Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui lorsqu’il l’a fait. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] C. H. est le prestataire. Il travaillait comme conseiller d’affaires auprès d’entreprises agricoles. Le prestataire a fait une demande d’assurance-emploi après avoir volontairement quitté son emploi. Il affirme qu’il a démissionné en raison d’une charge de travail accrue, malgré ses efforts pour que l’employeur la réduise. Il a également démissionné parce que l’augmentation des déplacements lui causait des problèmes de santé. Le prestataire se sentait dépassé et, selon lui, le départ constituait sa seule solution raisonnable.

[3] La Commission a examiné les raisons du départ du prestataire et a décidé qu’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. La Commission affirme que le prestataire aurait pu rechercher et trouver un nouveau poste avant de démissionner. Il aurait aussi pu accepter l’offre de l’employeur de conserver son emploi et de continuer à travailler selon ses propres conditions, tout comme il l’avait fait de mai à août 2019, pour chercher ensuite un emploi plus à son goût. Le prestataire aurait pu consulter un médecin et obtenir un certificat médical à l’appui de son besoin de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait pour des raisons médicales.

[4] Le prestataire n’était pas d’accord avec la décision. Il affirme avoir fait des démarches raisonnables pour collaborer avec la gestion, mais la situation a continué à empirer. Il dit que ses conditions d’emploi le contraignaient en ne l’autorisant pas à accepter du travail dans son domaine professionnel pour une période de deux mois après la cessation de son emploi. Le prestataire a interjeté appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[5] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification. À cette fin, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Le prestataire a-t-il quitté son emploi?

[6] Je reconnais que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Le prestataire admet qu’il a démissionné Note de bas de page 1(en d’autres mots qu’il a volontairement quitté son emploi) le 24 août 2019. Je ne vois aucune preuve qui contredise cela.

Le prestataire était-il fondé à quitter son emploi?

[7] Non, j’estime que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi. Je constate que le départ du prestataire n’était pas sa seule solution raisonnable.

[8] Les parties ne sont pas d’accord pour dire que le prestataire était fondé à démissionner lorsqu’il l’a fait.

[9] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’une personne est fondée à le faire.

[10] Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 3. Il incombe au prestataire d’en faire la preuveNote de bas de page 4. Le prestataire doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de partir lorsqu’il l’a fait.

[11] Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi. Parmi les circonstances que je dois examiner, certaines d’entre elles sont déterminées par la loi. Lorsque j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra alors démontrer qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[12] Non, j’estime que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. Je constate qu’il n’a pas épuisé les solutions raisonnables qui s’offraient à lui.

Quelles étaient les circonstances existantes au moment où le prestataire a démissionné?

[13] Le prestataire a déclaré à la Commission que sa charge de travail a augmenté jusqu’à une capacité qu’il n’était plus en mesure de desservir. Il affirme avoir demandé à plusieurs reprises au cours des deux dernières années une réduction de sa charge de travail à un niveau inférieur précédent (gérable). Il dit que malgré des tentatives à court terme, les clients qui étaient retirés étaient toujours remplacés par des entreprises plus grandes. Cela signifiait que l’ensemble de sa charge de travail demeurait impossible à gérer et infligeait un stress inutile.

[14] Le prestataire a déclaré à la Commission que la perte de personnel de soutien a ajouté à ses responsabilités. Et en raison de la nature par commissions de sa rémunération, la perte de ces services signifiait une perte de clientèle, ce qui signifiait une perte de revenus. Il affirme que son incapacité à conserver sa clientèle à la satisfaction de son employeur aurait eu une incidence sur sa sécurité d’emploi, et eu des effets dévastateurs sur son employabilité future.

[15] Le prestataire a déclaré à la Commission que son employeur avait pris note de ses préoccupations, mais avait fini par révéler que si des solutions à ses problèmes existaient, on n’y parviendrait pas à court terme. Il dit avoir maintenu qu’il ne pouvait pas continuer dans les conditions existantes et ils ont conclu une entente pour mettre fin à son emploi.

