Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre et j’ai annulé la décision de la Commission de verser des prestations en fonction du choix des prestations parentales prolongées de la prestataire.

Aperçu

[2] L’appelante, V. V. (prestataire), a présenté une demande de prestations de maternité et de prestations parentales. Elle souhaitait recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales pendant un an, mais elle a choisi les prestations parentales prolongées par erreur plutôt que les prestations parentales standard. Elle ne s’est rendu compte de son erreur que lorsqu’elle a commencé à recevoir ses prestations parentales. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a refusé de modifier ses prestations, car le choix est irrévocable. Elle a maintenu sa décision après révision.

[3] La prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais celle-ci a rejeté son appel. La prestataire fait maintenant appel à la division d’appel.

[4] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit, et j’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le processus de demande a induit la prestataire en erreur, et son choix initial des prestations parentales prolongées est donc invalide. Par conséquent, la décision de lui verser des prestations parentales prolongées est annulée, et la prestataire peut désormais faire le choix d’un nouveau type de prestations parentales.

Moyens d’appel

[5] Les « moyens d’appel » constituent les motifs d’appel. Pour accueillir l’appel, je dois conclure que la division générale a commis l’une des erreurs suivantesNote de bas de page 1 :

  1. la division générale n’a pas offert un processus d’audience équitable;
  2. la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante;
  4. la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en reconnaissant que le choix de prestations parentales de la prestataire dans son formulaire de demande était définitif?

Analyse

Le choix de prestations parentales de la prestataire dans le formulaire de demande est-il le même que le choix de la prestataire?

[7] Selon la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), toute partie prestataire doit choisir entre 35 semaines (« prestations parentales standard ») ou 61 semaines (« prestations parentales prolongées ») de prestations parentales, et ce choix devient irrévocable dès lors que des prestations sont verséesNote de bas de page 2.

[8] La division générale a constaté que la prestataire avait commis une erreur de bonne foi lorsqu’elle avait choisi les prestations parentales prolongées dans sa demande en ligne et qu’elle avait toujours eu l’intention de choisir les prestations parentales standard. En tirant ces conclusions, la division générale a tenu compte de l’affirmation de la prestataire selon laquelle elle devait retourner au travail après un an. La division générale a reconnu que le relevé d’emploi de la prestataire indiquait que la date prévue de retour au travail de la prestataire était un an après le début de son congé. La division générale a également tenu compte de la façon dont la prestataire avait compris le fonctionnement de la liste déroulante de sa demande pour choisir son nombre de semaines de prestations. La prestataire a déclaré qu’elle croyait en fait avoir sélectionné le nombre de semaines de prestations de maternité et de prestations parentales combinées, et non seulement de prestations parentales. La division générale a reconnu que la prestataire n’avait aucun moyen de vérifier si elle avait fait le bon choix jusqu’à ce qu’elle reçoive le premier versement des prestations. La division générale a également souligné que la prestataire avait tenté de communiquer avec la Commission le jour suivant le premier versement. Néanmoins, la division générale a conclu que la prestataire avait choisi les prestations parentales prolongées.

[9] La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la loi ne lui permettait pas de déclarer que le choix écrit de la prestataire était invalide. La division générale a rendu sa décision en se fondant uniquement sur le fait que la prestataire avait choisi les prestations parentales prolongées dans le formulaire de demandeNote de bas de page 3. La division générale a compris les circonstances de la prestataire : elle a reconnu que cette dernière n’avait pas l’intention de faire le choix de prestations qu’elle a fait et qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi de sa partNote de bas de page 4. La division générale a compris que la prestataire avait commis une erreur concernant la façon dont elle avait interprété l’explication des prestations dans le formulaire de demandeNote de bas de page 5. Toutefois, la division générale n’a finalement pris aucun de ces éléments en considération, car elle a interprété le choix que la prestataire a fait dans son formulaire de demande comme étant définitif.

[10] Les tribunaux n’ont pas interprété le sens de « choix » pour l’application de l’article 23(1.1) ou 23(1.2) de la Loi sur l’AE. Toutefois, selon d’autres décisions de la division d’appel, le choix d’une partie prestataire entre les prestations parentales standard et prolongées dans le formulaire de demande ne représente pas nécessairement le choix de la partie prestataire. Le membre de l’une de ces décisions a confirmé une décision de la division générale dans laquelle des manifestations extérieures avaient confirmé l’intention de la prestataire de choisir l’autre option de prestationsNote de bas de page 6. La division d’appel a également déclaré que la division générale était tenue d’examiner d’autres circonstances qui semaient le doute quant au choix de la prestataireNote de bas de page 7. Dans une autre décision de la division d’appel, le Tribunal a tenu compte des renseignements compris et non compris dans la demande, ainsi que d’autres informations figurant dans Mon dossier Service Canada de la partie prestataire, et a conclu que le choix dans le formulaire de demande était invalideNote de bas de page 8.

