Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] La Commission n’a pas démontré que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestationsFootnote 1.

Aperçu

[2] Le prestataire a démissionné de son emploi le 24 octobre 2017. L’employeur du prestataire a dit que si celui-ci n’avait pas démissionné, il aurait été congédié pour avoir enfreint les politiques. La Commission a initialement jugé que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi, et il l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE). Le prestataire a fait appel de la décision découlant d’une révision de la Commission devant le Tribunal. Le 18 septembre 2018, la division générale du Tribunal a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

[3] Le 7 novembre 2019, la division d’appel du Tribunal a accordé au prestataire la permission d’en appeler. Le 26 février 2020, la division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’elle décide si le prestataire avait été congédié pour inconduite.

[4] Le prestataire affirme que la vraie raison pour laquelle il allait être congédié était politique et que le directeur à l’époque (R. D.) cherchait à se venger. La Commission soutient maintenant que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite et elle l’a exclu du bénéfice des prestations d’AE.

Question en litige

[5] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite? Pour trancher, je dois d’abord établir le motif pour lequel le prestataire a perdu son emploi.

Analyse

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[6] Le prestataire a démissionné de son emploi. Toutefois, l’employeur aurait congédié le prestataire pour avoir enfreint les politiques si celui-ci n’avait pas démissionné.

[7] Le prestataire et la Commission ne sont pas d’accord sur la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire aurait été congédié pour avoir enfreint les politiques s’il n’avait pas d’abord démissionné.

[8] Le prestataire n’est pas d’accord et dit qu’il a perdu son emploi pour des raisons politiques et que l’ancien directeur (R. D.) cherchait à se venger.

Est-ce que la raison pour laquelle le prestataire a été congédié correspond à une inconduite au sens de la loi?

[9] Je conclus que le motif du congédiement du prestataire ne constitue pas une inconduite au sens de la loi.

[10] Pour être une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que les actes doivent être conscients, voulus ou intentionnelsFootnote 2. Par inconduite, on entend aussi les actes qui sont insouciants au point où ils peuvent presque être qualifiés de délibérésFootnote 3. Le prestataire n’a pas besoin d’avoir une intention illicite pour que son acte soit conforme à la définition d’inconduite au sens de la loiFootnote 4.

[11] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et qu’en conséquence, il était tout à fait possible qu’elle soit congédiéeFootnote 5.

[12] La Commission doit prouver qu’il est plus probable que le contraireFootnote 6 que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteFootnote 7.

[13] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite, car le prestataire a reconnu avoir enfreint une politique de l’employeur en acceptant de l’argent d’un détenu pendant qu’il était agent de libération conditionnelle.

[14] Le prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite, car le directeur à l’époque avait informé le personnel en 2016 que les politiques de l’employeur n’étaient [traduction] « plus en vigueur » et qu’elles devaient être révisées et mises à jour.

[15] J’estime que la Commission n’a pas prouvé qu’il y avait eu une inconduite pour les raisons qui suivent.

[16] Premièrement, je reconnais que lorsque le prestataire a témoigné sous serment au moment de l’incident en 2016, le directeur intérimaire (R. D.) avait informé le personnel de ne pas tenir compte des politiques de l’employeur, car elles étaient en train d’être révisées et mises à jour. Le prestataire n’a pas contesté avoir reçu un prêt d’un détenu environ un an avant qu’on le questionne au sujet de l’incident le 24 octobre 2017. Toutefois, le prestataire a affirmé qu’il avait compris que les politiques de l’employeur étaient en train d’être révisées en 2016, et qu’il ne pensait pas qu’il enfreignait les politiques de l’employeur lorsqu’il a accepté un prêt d’un détenu à ce moment. Je comprends que la Commission a soutenu que le prestataire a reconnu qu’il avait enfreint les politiques de l’employeur en acceptant de l’argent d’un détenu pendant qu’il était agent de libération conditionnelle. Néanmoins, le témoignage de vive voix du prestataire sur cette question était plausible étant donné que les politiques de l’employeur étaient en cours de révision au moment de l’incident en 2016. En résumé, le comportement du prestataire au moment de l’incident était dépourvu d’un élément psychologique lié à une action volontaire, car les politiques de l’employeur étaient en cours de révision et qu’elles n’étaient pas appliquées à ce moment.