[16] Le prestataire a déclaré à la Commission que son contrat de travail lui interdisait de travailler dans son domaine pendant deux mois suivant la date de fin de son emploi. Après négociations, ils ont consenti à le rémunérer pour cette période.

[17] Le prestataire a déclaré à la Commission qu’il n’a pas cherché d’emploi avant de démissionner parce qu’il était trop énervé à se préoccuper des besoins de chacun de ses clients et à tenter de se retirer de sa situation. Aucun médecin ne lui a conseillé de quitter son emploi en raison de ses maux de dos. Il affirme qu’il n’y a eu aucun incident final, qu’il commençait tout simplement à en avoir assez de ne pas être en mesure d’offrir une qualité de service à sa clientèle. Il a ajouté que son contrat lui interdisait de travailler dans l’industrie pendant deux mois.

[18] Le prestataire a remis une copie de son contrat de travail et une lettre de sa chiropraticienne à la Commission.Note de bas de page 5

[19] Le prestataire a déclaré à la Commission que, selon lui, il ne pouvait plus continuer de voyager en raison de maux de dos sévères. Il affirme que son employeur, B. R., a bien essayé de répondre à ses besoins et de réduire ses déplacements. Il dit que ses problèmes liés au travail ont commencé il y a environ deux ans à cause du départ de plusieurs personnes. Il affirme que lorsqu’il a parlé à son gérant L. I. à propos de ce qu’il estimait qui allait se produire, ils ont essayé de prendre des mesures d’adaptation pour lui. Il a admis qu’il n’avait reçu aucun rapport négatif de son employeur concernant son rendement. Il dit que lorsqu’il a rencontré son employeur, on lui a plus ou moins dit qu’il n’y aurait aucun changement à venir pour le travail. Le prestataire dit qu’on a offert de le muter à Halifax, mais il a refusé, puisqu’il n’y aurait aucune différence là-bas.

[20] La Commission a parlé à l’employeur G. R., qui a dit que le prestataire avait pris du retard dans son travail. Il affirmé avoir lui-même parlé au prestataire et avoir offert de travailler avec lui, mais il a refusé et a dit qu’il en avait [traduction] « fini ». Il dit que c’était un bon employé et qu’il n’avait aucun problème de rendement. Il ajoute que le gérant précédent, B. L., avait tenté d’offrir au prestataire toutes les mesures d’adaptation possibles. Il dit qu’ils ont réduit sa charge de travail tout en conservant son salaire. L’employeur a convenu qu’au moment où le prestataire a donné sa démission en mai 2019, un certain nombre d’employés étaient partis, mais que le travail avait été réparti en conséquence. Il affirme qu’il s’agissait d’une situation temporaire jusqu’à ce que plus de personnes soient embauchées. Il dit que, selon lui, le prestataire ne voulait plus travailler pour l’organisation et qu’il a démissionné.

[21] L’employeur a remis une copie de la lettre de cessation d’emploi du prestataire, datée du 13 mai 2019Note de bas de page 6, ainsi qu’une lettre qu’il a adressée au prestataire, datée du 23 mai 2019, en réponse à la cessation de son emploiNote de bas de page 7.

[22] Le prestataire a déclaré à la Commission qu’il n’avait jamais vu la lettreNote de bas de page 8 datée du 23 mai 2019. Il affirme que les chiffres présentés par l’employeur ne sont pas exacts, car ils ne représentent que la clientèle comptabilisée. Il dit avoir eu de nombreux contacts avec une clientèle non comptabilisée. Le prestataire affirme que la raison pour laquelle il a remis sa lettre de démission le 24 mai 2019, et est resté jusqu’au 24 août 2019, est qu’il avait accepté de rester et de fermer les dossiers de certains clients. Il dit être resté selon ses conditions que son employeur a acceptées. Il affirme qu’il n’a jamais parlé à son employeur d’une prolongation du mandat au-delà de trois mois jusqu’à ce qu’il ait trouvé un emploi convenable. Il dit que cela ne devrait pas avoir d’importance. Il affirme qu’il ne croyait pas que les choses allaient changer et qu’il était stressé parce qu’il croyait ne pas être en mesure de satisfaire aux attentes de son employeur ou de sa clientèle. Il dit qu’il n’avait pas parlé à son médecin s’il croyait devoir partir pour des raisons de santé.

