Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelant n’a pas cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Aperçu

[2] L’appelant était superviseur chez X au Portugal. L’employeur a congédié l’appelant le 8 août 2019 en raison de son mauvais jugement parce qu’il a partagé des informations au client de X. L’appelant affirme qu’il avait déposé une plainte visant un collègue qui le harcelait et que l’employeur ne l’a pas congédié pour la raison mentionnée.

[3] Le 17 juin 2019, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté la demande de l’appelant et elle a conclu qu’il avait cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite. Je dois déterminer si l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Questions en litige

[4] L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[5] Si oui, les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

Analyse

L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[6] Le 28 octobre 2019, C. L., responsable chez l’employeur, a expliqué à la Commission que l’appelant a eu des comportements inappropriés avec des clients et des collègues et qu’il a partagé une information qui ne relevait pas de son « autorité ».

[7] La lettre de congédiement transmise à l’appelant indique que l’employeur met fin à l’emploi de l’appelant en raison de son comportement avec les clients et les collègues et parce qu’il aurait partagé une information qui ne relevait pas de son autorité au client de X.

[8] La responsable chez l’employeur affirme que si l’appelant n’avait pas dit au client que son collègue quitterait son poste et qu’il ne lui avait pas demandé de lui transmettre directement les documents dorénavant, l’employeur n’aurait pas congédié l’appelant.

[9] L’appelant admet avoir dit à un client que son collègue allait quitter son poste chez X et qu’il pouvait lui transmettre les documents. Il explique avoir donné cette information suite à une question du client et étant donné le contexte du travail au Portugal : l’appelant précise que l’équipe n’était composée que de trois personnes travaillant pour l’employeur outre-mer.

[10] La Commission affirme que l’appelant n’a pas été congédié en raison de l’altercation entre son collègue et lui parce que l’employeur aurait alors pris des mesures pour régler cette situation. Elle soutient que l’appelant a été congédié pour avoir dit à un client que son collègue serait congédié alors que ce n’était pas vrai.

[11] L’appelant a été congédié pour avoir dit à un client de X que son collègue allait quitter son poste et qu’il devait lui transmettre les documents à compter de ce moment. Je conclus que l’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur.

Les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

[12] Un prestataire ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi s’il cesse d’occuper son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 1

[13] Une personne peut commettre une inconduite même si elle n’avait pas l’intention de nuire à son employeur.

[14] Je précise également qu’une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. L’inconduite est un acte posé par un travailleur alors qu’il savait qu’il pourrait être congédié en agissant de cette manière.Note de bas de page 2

[15] L’appelant admet avoir dit au client de l’entreprise que son collègue allait cesser de travailler pour l’entreprise et qu’il pouvait lui transmettre les documents, mais il explique qu’il ne répondait qu’aux questions du client.

[16] Il indique que cet événement doit être replacé dans un contexte de travail à l’étranger alors que l’employeur n’est pas présent sur les lieux du travail et qu’il n’y avait que lui, son collègue et une autre personne dans l’équipe de travail. L’appelant affirme avoir vécu du harcèlement dans son milieu de travail et il n’est pas d’accord avec la version de l’employeur concernant le motif de la cessation d’emploi.

[17] Il explique que l’employeur a voulu « noyer le poisson » en raison de la plainte pour harcèlement qu’il a déposée. Il soutient également que ce qu’il a fait n’était pas interdit et qu’il n’a pas voulu mal faire non plus. Pour l’appelant, il est clair que l’employeur a utilisé cette situation comme motif au congédiement et que la véritable raison est camouflée étant donné sa plainte pour harcèlement.Note de bas de page 3

[18] L’appelant explique qu’en quarante ans de carrière, il n’a jamais vécu une situation d’une telle intensité. Il rapporte que son collègue et patron utilisait un langage grossier et que l’ambiance de travail était quotidiennement difficile. Les termes utilisés par son collègue lorsqu’il s’adressait à lui étaient offensants et l’appelant vivait une pression importante au travail. Il explique que l’employeur n’a pas agi concrètement lorsqu’il a dénoncé cette situation.

[19] L’appelant fait valoir que l’agent de la Commission qui a traité son dossier n’a pas cherché à comprendre la situation, qu’il a considéré la déclaration de l’employeur comme étant celle qui était valable sans vérifier l’information fournie. Il explique que ni son collègue ni le directeur n’ont été questionnés et que si la responsable chez l’employeur connaît le dossier, elle n’était pas présente sur les lieux du travail.

[20] La responsable chez l’employeur a précisé à la Commission que l’appelant avait porté plainte pour harcèlement de la part de son collègue. L’employeur avait dit à l’appelant qu’il agirait concernant cette situation, mais il n’était pas prévu que le collègue soit congédié. L’employeur affirme que l’enquête qu’il a réalisée démontre que l’appelant n’a pas été harcelé par son collègue.

[21] Cependant, il y aurait eu une altercation entre les deux employés et par la suite, l’appelant a pris l’initiative d’informer le client de l’employeur que son collègue quitterait son poste et qu’il devait lui transmettre les documents plutôt qu’à son collègue. Selon l’employeur, ce fait est grave parce qu’il n’était pas du son ressort de l’appelant de transmettre cette information.

