Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] La prestataire a laissé son emploi à temps partiel permanent pour accepter un travail temporaire qui offrait plus d’heures et un meilleur salaire. La loi dit qu’en règle générale, une personne prestataire n’est pas fondée à quitter un emploi permanent pour un emploi temporaire en sachant que ce nouvel emploi sera de courte durée seulement. Cela découle du fait qu’en acceptant l’emploi temporaire, la personne prestataire se place dans une situation potentielle de chômage une fois l’emploi temporaire terminé. Le fondement du programme d’assurance-emploi (AE) est d’aider les prestataires qui ne se placent pas de manière délibérée en situation potentielle de chômage. La prestataire avait la solution raisonnable de parler avec son employeur pour tenter de résoudre ses sources de préoccupations en milieu de travail, notamment en discutant de possibilités telles qu’augmenter le nombre d’heures ou de concilier les horaires de travail des deux emplois, avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi permanent. Par conséquent, elle n’était pas fondée à démissionner. Parce qu’elle n’a pas réussi à prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi, la prestataire est donc exclue du bénéfice des prestations.

Questions préliminaires

[3] La prestataire n’a pas participé à l’audience; cependant sa représentante désignée s’est présentée en son nom. 

Questions en litige

  1. La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi? Si c’est le cas :
  2. La prestataire était-elle fondée à quitter son emploi volontairement?

Analyse

Question en litige n1 : La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi? 

[4] La prestataire était une étudiante travaillant à temps partiel à l’épicerie du 17 juin 2017 au 24 juin 2019. Elle a ensuite accepté un travail d’été du 1er juillet au 23 août 2019. Elle a ensuite fait une demande de prestations le 30 août 2019. Je dois déterminer si la prestataire a volontairement quitté son travail à l’épicerie. 

[5] Dans sa demande de prestations et dans ses déclarations à la Commission, la prestataire a déclaré avoir quitté son emploi à l’épicerie. Le relevé d’emploi de la prestataire émis par l’épicier indique qu’elle a démissionné. À l’audience, la représentante de la prestataire a confirmé que c’était son choix de quitter son emploi. Aucun élément de preuve ne contredit ce fait. Dès lors, je conclus que la prestataire a quitté volontairement son travail.

Question en litige n2 : La prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son travail?

[6] La loi prévoit qu’une personne prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’AE si elle quitte son emploi volontairement et sans justificationNote de bas de page 1. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter son emploi ne suffit pas à prouver qu’on est fondé à le faire.

[7] La loi prévoit que pour être fondé à quitter son emploi il faut, compte tenu de toutes les circonstances, ne pas avoir d’autre solution raisonnable au moment de le faireNote de bas de page 2. C’est à la prestataire de le prouverNote de bas de page 3. Elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle n’avait aucune solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances entourant le moment où la prestataire a quitté son emploi. Les circonstances qui existaient au moment où la prestataire a quitté son emploi sont les suivantes. 

[8] Comme indiqué ci-haut, la prestataire était une étudiante qui travaillait à temps partiel dans une épicerie jusqu’au 24 juin 2019. Elle faisait un à deux quarts de travail par semaine (soit environ 15 heures). Après avoir obtenu son diplôme du secondaire en juin, son intention était d’aller à l’université en septembre 2019. Elle espérait faire plus d’argent après avoir obtenu son diplôme et avant de commencer l’université à l’automne. Elle a donc cherché un emploi d’été comportant un horaire de travail hebdomadaire d’au moins 30 à 35 heures. C’est ce qu’elle s’est fait offrir à la cantine d’un terrain de base-ball. Ce travail comprenait aussi du travail par quart, dont l’horaire était communiqué avec un court préavis, mais on lui garantissait 35 heures par semaines. 