[23] L’employeur a communiqué avec l’employeur L. I., qui a déclaré qu’il avait rencontré le prestataire et qu’ils avaient parlé de ses préoccupations. Il dit que la charge de travail du prestataire avait été réduite et que celui-ci travaillait selon sa capacité, en vertu de son mandat. Il affirme que le prestataire lui a dit qu’il était temps pour lui de passer à autre chose. Il dit que le prestataire aurait pu continuer à travailler selon les mêmes modalités, comme il l’avait fait de mai à août. Il affirme qu’il était un employé estimé et qu’il lui avait offert une mutation. L’employeur dit qu’ils ont communiqué avec le prestataire à nouveau et lui ont offert un poste en vertu des mêmes modalités que celui qu’il avait quitté, mais celui-ci a refusé l’offre.

[24] Dans son avis d’appel, le prestataire a réitéré les raisons de son départ. De plus, il soutient qu’il a commencé à avoir de graves problèmes de santé et a inclus une lettre de sa médecinNote de bas de page 9. Il dit que le défaut d’effectuer son travail correctement entraînait une réprimande de sa clientèle, et non de son employeur. Et la nature de son travail jointe à l’ampleur des préoccupations de sa clientèle voulait dire que le fait de ne pas remplir ses fonctions donnait lieu à une importante perte financière. Il fait valoir que de continuer à travailler jusqu’à ce qu’il ait trouvé un nouvel emploi n’était pas une solution raisonnable. Il dit que son contrat lui interdisait de travailler dans son domaine professionnel pendant deux mois suite à sa cessation d’emploiNote de bas de page 10.

[25] À l’audience, le prestataire a réitéré les raisons de son départ. J’estime qu’il existe des raisons pour lesquelles une personne peut volontairement quitter son emploiNote de bas de page 11. La question est de savoir si le prestataire était fondé à le faire en raison des conditions ci-dessous.

Modification importante des fonctionsNote de bas de page 12

[26] Lorsque des modifications importantes sont apportées aux conditions d’emploi, un prestataire est fondé à quitter son emploi. Le mot « importantes » a été interprété comme de « grande portée, supérieur à la normale ». En examinant si les modifications constituent un motif valable, il faut noter que celles-ci doivent provenir de l’employeur.

[27] Le prestataire affirme que sa charge de travail accrue était devenue impossible à gérer. Il dit qu’il avait porté cela à l’attention de l’employeur, mais que celui-ci n’avait pas admis qu’il y avait un problème. Il affirme que la question de la charge de travail avait été abordée deux ans auparavant et qu’à un certain moment, la situation aurait pu être corrigée. Il dit qu’en mai 2019, il ne pouvait plus travailler comme cela, qu’il a remis son avis et que l’employeur a eu l’occasion à ce moment-là d’arranger les choses, mais qu’il ne l’a pas fait.

[28] Le prestataire affirme qu’on ne lui a jamais remis la lettre de son employeurNote de bas de page 13, mais il a admis qu’ils avaient discuté du contenu de la lettre. Il dit que la lettre confirme que son employeur n’a pas reconnu qu’il y avait un problème.

[29] Le prestataire dit qu’en septembre ou octobre 2018, il a parlé avec son employeur et leur a dit ce qu’il voulait. Il affirme que l’employeur a réduit le nombre de ses clients comptabilisés à 95 et qu’il a maintenu le nombre de ses clients non comptabilisés au chiffre qu’il avait demandé (il ne pouvait pas se souvenir exactement du nombre de clients non comptabilisés qu’il avait). Il dit qu’en mars 2019, sa clientèle non comptabilisée a commencé à s’élargir alors que d’autres employés partaient. Il dit qu’au moment où il avait remis son avis, on lui avait confié sept autres clients non comptabilisés. Il affirme qu’il s’agissait d’une clientèle haut de gamme et que cela augmentait sa charge de travail de 2 à 3 jours ouvrables.