[11] Tout comme ces autres décisions de la division d’appel, je ne reconnais pas que le choix d’une partie prestataire dans le formulaire de demande est nécessairement le choix de la partie prestataire ni que les circonstances dans lesquelles la partie prestataire fait ce choix ne sont pas pertinentes. Le Parlement a explicitement rendu le choix irrévocable. Toutefois, il n’a pas défini le terme « choix » ni déclaré que le choix d’une partie prestataire dans le formulaire de demande doit être considéré comme son choix définitif. À mon avis, le but de rendre le choix irrévocable est d’empêcher toute partie prestataire de changer d’avis au fur et à mesure que sa situation évolue et de réévaluer le type de prestations qui serait le plus avantageux. Le but n’est pas de punir la partie prestataire pour des erreurs prouvables ou des malentendus objectivement raisonnables qui sont survenus lorsqu’elle a rempli sa demande.

[12] J’estime que la division générale a commis une erreur en interprétant la loi de manière à tenir toute partie prestataire strictement responsable de la façon dont elle remplit sa demande de prestations, sans égard à sa situation particulière.

Résumé des erreurs

[13] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur de droit. Cela signifie que je dois déterminer la réparation appropriée.

Réparation

Nature de la réparation

[14] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 9. Je pourrais également renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen.

[15] Je conviens que la division générale a déjà tenu compte de toutes les questions soulevées en l’espèce et que je peux rendre la décision en fonction de la preuve dont elle disposait. Je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

Nouvelle décision

[16] La prestataire a affirmé à la division générale qu’elle n’avait pas eu l’intention de choisir un total de 18 mois de prestations. Elle a dit qu’elle n’avait besoin que de 12 mois, car cela concordait avec sa date de retour au travail. Elle a soutenu dans son avis d’appel de la division générale qu’elle avait trouvé la demande ambiguë et qu’elle avait coché la mauvaise case. Elle a également fait remarquer qu’elle avait reçu un avis de confirmation l’informant de la durée du congé auquel elle avait droit, mais qui ne précisait pas le nombre de semaines de prestations qu’elle avait demandéesNote de bas de page 10. Elle a dit à la division générale qu’elle n’aurait pas pu se rendre compte de son erreur avant de recevoir le premier versement des prestations parentales prolongéesNote de bas de page 11.

[17] La division générale a constaté que la prestataire avait eu l’intention de choisir les prestations parentales standard et qu’elle avait commis une erreur de bonne foi en choisissant les prestations parentales prolongées. La division générale a reconnu que la prestataire savait que sa date prévue de retour au travail était un an après la date de son dernier jour de travail et qu’elle avait choisi les prestations parentales prolongées parce qu’elles semblaient correspondre à sa date prévue de retour au travailNote de bas de page 12. La prestataire pensait qu’elle ne recevrait que 35 semaines de prestations parentales de tout type si elle choisissait les prestations parentales standard. Je n’ai aucune raison de modifier la conclusion de la division générale et je confirme que la prestataire n’a jamais eu l’intention de choisir les prestations parentales prolongées.

[18] Selon la prestataire, la raison pour laquelle elle n’a pas choisi les prestations qu’elle souhaitait est en partie parce que les deux options de prestations ne sont pas bien expliquées dans la demande. Voici les renseignements sur les prestations parentales standard et prolongées fournis dans la demande :

  1. Toute partie prestataire peut choisir de recevoir des prestations de maternité suivies de prestations parentales.
  2. Si la partie prestataire choisit uniquement les prestations de maternité, elle a le droit de recevoir jusqu’à 15 semaines de prestations de maternité.
  3. Si la partie prestataire choisit de recevoir les prestations de maternité et les prestations parentales, elle peut recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations parentales standard à un taux de 55 % de sa rémunération assurable ou jusqu’à 61 semaines de prestations parentales prolongées à un taux de 33 %.
  4. Le choix entre les prestations parentales standard et prolongées est précédé d’une explication qui définit les personnes admissibles. Les prestations parentales seraient payables aux parents qui s’occupent de leur nouveau‑né.

[19] La demande ne précise nulle part que les prestations parentales sont distinctes des prestations de maternité et qu’elles ne comprennent pas les prestations de maternité. Par conséquent, une partie prestataire pourrait penser que les prestations de maternité et les prestations parentales sont des prestations [traduction] « payables uniquement aux […] parents qui s’occupent de leur nouveau-néNote de bas de page 13 ». De plus, la demande n’explique pas que la partie prestataire peut demander le nombre maximal de semaines de prestations parentales, soit standard ou prolongées, en plus des 15 semaines complètes de prestations de maternité.

