Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour que l’appel soit instruit sur le fond.

Aperçu

[2] R. C. (prestataire) a présenté une demande de prestations parentales lorsque son enfant était âgé de 9 mois et demi. Il a demandé 35 semaines de prestations parentales standards, mais en a seulement reçu 12. Le versement de ses prestations a cessé lorsque son enfant a eu un an, comme le prévoit la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). À ce moment, le prestataire a demandé des prestations parentales prolongées. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande.

[3] Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Son appel a été rejeté de façon sommaire, sans la tenue d’une audience, car il n’avait aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire interjette maintenant appel devant la division d’appel. J’ai estimé que la division générale avait commis une erreur en rejetant l’appel de façon sommaire. Je renvoie l’appel à la division générale pour la tenue d’une audience sur le fond.

Instruction sur la foi du dossier

[4] La division d’appel a instruit l’appel au moyen d’une audience orale. La Commission a précisé qu’elle ne participerait pas à l’audience, et la position du prestataire était claire dans ses observations écrites. Par conséquent, j’ai instruit l’appel sur la foi des documents écrits.

Question en litige

[5] La question en l’espèce consiste à déterminer si la division générale a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a jugé que l’appel du prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès.

Analyse

Options en matière de prestations parentales

[6] Selon la Loi sur l’AE, toute partie prestataire doit choisir l’une des deux options de prestations parentalesNote de bas page 1. Les prestations parentales standards sont versées au taux de prestations régulier, jusqu’à concurrence de 35 semainesNote de bas page 2. Les prestations parentales prolongées sont versées à un taux inférieur, jusqu’à concurrence de 61 semainesNote de bas page 3. Le choix est irrévocable (ne peut être modifié) dès lors que des prestations parentales sont verséesNote de bas page 4.

[7] Les prestations parentales sont payables durant les 52 semaines suivant la naissance de l’enfant ou son placement en vue d’une adoptionNote de bas page 5. Cependant, les prestations parentales prolongées sont payables durant les 76 semaines suivant la naissance de l’enfant ou son placement en vue d’une adoptionNote de bas page 6.

Faits sous-jacents en l’espèce

[8] Le prestataire a présenté une demande de prestations parentales le 6 décembre 2018. Il a inscrit la date de naissance de son enfant, soit le XX février 2018, dans son formulaire de demande. Il a précisé qu’il avait cessé de travailler le 30 novembre 2018 et qu’il serait de retour au travail le 19 août 2019. Le formulaire de demande contenait les réponses supplémentaires et les renseignements suivantsNote de bas page 7 :

[traduction]

En date du 3 décembre 2017, il existe deux options de prestations parentales : standards et prolongées.

  • Prestations standards – jusqu’à concurrence de 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable
  • Prestations prolongées – jusqu’à concurrence de 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable

Si les prestations parentales sont partagées entre les deux parents, l’option choisie par le premier parent qui présente une demande est exécutoire.

Pour éviter le versement d’un montant incorrect de prestations, il est essentiel de choisir la même option que l’autre parent.

Dès lors que les prestations parentales sont versées en rapport avec la demande, le choix entre prestations parentales standards et prolongées est irrévocable.

Veuillez choisir l’une des options de prestations parentales suivantes :

O Prestations standards – jusqu’à concurrence de 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable

Prestations prolongées – jusqu’à concurrence de 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable

[…]

Les prestations parentales sont seulement payables aux parents biologiques, adoptifs ou légalement reconnus qui s’occupent de leur nouveau-né ou de leur enfant nouvellement adopté, pour un total combiné de 35 semaines.

Par conséquent, les 35 semaines de prestations peuvent être versées à un seul parent ou être partagées entre les deux parents.

Nombre de semaines de prestations demandées :

35

[9] L’autre parent de l’enfant n’a pas présenté de demande de prestations parentales.

[10] Le prestataire ne savait pas que les prestations parentales standards pouvaient seulement être versées dans l’année suivant la naissance de l’enfant. Ni le formulaire de demande ni le statut de demande en ligne qu’il pouvait consulter au début des versementsNote de bas page 8 ne laissaient croire que moins de 35 semaines de prestations seraient versées, ou que les prestations ne pouvaient être versées après le premier anniversaire de l’enfant. Il semble que le prestataire ait appris qu’il ne recevrait que 12 semaines de prestations après la fin du versement des prestations.