[9] La prestataire savait que cet emploi d’été n’était pas permanent et qu’elle y travaillerait de juillet à août seulement, mais elle a quand même accepté l’emploi temporaire parce qu’on lui avait promis un horaire à temps plein, de sorte qu’elle aurait gagné plus d’argent que si elle était restée à l’épicerie. Ainsi, la prestataire a quitté son emploi pour aller travailler au terrain de base-ball jusqu’à ce qu’elle soit mise à pied à la fin de l’été, le 23 août 2019. Devant le Tribunal et la Commission, la prestataire a affirmé que son intention, quand elle a quitté son travail à l’épicerie en juin et quand elle a été mise à pied de son emploi au terrain de base-ball en août, a toujours été d’aller à l’université en septembre 2019. C’est ce qu’elle a fait et cela a aussi été confirmé par sa représentante à l’audience.

[10] Je passe maintenant à la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter son emploi à l’épicerie.

[11] En ce qui concerne l’intention de la prestataire de faire des études, la jurisprudence expose clairement que le fait de quitter son emploi pour suivre un programme d’études n’est pas une justification. La décision de quitter son emploi pour entreprendre des études ne satisfait pas aux critères permettant de prouver qu’on est fondé à quitter son emploiNote de bas de page 4. S’il est vrai que la prestataire n’a pas spécifiquement défendu l’idée que son intention de faire des études justifie qu’elle quitte son emploi, je me réfère quand même à la jurisprudence sur ce point, parce que la preuve démontre qu’elle avait déjà l’intention d’entreprendre des études avant de remettre sa démission. Je le fais aussi parce que la Commission a soutenu dans ses observations au Tribunal que le fait de laisser son emploi pour faire des études n’est pas défendable. Par conséquent, j’estime qu’il est important d’étudier la question et je suis d’accord avec la Commission sur le fait que, selon la jurisprudence, l’intention de retourner aux études n’est pas une justification pour laisser un emploi. 

[12] La prestataire soutient qu’elle était fondée à quitter son emploi à l’épicerie parce qu’elle avait reçu l’assurance raisonnable qu’elle aurait un autre emploi dans un avenir immédiat. En fait, comme il a été mentionné ci-haut, la prestataire a accepté l’autre emploi. Même si cela n’est pas mentionné spécifiquement, j’admets que la prestataire se rapporte à l’article 29(c)(vi) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La Commission soutient qu’il y a plus en jeu que le fait qu’un autre emploi l’attendait pour prouver que la prestataire était fondée à quitter son emploi. Je suis d’accord. L’article 29(c) de la Loi sur l’AE exige que j’examine toutes les circonstances entourant la démission de la prestataire pour pouvoir déterminer s’il s’agissait de la seule option raisonnable, y compris la nature des emplois respectifs.

[13] La Commission affirme que la prestataire avait un emploi permanent à temps partiel à l’épicerie et qu’elle a quitté cet emploi qui était permanent pour un emploi qui était temporaire. À l’audience, la représentante de la prestataire a soutenu que la prestataire ne se considérait pas comme une employée permanente et qu’on ne lui a jamais dit qu’elle l’était; on se référait plutôt à elle comme étant une étudiante et l’employeur savait qu’elle irait éventuellement à l’université. La représentante a convenu que la prestataire aurait pu travailler à l’épicerie aussi longtemps qu’il y aurait du travail, mais elle a soutenu qu’il aurait suffi que son employeur se trouve aux prises avec des difficultés pour qu’il puisse mettre fin à son emploi s’il le souhaitait.

[14] Les termes permanents et temporaires ne sont pas définis dans la loi. Par conséquent, je vais donner à ces termes leur sens ordinaire et usuel figurant dans les dictionnairesNote de bas de page 5. Le terme permanent signifie qui est durable et persistant. Le terme temporaire signifie qui est limité dans le temps. Comme l’a affirmé sa représentante, la prestataire aurait pu travailler à l’épicerie tant qu’il y aurait du travail. Ce fait démontre que l’emploi était de nature durable et continue. Un emploi n’a pas besoin d’être disponible à tout jamais pour être permanent; il faut seulement qu’il soit de nature durable et continue aussi longtemps que celui-ci est disponible. De plus, il importe peu que l’employée soit à temps partiel, qu’elle ne se soit jamais considérée comme permanente ou que l’on ne lui ait jamais dit qu’elle l’était ou, encore, qu’il soit possible qu’elle quitte éventuellement l’emploi. Aucun élément de preuve ne soutient que la prestataire était employée à l’épicerie pour un temps limité seulement. Par conséquent, j’estime que tant qu’elle faisait le choix de rester employée, la prestataire avait un emploi durable et d’une durée indéterminée, elle était donc une employée permanente. 