[20] La seule partie de la demande où il est question d’admissibilité aux 15 semaines de prestations de maternité est celle où on décrit les prestations disponibles à toute partie prestataire qui choisit les prestations de maternité sans prestations parentales (comparativement aux prestations disponibles à toute partie prestataire qui choisit de recevoir [traduction] « des prestations parentales immédiatement après [ses] prestations de maternitéNote de bas de page 14 »). Si une partie prestataire souhaite recevoir les deux types de prestations, le processus de demande ne précise pas le nombre de semaines de prestations de maternité payables ni si ces semaines de prestations de maternité s’ajoutent aux semaines de prestations parentales choisies.

[21] La prestataire soutient qu’elle n’avait pas l’intention de choisir les prestations parentales prolongées et qu’elle avait mal compris la nature des prestations parentales. Elle affirme que son choix ne correspondait pas à sa véritable intention. Son employeur lui a accordé un congé d’un an pour qu’elle puisse donner naissance à son enfant et s’en occuper. Elle a choisi 52 semaines de prestations parentales prolongées, car elle pensait que les semaines de congé parental représentaient le nombre total de semaines de prestations, y compris toute période de maternité. Elle savait qu’elle serait en congé pendant 52 semaines, alors elle a cru que les 35 semaines de prestations parentales standard ne seraient pas suffisantes. Si elle avait su qu’elle pouvait recevoir 15 semaines de prestations de maternité en plus des 35 semaines de prestations parentales standard au taux le plus élevé, elle aurait choisi cette option.

[22] À mon avis, les renseignements concernant les prestations de maternité et les prestations parentales dans le formulaire de demande en ligne sont vagues, incomplets et ambigus. Il aurait été assez simple pour la Commission de préciser dans son formulaire de demande en ligne que les prestations parentales sont distinctes des prestations de maternité et que toute partie prestataire peut demander 15 semaines de prestations de maternité en plus des prestations parentales standard ou prolongées. Toutefois, ces renseignements ne sont pas fournis aux parties prestataires. Selon moi, il est raisonnable qu’une partie prestataire qui choisit de recevoir [traduction] « des prestations parentales immédiatement après [ses] prestations de maternité » comprenne que les « prestations parentales » ne sont qu’une continuité des prestations de maternité sous forme de prestations parentales. Il est également raisonnable qu’une partie prestataire croie que ses semaines de prestations de maternité sont transformées en semaines de prestations parentales.

[23] Qui plus est, une partie prestataire pourrait tirer cette conclusion sans nécessairement comprendre qu’une autre interprétation pourrait également être possible ou qu’elle pourrait avoir à demander des éclaircissements qui ne sont pas liés au processus de demande.

[24] Je reconnais que le choix d’une partie prestataire ne peut être valide que s’il est délibéré. Je n’irais pas jusqu’à conclure que toute partie prestataire doit pleinement comprendre toutes les conséquences de son choix pour faire un choix valide. Toutefois, une partie prestataire ne peut faire un choix délibéré à moins qu’il ne lui soit proposé de choisir entre des options raisonnablement compréhensibles.

[25] En l’espèce, la division générale a conclu que la prestataire avait choisi un type de prestations qu’elle n’avait pas l’intention de choisir. Je n’accepte pas que la prestataire doive être lésée par son choix des prestations parentales prolongées alors que son choix était fondé sur une interprétation raisonnable des renseignements et des directives dans le formulaire de demande. J’estime qu’il était raisonnable que la prestataire ait compris que les prestations parentales prolongées étaient les seules prestations qui pouvaient lui permettre de recevoir plus de 35 semaines de prestations au total.

[26] Par conséquent, j’estime que le choix des prestations parentales prolongées de la prestataire était invalide dès le départ, car le caractère incomplet, imprécis et ambigu du formulaire de demande l’a induite en erreur de sorte qu’elle fasse un choix contraire à son intention. J’annule la décision de la Commission de verser des prestations parentales prolongées à la prestataire. Il appartient à la prestataire de choisir les bonnes prestations parentales dans sa demande.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. Le choix des prestations parentales prolongées de la prestataire du 16 mai 2019 n’était pas valide. Par conséquent, j’annule la décision de la Commission de verser des prestations parentales prolongées à la prestataire. La prestataire peut maintenant choisir les prestations parentales qu’elle souhaite dans sa demande du 16 mai 2019.

 

Mode d’instruction :

Questions et réponses

Observations :

V. V., appelante

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