[30] Le prestataire affirme que le nombre de clients énumérés par l’employeur ne représente que la clientèle comptabilisée et qu’il avait aussi des clients non comptabilisés. Il dit que la « déclarationNote de bas de page 14 » faite par son employeur était manifestement fausse. Mais peut-être est-ce dur, puisqu’ils ont fait des efforts, mais c’était un pas en avant et deux pas en arrière.

[31] Le prestataire affirme que la seule solution offerte par l’employeur B. L. était un dépaysement en le mutant à Halifax, et ce n’était pas une option pour lui. Il dit que cela confirme que l’employeur savait que la situation ici n’allait pas changer et que par conséquent, le départ était sa seule option.

[32] Le prestataire affirme que l’employeur était une personne raisonnable et qu’ils avaient discuté de la meilleure solution pour la transition de sa clientèle. Il dit que l’employeur avait accepté ses conditions selon lesquelles il resterait pendant trois mois et travaillerait à son propre rythme à la transition de sa clientèle et qu’on ne lui affecterait aucun nouveau client. Il affirme que le commentaire de L. I. selon lequel il aurait pu continuer à travailler dans les mêmes conditions est faux. Il dit qu’une fois les dossiers de la clientèle existante terminés, il n’aurait plus eu de travail à faire. Il affirme que s’il était resté, les choses seraient seulement redevenues comme avant.

[33] Le prestataire affirme qu’environ un mois et demi après qu’il ait remis son avis, son employeur B. L. a été mis à pied. Il dit qu’il a fallu à peu près un mois pour le remplacer. Il dit que le 26 juillet 2019, un nouveau gérant a été embauché, G. R. Il affirme qu’il s’est rendu à la succursale ce jour-là pour déposer des documents et qu’il a eu la chance de le rencontrer. Il dit que le nouveau gérant a demandé à le voir et a dit qu’il ignorait ce qui se passait et lui a demandé de bien vouloir lui en parler. Il affirme que le gérant a demandé s’il pourrait rester, mais il dit avoir déjà vécu la même situation, et il a répondu « non ». Le prestataire affirme que le gérant avait fait un effort, mais qu’il ne croyait pas que cette personne pourrait changer les choses. Il dit que la déclaration faite par le gérant à la Commission fait de lui une personne au courant de la situation alors qu’il ne l’était pas.

[34] Le prestataire dit qu’il n’a jamais donné au gérant l’occasion de voir s’il pouvait changer la situation. Il affirme qu’on l’avait amené pour résoudre un problème qui ne peut être résolu. Il a peut-être pensé qu’il pourrait transformer les choses, mais c’est illusoire. Le prestataire dit qu’il reste en contact avec des collègues et qu’on n’a jamais engagé sept nouvelles personnes.

[35] Je suis autorisée à accepter des preuves par ouï-dire, car nous ne sommes pas soumis aux mêmes règles strictes pour la preuve que les coursNote de bas de page 15. En l’espèce, j’estime que la preuve de l’employeur est crédible et qu’ils ont bien fait des tentatives pour répondre aux besoins du prestataire.

[36] J’ai examiné les déclarations du prestataire selon lesquelles G. R. venait de commencer et ses déclarations à la Commission donnent l’impression qu’il était au courant de sa situation. J’estime, selon la prépondérance des probabilités, qu’au moment où la Commission a parlé au gérant, celui-ci aurait été informé de la situation à l’époque du départ du prestataire.

[37] Je suis d’avis que le gérant avait été mis au courant du fait qu’il y avait eu un problème avec le prestataire, puisque lors de son premier jour d’emploi, il a demandé au prestataire de lui parler et de tout lui dire. En outre, le gérant a demandé au prestataire s’il pouvait rester. Par conséquent, j’estime que le nouveau gérant faisait de sérieux efforts pour que le prestataire puisse rester en poste et que, selon la prépondérance des probabilités, il aurait été disposé à tenter de remédier à la situation.