[15] La prestataire reconnaît que son nouvel emploi au terrain de base-ball était temporaire. Elle a déclaré à la Commission qu’elle cherchait un emploi d’été, ce qui en fait un emploi saisonnier qui ne dure que pour une période limitée. La prestataire a affirmé qu’elle savait que le nouvel emploi n’était pas permanent, mais qu’elle a quand même choisi d’accepter cet emploi temporaire pour l’été, car celui-ci offrait un plus grand nombre d’heures et un meilleur salaire. Elle a soutenu devant le Tribunal qu’elle a triplé son revenu pendant son emploi d’été et, par conséquent, elle n’avait pas d’autre solution que celle de quitter son emploi à l’épicerie, étant donnée la différence sur le plan monétaire. 

[16] La Commission soutient que le fait de quitter un emploi à temps partiel permanent pour un emploi de courte durée, même s’il est plus payant, ne correspond pas à une justification. Je suis d’accord. Selon la jurisprudence, dans l’ensemble, une personne n’est pas fondée à quitter un emploi permanent pour un emploi temporaire lorsqu’elle sait que l’emploi sera seulement de courte durée. Cela découle du fait qu’en acceptant un emploi temporaire, la personne se place dans une situation potentielle de chômage à la fin de celui-ci. Ce précédent juridique s’applique même dans les situations où une personne accepte un emploi temporaire dans le but d’améliorer sa situation en obtenant un salaire plus élevéNote de bas de page 6

[17] Ce principe forme la base du programme d’AE, lequel fonctionne sur le risque que court une personne couverte par le régime de perdre son emploi. Il revient à la personne couverte par le régime de ne pas se placer délibérément en situation potentielle de chômage. Une personne employée qui quitte volontairement un emploi permanent pour un emploi saisonnier pose un problème dans le cadre du programme d’AE, parce que les emplois saisonniers s’accompagnent, par nature, d’une cessation d’emploi. Voilà pourquoi la Cour fédérale a statué que même s’il est légitime pour un travailleur ou une travailleuse de souhaiter améliorer son sort, il ou elle ne peut faire supporter le coût de ce désir légitime à l’AE. Ce principe s’applique également à ceux qui décident de retourner aux études pour parfaire leur éducation, de démarrer une entreprise ou à ceux qui souhaitent simplement gagner plus d’argentNote de bas de page 7. La preuve démontre que la prestataire était au courant que son nouvel emploi serait de courte durée seulement. Par conséquent, j’estime que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi permanent à l’épicerie conformément à la jurisprudence et à l’article 29(c)(vi) de la Loi sur l’AE

[18] Une personne prestataire acceptant un nouvel emploi tout en étant pleinement consciente que celui-ci est de courte durée doit prouver que le fait de laisser son emploi permanent était la seule solution raisonnable. La Commission a soutenu qu’une solution raisonnable aurait pu être de parler à son employeur. Je suis d’accord. Dans la plupart des cas, la jurisprudence impose aux prestataires l’obligation d’essayer de résoudre leurs sources de préoccupation avec leur employeur avant de prendre la solution unilatérale de quitter leur travailNote de bas de page 8

