Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à elle lorsqu’elle l’a fait. Cela signifie qu’elle est exclue du bénéfice des prestations. Voici les motifs de ma décision.

Aperçu

[2] La prestataire travaillait à temps partiel dans un magasin de tissus au salaire minimum et avait habituellement quatre quarts de travail par semaine. Elle aimait travailler les fins de semaine, ce que la majorité des employés n’aimait pas faire. Il y avait des semaines pendant lesquelles le magasin n’était pas aussi achalandé. Par exemple, après Noël ses jours ont été réduits de quatre à trois et pouvaient même passer à deux jours par semaine. La prestataire était aussi géologue. Elle a participé à une conférence sur l’exploration minière en janvier 2019 et a postulé un emploi avec une entreprise d’experts-conseils en supervision de puits environ une semaine plus tard. Ce serait du travail contractuel semblable à un emploi saisonnier parce qu’on travaille pendant de courtes périodes d’une façon qui n’est pas permanente, seulement à des affectations sporadiques et temporaires.

[3] Après la conférence, on lui a offert un bref contrat de travail à très court préavis. Elle a parlé à la superviseure le jeudi soir et a demandé un congé commençant le samedi pour pouvoir accepter le travail contractuel. La prestataire a offert de trouver quelqu’un pour travailler ses quarts; cependant, la superviseure lui a dit que si elle voulait un congé, elle devait donner deux semaines de préavis ou démissionner pour accepter le travail contractuel. La prestataire a choisi de quitter son emploi pour accepter le travail contractuel parce qu’elle ne pouvait pas donner deux semaines d’avis.

[4] Je dois décider si la prestataire a démontré qu’elle n’avait pas de solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi. La Commission affirme que la raison principale pour laquelle la prestataire a quitté son emploi est le refus de l’employeur de lui donner un congé à court préavis et que la prestataire a décidé de démissionner. Elle ajoute que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement un emploi permanent pour prendre un poste temporaire, sachant qu’à la fin des deux emplois elle serait au chômage. Elle a pris la décision personnelle de quitter un emploi pour accepter un contrat de travail temporaire, alors que la solution raisonnable de continuer au magasin de tissus s’offrait à elle jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi permanent. La prestataire est en désaccord et affirme qu’elle avait parlé à la superviseure quand elle a été embauchée et qu’on lui a dit qu’ils pourraient probablement prendre des mesures lui permettant de faire du travail contractuel et d’avoir un autre emploi.

Questions en litige

[5] Je dois décider si la prestataire est exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification. Pour ce faire, je dois d’abord examiner la question de son départ volontaire. Je dois ensuite décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Motifs de ma décision

La prestataire a volontairement quitté son emploi

[6] Pour décider si la prestataire a volontairement quitté son emploi, je dois trancher la question de savoir si elle avait le choix de rester ou de quitter à l’époqueFootnote 1. Si vous avez le choix et que vous décidez de quitter l’emploi, alors vous avez démissionné. La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) appelle cela un « départ volontaire »Footnote 2.

[7] De nombreux travailleurs contribuent à la caisse de l’assurance-emploi. Par respect pour les autres personnes qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploi, vous devriez toujours démontrer que vous avez tenté d’éviter de vous retrouver au chômageFootnote 3. Vous devez réfléchir aux autres solutions raisonnables qui s’offrent à vous avant de démissionner. Cela signifie parfois que vous devriez parler à votre superviseur ou à votre syndicat si vous pensez avoir des problèmes au travail. Cela signifie parfois que vous devriez essayer de trouver un nouvel emploi avant de démissionnerFootnote 4.

[8] Je dois tenir compte des circonstances de votre situation. Je dois répondre à la question de savoir si ces circonstances s’appliquent à votre affaire, mais vous devez toutefois prouver que quitter votre emploi était la seule solution raisonnable.

[9] Une personne peut recevoir des prestations d'assurance-emploi après avoir quitté son emploi seulement si le départ était la seule solution raisonnable dans sa situation en particulier. Si une personne peut prouver que le départ était la seule solution raisonnable, la loi dit qu’elle est fondée à quitter son emploi. Si une personne quitte son emploi sans être fondée à le faire, elle ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi. Selon la loi, il s’agit d’une exclusionFootnote 5.

[10] La prestataire a été employée par le magasin de tissus du 6 avril 2018 au 31 janvier 2019.

[11] La prestataire a quitté son emploi parce que la superviseure ne lui a pas permis de trouver d’autres employés pour prendre ses quarts de travail pour elle. Elle ne pouvait pas donner deux semaines d’avis pour prendre un congé à cause du court préavis du contrat. Elle a affirmé qu’elle a quitté son emploi pour pouvoir faire le travail contractuel.

[12] J’estime que la prestataire a volontairement quitté son emploi parce qu’elle avait le choix de demeurer en poste et qu’elle a choisi de quitter. Elle n’a pas été congédiée.