[17] Deuxièmement, je reconnais le témoignage du prestataire selon lequel il allait être congédié pour des raisons politiques, car ses déclarations ont été corroborées par M. O. (gestionnaire). Plus précisément, M. O. a dit à la Commission qu’elle avait dû congédier la prestataire pour protéger la relation de leur organisation avec le Service correctionnel (GD3-52). M. O. a aussi dit à la Commission que le prestataire faisait partie des membres du personnel autochtone qui étaient victimes d’intimidation et d’abus de la part de l’ancien directeur (R. D.). De plus, M. O. a expliqué qu’il y avait déjà eu de nombreuses plaintes au sujet du personnel autochtone de la part de R. D. Toutefois, M. O. a affirmé que son expérience était [traduction] « très différente » et que chaque employé était compétent, avant-gardiste et éthique, et qu’elle avait une bonne relation professionnelle avec le prestataire.

[18] Troisièmement, l’employeur n’a jamais soumis de documents relatifs aux politiques ou précisé quelles politiques précises le prestataire avait enfreintes. Je reconnais que la Commission a soutenu que le prestataire avait écrit dans sa lettre de demande de révision que le personnel n’avait pas le droit d’accepter des cadeaux des personnes en libération conditionnelle ou des détenus. Toutefois, le prestataire a affirmé que R. D. avait informé le personnel en 2016 que les politiques de l’employeur étaient désuètes et qu’elles étaient en cours de révision. Dans ces circonstances, je ne peux simplement pas conclure que le fait que le prestataire a accepté un prêt d’un détenu en 2016 comportait un élément mental délibéré parce que le directeur (R. D.) avait informé le personnel que leurs politiques étaient désuètes et qu’elles étaient en cours de révision. Il était peut-être malavisé et imprudent de la part du prestataire d’accepter un prêt d’un détenu en 2016. Néanmoins, ce geste n’aurait pas satisfait au critère juridique relatif à l’inconduite à ce moment.

Observations supplémentaires de la Commission

[19] Je comprends que la Commission a soutenu que le fait que le prestataire avait accepté de l’argent d’un détenu lorsqu’il était agent de libération conditionnelle constituait une inconduite, car il savait (ou il aurait dû savoir) que cela enfreignait les politiques de l’employeur. Cependant, j’accepte les observations écrites du prestataire selon lesquelles à l’endroit où il travaillait, tout le personnel et [traduction] « même l’ancien directeur » acceptaient des cadeaux et des services des détenus et qu’ils achetaient, empruntaient et donnaient en cadeau des articles cérémoniels, des tambours, des tipis et des perches, des couvertures étoilées et des tentes de camping en toile de fabrication artisanale (RGD3).

[20] Comme il a été cité plus haut, je reconnais que le fait que le prestataire accepte un prêt d’un détenu en 2016 était probablement malavisé et imprudent. Par contre, je ne peux pas ignorer la culture de travail et les circonstances qui existaient lorsque le prestataire travaillait pour R. D. en 2016. Par exemple, il y avait de la confusion entourant les politiques de l’employeur quand R. D. était en poste en 2016, et les membres du personnel ont été informés de ne pas tenir compte de ces politiques, car elles étaient en cours de révision. De plus, l’employeur (M. O.) a dit à la Commission que R. D. avait [traduction] « ciblé » le prestataire et que celui-ci avait été congédié pour une raison [traduction] « politique » (GD3-52). Il s’agit là de circonstances que je ne peux pas simplement mettre de côté ou ignorer au moment de décider si le geste que le prestataire a posé en 2016 satisferait au critère juridique relatif à l’inconduite.

Conclusion

[21] L’appel est accueilli. Cela signifie que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’AE.

Date de l’audience :

Le 22 avril 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

D. W., prestataire (appelant)

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