Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme journalier durant plus de trente ans à X. Il demeurait à X. Il explique que graduellement, son voyagement vers le travail et de retour à la maison est devenu plus long et difficile de sorte qu’il n’avait plus de qualité de vie. Il a donc décidé de faire un changement de carrière. Il s’est trouvé un emploi pour le Ministère du Transport plus près de chez lui. Il a pris un congé sans solde de X afin de s’assurer qu’il aimerait le nouvel emploi. Comme son expérience s’est avérée positive, il a éventuellement quitté son emploi à X, plus précisément le 26 septembre 2019.

[3] L’emploi au Ministère du Transport en est un saisonnier à contrat du printemps jusqu’à l’automne. Lorsque son contrat s’est terminé en octobre 2019, l’appelant a fait une demande de prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a décidé d’imposer une exclusion à l’appelant à partir du 26 septembre 2019 parce qu’elle soutient qu’il a quitté volontairement son emploi à X sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

[5] Après avoir analysé la question, j’estime qu’en effet, l’appelant n’a pas droit au bénéfice des prestations puisque son départ n’est pas justifié. Il n’est pas justifié parce qu’il constitue une décision personnelle et non la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’appelant dans son cas.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si le fait de quitter son emploi était la seule solution raisonnable pour l’appelant dans ses circonstances.

Analyse

[7] En règle générale, une personne qui quitte son emploi de façon volontaire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1. La Loi prévoit cependant qu’une personne peut parfois, de façon exceptionnelle, être fondée à quitter volontairement son emploi et être éligible aux prestations d’assurance-emploi. C’est à elle de faire cette démonstration.

[8] En l’espèce, l’appelant a d’emblée admis avoir quitté son emploi volontairement. Il n’y a donc pas de litige sur le caractère volontaire de son départ. Il ne reste qu’à traiter si ce départ était fondé.

Question en litige : Le départ volontaire de l’appelant était-il la seule solution raisonnable dans ses circonstances?

[9] La Cour d’appel fédérale a réitéré à de nombreuses occasions qu’afin de déterminer si une personne était fondée à quitter son emploi, cette dernière doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas page 2.

[10] Dans le cas qui nous occupe, l’appelant a expliqué en détail comment la situation de voyagement s’est détériorée au fil des années, plus particulièrement les deux dernières. Il affirme qu’il se retrouvait à arriver une heure et demie avant son quart de travail. Il quittait sa résidence de X tôt le matin afin d’éviter la congestion routière et arriver à se trouver un stationnement autour de X. En fin de journée, il passait environ deux heures dans sa voiture pour retourner chez lui, en pleine congestion.

[11] Il a réfléchi longuement à ses options, passé des tests de classement pour le gouvernement provincial et même appliqué sur certains postes afin d’améliorer son sort. C’est ainsi qu’il a obtenu un poste au Ministère du Transport pour un contrat d’avril à octobre. Il a alors agi avec diligence et pris un congé sans solde de son emploi permanent à l’hôpital afin de s’assurer que tout fonctionnerait et qu’il ne se retrouverait pas sans emploi. Il affirme que le 26 septembre 2019, il a conclu qu’il faisait l’affaire et que l’emploi lui convenait alors il a officiellement remis sa démission à l’hôpital.

[12] C’est à partir de ce moment que la Commission exclut les heures d’emploi assurable de l’appelant pour avoir quitté sans justification son emploi.

[13] La Commission soutient que l’appelant a quitté son emploi permanent à temps plein par choix personnel en choisissant un emploi plus précaire, mais qui améliorait sa qualité de vie et son temps de voyagement.  Elle soutient de plus que de choisir un emploi saisonnier plutôt qu’un emploi à temps plein ne constitue pas une justification au sens de la Loi.

[14] J’estime aussi que la preuve démontre que la décision de quitter a été une décision personnelle de l’appelant. Or, le régime d’assurance-emploi ne peut supporter les coûts des choix personnels des appelants, aussi louables soient-ils. Je comprends très bien que l’appelant pouvait préférer un emploi qui améliorait grandement sa qualité de vie. Je comprends aussi que l’appelant a pu consacrer plus de temps à s’occuper de sa mère qui vit en CHSLD à X, ce qui est tout à fait compréhensible et louable.