Les parties ne s’entendent pas sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[13] Les parties ne s’entendent pas sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

[14] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte son emploi volontairement sans justificationFootnote 6. Le fait d’avoir une bonne raison pour quitter un emploi ne suffit pas à prouver qu’on était fondé à le faire. Vous êtes fondé à quitter si, compte tenu de toutes les circonstances, vous n’avez aucune solution raisonnable autre que celle de quitter votre emploi lorsque vous le faites.

[15] La loi prévoit que pour avoir un motif valable de quitter son emploi, il faut, compte tenu de toutes les circonstances, ne pas avoir de solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi au moment de le faireFootnote 7. C’est à la prestataire de le prouverFootnote 8. La prestataire doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle n’avait aucune solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances entourant le moment où la prestataire a quitté son emploi.

La prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi?

[16] La prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

[17] La prestataire a affirmé qu’elle n’était pas dans une situation intolérable au magasin de tissus. Elle voulait être capable d’avoir deux postes et de travailler aux deux emplois. Elle a demandé à la superviseure de collaborer avec elle et de laisser d’autres employés prendre ses quarts de travail pour qu’elle puisse avoir le contrat de travail parce que ce travail l’aiderait à payer ses factures.

[18] La prestataire affirme qu’elle n’a pas eu d’autre choix que de quitter son emploi pour profiter du travail contractuel qu’elle voulait parce qu’il l’aidait à payer ses factures. En travaillant une semaine comme géologue, elle pouvait gagner cinq fois le montant qu’elle percevait au magasin de tissus.

[19] La prestataire a affirmé qu’elle avait une entente en place avec l’employeur selon laquelle au cas où un contrat devenait disponible pour elle, son employeur essaierait d’accéder à sa requête. Je constate que la prestataire n’a fourni la copie d’aucune entente écrite qui ait été adoptée et signée par l’employeur.

[20] Je reconnais qu’elle voulait travailler aux deux emplois tout comme plusieurs personnes ont deux emplois. Elle a expliqué qu’elle croyait pouvoir faire le travail contractuel et ensuite revenir au magasin de tissus pour continuer à travailler là quatre jours par semaine jusqu’à ce qu’une autre offre de contrat soit disponible. Elle ne s’attendait pas à devoir donner deux semaines de préavis au magasin de tissus pour avoir un congé. La prestataire n’avait pas prévu qu’elle devrait quitter son emploi permanent pour accepter le travail contractuel qui lui rapportait plus d’argent. La preuve au dossier indique que l’entreprise qui lui a donné le travail contractuel n’avait pas d’employés, elle avait [traduction] « seulement des employés contractuels ». La prestataire affirme que parce qu’elle a eu la grippe et une infection oculaire, elle n’a jamais obtenu le contrat parce qu’elle avait de la fièvre et ne pouvait pas voyager. Elle a installé des pneus d’hiver sur sa voiture, mais en fin de compte elle était trop malade pour accepter le travail.

[21] La Commission affirme que la prestataire quittait un emploi permanent à temps partiel pour un poste temporaire, sachant qu’à la fin elle se retrouverait au chômage. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, elle avait des solutions raisonnables. Une solution raisonnable était de continuer à travailler au magasin de tissus jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi permanent. La Commission dit que la prestataire doit assumer les conséquences liées au fait de quitter un emploi à temps presque complet pour un emploi contractuel temporaire dont elle savait qu’il se terminerait par le chômage.

[22] La loi prévoit qu’une des circonstances dont il faut tenir compte pour décider si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi est l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiatFootnote 9.

[23] Je signale que la prestataire estimait qu’un autre emploi l’attendait quand elle a quitté son emploi au magasin de tissus puisqu’on avait communiqué avec elle pour l’aviser d’un travail contractuel pour une entreprise d’experts-conseils en supervision de puits. Elle a accepté le travail et a quitté son emploi au magasin de tissus un jeudi et devait commencer le travail contractuel le samedi. Le Tribunal reconnaît que le travail contractuel augmenterait son salaire horaire; cependant, le désir qu’a une partie prestataire d’améliorer sa situation financière peut constituer un motif valable, mais il ne constitue pas une justificationFootnote 10.

[24] Je signale qu’il y a contradiction entre des dispositions de la loi, soit celle qui traite du départ ou du congé de la partie prestataire comme de la seule solution raisonnableFootnote 11 et la partie qui porte sur la circonstance de l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiatFootnote 12. La Cour a réglé les questions ainsi :

« Car il n’est pas évident que ces termes font bon ménage. De fait, il est difficile, voire impossible, de soutenir ou de conclure qu’une personne qui quitte volontairement son emploi pour en occuper un autre le fait nécessairement parce que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Une personne peut tout simplement vouloir réorienter sa carrière ou progresser à l’intérieur de son métier ou de sa profession en changeant d’employeur.