[19] Dans son avis d’appel au Tribunal, la prestataire a déclaré qu’elle savait qu’elle ne pouvait concilier l’horaire de l’épicerie avec celui du terrain de base-ball. À l’audience, la représentante de la prestataire a soutenu qu’en raison d’une expérience vécue précédemment, la prestataire avait l’impression que son superviseur à l’épicerie n’aurait pas été ouvert à l’idée d’adapter son horaire. Toutefois, aucun élément de preuve ne démontre que, avant de quitter son emploi, la prestataire a réellement parlé à son employeur pour valider cette impression quant à la conciliation du quart de travail des deux emplois ou pour discuter de son besoin de travailler un plus grand nombre d’heures. La représentante de la prestataire a soutenu que même si celle-ci s’est fait dire pendant la période de janvier à mars 2019 par son employeur qu’il ne pouvait pas lui garantir un horaire à temps plein pour l’été, elle a démissionné en juin 2019 sans avoir discuté au préalable avec lui de la possibilité d’augmenter son nombre d’heures ou de travailler à temps plein. Même si je conçois qu’il soit possible que la prestataire n’ait pas eu l’impression que son superviseur était disposé à discuter de ses préoccupations, elle avait quand même la possibilité de parler avec son gérant. La représentante de la prestataire a affirmé que la prestataire s’est déjà adressée à son gérant concernant la possibilité de se faire transférer, ce qui démontre que celle-ci avait l’option de parler directement avec le gérant de l’épicerie avant de quitter son emploi. Par conséquent, je suis d’avis que la prestataire avait la solution raisonnable de parler avec son employeur dans l’espoir de résoudre ses sources de préoccupation en milieu de travail, pour, notamment, discuter de possibilités telles qu’une augmentation du nombre d’heures ou de concilier l’horaire des deux emplois avant de prendre la décision unilatérale de partir. Elle n’était donc pas fondée à démissionner. 

[20] La Commission a soutenu que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables à essayer avant de quitter son emploi, y compris celle de chercher un autre emploi. Puisque j’ai jugé que la prestataire avait la solution raisonnable d’essayer de résoudre ses sources de préoccupations avec son employeur avant de quitter son emploi, il n’est pas nécessaire que je tire une conclusion par rapport à ces autres observations.

[21] Avant de conclure, la prestataire et sa représentante ont insisté dans leurs observations sur le fait que le choix de la prestataire de laisser son travail à l’épicerie pour celui au terrain de base-ball était une solution raisonnable. La représentante a soutenu que la Commission a omis de reconnaître le caractère raisonnable de la décision de la prestataire de quitter son emploi à l’épicerie. Au sens de la Loi sur l’AE, le terme « solution raisonnable » signifie « une solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi ». Il ne faut pas confondre le sens de ce terme avec celui d’avoir une raison bonne ou raisonnable de quitter son emploi. Dans la loi, les termes « fondée à » ou « solution raisonnable » ne sont pas des synonymes de « raison » ou « motif ». Il se peut que la prestataire ait une bonne raison de quitter son emploi, mais elle ne satisfait pas à l’exigence de prouver qu’elle était fondée à le faire, faisant ainsi porter aux autres le coût de son chômageNote de bas de page 9.

[22] Pendant l’audience, on a aussi fait référence au programme provincial d’AE Connexion, dans le cadre duquel une personne admissible à l’AE peut aussi poursuivre ses études. On a aussi fait référence aux observations de la Commission concernant le moment où la prestataire a fait une demande dans le cadre de ce programme. Je suis d’accord avec les observations de la représentante selon lesquelles le choix du moment où la prestataire s’est inscrite ne présente aucun intérêt pour la question qui nous occupe. La question est plutôt de savoir si la prestataire est admissible aux prestations. De plus, la prestataire a soutenu qu’elle connaît d’autres personnes qui ont reçu des prestations après avoir terminé leur emploi d’été. Or, en tant que membre du Tribunal, mon pouvoir se limite seulement à l’examen de la décision découlant de la révision de la cause de la prestataire.   

[23] Enfin, la représentante de la prestataire a soulevé un certain nombre d’autres questions, notamment le fait qu’il manquait des pages dans la demande de prestations et que la Commission n’a pas suffisamment résumé les observations de la prestataire dans ses propres observations. La Commission n’est tenue de transmettre que les pages pertinentes, et la représentante a confirmé à l’audience qu’elle n’avait pas d’autres documents à déposer pour le compte de la prestataire. En outre, je juge que dans une large mesure ces questions ne sont pas pertinentes pour les questions en appel devant le Tribunal.

Conclusion

[24] En conclusion, je juge que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi permanent pour un emploi temporaire, car elle avait la solution raisonnable d’essayer de résoudre ses sources de préoccupation avec son employeur avant de quitter son emploi permanent. Parce qu’elle n’a pas réussi à prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations. L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 15 janvier 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

K. C., représentante de l’appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.