Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] J’accueille l’appel. J’estime que C. J. (prestataire) était fondé à prendre un congé de son emploi.

Aperçu

[2] Le prestataire est enseignant dans une école du nord de la Saskatchewan. Son épouse travaillait à la même école. Le prestataire et son épouse ont appris en novembre 2018 que sa belle-mère était gravement malade. L’épouse du prestataire a décidé de quitter son emploi pour déménager en Ontario pour prendre soin de sa mère. Le prestataire a pris un congé autorisé d’un an de son emploi. Le prestataire et son épouse ont déménagé en Ontario.

[3] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire des prestations parce qu’elle a conclu qu’il avait pris congé sans justification. Le prestataire a interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Faits convenus

[4] Le prestataire et la Commission conviennent que le prestataire a pris un congé autorisé d’un an de son employeur du nord de la Saskatchewan. Le prestataire a expliqué que le conseil scolaire a approuvé son congé et que son retour est prévu en août 2020.

Questions en litige dans cet appel

[5] La Commission affirme que le prestataire a pris congé sans justification. Le prestataire est en désaccord. Il affirme qu’il a pris un congé pour pouvoir suivre son épouse en Ontario.

Ce que je dois décider

[6] La loi affirme que lorsqu’une partie prestataire n’est pas fondée à prendre congé de son emploi, elle sera inadmissible à recevoir des prestations d’AENote de bas de page 1. Cela signifie qu’une partie prestataire ne peut pas recevoir de prestations pour une certaine périodeNote de bas de page 2. La loi dit que, selon le cas, l’inadmissibilité dure jusqu’à ce que la partie prestataire reprenne son emploi, perde ou quitte volontairement son emploi ou, après le début de la période de congé, accumule chez un autre employeur le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour présenter une nouvelle demandeNote de bas de page 3.

[7] Toutefois, si une partie prestataire démontre qu’elle était fondée à prendre le congé, elle ne sera pas inadmissible aux prestations en raison du congé. La partie prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Avoir une bonne raison de prendre un congé ne suffit pas pour démontrer que l’on est fondé à le faireNote de bas de page 4. La loi affirme qu’une partie prestataire est fondée à prendre congé de son emploi si son départ constitue la seule « solution raisonnable » dans son casNote de bas de page 5.

[8] Je dois donc décider ce qui suit :

  • Le prestataire était-il fondé à prendre congé de son emploi d’enseignant dans le nord de la Saskatchewan?

Motifs

[9] Le prestataire affirme qu’il était fondé à prendre congé parce qu’il a suivi son épouse en Ontario lorsqu’elle a déménagé pour prendre soin de sa mère malade.

Obligation d’accompagner un époux vers un autre lieu de résidence

[10] La loi affirme que je dois maintenant me pencher sur la question de savoir si le prestataire était fondé à prendre congé parce qu’il avait l’obligation d’accompagner son épouse vers un autre lieu de résidenceNote de bas de page 6.

[11] Le prestataire affirme que son épouse et lui sont mariés depuis environ trois ans et demi. Pendant leur mariage, le seul moment où ils ont vécu séparés a été quand son épouse est partie pendant trois semaines en décembre 2018. À l’époque, sa belle-mère venait de recevoir un diagnostic de maladie en phase terminale.

[12] Le prestataire a expliqué qu’il a déménagé pour être avec son épouse et pouvoir la soutenir émotionnellement. Il a aussi déménagé pour leur permettre de rester en famille pour faire face à la maladie de sa belle-mère.

[13] Étant donné les circonstances qui ont mené au congé du prestataire, j’estime qu’il a démontré qu’il avait l’obligation d’accompagner son épouse en Ontario.

Solutions raisonnables

[14] La Commission affirme que plusieurs solutions raisonnables s’offraient au prestataire au moment où il a pris son congé.

