médecin lui avait fourni.

[30] Dans ce contexte, je trouve contradictoires les affirmations de l’employeur selon lesquelles l’appelant s’est absenté trois jours sans l’aviser, soit le vendredi 30 août 2019, le lundi 2 septembre 2019 et le mardi 3 septembre 2019 et qu’il avait ainsi manqué les trois quarts de travail qu’il devait faireNote de bas de page 33.

[31] En effet, selon ses propres déclarations, l’employeur a indiqué avoir communiqué avec l’appelant pour l’informer qu’il ne travaillerait pas le lundi 2 septembre 2019Note de bas de page 34.

[32] Je suis d’avis que l’employeur ne peut pas reprocher à l’appelant d’avoir manqué trois quarts de travail consécutifs, dont celui du 2 septembre 2019, comme indiqué dans la lettre de congédiement qu’il lui a adressée en date du 4 septembre 2019Note de bas de page 35.

[33] Je souligne qu’il s’agit du motif spécifique que l’employeur a invoqué dans cette lettre pour signifier à l’appelant qu’il mettait fin à son emploi et en lui précisant qu’il avait ainsi appliqué sa « politique sur l’abandon d’emploi »Note de bas de page 36.

[34] De telles contradictions nuisent à la crédibilité de la version des faits donnée par l’employeur concernant la fin de l’emploi de l’appelant.

[35] Même en faisant abstraction des raisons invoquées par l’appelant concernant ses absences, il ressort de la preuve au dossier qu’il n’a de toute façon pas manqué trois quarts de travail consécutifs les 30 août 2019, 2 septembre 2019 et 3 septembre 2019, sans aviser l’employeur, puisque ce dernier l’avait informé qu’il ne devait pas se présenter au travail la journée du 2 septembre 2019, en lui spécifiant qu’il n’était pas à l’horaire.

[36] De plus, même si dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant, l’employeur a référé à sa « politique sur l’abandon de poste », il n’a pas expliqué en quoi consistait cette politique ni fourni de documents précisant les dispositions de cette politique, dont l’existence d’une règle voulant qu’après avoir manqué trois quarts de travail sans qu’un employé ne l’avise, celui-ci pouvait perdre son emploi.

[37] Je tiens également pour avérée l’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’était pas au courant de l’existence d’une politique en matière d’absence chez l’employeur prévoyant qu’un employé pouvait perdre son emploi après trois jours d’absence sans aviser l’employeur.

[38] Sur ce point, je souligne que le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique qu’il ne s’est jamais absenté du travail au cours de sa période d’emploi de près de cinq ans chez l’employeur, sauf à compter du 29 août 2019. L’appelant n’a donc jamais été confronté à l’application d’une politique en matière d’absence ni avec une « politique sur l’abandon de poste ».

[39] Je souligne également que dans sa déclaration du 3 décembre 2019, lorsqu’il a été interrogé par la Commission pour savoir si l’appelant avait déjà eu des avertissements concernant son assiduité au travail, l’employeur a indiqué qu’il allait faire une vérification à cet effet et lui envoyer les avertissements en question le cas échéant. L’employeur n’a fourni aucun document à la Commission à cet effet.

[40] J’estime que le fait que l’appelant n’ait pas réalisé ses quarts de travail du 30 août 2019, 2 septembre 2019 et 3 septembre 2019 ne représente pas un comportement répréhensible de sa partNote de bas de page 37.

[41] L’appelant n’a pas volontairement décidé d’ignorer les répercussions que le geste qui lui a été reproché aurait sur son rendement au travailNote de bas de page 38.

[42] Je ne retiens par l’argument de la Commission selon lequel l’appelant a fait preuve d’une « certaine négligence en n’avisant pas l’employeur de ses absences », et que ce comportement constitue, selon elle, de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 39. Je considère qu’il n’y a eu aucun geste de négligence de la part de l’appelant quant aux absences qui lui ont été reprochées.

[43] J’estime également que la lettre de congédiement ne démontre pas comment la « politique sur l’abandon de poste » à laquelle l’employeur réfère ait pu faire en sorte qu’il ait mis fin à l’emploi de l’appelant rétroactivement au 23 août 2019, pour des absences survenues plusieurs jours après cette date (30 août 2019 ainsi que les 2 et 3 septembre 2019).

[44] Les déclarations recueillies auprès de l’employeur n’expliquent pas non plus comment en vertu de cette même politique, il a pu substituer les trois journées de suspension qui avaient d’abord été imposées à l’appelant les 26, 27 et 28 août 2019 pour un motif différent de celui de ses absencesNote de bas de page 40, par un congédiement, le 23 août 2019. Un document décrivant la « politique sur l’abandon de poste » en vigueur chez l’employeur aurait pu fournir un éclairage important sur ce point.

[45] Cette situation me porte également à croire que le fait que l’appelant ait refusé de signer un document relatif aux trois journées de suspension qui lui ont été imposéesNote de bas de page 41 fait partie des motifs pour lesquels l’employeur a décidé de le congédier.

[46] Je suis d’avis que l’acte reproché à l’appelant pour ne pas avoir réalisé ses quarts de travail le 30 août 2019 ainsi que les 2 et 3 septembre 2019 n’était pas d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 42.

La Commission s’est-elle acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si le geste posé par l’appelant représente de l’inconduite?

[47] Non. Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si le geste posé par l’appelant représente de l’inconduite.

[48] La jurisprudence nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 43.

