Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice de prestataires régulières d’assurance-emploi (AE)Note de bas de page 1

Aperçu

[2] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’AE lorsque son emploi a pris fin. La Commission a examiné les raisons pour lesquelles l’emploi du prestataire a pris fin. Elle a déterminé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle a donc imposé une exclusion des prestations régulières d’AE au prestataire à partir du 6 octobre 2019, date qui correspond à la date de début de sa demande (période de prestations).

[3] La Commission a maintenu sa décision après révision. Le prestataire interjette maintenant appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Il soutient que la Commission a omis de faire une demande auprès de son employeur afin d’obtenir les renseignements exacts. Il affirme également que la Commission n’a pas mené une enquête complète. 

Questions en litige

[4] Pourquoi le prestataire a-t-il été congédié?

[5] A-t-il commis les gestes ou eu la conduite qui ont mené à son congédiement?

[6] Si tel est le cas, ces gestes ou cette conduite constituent-ils une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 2?

Analyse

[7] La Cour suprême du Canada a déclaré que la perte d’un emploi doit être involontaireNote de bas de page 3. Cela signifie que le prestataire sera exclu du bénéfice des prestations régulières s’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été congédié?

[8] Il ne fait aucun doute que le 2 octobre 2019, l’employeur a dit au prestataire qu’il était congédié en raison de ses interactions inappropriées avec les clients. L’employeur a dit à la Commission que ces interactions allaient à l’encontre de sa politique en matière de code de conduite sur l’expérience client. Je n’ai aucune preuve du contraire. Par conséquent, j’estime que le prestataire a été congédié en raison d’interactions inappropriées avec des clients, ce qui va à l’encontre de la politique de l’employeur.

Le prestataire a-t-il commis les gestes dont il a été accusé?

[9] Oui. J’estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve à l’appui du fait que le prestataire a agi de manière inappropriée lors de certaines interactions avec des clients. De plus, je conviens que ces gestes allaient à l’encontre de la politique de l’employeur.

[10] La Commission a présenté en preuve une copie de la politique de l’employeur relative au [traduction] « Code de conduite sur l’expérience client ». La section 4 de cette politique fournit la définition que l’employeur donne d’une inconduite. Il est indiqué qu’une inconduite comprend le fait de ne pas suivre les directives du département, de ne pas faire transmettre les appels aux niveaux appropriés et de raccrocher au nez d’un client abusif.

[11] Je ne suis pas convaincue par les déclarations du prestataire selon lesquelles il n’était pas tenu de suivre la politique de l’employeur. Le prestataire affirme qu’il se considérait comme occupant un poste de gestion et qu’il adoptait donc un ton managérial avec clients et les agents. Il dit qu’il a choisi d’opérer dans la [traduction] « zone grise » managériale où la politique de l’employeur ne s’applique pas.

[12] Le prestataire a confirmé qu’il n’était pas un « gestionnaire ». Il soutient qu’il ne dispose pas d’élément prouvant l’existence d’une [traduction] « zone grise » en ce qui a trait aux interactions avec les clients dans le cadre de son poste ou qui auraient été acceptées par la politique de son employeur. Il affirme qu’à son avis, son poste était un poste de gestion parce qu’il était au-dessus des autres employés, comme les agents du service à la clientèle. Il m’a également dit qu’il avait choisi d’utiliser son éthique personnelle et de ne pas suivre la politique de l’employeur, bien qu’il ait reçu des suspensions accompagnées de lettres indiquant clairement que ses gestes constituaient une inconduite, telle que définie par la politique de l’employeur.

[13] Le prestataire admet volontiers qu’il a agi de la manière décrite par son employeur, mais il fait valoir qu’il n’a fait qu’adopter une position et un ton de gestionnaire avec ces clients. Il dit qu’il craignait de perdre son emploi et qu’il a traité plus de 300 appels par mois. Il soutient que ses chiffres au sondage [traduction] « par les pairs » n’arrêtent pas de monter et de descendre, car il traite tout le monde de la même façon. Il affirme qu’on lui a dit d’oublier les politiques de son employeur et de simplement donner des crédits pour améliorer ses chiffres d’enquête. Il n’a fourni aucune preuve à l’appui du fait que c’est bien ce qu’on lui a dit.