Décision de la division générale

[11] Dans sa décision, la division générale a noté que la Loi sur l’AE n’autorise pas le versement des prestations parentales standards au-delà de la période de prestations de 52 semaines et que le choix du prestataire de toucher des prestations parentales standards ne pouvait pas être modifié étant donné que des prestations lui avaient déjà été versées. La division générale a conclu que [traduction] « le rejet de l’appel est inévitable malgré toute preuve ou tout argument qui pourrait être présent à l’audience ». La division générale a rejeté l’appel de façon sommaire.

[12] La division générale doit rejeter l’appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 9. La division générale a constaté à juste titre que le seuil pour un rejet sommaire est très élevé. Un appel [traduction] « absolument sans espoir » respecte le seuil requis, mais ce n’est pas le cas pour une cause faible. Un décideur doit demander s’il est clair et évident que l’appel n’a pas de chance de succès, peu importe la preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audienceNote de bas page 10.

[13] Comme exposé ci-après, la division générale a appliqué le bon critère relatif au rejet sommaire aux questions qu’elle a examinées. Toutefois, la division générale n’a pas reconnu que le prestataire avait soulevé un autre argument juridique à prendre en considération en ce qui concerne la question de son admissibilité à des prestations parentales supplémentaires.

Position du prestataire devant la division générale

[14] Devant la division générale, le prestataire a soutenu que le formulaire de demande en ligne ne contenait pas assez d’informations pour l’aider à choisir le bon type de prestations parentales. Voici ce qu’il avait à dire à ce sujet :

[traduction]

Par exemple, les instructions doivent inclure la période durant laquelle les prestations standards ou prolongées s’appliquent. Il doit notamment être précisé que les prestations standards ne s’appliquent que dans les 12 mois suivant la naissance de l’enfant et que si les parents souhaitent recevoir des prestations après ces 12 mois, ils doivent choisir les prestations prolongées. C’est important de bien comprendre ce point dans une situation comme la mienne.

Dans mon cas, mon fils est né en février 2018. Mon épouse est travailleuse indépendante et ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. Nous avons décidé d’attendre jusqu’en décembre 2018 avant de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi et de recevoir des prestations pour les 35 semaines suivantes, soit jusqu’en août 2019 (78 semaines après la naissance de mon fils).

[...] Autrement dit, le processus de demande ne contenait pas suffisamment d’informations pour m’aider à faire le bon choix selon ma situation. Il n’y a tout simplement pas assez de renseignements. Dans le processus de demande, il est précisé que les prestations standards comptent jusqu’à 35 semaines de prestations, et que les prestations prolongées comptent jusqu’à 61 semaines. Il n’y a aucun autre détail, critère ou exigence pour aider les gens à faire le bon choix. Il est nécessaire de veiller à ce que le processus de demande contienne suffisamment de détails pour que les parties demanderesses puissent faire un choix éclairé. Je ne crois pas que c’est le cas.

[15] En réponse aux observations que la Commission a présentées à la division générale (qui ne portaient pas sur les points soulevés par le prestataire), le prestataire a ajouté ceci :

[traduction]

Je n’ai pas été en mesure de prendre une décision éclairée entre les prestations standards et prolongées, car les renseignements qui m’ont été fournis dans le cadre du processus de demande excluaient des critères importants (p. ex. la fenêtre parentale). Je ne devrais pas être « pénalisé » en recevant moins de 35 semaines de prestations parce qu’il n’y avait pas d’informations au sujet de la fenêtre parentale. Ce n’est pas juste. Il est nécessaire de fournir des renseignements sur la fenêtre parentale pour que les parties demanderesses puissent prendre une décision éclairée concernant les prestations standards et prolongées.

[16] Le prestataire a demandé à la division générale de toucher des prestations pendant 35 semaines, qu’il s’agisse de prestations standards ou prolongées. Il n’a pas précisé comment les prestations standards pouvaient être versées au-delà de la période autorisée par la loi ni comment son choix de prestations standards pouvait être modifié après que des prestations lui ont été versées, alors que la loi stipule que ce choix est irrévocable. De tels arguments auraient été [traduction] « absolument sans espoir », car comme l’a souligné la division générale, la Loi sur l’AE n’accorde aucun pouvoir discrétionnaire concernant ces questions.