[22] Comme l’appelant travaillait au Portugal, l’employeur a été informé de ces événements par l’équipe qui travaille là-bas. L’employeur admet que l’appelant n’était pas d’accord avec sa décision de le congédier pour cette raison.

[23] Selon l’employeur, l’appelant avait un historique de comportements indésirables et un manque de jugement. Cependant, le dossier de la Commission démontre que la responsable chez l’employeur a d’abord déclaré qu’aucun avertissement ou note n’apparaissait au dossier de l’appelant. Le 30 octobre 2019, la responsable a contacté la Commission pour indiquer que l’appelant s’était déjà fâché contre les médecins du client de l’entreprise alors qu’il devait passer des tests médicaux et que ce comportement était à l’encontre du code de vie de l’entreprise.Note de bas de page 4

[24] Lors de l’audience, la responsable chez l’employeur a expliqué que l’appelant n’avait pas été congédié pour avoir enfreint le code de vie de l’entreprise et que même s’il y avait eu certains événements indésirables dans le passé, l’appelant avait été congédié pour avoir dit au client de l’employeur que son collègue allait être congédié et qu’il devait dorénavant lui transmettre les documents.

[25] Quant à la Commission, elle affirme que l’appelant a bien été congédié pour le motif mentionné par l’employeur et que le fait d’avoir fourni ces informations au client constitue un manque de jugement et de la médisance qui alimente les rumeurs. Elle indique que la version de l’employeur est plus digne de foi que celle de l’appelant et qu’il a bien été avisé des raisons de son congédiement.

[26] La Commission reconnaît que l’appelant pouvait vivre une situation de harcèlement, mais elle fait valoir qu’il devait utiliser les recours appropriés plutôt que de répandre des faussetés. Elle s’appuie sur la déclaration de l’employeur indiquant qu’une enquête effectuée conclut à l’absence de harcèlement. La Commission soutient que les gestes reprochés constituent une inconduite.

[27] D’abord, je précise qu’une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. Comme mentionné, l’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement et je suis d’avis que ce n’est pas le cas.Note de bas de page 5

[28] L’appelant a témoigné qu’il ne pensait pas qu’il pouvait être congédié à cause des gestes qu’il a posés et qu’il était habituel de parler quotidiennement aux clients lorsqu’il travaillait à l’étranger. Il a expliqué avoir répondu aux questions du client qui se demandait ce qui se passait.

[29] Dans ce contexte, si la conduite de l’appelant n’est pas souhaitable, aucune directive claire sur les échanges ou les communications avec le client dans un tel contexte de travail ne vient préciser ce que l’appelant pouvait faire ou non et j’estime que l’appelant ne savait pas qu’il serait congédié s’il donnait ces informations au client.

[30] De plus, l’appelant soulève ne pas avoir été congédié pour la raison mentionnée par l’employeur et les événements entourant la cessation d’emploi de l’appelant font aussi partie du contexte qui explique l’absence du collègue de l’appelant et l’information fournie au client par l’appelant. Il est vrai que le dossier de la Commission ne démontre pas d’entretiens avec les personnes concernées par ce conflit.

[31] Oui, l’appelant a fourni des informations au client. Les faits démontrent également qu’il y avait présence d’un conflit sur les lieux du travail, que l’appelant pensait qu’il se retrouverait seul pour travailler et qu’il a agi spontanément puisqu’il était une personne-ressource au Portugal. En l’absence de règles claires dans ce contexte, l’appelant a donné une information au client qui ne le concernait pas et il n’a peut-être pas fait preuve de la réserve attendue par l’employeur. Ce comportement est répréhensible, mais étant donné les circonstances, je ne peux conclure qu’il constitue une inconduite.

[32] L’inconduite qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés (…).Note de bas de page 6

[33] La responsable chez l’employeur a expliqué que la plainte de harcèlement déposée par l’appelant avait été considérée et qu’une lettre avait été adressée à l’appelant lui demandant de ne prendre aucune action. Cependant, j’estime que cette mise en garde n’est pas suffisante et que l’appelant ne pouvait pas prévoir qu’il serait congédié lorsqu’il a fourni des informations au client dans ces circonstances.

[34] Aussi, même si un événement survenu pendant un déploiement en Mongolie a été relaté par l’employeur, lors du premier entretien avec la Commission, la responsable indiquait qu’aucun avertissement n’était présent au dossier de l’appelant et il était clair alors pour l’employeur qu’il n’aurait pas congédié l’appelant s’il n’avait pas donné ces informations au client.

[35] En l’absence d’éléments de preuve démontrant que l’appelant pouvait savoir qu’en s’adressant au client et en lui donnant ces informations il était possible qu’il soit congédié, je ne peux conclure que l’appelant a commis une inconduite en agissant de la sorte. Selon les faits présentés, l’appelant ne pouvait pas prévoir qu’il était possible qu’il soit congédié.Note de bas de page 7

[36] Je conclus que les gestes posés par l’appelant ne constituent pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 8

Conclusion

[37] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Le 30 mars 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution :

R. C., appelant

C. L., responsable chez X

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