[38] Je ne suis pas convaincue que les modifications aux dossiers du prestataire ont été importantes et du moins si l’employeur les a faites. Je constate, à partir du témoignage du prestataire, qu’en septembre ou en octobre 2018, il a demandé à son employeur de réduire sa charge de travail. Il a dit à l’employeur qu’il ne voulait avoir que 95 clients comptabilisés, ce qu’il a convenu que l’employeur avait réduit à ce nombre. D’après le témoignage du prestataire, sa clientèle non comptabilisée est demeurée la même jusqu’en mars 2019, lorsque d’autres collègues se sont mis à partir. Il a déclaré qu’après mars 2019, sa charge de travail avait augmenté et qu’au moment où il avait remis son avis, c’était de jusqu’à sept clients. D’après ses déclarations, je conclus que sa charge de travail a augmenté graduellement au cours de cette période de trois mois; par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’augmentation ait été de 2 à 3 jours ouvrables pendant toute la période allant de mars à mai 2019.

[39] J’estime, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a été en mesure de répondre aux besoins du prestataire, ce qui est corroboré par la lettre de l’employeurNote de bas de page 16, ainsi que par leurs déclarations à la Commission. J’estime que L. I. et le nouveau gérant ont tous deux confirmé qu’ils essayaient d’accommoder le prestataire.

[40] Je trouve que le fait que le prestataire a accepté de rester au travail pendant trois mois après avoir remis son avis soutient l’affirmation selon laquelle l’employeur était prêt à prendre des mesures d’adaptation pour la réduction de sa charge de travail. Je suis d’avis que le nouveau gérant aurait été disposé à discuter du problème avec le prestataire si celui-ci lui en avait donné la chance. Je constate que le prestataire a rencontré le nouveau gérant le 26 juillet 2019, et qu’il n’est pas parti avant le 24 août 2019. J’estime que cela aurait été un délai raisonnable pour permettre au prestataire de vérifier si l’on allait accéder à ses demandes

[41] À partir du témoignage du prestataire, je conclus que sa charge de travail a augmenté en raison du personnel qui était parti. J’estime, d’après les déclarations du nouveau gérant, que la situation n’aurait été que temporaire jusqu’à l’embauche de nouveaux employés.

[42] Je constate, d’après le témoignage du prestataire, que l’employeur avait répondu à ses besoins en septembre ou en octobre, et qu’ainsi, selon la prépondérance des probabilités, il l’aurait fait de nouveau.

[43] J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, et que puisque le prestataire n’était pas prêt à accorder à la nouvelle gestion l’occasion de corriger la situation, il a fait le choix personnel de partir.

Conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécuritéNote de bas de page 17

[44] Lorsqu’un effet néfaste sur la santé d’une personne est avancé comme motif valable, il serait raisonnable de : a) fournir des éléments de preuve médicale; b) tenter de résoudre le problème avec son employeur; c) tenter de trouver un autre emploi avant son départ.

[45] Le prestataire affirme avoir vu un médecin et avoir subi une IRM. Il dit qu’il attend actuellement d’être admis à la clinique PanAm [PanAm Clinic]. Il dit qu’il a passé quelques semaines par mois en congé de maladie en raison de ses difficultés à se déplacer. Il affirme que dans son emploi antérieur, on s’attendait à ce qu’il passe de longs moments sur la route et que cela comprenait [sic] sa santé. Il dit que son employeur avait prévu au départ de réduire les voyages, mais que cela ne s’était jamais produit.

[46] J’ai examiné le document médical fourni par le prestataireNote de bas de page 18. Le certificat médical indique que le prestataire a été vu le 26 juillet 2019, date à laquelle il travaillait toujours, et il dit que le prestataire réagissait bien au traitement. Il ne dit pas qu’on lui avait conseillé de quitter son emploi à ce moment-là.