[17] Toutefois, l’argument principal du prestataire était qu’il y avait d’emblée un problème avec le choix de prestations. Selon mon interprétation de ses commentaires, le prestataire contestait la légitimité du choix initial qu’il avait fait en décembre 2018. En effet, il a remis en question sa validité (ou peut-être son exactitude) au motif que son choix de prestations standards n’était pas éclairé et conforme au reste de sa demande. À son avis, les renseignements de la Commission lui ont laissé croire qu’il toucherait 35 semaines de prestations parentales standards. Les détails dans son formulaire de demande, c’est-à-dire la date de naissance de son enfant, sa date de retour au travail, son choix de prestations standards et son choix de 35 semaines de prestations, n’ont pas pu être conciliés, et il n’a pas été informé des contradictions. Le prestataire a également soutenu que la Commission a la responsabilité de fournir des renseignements exacts concernant le choix que les parties prestataires doivent faire. Autrement, les parties prestataires ne peuvent faire un choix précis ou éclairé.

[18] La demande que le prestataire a présentée devant la division d’appel appuie ma compréhension de sa position devant la division générale. Le prestataire a écrit ce qui suit : [traduction] « Sans ces renseignements, cela induit en erreur les parties demanderesses qui présentent une demande de prestations parentales d’assurance-emploi en leur faisant croire qu’elles doivent seulement prendre en considération le nombre de semaines pendant lesquelles elles souhaitent recevoir des prestations [...] ».

Erreur de la division générale

[19] Le prestataire a noté dans sa demande que la division générale n’avait pas reconnu les points qu’il avait soulevés. Il n’a pas précisément fait référence au critère relatif au rejet sommaire.

[20] Les observations écrites que la Commission a présentées à la division d’appel portent sur la période de prestations et les dispositions d’irrévocabilité, pour lesquelles l’issue était inévitable. La Commission a soutenu que le prestataire [traduction] « était somme toute responsable des réponses qu’il avait données [...], ainsi que de la demande de prestations parentales qu’il avait présentée plusieurs mois après la naissance de son fils ». Cela répond à l’argument de fond du prestataire, mais n’aborde pas la question de savoir si la division générale a commis une erreur en rejetant l’appel de façon sommaire.

[21] J’estime que la division générale n’a pas reconnu le principal argument soulevé par le prestataire dans le cadre de son appel, soit celui concernant la validité ou l’exactitude de son choix initial et de son incidence sur son admissibilité aux prestations. La division générale a ainsi omis d’appliquer le critère relatif au rejet sommaire à la question telle que formulée. À cet égard, la division générale a commis une erreur de droit. Une erreur de droit correspond à l’un des moyens d’appel qui permet à la division d’appel d’intervenirNote de bas page 11.

Réparation

[22] Pour réparer l’erreur de la division générale, je substituerai ma décision concernant le rejet sommaire et je renverrai le bien-fondé de l’appel à la division généraleNote de bas page 12.

[23] Peu importe si le fait de contester la validité ou l’exactitude du choix initial est un bon argument ou non, la situation n’est pas [traduction] « absolument sans espoir ». Il existe un fondement factuel à l’appui de l’argument. En mettant l’accent sur le choix initial, l’argument ne va pas à l’encontre de la disposition d’irrévocabilité de la Loi sur l’AENote de bas page 13. L’appel du prestataire concernant son admissibilité aux prestations parentales ne respecte pas le seuil élevé pour un rejet sommaire. Il doit être tranché sur le fond.

[24] Les parties n’ont pas encore eu pleinement l’occasion de présenter leur preuve et leurs observations sur la question de la validité ou de l’exactitude du choix initial des prestations parentales du prestataire. Par conséquent, je renvoie l’affaire à la division générale.

Conclusion

[25] La division générale a commis une erreur en rejetant l’appel du prestataire de façon sommaire. L’appel est renvoyé à la division générale pour être instruit sur le fond.

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