 La plupart des situations envisagées par l’alinéa 29c) concernent des évènements ou des faits et gestes qui surviennent dans le cadre de l’emploi qu’occupe le prestataire. Le sous-alinéa 29c)(vi) s’adresse à une toute autre situation qui implique un changement d’emploi. Il n’est pas alors question de concocter et d’apporter un remède à l’intérieur du même emploi où il est facile d’imaginer d’autres alternatives que le départFootnote 13. »

[25] La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’une personne peut vouloir améliorer sa vie en changeant d’employeur ou de type de travail, mais a conclu qu’on ne peut pas s’attendre à ce que les personnes qui cotisent au fonds d’assurance-emploi assument le coût de ce choix.

[26] J’estime que la prestataire a fait du travail contractuel dans le passé et qu’elle savait qu’une fois que le contrat temporaire serait terminé elle serait sans emploi. C’est la responsabilité du prestataire de ne pas transformer ce qui n’était qu’un risque de chômage en une certitudeFootnote 14. Elle a quitté un emploi permanent pour un travail contractuel temporaire. Elle aurait pu quitter un travail permanent pour un autre poste permanent; toutefois, ce n’est pas ce qu’elle a choisi de faire.

[27] J’estime que la prestataire avait la solution raisonnable de conserver son emploi au magasin de tissus puisque c’était un emploi permanent, plutôt que de quitter volontairement pour un emploi qui était temporaire. Elle aurait pu garder son emploi et expliquer que pour faire du travail contractuel avec X elle devait donner deux semaines de préavis au magasin de tissus. Si elle voulait occuper deux emplois et être juste envers tous deux, elle devait trouver une résolution qui fonctionne pour les deux employeurs. J’estime qu’une solution raisonnable était de garder son emploi au magasin de tissus pour préserver son emploi permanent, plutôt que de quitter pour un travail contractuel à court terme qui causait un plus grand risque de chômage. La prestataire a déclaré que son travail temporaire à court terme a compté seulement trois jours d’emploi contractuel. On ne lui a pas promis de travail après cela. On lui a dit que si une autre possibilité de travail contractuel se présentait, on conservait son nom sur la liste et qu’on communiquerait avec elle. La prestataire a affirmé qu’on l’a appelée en mars pour un autre court terme; toutefois, je constate que c’est un emploi temporaire à court terme et non un emploi permanent. Cette preuve est confirmée par l’employeur qui dit que la prestataire est une contractante, que tous les emplois sont contractuels, et que ce ne sont pas des employés, mais des personnes contractuellesFootnote 15.

[28] La prestataire a affirmé qu’elle s’est rendue personnellement dans un bureau de Service Canada et elle a demandé pourquoi Service Canada l’a encouragée à remplir une demande si la Commission n’avait aucune intention de lui donner des prestations. Elle a posé cette question à un décideur de la Commission et on lui a dit que les personnes représentant Service Canada ne sont pas formées pour évaluer l’admissibilité de la clientèle aux prestations d’assurance-emploi; leur rôle est de les aider à remplir le formulaire de demande. Elle estime que ce processus est injuste et inéquitable et que, selon elle, toutes les personnes représentantes devraient être formées pour traiter toutes les questions et situations et donner des conseils à savoir si elle a droit ou non à des prestations. Elle a signalé que tout le processus est stressant et inutile si vous n’allez pas recevoir de prestations de la Commission.

[29] Je m’appuie sur la cause CUB 27239A, où la juge-arbitre J. Reed a affirmé ce qui suit [traduction] :

[30] Je reconnais que les agents de la CAEC se trouvent souvent dans des situations délicates. Si on leur demande des renseignements qu’ils ne sont pas en mesure de fournir, on les accuse de ne pas être utiles. Si les agents répondent à une demande de renseignements, il est possible qu’ils répondent en ne connaissant qu’une version des faits, ou sans comprendre complètement toutes les ramifications associées aux faits qui leur sont présentés.

[31] Il devrait y avoir une manière de régulariser et de documenter les demandes de renseignements et les réponses fournies afin que les prestataires ne soient pas pénalisés si on leur fournissait des renseignements erronés. À l’heure actuelle, les juges-arbitres n’ont pas compétence pour tenir compte de ces renseignements erronés lorsqu’ils instruisent les appels (Granger v Commission de l’assurance-emploi du Canada) A-684-85.

[32] Je regrette énormément que des erreurs de la Commission aient entraîné des difficultés pour l’appelante; cependant, je dois examiner la question qui m’est présentée, c’est-à-dire que je dois déterminer si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[33] J’estime que la prestataire a fait le choix personnel de quitter son emploi. Bien que je reconnaisse son désir de vouloir gagner plus d’argent, de changer et de conserver sa carrière, elle ne peut pas s’attendre à ce que les personnes qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploi assument les coûts de sa décision de quitter son emploi pour essayer d’y parvenir.

[34] La prestataire n’a envisagé aucune des solutions raisonnables énoncées plus haut, et donc elle n’a pas prouvé qu’il ne lui restait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi. Par conséquent, la prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 3 février 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

A. K., prestataire/appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.