[47] Je signale que le document est daté du 22 octobre 2019, soit après que le prestataire a quitté son emploi. Par conséquent, j’accorde peu de poids aux déclarations selon lesquelles son poste exige de lui qu’il se déplace pour effectuer les tâches reliées à son travail. Également, l’état de santé actuel du prestataire et son environnement de travail actuel ne favorisent pas une bonne qualité de vie en ce qui concerne le fait de vivre sans douleur. Je remarque également que le certificat médical n’indique pas que le prestataire avait besoin de quitter son emploi le 24 août 2019 en raison de troubles de santé.

[48] J’estime que le prestataire aurait pu parler de son problème de santé avec son nouveau gérant et donner à celui-ci l’occasion de le résoudre.

Modification importante des conditions de rémunérationNote de bas de page 19

[49] Le prestataire affirme qu’il a eu des modifications de salaire importantes. Il dit que son employeur a réduit le nombre de clients comptabilisés et les a remplacés par des clients non comptabilisés. Il affirme que sa rémunération a été considérablement réduite parce que sa commission pour des dossiers comptabilisés était de 23,5 contre 14 % [sic] pour la catégorie non comptabilisée. Il dit que lorsque son employeur a ajouté plus de clients non comptabilisés, on s’attendait à ce qu’il fasse plus de travail pour une commission moindre. Il affirme que son salaire annuel aurait diminué d’environ 10 000 $.

[50] Le prestataire affirme qu’il est payé une fois l’an lorsqu’il accepte son contrat. Il dit qu’il devrait demander à son employeur de lui donner une ventilation de sa commission tout au long de l’année.

[51] Le prestataire affirme avoir demandé à son employeur de réduire à 95 le nombre de ses clients comptabilisés et qu’il voulait en rester là. Il dit qu’ils ont conclu cette entente en septembre ou octobre 2018, et qu’elle a continué jusqu’à ce qu’il parte.

[52] L’employeur a fourni une ventilationNote de bas de page 20 qui montre que le nombre de clients comptabilisés du prestataire était de 95, comme il l’avait demandé. Ainsi, si la commission du prestataire a été réduite, c’était parce qu’il a demandé à ce que le nombre de clients comptabilisés soit réduit. Je suis aussi d’avis que, si l’on a affecté au prestataire 7 clients non comptabilisés de plus à 14 % [sic] comme il l’a déclaré, alors, selon la prépondérance des probabilités, son salaire aurait augmenté.

[53] Je reconnais que le prestataire affirme qu’il pourrait demander à son employeur de lui fournir une ventilation; cependant, je ne crois pas que cela prouverait qu’il avait un motif valable de démontrer une modification importante des conditions de rémunération, car c’est lui qui a demandé que ses clients comptabilisés se limitent à 95.

Solutions raisonnables

[54] Les tribunaux ont établi le principe selon lequel il incombe à un prestataire qui quitte volontairement son emploi de prouver qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a faitNote de bas de page 21.

[55] Après avoir examiné l’ensemble des circonstances et les raisons du départ du prestataire, j’estime que des solutions raisonnables s’offraient à lui. Je constate, d’après son témoignage à l’audience, que le 26 juillet 2019, son nouveau gérant est venu le voir et lui a demandé de lui expliquer ce qui se passait et il lui a expressément demandé de rester.

[56] J’estime qu’une solution raisonnable aurait été de donner au nouveau gérant du prestataire l’occasion de répondre à ses préoccupations. Au lieu de cela, le prestataire a fait le choix personnel de se mettre en situation de chômage. J’estime que le prestataire n’a fourni aucune preuve selon laquelle il n’aurait pas pu rester et donner l’occasion à son gérant de résoudre ses problèmes, particulièrement parce que le prestataire a dit qu’il adorait son emploi et ne voulait pas démissionner.

[57] À partir des faits au dossier, je constate que le prestataire a accepté de continuer de travailler pendant trois mois après avoir remis son avis. Ainsi, j’estime que cela attesterait le fait que les conditions de travail étaient insupportables [sic] et que le prestataire n’aurait pas pu accepter de rester en poste plus longtemps et essayer de travailler sous la supervision du nouveau gérant.