[14] La Commission a fourni des éléments prouvant que l’employeur avait une politique de discipline progressive qui a été utilisée avec le prestataire. L’employeur a déclaré à la Commission que cette politique impliquait des lettres d’avertissement écrites qui ont été remises au prestataire en présence de son représentant syndical.  

[15] Le prestataire conteste la preuve de la Commission. Il soutient n’avoir jamais reçu de lettres d’[traduction] « avertissement ». Il a plutôt reçu des lettres de [traduction] « suspension ». Le prestataire m’a dit que les lettres de suspensions ont été émises à la fin de la réunion d’enquête. Il dit que pour chaque réunion d’enquête, il y avait quatre personnes présentes : lui-même, son directeur, son représentant syndical et un autre directeur qui a pris des notes lors de la réunion. Pendant ces réunions, ils écoutaient cinq ou six de ses appels. Il a fait valoir qu’il pourrait trouver cinq ou six mauvais appels pour chaque employé car, dans ce travail, ils traitent plus de 300 appels par mois. 

[16] Le prestataire a confirmé qu’il avait été suspendu trois fois pour des interactions inappropriées avec des clients, avant son congédiement. Chaque fois, il a reçu une lettre de suspension. Il déclare avoir déposé un grief par l’intermédiaire de son syndicat, pour chaque suspension, mais n’avoir obtenu aucun succès. 

[17] La Commission a fourni des copies des trois lettres de suspension à titre de preuve. Chaque lettre décrit le comportement inapproprié du prestataire et la manière dont il constitue une inconduite, telle que définie par l’employeur dans sa politique relative au Code de conduite sur l’expérience client. Dans ces lettres, l’employeur déclare que le comportement du prestataire comprenait les actions suivantes. Il a fait des commentaires désobligeants au sujet d’un client, a coupé un appel prématurément, était antagoniste, a utilisé un ton menaçant, a élevé la voix, a interrompu des clients, s’est disputé, et a été également peu professionnel avec les clients. 

[18] La première lettre de suspension du prestataire et la première suspension d’un jour ont été émises le 6 septembre 2017. Sa deuxième lettre de suspension était assortie d’une suspension de trois jours. Elle a été émise le 23 janvier 2019 et elle indiquait qu’un congédiement était possible si le comportement se poursuivait. La troisième lettre de suspension a été émise avec une suspension de cinq jours le 3 juillet 2019. Cette troisième lettre indique que la conduite du prestataire ne sera plus tolérée et que tout incident futur d’inconduite entraînera la cessation de son emploi.

[19] La lettre de congédiement a été émise le 2 octobre 2019. Elle indique que l’employeur a examiné six appels au cours desquels le prestataire a élevé la voix, a interrompu, a argumenté et s’est montré peu professionnel avec ses clients et ses pairs. Elle indique également que les actions du prestataire démontrent qu’il ne veut pas modifier sa conduite pour répondre aux attentes et aux exigences de l’emploi. Par conséquent, son emploi prend fin, avec effet immédiat.

[20] Le 14 novembre 2019, le prestataire a déclaré à la Commission que son employeur n’avait pas fait ce qu’il était censé faire. Lorsque la Commission a expliqué qu’elle avait des copies des lettres d’avertissement, le prestataire s’est mis en colère. Il n’a pas expliqué quelles mesures il prétend que l’employeur n’a pas prises. Il soutient que lors de tous les appels examinés par l’employeur, ce sont les clients qui l’ont maltraité. Il affirme avoir demandé à son employeur s’il était sur le point d’être congédié et qu’il lui a toujours dit d’[traduction] « améliorer ses sondages ».

[21] Lors de l’audience, le prestataire a expliqué que son employeur ne lui avait pas fourni d’encadrement adéquat. Il affirme que son gestionnaire était assis près de sa zone de travail et il aurait donc dû l’aider s’il l’avait entendu parler d’une manière qu’il jugeait inappropriée.

[22] La Commission a fourni suffisamment d’éléments de preuve détaillés, comme indiqué ci-dessus, pour établir que le prestataire a continué à agir en violation de la politique de l’employeur en matière de [traduction] « Code de conduite de l’expérience client ». Par conséquent, j’estime que le prestataire a commis les gestes qui lui sont reprochés.

Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la conduite du prestataire constitue une inconduite.