[49] Malgré le geste posé par l’appelant, la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et cette preuve n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[50] Je considère que la Commission s’est rapidement montrée satisfaite des déclarations de l’employeur et de sa version des faits pour conclure que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[51] Je suis d’avis que la Commission n’a pas pris en compte les contradictions flagrantes des affirmations de l’employeur quant au reproche fait à l’appelant d’avoir manqué trois quarts de travail consécutifs sans l’aviser, soit ceux des 30 août 2019, 2 septembre 2019 et 3 septembre 2019.

[52] La Commission a conclu que le fait que l’appelant n’avait pas avisé son employeur qu`il serait absent trois jours, soit les 30 août 2019, 3 septembre 2019 et 4 septembre 2019, représentait un geste délibéré de sa part et avait mené à son congédiementNote de bas de page 44.

[53] Je considère que la Commission n’a pas fait la démonstration que le geste reproché à l’appelant pouvait être délibéré, conscient ou intentionnel.

[54] Dans son argumentation, la Commission a évacué de son analyse la journée d’absence de l’appelant du 2 septembre 2019 pour laquelle ce dernier avait pourtant été informé par son employeur de ne pas se présenter au travail alors qu’il devait travailler.

[55] Sur ce point, je précise que la lettre de congédiement de l’employeur adressée à l’appelant spécifie que les trois quarts de travail consécutifs que l’appelant avait manqués sans l’aviser étaient ceux du 30 août 2019, 2 septembre 2019 et 3 septembre 2019Note de bas de page 45. Dans cette lettre, l’employeur a spécifiquement fait référence à la journée du 2 septembre 2019 et qu’un horaire avait été fourni à l’appelant mentionnant de cette journéeNote de bas de page 46.

[56] Dans sa déclaration à la Commission le 3 décembre 2019, l’employeur a également déclaré avoir mis fin à l’emploi de l’appelant pour cette raisonNote de bas de page 47. Dans cette même déclaration, l’employeur s’est toutefois contredit puisqu’il a affirmé avoir lui-même avisé l’appelant de ne pas se présenter au travail le 2 septembre 2019, alors qu’il devait travailler cette journée-là, en plus des 3 et 4 septembre 2019Note de bas de page 48. L’appelant n’a donc pas manqué trois quarts de travail consécutifs sans aviser son employeur.

[57] La Commission n’a pas pris en compte cet élément qui représente pourtant le motif sur lequel l’employeur s’est basé pour congédier l’appelant. Elle a fait abstraction dans son analyse, de la journée d’absence de ce dernier, le 2 septembre 2019.

[58] Je suis également d’avis que la preuve recueillie auprès de l’employeur ne permet pas d’évaluer si la « politique d’abandon de poste », sur laquelle il s’est appuyé pour congédier l’appelant, permet de démontrer l’inconduite de ce dernier.

[59] D’ailleurs, rien n’indique que la Commission a tenté d’obtenir un document décrivant cette politique ou démontrant son existence. En réponse à une question du Tribunal à cet effet, la Commission a expliqué que l’employeur ne lui avait pas transmis la copie de cette politiqueNote de bas de page 49. Si cela avait été le cas, il aurait été possible d’en connaître la teneur et d’évaluer dans quelle mesure l’appelant pouvait l’avoir enfreint. Le cas échéant, ce document aurait également permis de déterminer si l’appelant avait posé un geste délibéré ou intentionnel en s’absentant du travail les journées en question.

[60] Je considère également que la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas pris en considération la version que l’appelant lui a donnée concernant son absence du travail le 30 août 2019 ainsi que les 3 et 4 septembre 2019, avant de conclure que son comportement constituait, selon elle, de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 50.

[61] Je suis également d’avis que le fait que l’employeur ait mis fin à l’emploi de l’appelant en date du 23 août 2019, en vertu de sa « politique d’abandon de poste », rend illogique et d’autant plus improbable la conclusion de la Commission selon laquelle l’inconduite est à l’origine de cette décision.

[62] Dans son argumentation supplémentaire, la Commission a également expliqué avoir déterminé que l’appelant avait cessé de travailler le 4 septembre 2019, car c’est à cette date, selon elle, que l’employeur a mis fin à son emploiNote de bas de page 51.

[63] Toutefois, il demeure que l’employeur a formellement indiqué à l’appelant que son emploi avait pris fin le 23 août 2019Note de bas de page 52. Malgré cette incohérence, considérant l’ensemble des gestes reprochés à l’appelant (ex. : refus de faire une livraison, absences), je considère que la date du 23 août 2019 représente la date de la fin de l’emploi de l’appelant.

[64] Bien que l’appelant ait perdu son emploi, la cause de la perte de son emploi ne représente pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[65] La jurisprudence nous indique qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas de page 53.

[66] L’appelant n’a pas été congédié en raison d’un acte qu’il a posé de manière volontaire et délibéréeNote de bas de page 54.

Conclusion

[67] L’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

[68] En conséquence, la décision de la Commission d’exclure l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 25 août 2019, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi, n’est pas justifiée dans les circonstances.

[69] Même si dans son argumentation, la Commission a indiqué avoir imposé à l’appelant une exclusion d’une durée indéterminée à compter du 4 septembre 2019Note de bas de page 55, la décision qu’elle a rendue à son endroit indique bien que c’est à partir du 25 août 2019 qu’il n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 56. Je considère que c’est donc à compter du 25 août 2019 que l’appelant a droit au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

[70] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 16 janvier 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution :

A.G., appelant

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