[58] J’estime que si le prestataire croyait avoir besoin de partir à cause de ses problèmes de santé, une solution raisonnable aurait été de demander un congé autorisé. Ainsi, il aurait eu le temps d’obtenir un avis médical selon lequel il était nécessaire qu’il quitte son emploi.

[59] J’estime qu’une solution raisonnable aurait été que le prestataire demande un congé de maladie et cherche un autre emploi convenable. Il aurait aussi pu demander à son employeur s’il existait une option permettant la dispense de la période d’attente parce qu’il partait pour des raisons de santé.

[60] J’ai tenu compte de l’argument du prestataire selon lequel il n’a jamais cherché de travail parce qu’il avait une clause de non-concurrence de deux mois. Aussi, il ne voyait pas l’intérêt de postuler s’il ne pouvait pas commencer un emploi avant deux mois comme étant raisonnable de sa part. Le prestataire a convenu que rien ne l’aurait empêché de le faire.

[61] J’estime que le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait lorsqu’il a décidé de ne pas chercher de travail du tout avant la fin de son contrat. Je constate que le prestataire a manifestement tenu pour acquis qu’une personne ne peut chercher du travail qu’au moment où elle serait disponible. Le prestataire ne pouvait pas étayer son hypothèse parce qu’il a admis ne jamais avoir cherché du travail avant son départ. Je signale que le contrat du prestataire stipule que la période de deux mois était en place sans accord écrit. Le prestataire a cependant confirmé qu’il n’a jamais demandé à son employeur s’il existait une option permettant la dispense de la période.

Autres questions

[62] Le prestataire affirme que la Commission l’a amené à croire qu’il existait des raisons qui l’autorisaient à faire ce qu’il a fait et qu’il n’avait pas le choix. Il dit qu’il a eu une seule conversation avec la CommissionNote de bas de page 22. Il a affirmé que l’agent a indiqué qu’il n’y avait aucun document concernant des incidents précis. Il dit que l’agent ne lui a pas demandé de donner une chronologie et qu’on n’a pas répondu à ses préoccupations.

[63] Je constate, d’après la preuve au dossier, que le prestataire a eu l’occasion de parler avec un agent lorsqu’il a déposé sa demande de révision. En outre, il a fourni à la Commission des documents supplémentaires avec sa demande de révision. La preuve au dossier montre que le prestataire a parlé à la Commission le 27 décembre 2019Note de bas de page 23, et à nouveau le 6 janvier 2020Note de bas de page 24. La preuve au dossier atteste le fait que le prestataire a eu l’occasion de déposer ses propres éléments de preuve, ainsi que la possibilité de réfuter les déclarations faites par ses employeurs. Je signale également qu’en interjetant appel de la décision de la Commission, c’était l’occasion pour le prestataire de fournir tout renseignement supplémentaire.

[64] Le prestataire affirme que le fait qu’il ait quitté un emploi qu’il adorait et qui lui rapportait 120 000 $ ou plus démontre que le départ était sa seule option.

[65] Je comprends la situation du prestataire. Cependant, comme je l’ai dit plus tôt, le prestataire doit démontrer que le départ était sa seule solution, ce qu’il ne semble pas avoir prouvé en l’espèce.

[66] Il ne lui suffit pas de prouver qu’il était tout à fait raisonnable de sa part de quitter son emploi. Agir raisonnablement peut constituer un « motif valable », mais pas nécessairement une « justification ». Il n’est justifié d’avoir agi ainsi que s’il existait, au moment de son départ, des circonstances qui l’excusent d’avoir ainsi pris le risque que d’autres portent le fardeau de son chômage.

[67] Je n’ai pas le pouvoir de modifier les exigences de la Loi sur l’assurance-emploi et je dois respecter les dispositions législatives, quelle que soit la situation du prestataireNote de bas de page 25.

Conclusion

[68] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 26 février 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

C. H., appelant

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