[15] La Commission affirme que le prestataire aurait pu :

  • continuer à travailler pendant que son épouse s’installait temporairement en Ontario pour prendre soin de sa mère;
  • continuer à travailler avec son épouse dans le nord de la Saskatchewan pendant que d’autres membres de la famille prenaient soin de la belle-mère du prestataire;
  • continuer à travailler avec son épouse dans le nord de la Saskatchewan pendant que du personnel soignant prenait soin de la belle-mère du prestataire;
  • s’assurer d’avoir un emploi permanent en Ontario avant de prendre son congé.

[16] Le prestataire a fait valoir que prendre un congé était la seule solution raisonnable. Il affirme qu’aucune des options énumérées par la Commission n’était une solution raisonnable en tenant compte de toutes les circonstances.

[17] Le prestataire affirme qu’il n’était pas raisonnable pour lui de continuer à travailler temporairement dans le nord de la Saskatchewan alors que son épouse habitait en Ontario. Le prestataire a expliqué que l’état de santé de sa belle-mère est débilitant. La famille ignore pendant combien de temps sa belle-mère aura besoin de soutien et à quelle vitesse son état va empirer. Puisque sa femme serait en Ontario pour une période prolongée, rester seul dans le nord de la Saskatchewan n’était pas une solution raisonnable, particulièrement alors que le prestataire avait besoin de soutenir son épouse et sa famille pendant cette période difficile. De plus, la distance entre la collectivité du nord de la Saskatchewan et la maison de sa belle-mère en Ontario permettrait vraisemblablement au couple de se voir uniquement à Noël et pendant l’été.

[18] Je considère aussi que deux des options proposées par la Commission doivent être rejetées catégoriquement parce qu’elles reposent sur l’idée que son épouse demeure en Saskatchewan. Ces solutions suggèrent que le prestataire aurait pu :

  • continuer à travailler avec son épouse dans le nord de la Saskatchewan pendant que d’autres membres de la famille prenaient soin de la belle-mère du prestataire;
  • continuer à travailler avec son épouse dans le nord de la Saskatchewan pendant que du personnel soignant s’occupait de la belle-mère du prestataire.

[19] Mon rôle n’est pas de déterminer des solutions raisonnables pour le prestataire et son épouse, mais plutôt des solutions raisonnables pour le prestataire eu égard à toutes les circonstances. De plus, le prestataire a expliqué qu’un seul parent habite près de sa belle-mère et que cette personne souffre de dépression sévère et ne peut pas venir en aide à la famille. Le prestataire a aussi expliqué que la famille n’a pas les moyens financiers d’engager du personnel à temps plein pour sa belle-mère. Il affirme que son beau-père ne peut pas prendre soin de son épouse seul parce qu’elle a besoin d’aide pour se lever, s’habiller et faire des tâches quotidiennes.

[20] Le prestataire a également expliqué qu’aussitôt qu’il a pu le faire, il a inscrit son nom sur la liste des suppléants pour enseigner en Ontario. Il affirme aussi qu’il a cherché du travail en Ontario avant de quitter la Saskatchewan.

[21] J’accepte l’explication du prestataire des circonstances auxquelles il faisait face au moment où il a pris son congé. Il a été crédible et honnête dans son explication. Je n’accepte pas l’argument de la Commission selon lequel le prestataire aurait dû demeurer dans le nord de la Saskatchewan jusqu’à ce qu’il ait trouvé un emploi en Ontario. Le prestataire a expliqué les efforts qu’il a faits pour trouver du travail et a décrit les raisons qui l’obligeaient à suivre son épouse en Ontario.

[22] Contrairement à la position énoncée par la Commission, je ne considère pas cela comme étant une situation dans laquelle le prestataire a fait le choix personnel de prendre un congé autorisé. Il s’agit plutôt d’une situation où le prestataire avait l’obligation d’accompagner et de soutenir son épouse. Je conclus que compte tenu de toutes les circonstances, prendre un congé autorisé était la seule solution raisonnable.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Le 17 février 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

C. J., appelant

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