[23] Pour constituer une inconduite au sens de la Loi, la conduite doit être volontaire. Cela signifie que la conduite était consciente, délibérée ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite inclut également une conduite si imprudente qu’elle se rapproche d’un geste volontaireNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait une intention injustifiée pour que son comportement soit une inconduite en vertu de la loiNote de bas de page 6

[24] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et, par conséquent, que son congédiement serait une possibilité réelleNote de bas de page 7.

[25] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbableNote de bas de page 8 que le prestataire ait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9

[26] La loi prévoit que le fait que le prestataire ait eu peur de perdre son emploi appelle à la sympathie, mais cela ne modifie pas la nature et les implications juridiques des actes qu’il a commisNote de bas de page 10. En outre, le fait que d’autres employés, qui se sont rendus coupables de la même inconduite, n’ont pas été congédiés n’est pas pertinentNote de bas de page 11.  

[27] Le fait pour un représentant du service à la clientèle de rompre intentionnellement un appel constitue une inconduite. En effet, répondre aux appels téléphoniques et fournir une assistance aux clients est une fonction essentielle de son emploiNote de bas de page 12

[28] Je ne suis pas convaincue par la déclaration du prestataire selon laquelle sa perte d’emploi était liée au fait que l’employeur ne lui a pas fourni un encadrement ou un soutien adéquat. Cela est dû au fait qu’il y a des éléments de preuve dans le dossier qui confirment qu’il a reçu un encadrement. De plus, je trouve que les lettres de suspension de l’employeur expliquent clairement le comportement qui a été considéré comme inapproprié et comment il ne serait pas toléré. Cela est également clairement exposé dans la politique de l’employeur.

[29] Je reconnais que la Commission n’a entendu qu’une partie d’un appel impliquant le prestataire. Cela dit, cela ne change rien au fait que le comportement ou l’interaction du prestataire avec ce client était inapproprié. Même si le prestataire avait le sentiment que ce client était agressif à son égard, son employeur lui a montré comment traiter de tels appels sans agir de manière inappropriée.

[30] Je ne suis pas convaincue que le prestataire avait le pouvoir d’agir en violation de la politique de l’employeur. Les lettres de suspension constituent plutôt une preuve évidente du contraire.   

[31] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire connaissait les normes de comportement qu’il était tenu de respecter dans ses rapports avec les clients. Ces normes précisent également que chaque employé doit se comporter de manière respectueuse avec les autres, qu’il s’agisse de l’employeur, des collègues de travail ou des clients. Le prestataire savait qu’il était tenu de se comporter de manière à ne pas offenser, harceler ou provoquer les clients ou ses collègues. Il savait que ses gestes mèneraient à son congédiement parce qu’il avait reçu trois lettres d’avertissement ou de suspension.

[32] J’estime que le prestataire a été informé des effets et des conséquences de ses gestes continus. Ceux-ci ont été clairement énoncés dans les trois lettres de suspension qui ont été émises avant son congédiement. Malgré la réception de ces lettres et suspensions, il a continué à poser ces gestes inappropriés consistant à élever la voix, à interrompre les clients et à agir de manière non professionnelle avec les clients et ses pairs.

[33] Les éléments de preuve, tels qu’exposés ci-dessus, permettent de conclure que le prestataire a délibérément ignoré l’effet que ses gestes auraient sur sa capacité à conserver son emploi. Les lettres de suspension prouvent qu’il savait, ou aurait dû savoir, que son comportement était inapproprié et contraire à la politique de l’employeur. Ces lettres indiquent clairement que si son comportement inapproprié se poursuit, il sera congédié.

[34] J’estime que la Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. En effet, le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que sa conduite était inappropriée et qu’elle entraînerait la perte de son emploi. Le prestataire a été avisé, dans le cadre du processus de discipline progressive, que son comportement était inacceptable et qu’il serait congédié s’il se poursuivait. Il aurait donc dû savoir que ses gestes continus étaient inappropriés, en violation de la politique de l’employeur, et qu’ils constitueraient un motif de congédiement. J’estime donc que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, il est exclu du bénéfice de prestations régulières d’AE à compter du 6 octobre 2019.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté. Le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice de prestations régulières d’AE pour cette raison.

 

Date de l’audience :

Le 28 janvier 2020

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

R. S., appelant (prestataire)

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