[15] Cependant, le Tribunal estime que le principe selon lequel l’assuré au régime d’assurance emploi ne doit pas provoquer de risque ou de certitude de chômage est le principe fondamental des régimes d’assurance. Ce principe a d’ailleurs été clairement énoncé par la Cour d’appel fédérale: « …un système d’assurance contre le chômage et ses termes doivent être interprétés en ayant égard à l’obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque »Note de bas page 3. Dans ce cas-ci, l’appelant s’est lui-même placé dans une position de chômage parce qu’il savait que son emploi au Ministère du Transport prenait fin quelques semaines plus tard en octobre 2019.

[16] Par ailleurs, si l’appelant a jugé bon pour lui-même de quitter, je ne remets aucunement la validité et la bonne fois de cette décision. Il s’agissait peut-être de la meilleure décision pour lui dans ces circonstances. Cependant, la décision de quitter demeure malheureusement une décision personnelle qui ne saurait justifier des prestations au sens de la Loi. Le fait qu’il devait de plus en plus faire face aux difficultés de la congestion routière et du manque de stationnement près du travail est malheureux certes, mais ne constitue pas une justification au sens de la Loi.

[17] Du point de vue de l’appelant, la décision qu’il a pris était raisonnable. Je suis d’accord. Cependant, la question ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour lui de quitter son emploi, mais bien à savoir si c’était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas page 4. En effet, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il était impératif et fondamental lors de l’analyse d’un départ volontaire en assurance-emploi que cette question soit examinée. L’appelant indique que son souhait n’est pas de rester en situation de travail saisonnier pour toujours et qu’il désire travailler à temps plein. À cet effet, il a d’ailleurs commencé à suivre un cours de conducteur classe 3 pour pouvoir faire du déneigement l’hiver, ce qui pourrait lui donner la chance de travailler à l’année.

[18] J’estime qu’entre autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui, l’appelant aurait pu attendre plus longtemps avant de quitter son emploi à l’hôpital afin de couvrir sa période de chômage par son emploi à l’hôpital. En période de mise à pied au Ministère du Transport, une alternative raisonnable aurait été de continuer à faire le voyagement à Montréal même si cela était devenu difficile. En faisant l’acquisition de compétence supplémentaire telle que son permis de classe 3, il aurait pu éventuellement quitter définitivement l’hôpital sans se placer dans une situation de chômage saisonnier. Cela serait plus conforme à ses obligations d’assuré de l’assurance-emploi. Même si l’emploi de journalier à l’hôpital rendait la qualité de vie de l’appelant amoindrie, il est difficilement concevable pour le Tribunal d’arriver à la conclusion que quitter son emploi pour quelques mois par année était plus raisonnable que de conserver le lien d’emploi avec son emploi permanent. Il avait d’ailleurs pris les mesures pour ne pas briser son lien d’emploi avec l’hôpital jusqu’en septembre 2019. Il aurait dû poursuivre dans cet esprit jusqu’à ce qu’il évite de se retrouver en chômage suite à son départ de son emploi permanent à temps plein.

[19] De plus, l’appelant aurait également pu faire des recherches d’emploi et conserver son poste à X jusqu’à ce qu’il se trouve un autre emploi qui lui assure du travail à l’année.

[20] L’appelant a demandé au Tribunal de prendre en considération d’autres cas semblables au sien. Il soutient connaître des cas où des gens ont quitté leur emploi pour un emploi saisonnier qui ont eu droit aux prestations d’assurance-emploi. Chaque cas est un cas d’espèce et il m’est impossible de comparer la situation de l’appelant avec celles d’autres personnes dont j’ignore les détails particuliers. Malgré l’empathie que j’accorde aux circonstances de l’appelant, je ne peux changer la Loi. Or, l’état du droit en ce moment ne permet pas à un assuré de recevoir des prestations lorsqu’il s’est lui-même placé dans une situation de chômage de façon volontaire.

[21] En conclusion, j’estime donc que dans ses circonstances, l’appelant n’a pas démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Bien qu’empathique à sa situation et au choix réfléchi qu’il a fait, sa décision de quitter l’hôpital demeure un choix personnel qui ne saurait être considéré comme fondé selon les règles établies en assurance-emploi. Par conséquent, je conclus qu’il n’était pas fondé de quitter volontairement son emploi au sens de la Loi et qu’une exclusion s’impose.

Conclusion

[22] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 31 janvier 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

A. B., appelant

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